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Bataille d'Aboukir (1798)

31° 20′ 00″ nord, 30° 07′ 00″ est
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Page d’aide sur l’homonymie

Pour les articles homonymes, voirBataille d'Aboukir.

Bataille d'Aboukir
Description de cette image, également commentée ci-après
La destruction de l'Orient au cours de la Bataille du Nil
George Arnald, 1827,National Maritime Museum.
Informations générales
Date1er-
LieuBaie d'Aboukir (Égypte)
IssueVictoire britannique décisive
Belligérants
Drapeau de la Grande-Bretagne. Royaume de Grande-BretagneDrapeau de la France République française
Commandants
Horatio NelsonFrançois Paul de Brueys d'Aigalliers
Forces en présence
13navires de ligne
1 vaisseau de4e rang
8 068 hommes[1]
1 012 canons[1]
13navires de ligne
4frégates
10 810 hommes[1]
1 190 canons[1]
Pertes
218 morts
678 blessés
3 000 à 5 000 morts, blessés ou prisonniers[note 1]
2 navires de ligne détruits
9 navires de ligne capturés
2 frégates détruites

Campagne d'Égypte

Batailles

Guerre de la Deuxième Coalition


Campagne de Hollande


Campagne de Suisse


Campagne d'Égypte


2e Campagne d'Italie

Données clés
Coordonnées31° 20′ 00″ nord, 30° 07′ 00″ est
Géolocalisation sur la carte :Égypte
(Voir situation sur carte : Égypte)
Bataille d'Aboukir
Bataille d'Aboukir
Géolocalisation sur la carte :Moyen-Orient
(Voir situation sur carte : Moyen-Orient)
Bataille d'Aboukir
Bataille d'Aboukir

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Labataille d'Aboukir (également appeléeBattle of the Nile enanglais ouمعركة أبي قير البحرية enarabe) fut une importantebataille navale qui opposa les flottes britannique et française dans labaie d'Aboukir, près d'Alexandrie enÉgypte entre le et le.

Lors des guerres de laRévolution française, leDirectoire chargeaNapoléon Bonaparte d'envahir l'Égypte afin de menacer les possessions britanniques enInde et obtenir la sortie du Royaume-Uni de laDeuxième Coalition. La flotte de Bonaparte se dirigeant vers l'Égypte fut prise en chasse par la flotte britannique menée par l'amiralHoratio Nelson. Durant plus de deux mois, Nelson poursuivit les Français et les manqua de justesse à plusieurs reprises. Bonaparte était conscient de la menace britannique et il fit appliquer un secret absolu sur sa destination. Il fut capable de capturerMalte et de débarquer en Égypte sans avoir été intercepté par Nelson.

Une fois l'armée débarquée, la flotte française jeta l'ancre le dans la baie d'Aboukir à 32 km au nord d'Alexandrie et se déploya suivant une formation qui, selon son commandant, le vice-amiralFrançois Paul de Brueys d'Aigalliers, représentait une formidable position défensive. Lorsque Nelson arriva le1er août, il découvrit la formation française et se lança immédiatement à l'attaque. Lors de l'approche, la flotte britannique se scinda et une partie passa entre les navires français et la côte tandis que l'autre ouvrait le feu depuis le large. Pris au piège par le tir croisé, les navires français de l'avant-garde durent capituler au bout de trois heures d'un combat acharné, tandis que le centre était capable de repousser la première attaque britannique. Néanmoins, il fut de nouveau attaqué par les Britanniques, ayant reçu des renforts et, à22 h, le navire-amiral français l'Orient explosa. Avec la mort deBrueys, l'avant-garde et le centre anéantis, l'arrière-garde de la flotte française tenta de s'échapper mais seuls deuxnavires de ligne et deuxfrégates y parvinrent, sur un total de17 navires engagés.

La bataille renversa la situation stratégique en Méditerranée et elle permit à laRoyal Navy d'obtenir une position dominante qu'elle conserva jusqu'à la fin de la guerre. Elle encouragea également les autres pays européens à rejoindre la Deuxième Coalition contre la France. L'armée française, isolée, progressera jusqu'enPalestine mais elle sera repoussée lors dusiège de Saint-Jean-d'Acre en 1799. Bonaparte rentrera en France la même année mais lacampagne d'Égypte durera jusqu'en 1801. Nelson, qui avait été blessé durant la bataille, devint un héros pour les coalisés et fut anobli vicomte Nelson. La bataille est restée longtemps vivante dans l'inconscient collectif, notamment britannique, et elle fut évoquée dans le poème de 1826Casabianca deFelicia Hemans.

Contexte

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À la suite des victoires deNapoléon Bonaparte sur l'empire d'Autriche en Italie du Nord lors de laPremière Coalition en 1797, le Royaume-Uni restait la seule grande puissance européenne en guerre contre laFrance[13]. LeDirectoire étudia plusieurs stratégies pour éliminer la menace britannique dont une invasion de l'Irlande et de la Grande-Bretagne et une expansion de lamarine française pour défier laRoyal Navy[14]. Le contrôle britannique des mers d'Europe du Nord rendaient néanmoins ces ambitions irréalisables à court terme[15] et la Royal Navy dominait l'océan Atlantique. Cependant, la flotte française contrôlait lamer Méditerranée à la suite du retrait de la flotte britannique au déclenchement de la guerre entre l'Espagne et le Royaume-Uni en 1796[16]. Cela permit à Bonaparte de proposer uneinvasion de l'Égypte comme une alternative à une attaque frontale de la Grande-Bretagne, d'autant plus qu'il considérait que les Britanniques seraient trop distraits par unsoulèvement imminent en Irlande pour intervenir en Méditerranée[17].

Bonaparte pensait qu'en établissant une présence permanente en Égypte (faisant nominalement partie de l'Empire ottoman alors neutre), les Français obtiendraient une base pour des opérations ultérieures contre l'Inde britannique, éventuellement avec l'alliance du sultan anglophobeTipû Sâhib duroyaume de Mysore, ce qui permettrait de pousser les Britanniques à accepter un traité de paix[18]. La campagne couperait les lignes de communication entre la Grande-Bretagne et l'Inde qui représentait une part essentielle de l'Empire britannique et dont le commerce finançait la guerre contre la France[19]. Le Directoire accepta le plan car cela lui permettait également d'envoyer l'ambitieux Bonaparte et ses loyaux vétérans hors du pays[20]. Durant le printemps 1798, Bonaparte rassembla plus de 35 000 soldats dans le Sud de la France et en Italie et assembla une puissante flotte àToulon. Il créa également laCommission des sciences et des arts composée de scientifiques et d'ingénieurs pour aider la progression de l'armée et faciliter la logistique militaire[21]. La destination de l'expédition fut maintenue secrète ; la plupart des officiers ne connaissaient pas leur mission et Bonaparte ne révéla pas son objectif avant d'avoir achevé les préparatifs de l'expédition[22].

