Labataille de Varna, que lesTurcs connaissent aussi sous le nom deguerre de Varna (enturc :Varna Savaşı), se déroule le entreVarna etKaliakra dans l'actuelleBulgarie et oppose les forces combinées de laHongrie, de laPologne et de laValachie commandées par le roiLadislasIII Jagellon aux Ottomans emmenés par leur anciensultanMouradII. Ces derniers remportent l'affrontement, qui marque donc l'échec de lacroisade de Varna prêchée par le papeEugèneIV et débutée quelques mois auparavant.
AuXIVe siècle, l'Empire romain d'Orient est confronté à une multitude de catastrophes. Il est frappé par plusieurs épidémies de peste, des querelles religieuses, des rivalités dynastiques et des guerres civiles. En1345,Jean Cantacuzène demande l’appui des Ottomans pour s’emparer du trône impérial. Les soldats turcs traversent lesDardanelles et soumettent laThrace au nom de l’Empereur. À la suite de cet épisode, les Ottomans ne cessent d’intervenir dans les affaires de l’Empire romain d'Orient.
Les Ottomans profitèrent ensuite des difficultés de l’Empire romain d'Orient contre lesSerbes et lesBulgares dans lesBalkans pour se porter à la défense des intérêts du Basileus. Ils prennent pied sur le continent européen en1352 lorsque Jean Cantacuzène, devenu Empereur, leur cède le château de Çimpe en remerciement pour leur aide lors de laguerre civile. Dans lesannées 1360, ilsconquièrent Andrinople surJeanV Paléologue, devenant ainsi les maîtres de laThrace. Ils rebaptisent la villeEdirne et en font leur capitale, démonstration de leur volonté d’expansion et d'implantation durable dans les Balkans.
L'encerclement de l'Empire romain d'Orient pousseJeanV Paléologue à chercher de l'aide auprès de l'Occident chrétien. Il se rend enItalie pour demander un soutien militaire qu’il n’obtient pas, car il n’a pas de quoi payer. Faisant escale àVenise sur le chemin du retour, il est fait prisonnier par le dogeAndrea Contarini pour ne pas avoir remboursé ses dettes. Humilié, il finit par se reconnaître le vassal du sultan ottomanMouradIer[3].
Après les conquêtes rapides des possessions romaines, les Ottomans avaient comme nouvel objectif la conquête des paysslaves et de lapéninsule balkanique. Le, ils remportent labataille de la Maritsa, aussi appelée « la déroute des Serbes ». LesultanMouradIer est alors reconnu commesuzerain par de nombreuses principautés serbes.
Leprince Lazare décide de se proclamer roi de Serbie et de s’émanciper de la tutelle ottomane. Avec une coalition dechrétiens originaires de plusieurs États d’Europe de l’est, il affronte l’armée ottomane et ses vassaux, notamment l’Empire romain d'Orient, à lapremière bataille de Kosovo, le. La bataille est très serrée et l’issue semble incertaine, jusqu’à ce que le sultan meure poignardé. Les chrétiens sont alors convaincus de leur victoire, mais les fils du sultan reprennent le dessus et remportent la victoire. Lazare estdécapité, et laSerbie moravienne devient vassale de l’Empire ottoman. Après lesiège de Tarnovo en1393, c’est la Bulgarie qui tombe aux mains desTurcs, suivi par la Valachie en1395[3].
À la suite des conquêtes de la Serbie et de la Bulgarie par les Ottomans, laHongrie est toute désignée pour être leur prochaine victime. Son roi,Sigismond de Luxembourg, demande le soutien des princes chrétiens pour combattre lesTurcs et défendre l’Europe centrale. Des combattantsfrançais,anglais,allemands, deschevaliers de Rhodes et desmercenaires répondent à son appel en grand nombre, alors queVenise,Gênes et l’Empire romain d'Orient fournissent les navires pour transporter les troupes. L'affrontement, considéré par certains comme unecroisade, a lieu le àNicopolis. Les Ottomans remportent une victoire importante sur les troupes chrétiennes et de nombreux nobles français, commeJean de Vienne ouJean de Carrouges, trouvent la mort.
Les conséquences de cet affrontement ont une importance majeure. Les Ottomans consolident leurs territoires dans les Balkans, qui s’étendent désormais jusqu’auDanube. Elle constitue la dernière croisade pour l’Europe occidentale. Les Balkans sont désormais seuls pour faire face aux Ottomans. De plus, cette bataille constitue le coup d’envoi desguerres entre la Hongrie et les Ottomans, qui sont prolongées jusqu’auXVIIIe siècle avec l’Autriche[3].
Siège de Constantinople (1422) de Thessalonique (1422-1430) et autres conquêtes
En1422, l’oncle du sultanMouradII,Mustafa, revendique le trône. Les Romains, vassaux de l’Empire ottoman, se voient dans l’obligation de soutenir l’un des deux camps.ManuelII Paléologue, sous les pressions de son fils et coempereurJeanVIII Paléologue, décide d’appuyer Mustafa. Ce dernier est finalement vaincu et tué àAndrinople. Pour se venger,MouradIIassiège Constantinople, mais ne parvient pas à prendre la ville. Ilse tourne alors vers Thessalonique, que les Romains cèdent à Venise en 1423, car ils sont dans l’incapacité de défendre la ville.
En1430, Les Ottomans réussissent finalement à prendreThessalonique. Si en raison de leurs intérêts commerciaux, larépublique de Venise avait toujours consenti à entretenir de bonnes relations avec les Ottomans, cet épisode, où des Vénitiens perdent la vie face aux Ottomans, constitue un tournant dans les relations entre les deux puissances. Dès lors, Venise rejoint la coalition anti-ottomane. Jusqu’en1439, Les Ottomans multiplient les conquêtes dans les Balkans, annexant laThessalie, l’Épire et l’Albanie.
En1439, alors que laHongrie est menacée par l’avancée ottomane, son roi Albert Ier (égalementAlbertII du Saint-Empire) décède sans héritier mâle. Son filsLadislasV ne naît que l’année suivante. Une querelle de succession oppose alors la reineÉlisabeth de Luxembourg, veuve d’AlbertII, qui revendique le trône pourLadislasV, et plusieurs nobles, dontJean Hunyadi, qui désirent faire deLadislasIII Jagellon, l'influentroi de Pologne, le souverain de Hongrie. Le papeEugèneIV donne son soutien àLadislasIII, qui est sacré roi en 1440, en échange de la promesse de son appui dans unecroisade pour éradiquer la présence ottomane dans les Balkans[4].
Siège de Belgrade (1440) et pression des Karamanides en Anatolie
Conscient de l’importance stratégique deBelgrade pour la conquête de l’Europe centrale, le sultanMouradII à la tête d'une armée de 100 000 hommes pose une première fois lesiège devant la cité(en) fin. L’historien serbeDušan T. Bataković commente ainsi la portée de cette période pour la ville :« La signification de Belgrade dans l’histoire serbe ne fit qu’augmenter à mesure que se rapprochait la chute du régime du despotat serbe. Belgrade devint le symbole des efforts conjugués afin d’empêcher les Turcs de pénétrer enPannonie et jusqu’au centre du continent européen »[5].
Au moment où les Ottomans sont repoussés à Belgrade par les chrétiens, lebeylicat desKaramanides,dynastie turque rivale des Ottomans, se révolte et attaque les Ottomans enAnatolie.MouradII est donc obligé de quitter les Balkans pour aller mater la rébellion.
Pendant ce temps, le roiLadislasIII Jagellon, qui devait faire face àÉlisabeth de Luxembourg et ses partisans qui refusaient de reconnaître son autorité, en profite pour mettre fin, en 1442, à laguerre civile qui divisait laHongrie depuis son couronnement. À partir de ce moment, il peut se consacrer pleinement à sa promesse decroisade faite au PapeEugèneIV en échange de son couronnement[4].