Campagne de Méditerranée

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La flotte de Bonaparte quitta Toulon le et progressa rapidement enmer de Ligurie où elle fut rejointe par plusieurs navires àGênes avant de longer la côte de laSardaigne et d'arriver enSicile le[23]. Le, la flotte arriva au large deMalte alors sous le contrôle de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem dirigé par legrand maîtreFerdinand von Hompesch zu Bolheim[24]. Bonaparte demanda à pouvoir entrer dans le port fortifié deLa Valette et lorsque cette demande fut rejetée, il ordonna une invasion de l'archipel[25]. Les affrontements durèrent moins d'une journée et Bonaparte accepta la reddition de l'Ordre le en échange d'une forte compensation financière, de laprise de contrôle des îles et de leurs propriétés dont celles, très importantes, de l'Église catholique de Malte[26]. Après s'être ravitaillée, la flotte reprit la mer pourAlexandrie en direction de laCrète en laissant 4 000 soldats à La Valette sous le commandement deClaude-Henri Belgrand de Vaubois pour assurer le contrôle français des îles[27].

Portrait d'un homme portant un uniforme orné de médailles et de décorations.
Lecontre-amiral Sir Horatio Nelson réalisée parLemuel Francis Abbott en 1800 ;National Maritime Museum. Son bicorne porte uneaigrette offerte par le sultan ottoman pour sa victoire lors de la bataille d'Aboukir.

Alors que Bonaparte faisait voile vers Malte, la Royal Navy revint en Méditerranée pour la première fois depuis plus d'un an. Alarmé par les rapports sur les préparatifs français en Méditerranée,Lord Spencer de l'Amirauté envoya un message au vice-amiralJohn Jervis, commandant de la flotte de Méditerranée basée sur leTage, pour lui demander de détacher une escadre afin d'enquêter[28]. L'escadre, composée de troisnavires de ligne et de troisfrégates, fut confiée au contre-amiralHoratio Nelson. Ce dernier était un officier très expérimenté qui avait perdu un œil lors dusiège de Calvi en 1794, et avait ensuite capturé deux navires espagnols durant labataille du cap Saint-Vincent en 1797. Il avait aussi perdu un bras à labataille de Santa Cruz de Tenerife la même année, ce qui l'avait obligé à rentrer en Grande-Bretagne pour se rétablir[29]. De retour à la base de la flotte sur le Tage en, il reçut l'ordre de rejoindre son escadre stationnée àGibraltar et de se diriger enmer de Ligurie[30]. Le, la flotte anglaise arriva en vue de Toulon où elle fut victime d'une violente tempête qui arracha les mâts dehune dunavire amiral de Nelson, leHMS Vanguard. Il faillit couler sur la côte corse[31]. Le reste de l'escadre fut dispersé et les navires de ligne trouvèrent refuge à l'île San Pietro au large de la Sardaigne tandis que les frégates furent poussées vers l'ouest et ne parvinrent pas à revenir[32].

Le, après des réparations rapides de son navire amiral, Nelson fut rejoint au large de Toulon par dix navires de ligne et un4e rang. La flotte était commandée par le capitaineThomas Troubridge et avait été envoyée par John Jervis pour renforcer Nelson et ses ordres étaient de poursuivre et d'intercepter le convoi de Toulon[33]. Même s'il avait maintenant suffisamment de navires pour défier la flotte française, Nelson avait deux problèmes : il ignorait la destination des Français et il n'avait pas de frégates pour servir d'éclaireur en avant de sa force[34]. Se dirigeant vers le sud dans l'espoir d'obtenir des informations sur les déplacements français, les navires de Nelson s'arrêtèrent sur l'île d'Elbe et àNaples, où l'ambassadeur britannique,William Hamilton, leur indiqua que la flotte française avait dépassé la Sicile en direction de Malte[35]. Malgré les demandes de Nelson et de Hamilton,FerdinandIer des Deux-Siciles refusa de prêter ses frégates à la flotte anglaise de crainte des représailles françaises[36]. Le, Nelson rencontra unbrick naviguant versRaguse de qui il apprit que les Français avaient quitté Malte le en direction de l'est[37]. Après en avoir discuté avec ses capitaines, l'amiral décida que la cible française devait être l'Égypte et il ordonna la poursuite[38]. Croyant que les Français avaient cinq jours d'avance, contre seulement deux en réalité, Nelson insista pour se diriger directement versAlexandrie[39].

Le soir du, la flotte anglaise dépassa le lent convoi français dans l'obscurité sans réaliser à quel point elle était proche de sa cible[40]. Ayant choisi une route directe plus rapide, Nelson atteignit Alexandrie le et découvrit que les Français n'étaient pas là[41]. Après une rencontre avec le commandantottoman Sayyid Muhammad Kurayyim qui se montra méfiant, Nelson ordonna à la flotte britannique de se diriger vers le nord et elle atteignit la côte de l'Anatolie le avant de retourner vers l'ouest en direction de la Sicile[42]. Nelson avait manqué la flotte française de moins d'une journée car les éclaireurs de la flotte arrivèrent à Alexandrie le soir du[43]. Rendu inquiet par sa rencontre rapprochée avec Nelson, Bonaparte ordonna une invasion immédiate et dans ledébarquement brouillon qui suivit, au moins vingt hommes se noyèrent[44]. Longeant la côte, l'armée française captura Alexandrie[45] avant que Bonaparte n'envoie son armée vers l'intérieur des terres[46]. Il demanda à son officier naval, levice-amiralFrançois Paul de Brueys d'Aigalliers, d'ancrer sa flotte dans le port d'Alexandrie mais lechenal du port n'était pas assez profond et large pour les grands navires français[47]. Par conséquent, un lieu de mouillage alternatif fut trouvé dans labaie d'Aboukir à 32 km au nord-est d'Alexandrie[48].