À la suite de lacatastrophe de Nicopolis en 1396, le destin de l'Empire romain d'Orient était plus qu’incertain. Isolé de toute part, et ne pouvant plus compter sur l’appui des Occidentaux, lachute de Constantinople semble inéluctablement proche. Ce fut l’Empire timouride qui donna du répit à la ville.Tamerlan écrasa, en 1402, l’armée ottomane deBayezidIer à labataille d'Ankara. Aux yeux des chrétiens, l’occasion à saisir était unique pour reprendre la lutte contre les Turcs dans l’espoir d’écarter pour longtemps leur menace sur l'Empire romain d'Orient, voire de les chasser des Balkans. Bayezid avait été fait prisonnier par Tamerlan et s’était donné la mort, et ses quatre fils (Mehmed,Suleyman,Isa etMusa) sedisputaient sa succession. L’Empire ottoman se disloquait. Mais les relations tendues entre les différentes nations chrétiennes avaient fait en sorte qu’aucune action ne fût organisée pour contrer les Ottomans[3]. Laguerre de Cent Ans et leGrand Schisme entre les papautés de Rome, d'Avignon et de Pise divisent alors l'Occident chrétien. Le sultanMehmedIer, régnant de 1413 à 1421, a donc le temps de reconstituer ses forces et de réorganiser l'État[6].
Mais, en 1438, l'Empire romain d'Orient doit maintenant faire face à un Empire ottoman puissant gouverné par le sultanMouradII, dont l’autorité n’est plus contestée. Conscient que la prise de la ville n’est plus qu’une question de temps, l’empereurJeanVIII sollicite l’aide des Occidentaux, ses seuls alliés potentiels. Sachant qu’il lui faudrait l’appui du Pape pour prêcher une croisade afin de protéger le foyer de lachrétienté orthodoxe, il s’accorde avecEugèneIV pour organiser unconcile œcuménique àFerrare afin d’entamer la réunification des Églises orthodoxe et catholique. L'union est obtenue, mais n’est finalement jamais appliquée en raison de l'opposition des ecclésiastes orthodoxes qui l'avaient signée sous la contrainte deJeanVIII. Toutefois, elle aura permis l'enclenchement des démarches pour lancer une éventuelle croisade contre les Ottomans[7].
C’est ainsi que le, le papeEugèneIV publie une bulle appelant à la croisade[8].
Galvanisé par cette victoire, Hunyadi pense qu'une nouvelle croisade est possible. EnAnatolie, au printemps 1443, lesKaramanides se soulèvent et le sultanMouradII décide d'aller les mater, laissant alors provisoirement laRoumélie sous les ordres de ses généraux. La diète deBuda profite de cette situation pour déclarer la guerre aux Ottomans le jour dudimanche des Rameaux. Mais, en raison d'un manque de coordination, l'Empire ottoman n'est pas pris a revers etMouradII écrase les Karamanides avant que les chrétiens n'aient pu mettre leurs menaces à exécution.
Chemins empruntés par les différents protagonistes de lacroisade de Varna.
À la mi-, sachant que le sultan ne pourra pas mobiliser sestimariotes, occupés à collecter larécolte pour payer les impôts, Hunyadi franchit leDanube à la tête d'une armée de 40 000 hommes. Accompagné deLadislasIII Jagellon etĐurađ Branković, ilattaque Niš au début du mois de et s'empare dela ville, poussantKasım Pasha(en) (successeur de Hadım Şehabeddin à la tête de la Roumélie) et son co-commandantTurahan Beg à fuir en direction deSofia pour avertirMouradII du danger imminent qui pèse sur son Empire. Dans leur débâcle, les deux hommes utilisent lapolitique de la terre brûlée afin d'user les croisés. Arrivés à Sofia, ils conseillent au sultan d'incendier la ville et de se retirer dans les cols de montagne alentour, où les Ottomans pourraient bénéficier d'un avantage malgré leur criante infériorité numérique. Le sultan accepte la seconde proposition, permettant aux Ottomans de remporter labataille de Zlatitsa(en) le. Les Ottomans tentent de capitaliser sur cette victoire, mais leur armée, partie à la poursuite des croisés, est vaincue par ces derniers à labataille de Kunovica(en) après être tombée dans une embuscade début. Quelques jours après leur victoire, les croisés atteignentProkuplje où Đurađ Branković propose à ses alliés hongrois et polonais de passer l'hiver dans les villes fortifiées serbes, ce qu'ils refusent, préférant retourner à Buda pour y célébrer leur "victoire". Pendant ce temps,MouradII décide de démettre Turahan Beg de ses fonctions et de le faire emprisonner àTokat afin de lui faire payer l'échec de Kunovica dont il le tient largement responsable.
Le sultanMouradII est poussé à la paix par sa sœur dont le mari est captif des croisés et par sa femmeMara dont le père n'est d'autre queĐurađ Branković. Le, Mara envoie un émissaire à son père pour entamer des pourparlers de paix. Le, Đurađ Branković envoie une lettre àMouradII pour lui annoncer que son ambassadeur Stojka Gisdanić est sur le point d'arriver àEdirne pour y négocier un traité de paix qu'il lui demande de remettre enHongrie avec ses propres ambassadeurs afin queLadislasIII puisse également y adhérer. Le même jour, ce dernier jure devant la diète et le cardinalGiuliano Cesarini de conduire une nouvelle expédition contre les Ottomans à l'été.
Un premier traité est signé à la va-vite à Edirne le en raison d'une nouvelle attaque desKaramanides enAnatolie. Les termes de la paix acceptés parMouradII sont très défavorables à son Empire puisqu'ils incluent la reddition de 24 villes serbes comprenant les grandes forteresses danubiennes deGolubac et deSmederevo[9]. Après avoir juré de respecter le traité,MouradII envoie le BulgareSuleïman Baltaoğlu et le Grec Vranas à la cour du roi de Hongrie pour que celui-ci le ratifie. MaisLadislasIII a d'autres plans : il promet au cardinal Cesarini de rassembler une grande armée àVárad le pour attaquer à nouveau les Ottomans. Đurađ Branković est plus enclin à accepter la paix, qui lui est très favorable, et soudoieJean Hunyadi (en lui transférant la seigneurie deVilágosvár) pour qu'il l'accepte à son tour.
Début, les ambassadeurs ottomans Baltaoğlu et Vranas arrivent àSzeged, où la version finale du traité (encore plus défavorable aux Ottomans puisqu'elle inclut le retrait des troupes ottomanes d'Albanie) est actée le. Le lendemain, elle est ratifiée par Đurađ Branković et Jean Hunyadi à Várad.
LadislasIII, qui avait juré devant une assemblée de barons et de prélats d'« abjurer tout traité, présent ou futur, qu'il avait passé ou qu'il allait conclure avec le sultan », propose àJean Hunyadi de trahir lapaix de Szeged(en) en échange de la Bulgarie, ce qu'il accepte immédiatement. Au même moment,MouradII retourne enAsie pour régler un nouveau conflit avec lesKaramanides. Pensant que les termes de la paix de Szeged contenterait les Centreuropéens pour les années à venir,MouradII abdique en faveur de son jeune filsMehmedII, une fois le problème karamanide résolu. Les Centreuropéens voient dans la nomination de cet adolescent de 12 ans inexpérimenté une raison de plus pour relancer lacroisade de Varna, ce qu'ils font le en ayant pris soin d'attendre que les Ottomans remplissent leur part du traité d'Edirne.
Pour les croisés, cette occasion constitue enfin la revanche tant attendue sur ledésastre de Nicopolis. Les armées croisées empruntèrent à nouveau la route du Danube, pillant tout sur leur passage, pour rejoindre enmer Noire laflotte vénitienne qui les conduirait ensuite àConstantinople. En longeant la côte, les coalisés déboucheraient dans la plaine de Thrace, profitant de l’absence du sultan encore enAnatolie.
La bataille de Varna est une option à laquelle les croisés n'avaient même pas songé lors du lancement de la Longue campagne. Mais l’une des principales faiblesses des croisades sont les rivalités opposant les différents acteurs des coalitions chrétiennes. Elles affaiblissent considérablement la coordination des actions communes et le fait que chacun tente de servir ses intérêts avant ceux de la coalition ne permet pas d’établir un climat de confiance. Les décisions personnelles, imprévisibles, peuvent mettre en péril toute une opération et diminuer les chances de succès.