La flotte britannique arriva àSyracuse enSicile le où elle se ravitailla[49]. Nelson écrivit des lettres sur les événements du mois précédent :« C'est un vieux proverbe, « les enfants du diable ont la chance du diable ». Je ne peux pas savoir, ou découvrir, au-delà des conjectures vagues, où la flotte française est allée. Toute ma mauvaise fortune, jusque-là, a découlé de mon manque de frégates[50] ». Ayant déterminé que la flotte française devait se trouver dans l'est de la Méditerranée, Nelson quitta la Sicile le en direction de laMorée[51]. Alors qu'il se trouvait le àCoron, Nelson apprit l'attaque française en Égypte et il se dirigea immédiatement vers le sud. Deux navires éclaireurs, leHMS Alexander et leHMSSwiftsure, détachés à l'ouest de sa flotte découvrirent le port d'Alexandrie rempli de navires français de toutes sortes dans l'après-midi du[52]. La flotte de guerre de Brueys ne devait pas être loin.

Baie d'Aboukir

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Lorsque le port d'Alexandrie se révéla inadapté pour sa flotte, Brueys rassembla ses capitaines pour débattre de ses options. Bonaparte avait demandé à la flotte de jeter l'ancre dans labaie d'Aboukir, un lieu demouillage peu profond et exposé, mais il ajouta à ses ordres que si la baie était trop dangereuse, Brueys pourrait naviguer vers le nord jusqu'àCorfou en ne laissant que les transports et quelques navires légers à Alexandrie[53]. Brueys refusa car il croyait que son escadre pourrait apporter un soutien à l'armée française sur la côte et il fit monter ses capitaines à bord de sonnavire amiral de118 canons, l'Orient, pour discuter des réponses à prendre si Nelson découvrait la flotte au mouillage. Malgré la vive opposition ducontre-amiralArmand Blanquet du Chayla[54], qui défendit le fait que la flotte serait plus à même de répondre en haute-mer, les autres capitaines s'accordèrent pour dire que former uneligne de bataille dans la baie serait la meilleure tactique de défense contre Nelson[55]. Il est possible que Bonaparte ait envisagé la baie d'Aboukir comme un mouillage temporaire. Le, il exprima l'espérance que Brueys avait déjà transféré ses navires à Alexandrie. Trois jours plus tard, n'ayant toujours pas reçu de réponse de Brueys, il expédia son aide de campJullien[56] pour réitérer ses ordres de déplacer la flotte vers Alexandrie ou Corfou en préparation d'opérations navales contre les territoires ottomans desBalkans[57] mais le messager transportant les instructions fut intercepté et tué par desirréguliersbédouins[58],[59].

Un homme avec de long cheveux blancs dans un uniforme naval richement décoré se tient sur le pont d'un navire.
François Paul de Brueys d'Aigalliers d'après un artiste inconnu,château de Versailles.

La baie d'Aboukir est une échancrure côtière de 30 km de long s'étendant du village d'Aboukir à l'ouest à la ville deRosette à l'est où l'un des bras duNil débouchait dans la Méditerranée[60]. En 1798, la baie était protégée à son extrémité ouest par des bancs rocheux qui se prolongeaient sur 5 km dans la baie en formant unpromontoire contrôlé par le château d'Aboukir. Le banc était également protégé par un petit fort sur l'île Aboukir parmi les rochers[61]. Le fort était occupé par les Français qui disposaient de quatre canons et de deuxmortiers lourds[62]. Brueys avait renforcé la défense du port en détachant sabombarde et sescanonnières qui furent ancrés parmi les récifs à l'ouest de l'île dans une formation qui permettait de soutenir l'avant de la ligne française. D'autres récifs étaient dispersés au sud de l'île et formaient un arc de cercle à environ 1 500 m du rivage[63]. Ceshauts-fonds étaient trop peu profonds pour permettre le passage des grands navires et Brueys ordonna à ses treize navires de former une ligne de bataille permettant aux navires de débarquer les ravitaillements à bâbord tout en couvrant le débarquement avec les batteries à tribord[64]. Les ordres imposaient à chaque navire de s’enchaîner à la proue et à la poupe de ses voisins pour transformer la ligne de bataille en une longue batterie formant une barrière pratiquement inexpugnable[65]. Une seconde ligne de quatre frégates était déployée du côté du rivage à environ 320 m à l'ouest de la ligne principale à mi-chemin de la côte. L'avant de la ligne française était mené par leGuerrier positionné à environ 2 200 m au sud de l'île d'Aboukir et à environ 910 m de l'extrémité des hauts-fonds entourant l'île[62]. La ligne se prolongeait ensuite au sud-est et formait un renflement suivant la limite des hauts-fonds. Les navires français étaient séparés de 150 m et la ligne complète mesurait 2 600 m de long[66] avec le navire amiralOrient au centre et deux navires de80 canons ancrés à l'avant et à l'arrière[67]. L'arrière de la ligne était commandé par le contre-amiralPierre Charles Silvestre de Villeneuve à bord duGuillaume Tell[62].

En déployant ses navires de cette manière, Brueys espérait que les Britanniques seraient forcés, par la présence des hauts-fonds, d'attaquer ses navires les plus puissants au centre et à l'arrière, permettant ainsi à son avant-garde de profiter du vent dominant au nord-est pour contre-attaquer les navires britanniques une fois qu'ils auraient attaqué[68]. Cependant il fit une grave erreur de jugement car il y avait suffisamment d'espace entre leGuerrier et le haut-fond pour permettre à un navire ennemi de passer, exposant ainsi l'avant-garde à un tir croisé[69]. La disposition de Brueys avait une seconde faiblesse, les espaces de 150 m entre les navires étaient suffisamment larges pour laisser passer des navires britanniques à travers la ligne française[70], problème exacerbé par le fait que tous les capitaines ne suivirent pas l'ordre d'attacher des câbles aux navires voisins pour empêcher une telle manœuvre[71]. En outre, l'ordre de ne mouiller que par l'avant laissait aux navires toute leur latitude d'évitage, ce qui augmenta la taille des intervalles et laissa des zones de la ligne non couvertes par labordée des navires. Les navires britanniques pouvaient engager les navires français depuis ces zones sans craindre de tirs de riposte. De plus, le déploiement de la flotte empêchait l'arrière de la ligne de soutenir efficacement l'avant du fait desvents dominants[72].

Un problème pressant était le manque d'eau et de nourriture pour la flotte car Bonaparte avait fait débarquer presque toutes les provisions. Pour y remédier, Brueys envoya vingt-cinq hommes de chaque navire pour réquisitionner de la nourriture et creuser des puits sur la côte[65] mais les nombreuses attaques desBédouins firent qu'une importante escorte devait être associée. Par conséquent, près d'un tiers des marins n'étaient pas à bord des navires[73]. Brueys écrivit une lettre auministre de la MarineÉtienne Eustache Bruix rapportant que« Nos équipages sont très faibles en nombre et en qualité d'hommes ; nos vaisseaux sont en général fort mal armés et je trouve qu'il faut bien du courage pour se charger de conduire des flottes aussi mal-outillées[74],[75] ».