Le sultan, conscient de cela, utilise cet atout à son avantage. Les territoires autrefois occupés par l’Empire romain d'Orient et maintenant sous le contrôle de l’Empire ottoman sont cruciaux pour le commerce maritime deVenise etGênes. Ainsi, lorsque Venise envoie sa flotte en direction duBosphore pour empêcher le débarquement de l'armée deMouradII dans les Balkans, Mourad signe un accord commercial avec les Génois, rivaux des Vénitiens. En contrepartie, ces derniers assurent le transport de ses troupes de l'autre côté du Bosphore. Les Vénitiens, ralentis par les manœuvres de la flotte génoise, ne peuvent rejoindre les croisés qui se retrouvent coincés à Varna alors que les Ottomans arrivent à grands pas par le sud.
Après leurdéfaite à Belgrade(en) en, les Ottomans ont signé une trêve de dix ans avec laHongrie que cette dernière ne respecte pas, puisqu'elle s'est entendue avec larépublique de Venise et le papeEugèneIV pour organiser une nouvelle croisade.MouradII, rappelé au pouvoir par le Grand VizirÇandarlı Halil Hayreddin Pacha, décide donc de mener son armée sur les terres occidentales. Des bateaux français et génois aident son armée à traverser le Bosphore.
La flotte vénitienne, incapable de transporter les croisés de Varna à Constantinople, n'est pas non plus en mesure d'empêcher l'armée ottomane venue d'Anatolie de débarquer en Europe, ce qui lui vaut des accusations de trahison qu'elle niera toujours.
ChroniqueWszystkiego Świata deMarcin Bielski, publiée en 1564.
Le, les chrétiens sont alertés de la présence d'une énorme armée ottomane autour de Kaliakra,Jean Hunyadi va en reconnaissance l'examiner. Réalisant que les forces turques surpassent largement en nombre celles des chrétiens, il convoque immédiatement un conseil de guerre. Cesarini est favorable à un retrait, les Turcs ayant l'avantage du terrain. Mais la fuite aurait laissé la possibilité aux Turcs de harceler sans relâche les chrétiens, de plus la fierté deLadislasIII et deHunyadi les dissuade de fuir.Cesarini propose alors de camper sur une position défensive et d'attendre des renfortsmoldaves,génois etromains par lamer Noire, de manière à prendre les Ottomans à revers. Tous approuvent sauf Hunyadi qui préfère une attaque frontale pour paniquer l'ennemi.« S'échapper est impossible, se rendre est impensable. Battons-nous avec courage et honorons nos armes », dit-il.
Le, la bataille de Varna commence. Du côté des Chrétiens, Jean Hunyadi couvrit les arrières de l’armée par des voitures et des machines. L’aile gauche, composée majoritairement decavaliers polonais, s’appuie sur le lac Varna pour protéger son flanc gauche. L’aile droite, qui constitue le principal atout des Hongrois, s’installe entre le lac et les côtes de la mer. Hunyadi place le roiLadislasIII à l’arrière, où il ne court pas de danger, et lui demande de rester en position tant qu’on ne l’appelle pas. Hunyadi, quant à lui, garde lesValaques près de lui et se tient prêt à appuyer lapremière ligne. Du côté des Ottomans, Mourad s’installe au centre avec sesjanissaires, derrière un fossé garni de pieux. La cavalerie est répartie équitablement sur les ailes gauche et droite et les bagages et chameaux sont laissés derrière[9].