Arrivée de Nelson

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Gravure montrant une ligne serrée de 13 navires portant le drapeau français. Ces derniers ouvrent le feu sur huit navires arborant le drapeau britannique qui approche par la droite de l'image.
Bataille du Nil,,Thomas Whitcombe, 1816,National Maritime Museum. La flotte britannique progresse vers la ligne française.

S'il était initialement déçu de voir que la flotte française principale n'était pas à Alexandrie, Nelson savait que la présence des transports indiquait qu'elle ne devait pas être loin. Le à14 h, les vigies duHMS Zealous indiquèrent que la flotte française était ancrée dans labaie d'Aboukir mais son capitaine se trompa dans les signaux et il indiqua auHMS Goliath qu'il y avait seizenavires de ligne au lieu de treize[76]. Au même moment, les vigies françaises de l'Heureux, le neuvième navire de la ligne française, aperçurent la flotte britannique à environ 17 km de l'entrée de la baie. Les Français ne repérèrent initialement que onze navires britanniques car leHMSSwiftsure et leHMS Alexander n'étaient pas encore revenus de leur mission de reconnaissance à Alexandrie et étaient à 5,6 km à l'ouest de la flotte principale, hors de vue[77]. LeHMS Culloden de Troubridge était également à l'écart du corps principal car il remorquait un navire marchand capturé. Quand il vit les Français, Troubridge abandonna le remorquage et se pressa de rejoindre Nelson[76]. Comme il avait besoin de nombreux marins à terre, Brueys n'avait pas déployé sesfrégates en éclaireur, autre erreur grave, et il fut incapable de réagir rapidement lors de l'apparition soudaine des Britanniques[78]. Alors que ses navires se préparaient au combat, Brueys ordonna à ses capitaines de le rejoindre sur l'Orient pour une conférence et il rappela ses hommes à terre mais la plus grande partie n'était pas revenue au début de la bataille[77]. Pour les remplacer, de nombreux hommes furent détachés des frégates et répartis sur les navires de la ligne[79]. Brueys essaya de leurrer la flotte britannique sur les hauts-fonds de l'île d'Aboukir en envoyant lesbricksAlerte etRailleur servir d'appât dans les eaux peu profondes[66]. À16 h, le HMSAlexander et le HMSSwiftsure furent repérés mais à plusieurs kilomètres du groupe principal et Brueys envisagea de prendre la mer pour engager l'ennemi[80], bien que Blanquet eût fait remarquer qu'il n'y avait pas assez de marins pour à la fois armer les canons et manœuvrer les navires[81]. Nelson donna l'ordre à ses navires de tête de ralentir pour permettre à la flotte britannique d'arriver dans une formation organisée. Brueys interpréta cette manœuvre comme la volonté britannique de ne pas engager le combat en soirée dans des eaux resserrées et il annula l'ordre de prendre la mer[82]. Brueys a peut-être espéré que ce délai lui permettrait de s'échapper durant la nuit et de suivre les ordres de Bonaparte de ne pas engager directement la flotte britannique si cela pouvait être évité[79].

Si Nelson fit ralentir sa flotte à16 h c'est aussi pour permettre à ses navires d'installer des embossures[note 2] sur les chaines d'ancre, un système d'attache des ancres qui augmentait la stabilité et permettait au navire d'orienter sabordée tout en restant stationnaire. Cela augmente également la manœuvrabilité, il réduisait ainsi le risque d'être victime d'untir de balayage[83]. Le plan de Nelson, préparé avec ses capitaines lors du voyage de retour vers Alexandrie[60] était d'avancer sur la ligne française et de la traverser pour que chaque navire français doive affronter deux navires britanniques[84]. La direction du vent signifiait que l'arrière français aurait des difficultés pour rejoindre la bataille et serait séparé de l'avant de la ligne[85]. Pour s'assurer que ses navires ne se tirent pas dessus accidentellement dans la fumée et la confusion d'une bataille nocturne, Nelson ordonna à chaque navire de préparer quatre lampes sur sonmât de misaine et d'illuminer unWhite Ensign qui était suffisamment différent dudrapeau français pour éviter des tirs fratricides[86]. Alors que son navire se préparait au combat, Nelson organisa un dernier dîner avec les officiers duHMS Vanguard et déclara : « Avant cette heure demain, j'aurai gagné unepairie ou l'abbaye de Westminster[87] » en référence au lieu traditionnel des sépultures des héros militaires britanniques.

Un panorama de la baie. S'étendant verticalement du premier à l'arrière-plan se trouve une ligne de 14 navires arborant le drapeau français. À leur gauche se trouvent quatre navires plus petits et à gauche de ces vaisseaux on peut voir le rivage au loin. Au premier plan, on peut voir une colline sur laquelle plusieurs hommes en turbans assistent à la scène. À droite, une ligne de plusieurs navires avec leur voilure complète progressent vers l'avant de la première ligne et de la fumée s'échappe des navires des deux camps.
La bataille du Nil,,Nicholas Pocock, 1808,National Maritime Museum.

Peu après que les ordres français de prendre la mer eurent été abandonnés, la flotte britannique recommença à approcher rapidement et Brueys, craignant maintenant une attaque nocturne, ordonna à chacun de ses navires de placer également des ressorts sur les chaînes des ancres et de se préparer au combat[77]. Lacanonnière l'Alerte fut envoyée en avant, passant à proximité des navires britanniques de tête avant de virer brusquement vers l'ouest au-dessus deshauts-fonds dans l'espoir que les navires la suivrait et s'échoueraient[82]. Aucun des capitaines de Nelson ne mordit à l'hameçon et la flotte britannique continua sur sa lancée[84]. À17 h 30, Nelson héla l'un de ses deux navires de pointe, le HMSZealous commandé parSamuel Hood qui faisait la course avec le HMSGoliath pour être le premier à ouvrir le feu sur les Français. L'amiral ordonna à Hood de chercher le chemin le plus sûr dans la rade ; les Britanniques n'avaient aucune information sur les profondeurs à l'exception d'un croquis que le HMSSwiftsure avait obtenu du capitaine d'un navire marchand, d'un atlas britannique peu précis à bord du HMSZealous[88] et d'une carte française vieille de 35 ans à bord du HMSGoliath[69]. Hood répondit qu'il sonderait le fond avec précaution lors de sa progression pour tester la profondeur de l'eau[89]. Peu après, Nelson fit une pause pour discuter avec le brick HMSMutine dont le commandant, le lieutenantThomas Hardy avait fait prisonniers quelquespilotes d'un petit navire alexandrin[90]. Comme le HMSVanguard s'arrêtait, les navires qui le suivaient ralentirent et cela créa un vide entre le HMSZealous et le HMSGoliath et le reste de la flotte[69]. Nelson ordonna alors auHMS Theseus du capitaine Ralph Willett Miller de dépasser le navire amiral et de rejoindre les navires de tête[89]. À18 h, la flotte britannique avait repris sa progression avec le HMSVanguard en sixième position de la ligne de dix navires alors que le HMSCulloden trainait à l'arrière et que le HMSAlexander et le HMSSwiftsure se hâtaient de rejoindre la flotte depuis l'ouest[91]. Les deux flottes hissèrent leurs couleurs et chaque navire britannique ajouta unUnion Jack à songréement dans le cas où le mât principal serait arraché[92]. À18 h 20, leGuerrier et leConquérant ouvrirent le feu sur le HMSGoliath et le HMSZealous qui venaient rapidement dans leur direction[93].

Bataille d'Aboukir

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Plan représentant une ligne de haut-fond s'étendant approximativement du nord au sud. Dans la direction des hauts-fonds se trouve une ligne de 13 symboles "navires" bleus quatre symboles plus petits à l'intérieur de la ligne. Autour de l'avant de la ligne de "navires" se trouvent 14 symboles rouges avec des lignes indiquant leurs trajectoires durant l'engagement.
Carte des positions et des mouvements des navires durant la bataille d'Aboukir les1er et 2 août 1798. Les navires britanniques sont en rouge et les navires français sont en bleu. Les positions intermédiaires sont en bleu pâle et en rouge pâle[94]. La carte a été simplifiée et diffère du texte sur plusieurs points mineurs.

Dix minutes après que les Français eurent ouvert le feu, leHMS Goliath, ignorant les tirs du fort àtribord et ceux duGuerrier à bâbord, dont la plupart des projectiles lui passaient au-dessus, dépassa la tête de la ligne française[92]. Le capitaineThomas Foley avait remarqué lors de son approche qu'il existait un espace inattendu entre leGuerrier et les hauts-fonds. De sa propre initiative, Foley exploita cette erreur tactique et changea de cap pour passer dans l'espace[95]. Comme la proue duGuerrier arrivait à portée de tir, le HMSGoliath ouvrit le feu et infligea de lourds dégâts avec deux bordées en balayage avant d'arriver sur le côté bâbord non préparé duGuerrier[71] et lesRoyal Marines du bord ainsi qu'une compagnie de grenadiers autrichiens participèrent à l'attaque en ouvrant le feu avec leursmousquets[96]. Foley avait prévu de jeter l'ancre le long du navire français pour l'engager à bout portant mais l'ancre mit trop de temps à descendre et son navire le dépassa complètement[97]. Le HMSGoliath s'arrêta finalement près de laproue duConquérant sur lequel il ouvrit le feu tout en échangeant quelques boulets sur tribord avec la frégateSérieuse et la bombardeHercule ancrée dans les hauts-fonds[89]. L'attaque de Foley fut suivie par Hood à bord duHMS Zealous qui dépassa également la ligne française, parvint à jeter l'ancre à côté duGuerrier dans l'espace voulu par Foley et ouvrit le feu sur la proue du navire français[98]. En moins de cinq minutes, lemât de misaine duGuerrier était tombé, ce qui enthousiasma les équipages des autres navires britanniques en approche[99]. Les capitaines français avaient été surpris par la rapidité des navires britanniques et se trouvaient toujours à bord de l'Orient lorsque la canonnade commença. Se hâtant de lancer leurs chaloupes, ils retournèrent à leurs navires. Le capitaine Jean-François-Timothée Trullet duGuerrier cria depuis sa chaloupe à son équipage de riposter aux tirs du HMSZealous[98].

LeHMS Orion du capitaineJames Saumarez fut le troisième navire britannique à entrer dans la bataille. Il contourna l'avant de la ligne de bataille et passa entre la ligne principale française et les frégates ancrées plus près de la côte[100]. Durant la manœuvre, la frégateSérieuse ouvrit le feu sur le HMSOrion, ce qui blessa deux hommes. La convention de la guerre navale de la période était que les navires de ligne n'attaquaient pas les frégates tant qu'il restait des navires de même taille à engager mais en ouvrant le feu en premier, le capitaine Claude-Jean Martin avait violé la règle et Saumarez attendit jusqu'à ce que la frégate soit tout près avant de riposter[101]. Le HMSOrion n'eut besoin que d'une seule bordée pour anéantir la frégate qui dériva alors jusqu'à s'échouer sur les hauts-fonds[85]. Durant le délai causé par ce détour, deux autres navires britanniques étaient entrés dans la bataille. Le HMSTheseus qui se fraya un passage dans le chemin ouvert par Foley jusqu'à ce qu'il s'ancre le long du troisième navire français, leSpartiate. S'ancrant à bâbord, le navire de Miller ouvrit le feu à bout portant. LeHMS Audacious du capitaine Davidge Gould dépassa la ligne française, s'ancra du côté de la terre entre leGuerrier et leConquérant avant d'ouvrir le feu sur les deux navires[99],[note 3] ». Le HMSOrion rejoignit ensuite la bataille plus au sud que prévu et il ouvrit le feu sur le cinquième navire français, lePeuple Souverain, et sur leFranklin, le navire de l'amiral Blanquet[85].