La bataille commence, quinze mille cavaliers d’Asie chargent en premier, Hunyadi va à leur rencontre avec les Valaques. Ils les repoussent, les poursuivent et pénètrent jusqu’à la tente du sultan qui veut prendre la fuite. Vers le début de l’après-midi, après l’anéantissement et la mise en déroute des flancs du dispositif ottoman, la partie est pratiquement gagnée pour l’armée commandée par Jean Hunyadi. Les Valaques continuent leur course jusqu’aux bagages où ils pillent les chameaux et les chariots ennemis pendant que les Hongrois et les Roumains de Transylvanie sèment la mort sur l’aile gauche parmi les Rouméliotes en fuite. La victoire est à portée de main pour les croisés. Selon le plan de Hunyadi, les escadrons du roi doivent rester encore immobiles pour fixer la garde deMouradII et l’empêcher d’intervenir dans la bataille. Une fois la droite ottomane anéantie, la totalité des forces chrétiennes pourrait converger vers le centre ottoman pour engager dans un combat décisif ce dernier corps de l’armée ennemie. MaisLadislasIII, voyant les Valaques percer les lignes ennemies, ne suit pas les conseils d’Hunyadi et fonce tête baissée vers Mourad avec sa garde personnelle de 500 cavaliers, alors que Mourad est défendu par 5 000 janissaires. Obligée de traverser le fossé de pieux et exposée aux volées de flèches ennemies, la garde du roi subit de nombreuses pertes[4].
Lorsque Mourad aperçoit Ladislas, il perce son cheval avec un javelot. Le roi tombe au sol et se faitdécapiter par un des janissaires de Mourad, qui s'empresse d'embrocher sa tête sur une lance afin de la dévoiler aux croisés en criant :« Voici la tête de votre roi ! ». Les croisés, dans un mouvement de panique général, commencent tous à s’enfuir. Mais le lendemain, Mourad attaque le reste des Hongrois et réussit à les faire presque tous prisonniers[9].
Apprenant à leurs dépens qu'ils ne pourraient vaincre leur ennemi qu'en le poussant à quitter ses retranchements (leurs attaques de cavalerie sur les deux ailes ennemies s'étant heurtées à une efficace résistance),MouradII et ses généraux battirent en retraite afin de pousser Hunyadi à attaquer au centre.LadislasIII qui menait l'attaque, s'écrasa contre les rangs des janissaires, défendus de fossés et de pieux fichés vers l'avant. Au terme d'un rude affrontement, ils encerclèrent sa garde et le tuèrent. La mort du roi, conjuguée à la charge de la cavalerie ottomane qu'ils croyaient en déroute, provoqua la panique des combattants hongrois. Hunyadi s'échappa grâce au sacrifice de ses compagnons[10]. La tête du roi Ladislas fut exposée à Andrinople.
Après cet épisode désastreux, les chrétiens sont démoralisés, d'autant plus qu'une tempête empêche la venue de la flotte des Romains, desMoldaves et des Génois. L'armée chrétienne se dégage de la nasse deKaliakra et fuit devant lesmusulmans. Autant d'hommes meurent au cours de la fuite que de la bataille. Toutefois, les pertes importantes essuyées par l'Empire ottoman lors de la bataille l'empêchent de capitaliser sur sa victoire plus dissuasive qu'autre chose.
En1448,Jean Hunyadi tente une dernière fois de mener une campagne répressive contre les Ottomans, mais il est défait lors de laseconde bataille de Kosovo. Cette défaite et celle de Varna sonnent le glas des croisades et de l'aide apportée par les occidentaux àConstantinople, qui tombe aux mains des Ottomans cinq ans plus tard[7]. De plus, à la suite de ces deux défaites, la plupart des territoires balkaniques au sud du Danube passent définitivement sous le contrôle des Ottomans[6].
« Drawing only on internal sources, the Ottomans mobilised 30,000 to 40,000 troops from Anatolia who were joined by a further 7,000 Rumelian troops following their crossing of the Gallipoli Straits into Rumelia. When the volunteer and self-mobilisingakinci forces are included, it seems probable that an Ottoman force totalling nearly 60,000 took the field against the invading crusader army of 16,000. »
↑ab etcMihail Kogălniceanu,Histoire de la Valachie, de la Moldavie et des Valaques Transdanubiens, Volume 1, Londres, Forgotten Books,, 490 p.(ISBN978-1-390-64139-4),p. 81-86