Les trois navires britanniques suivants, leHMS Vanguard en tête suivi duHMS Minotaur et duHMS Defence restèrent en ligne de bataille et s'ancrèrent sur le flanc tribord de la ligne française à18 h 40[93]. Nelson concentra les tirs de son navire-amiral sur leSpartiate tandis que le capitaine Thomas Louis du HMSMinotaur attaqua l'Aquilon et le capitaine John Peyton du HMSDefence joignit les tirs de son unité sur lePeuple Souverain[99]. L'avant-garde française étant maintenant largement dépassée en nombre, les navires britanniques suivants, leHMS Bellerophon et le HMSMajestic, dépassèrent la mêlée et avancèrent sur le centre français qui n'avait pas encore été engagé[104]. Les deux navires attaquaient maintenant des ennemis bien plus puissants et ils commencèrent à subir de lourds dégâts : le capitaine Henry D'Esterre Darby échoua dans sa tentative pour s'ancrer à côté duFranklin et se trouva sous le feu de labatterie principale du navire-amiral français, l'Orient[105] tandis que George Blagdon Westcott du HMSMajestic ne parvint pas à s'arrêter et manqua de percuter l'Heureux. Incapable de s'arrêter à temps, leHMS Majestic eut sonfoc emmêlé dans leshaubans duTonnant qui ouvrit le feu sur le navire britannique à bout portant[106]. L'amiral Brueys avait été gravement touché au visage et à la main par des éclats pendant l'engagement avec le HMSBellerophon[6]. Le dernier navire de la ligne britannique, leHMS Culloden, commandé par Troubridge, passa trop près de l'île d'Aboukir durant la tombée de la nuit et s'échoua[105]. Malgré les efforts de l'équipage, du brick HMSMutine et du HMSLeander, le navire ne put être dégagé et les vagues le poussèrent un peu plus sur les récifs, ce qui causa des dégâts importants à la coque[107].

Reddition de l'avant-garde française

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Quatre navires arborant le drapeau britannique avance en direction d'une ligne de bataille où se trouve un navire en flammes.
The Battle of the Nile,Thomas Luny, 1830,National Maritime Museum.

À19 h, les lampes d'identification sur les mâts de misaine des navires britanniques furent allumées. À ce moment, leGuerrier avait perdu tous ses mâts et était très endommagé. LeHMS Zealous était en revanche à peine touché car Hood l'avait placé hors de portée de la plupart des navires français et leGuerrier n'était pas du tout préparé pour un engagement simultané des deux côtés. Sessabords surbâbord étaient d'ailleurs encore fermés[86]. Même si son navire était dévasté, l'équipage duGuerrier refusa de se rendre et continua de riposter avec les quelques canons possibles et malgré les tirs nourris du HMSZealous[108]. En plus des coups de canons, Hood demanda à sesRoyal Marines de tirer au mousquet sur le pont du navire français, forçant les marins à se cacher mais il ne parvint pas à obtenir la reddition du capitaine Trullet. Les Français ne se rendirent qu'à21 h quand Hood envoya une chaloupe pour prendre d'assaut le navire[86]. LeConquérant est défait plus rapidement, après avoir subi les bordées des navires britanniques progressant le long de la ligne française, en particulier celles duHMS Audacious et duHMS Goliath, il a perdu tous ses mâts avant19 h. Avec son navire immobilisé et très endommagé, le capitaine Étienne Dalbarade, mortellement blessé, fit abaisser les couleurs et les Britanniques prirent le contrôle du navire[109]. À la différence du HMSZealous, ces navires avaient subis de plus lourds dégâts durant l'engagement ; le HMSGoliath avait perdu la plus grande partie de songréement, ses trois mâts étaient endommagés et il comptait près de 60 victimes[110]. Une fois son adversaire vaincu, le capitaine Gould du HMSAudacious utilisa le ressort de son ancre pour ouvrir le feu sur leSpartiate, le navire français suivant dans la ligne. À l'ouest de la bataille, laSérieuse sombra dans les hauts-fonds tandis que son équipage tentait de rejoindre le rivage[85].

La dunette d'un navire avec de nombreux marins. Au centre se trouve un homme portant un uniforme d'officier avec un bandage sur la tête. Il regarde vers la gauche du tableau où un grand navire est en feu dans l'arrière-plan.
Nelson retourne sur le pont après s'être fait soigner,1er août 1798,Daniel Orme (en), 1805,National Maritime Museum.

Le transfert de la bordée du HMSAudacious sur leSpartiate signifiait que le capitaineMaxime Julien Émeriau devait maintenant affronter trois adversaires. Le navire perdit tous ses mâts en quelques minutes mais la bataille continua jusque vers21 h lorsque Emeriau gravement blessé se rendit[110]. Même si leSpartiate combattait contre trois opposants, il avait été soutenu par son voisin, l'Aquilon, qui fait unique côté français, ne devait affronter qu'un seul adversaire, leHMS Minotaur. Le capitaineAntoine René Thévenard utilisa le ressort de son ancre pour pivoter et réaliser un tir de balayage contre la proue du navire-amiral de Nelson qui fit plus de 100 victimes[110]. Vers20 h 30, Nelson fut touché à son œil aveugle par de lamitraille tirée par leSpartiate[111]. Un morceau de peau recouvrit son œil valide, le rendant temporairement aveugle[112]. Nelson s'effondra dans les bras du capitaineEdward Berry et fut emmené dans la cale. Croyant que sa blessure était fatale, il s'écria « Je suis mort. Rappelez-moi à ma femme » et demanda à voir l'aumônier Stephen Comyn[113]. La blessure fut immédiatement examinée par le chirurgien de bord, Michael Jefferson, qui considéra que son état n'était pas critique et se contenta de recoudre la peau et de poser un bandage[114]. Par la suite, Nelson ignora les ordres de Jefferson de se reposer et il retourna sur le pont peu avant l'explosion de l'Orient pour superviser les dernières étapes de la bataille[115]. Si la manœuvre de Thévenard fut réussie, elle exposait la proue de son navire aux tirs du HMSMinotaur et à21 h 25, le navire était démâté, très endommagé et son capitaine était mort ; les officiers subalternes furent donc forcés de se rendre[116]. Le capitaine Thomas Louis fit alors progresser son navire et il engagea leFranklin[117].

Le cinquième navire français, lePeuple Souverain, était attaqué des deux côtés par leHMS Defence et leHMS Orion et il perdit rapidement son mât principal et son mât de misaine[116]. Sur le HMSOrion, une pièce de bois, éjectée de l'un des mâts du navire, tua deux marins avant de blesser le capitaine Saumarez à la cuisse[118]. LePeuple Souverain étant très endommagé, le capitaine Pierre-Paul Raccord ordonna de couper le câble de l'ancre pour essayer d'échapper au bombardement. Le navire dériva vers le sud en direction du navire-amiralOrient qui ouvrit le feu sur le navire noirci par l'obscurité[119]. Le HMSOrion et le HMSDefence furent initialement incapables de poursuivre le navire car le premier avait perdu son mât principal avant et le second avait évité de justesse unbrûlot improvisé qui dérivait à travers la bataille. L'origine de ce vaisseau, une chaloupe abandonnée recouverte de matières inflammables, est incertaine mais elle pourrait avoir été lancée par leGuerrier au début de la bataille[116]. LePeuple Souverain s'ancra non loin de l'Orient mais ne prit plus part aux combats et se rendit durant la nuit. LeFranklin poursuivait le combat mais Blanquet avait une grave blessure à la tête et Gillet avait été emmené dans la cale inconscient et était grièvement blessé. Peu après, un feu se déclara sur le pont lorsqu'un dépôt de munitions explosa et il fut éteint avec difficultés par l'équipage[120].

Au sud, leHMS Bellerophon était en grave danger alors que la puissantebordée de l'Orient fracassait le navire. À19 h 50, le mât de misaine et le mât principal furent arrachés et des incendies se déclarèrent simultanément dans divers endroits du navire[121]. Les feux furent éteints mais le navire avait perdu plus de 200 hommes et le capitaine Darby décida de couper les câbles à20 h 20. Le navire endommagé dériva à l'écart de la bataille sous les tirs continus duTonnant[122]. l'Orient avait également subi de gros dommages et l'amiral Brueys fut touché au ventre par un boulet qui le coupa presque en deux[121]. Il mourut quinze minutes plus tard sur le pont car il avait refusé d'être emmené à l'abri par ses hommes[123]. Le capitaine de l'Orient,Luc-Julien-Joseph Casabianca, était également blessé au visage et un éclat l'avait rendu inconscient[124] tandis que son fils de dix ans eut la jambe arrachée par un boulet alors qu'il se trouvait aux côtés de son père[125]. Le navire britannique le plus au sud, leHMS Majestic, s'était brièvement empêtré dans les cordages duTonnant de 80 canons[126] et avait subi de lourdes pertes dans l'affrontement. Le capitaine George Blagdon Westcott fut tué par un tir de mousquet français[127]. Le lieutenant Robert Cuthbert le remplaça au commandement et parvint à faire dériver son navire endommagé plus au sud et à20 h 30, il se trouvait entre leTonnant et son voisin l'Heureux et il engagea les deux navires[128]. Pour soutenir le centre, le capitaine Thompson du HMSLeander abandonna ses efforts inutiles pour dégager leHMS Culloden des hauts-fonds et se dirigea vers la ligne française. Il s'arrêta dans l'espace créé par la dérive duPeuple Souverain et réalisa des tirs de balayage sur leFranklin et l'Orient[109].

Alors que la bataille faisait rage dans la nuit, les deux navires britanniques à la traîne faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour rejoindre l'affrontement en se dirigeant vers les éclairs de l'artillerie dans la nuit noire. Averti de la présence deshauts-fonds d'Aboukir par le HMSCulloden échoué, le capitaineBenjamin Hallowell Carew du HMSSwiftsure entra dans la mêlée en engageant le centre français[107]. Peu après20 h, une coque démâtée fut repérée dérivant en face duHMSSwiftsure et Hallowell ordonna initialement à ses hommes de tirer avant d'annuler son ordre, inquiet de l'identité de l'étrange vaisseau. Hélant le navire endommagé, Hallowell reçut la réponse« Bellerophon, quitte l'action invalide[128] ». Rassuré de ne pas avoir accidentellement tiré sur un navire allié, Hallowell se plaça entre l'Orient et leFranklin et ouvrit le feu sur les deux[129]. LeHMS Alexander, le dernier navire britannique non engagé suivit le HMSSwiftsure et s'arrêta près duTonnant qui avait commencé à dériver à l'écart dunavire-amiral français endommagé. Le capitaineAlexander Ball rejoignit alors l'attaque de l'Orient[130].

Destruction de l'Orient

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Peinture représentant le chaos de la destruction d'un navire de guerre.
La Bataille du Nil : Destruction de l'Orient,1er août 1798,Mather Brown, 1825.

À21 h, un feu fut repéré dans les ponts inférieurs de l'Orient[131]. Identifiant les difficultés du navire-amiral français, le capitaine Hallowell ordonna à son équipage de tirer directement dans le brasier. Les tirs britanniques permirent aux flammes de s'étendre à la poupe du navire et empêchèrent toutes les tentatives pour l'éteindre[121]. En moins de vingt minutes, les flammes atteignirent les gréements et les voiles s'enflammèrent[130]. Les navires britanniques les plus proches, leHMSSwiftsure, leHMS Alexander et leHMS Orion s'arrêtèrent de tirer, fermèrent leurssabords et commencèrent à s'éloigner lentement en prévision de l'explosion des grandes quantités de munitions présentes à bord[122]. De plus, les voiles et les ponts furent arrosés d'eau de mer pour éviter une propagation de l'incendie[124]. De même, leTonnant, l'Heureux et leMercure coupèrent leurs câbles d'ancrage et dérivèrent vers le sud à l'écart du navire en flammes[132]. À22 h, l'incendie atteignit ledépôt de munitions et l'Orient fut presque complètement détruit par une énorme explosion. Le souffle fut si puissant qu'il déchira les voiles des navires à proximité[133] et expédia des canons de trois tonnes à plus d'une centaine de mètres[134],[135]. Le HMSSwiftsure, le HMSAlexander et leFranklin connurent tous des débuts d'incendie provoqués par les débris mais les équipages parvinrent à les éteindre rapidement avec des seaux d'eau de mer[121] mais il y eut une seconde détonation sur leFranklin[136].

Une bataille navale confuse. Deux navires endommagés dérivent au premier plan tandis que des flammes et de la fumée jaillissent d'un troisième. À l'arrière-plan, la fumée s'élève d'une mêlée confuse de navires.
La Bataille du Nil,Thomas Luny, 1834.

L'origine du feu à bord de l'Orient n'a jamais été clairement établie mais plusieurs rapports avancent que des pots d'huile et de peinture avaient été laissés dans ladunette au lieu d'être convenablement rangés après que les travaux de peinture eurent été achevés peu avant le début de la bataille. De labourre embrasée de l'un des navires britanniques aurait flotté jusque dans la dunette et aurait mis le feu à la peinture. Le feu se serait rapidement propagé à la cabine de l'amiral et dans un dépôt abritant desmunitions incendiaires[6]. Inversement, le capitaineHonoré Ganteaume rapporta ultérieurement que la cause de l'incendie était une explosion survenue dans la dunette précédée par plusieurs feux sur le pont principal[137]. Quelle que soit son origine, l'incendie se propagea rapidement aux gréements et de manière incontrôlée car lespompes à incendie avaient été détruites par un tir britannique[138]. Un second brasier se déclara à laproue et piégea des centaines de marins dans les entrailles du navire[133]. Les fouilles archéologiques ont découvert des débris dispersés sur plus de 500 m de fond marin[134]. Même si des centaines de marins avaient plongé dans l'eau pour échapper aux flammes, moins de 100 survécurent à l'explosion. Environ 70 furent recueillis par les navires britanniques dontLéonard Motard gravement blessé. Quelques autres, dont Ganteaume, parvinrent à rejoindre le rivage sur des radeaux[6]. Le reste de l'équipage, soit près de 1 000 marins furent tués[7] dont le capitaineLuc-Julien-Joseph Casabianca et son fils de douze ans, Giocante[139].

Représentation de l'explosion d'un navire de guerre autour d'autres navires, formant un large nuage de fumée.
Bataille du Nil,1er août 1798,Thomas Whitcombe, 1816,National Maritime Museum – l'apogée de la bataille lorsque l'Orient explose.

Les tirs s'arrêtèrent durant dix minutes après l'explosion car les équipages des deux camps étaient soit trop choqués pour continuer le combat soit tentaient d'éteindre les incendies de leurs propres navires[135]. Durant l'accalmie, Nelson demanda de mettre les chaloupes à la mer pour recueillir les survivants de l'Orient. À22 h 10, leFranklin recommença à tirer sur le HMSSwiftsure[140]. Isolé et endommagé, le navire de Blanquet fut rapidement démâté et l'amiral, gravement blessé à la tête, fut obligé de se rendre[141]. Plus de la moitié de l'équipage duFranklin avait été tué ou blessé[136]. À minuit, seul leTonnant restait engagé et le capitaineAristide Aubert du Petit-Thouars continuait de faire tirer contre leHMS Majestic et le HMSSwiftsure quand ce dernier arriva à portée. Après plus de trois heures de combat à bout portant, le HMSMajestic avait perdu son mât principal et son mât de misaine tandis que leTonnant n'était plus qu'une coque démâtée[135]. Bien que le capitaine Du Petit Thouars eût perdu ses deux jambes et un bras, il fit clouer le drapeau français au mât pour l'empêcher d'être amené et donnait des ordres depuis un baquet deson situé sur le pont[141]. Sous sa direction, leTonnant dériva lentement vers le sud à l'écart de la bataille pour rejoindre l'arrière-garde menée par Villeneuve[142]. Tout au long de l'engagement, l'arrière-garde française avait tiré sans discernement sur les navires en avant. Le seul effet notable fut la destruction du gouvernail duTimoléon par un tir duGénéreux[143].

Matin

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Au lever du soleil, versh au matin du, l'arrière-garde française composée duGuillaume Tell, duTonnant, duGénéreux et duTimoléon fut attaquée par leHMS Alexander et leHMS Majestic[144]. Bien que brièvement surpassés, les navires britanniques furent rejoints par leHMS Goliath et leHMS Theseus. Alors que le capitaine Miller manœuvrait pour placer son navire en position, le HMSTheseus fut pris pour cible par la frégateArtémise[140]. Miller se tourna alors vers l'Artémise mais le capitainePierre-Jean Standelet abaissa son drapeau et ordonna l'abandon du navire. Miller envoya une chaloupe emmenée par le lieutenant William Hoste pour prendre possession du navire mais Standelet y avait mis le feu et l'Artémise explosa peu après[145]. Les navires de ligne français survivants commencèrent à se retirer vers l'est versh. LeHMS Zealous les poursuivit et fut capable d'empêcher la frégateJustice d'aborder leHMS Bellerophon qui s'était ancré au sud de la baie pour entreprendre des réparations rapides[142]. Deux autres navires continuaient d'arborer le drapeau français mais aucun d'entre eux n'était en mesure de s'enfuir ou de combattre. Lorsque l'Heureux et leMercure avaient coupé leurs amarres pour échapper à l'explosion de l'Orient, leurs équipages avaient paniqué et aucun des capitaines (tous les deux blessés) n'était parvenu à reprendre le contrôle de son navire. Les deux vaisseaux s'étaient donc échoués sur les hauts-fonds[146]. Isolés et sans défense, les navires furent attaqués par le HMSAlexander, le HMSGoliath, le HMSTheseus et le HMSLeander et ils se rendirent au bout de quelques minutes[144]. Ces distractions permirent à Villeneuve de quitter la baie à11 h avec la plupart des navires survivants[147]. Cependant, leTonnant, qui avait perdu tous ses mâts et dont le commandant Du Petit-Thouars était mort de ses blessures et avait été jeté à la mer selon ses ordres[118], était incapable d'avancer suffisamment vite pour s'échapper et son équipage le fit s'échouer. De même, leTimoléon était trop au sud pour s'échapper avec Villeneuve et il s'échoua dans une tentative pour rejoindre les survivants[148]. Les derniers vaisseaux français, les navires de ligneGuillaume Tell etGénéreux et les frégatesJustice etDiane — quittèrent la baie tout en étant poursuivis par le HMSZealous[115]. Malgré ses efforts, le navire britannique fut la cible de tirs nourris et ne parvint pas à rattraper les navires français[147].

Durant le reste de la journée, les marins britanniques réparèrent rapidement leurs navires et abordèrent et s'emparèrent de leurs prises de guerre. LeHMS Culloden, en particulier, nécessitait une assistance. Ayant finalement réussi à sortir son navire des hauts-fonds versh, Troubridge découvrit qu'il avait perdu son gouvernail et que près de 120 tonnes d'eau par heure entraient dans le navire. Les réparations d'urgence et la fabrication d'un gouvernail de secours avec un mât de rechange durèrent les deux jours suivants[149]. Le matin du, Nelson envoya le HMSTheseus et le HMSLeander pour obtenir la reddition duTonnant et duTimoléon échoués. LeTonnant, ses ponts encombrés par 1 600 survivants des autres navires français, se rendit à l'approche des navires britanniques tandis que leTimoléon fut incendié par son équipage qui rejoignit le rivage à bord de chaloupes[150]. LeTimoléon explosa peu après-midi ; il était le onzième et dernier navire de ligne français détruit ou capturé durant la bataille[148].

Ordre de bataille

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Les navires sont listés selon leur ordre dans leurs lignes de bataille respectives. Le nombre des victimes est évalué au plus juste mais la nature de la bataille fait que les pertes françaises sont difficiles à évaluer précisément. Les officiers tués sont indiqués avec le symbole †. Lescaronades n'étaient traditionnellement pas prises en compte dans le calcul durang d'un vaisseau[151] et ces navires pouvaient avoir plus de canons que ce qui est indiqué ci-dessous.

  • Cette couleur indique que le navire a été capturé durant la bataille
  • Cette couleur indique que le navire a été détruit durant la bataille

Flotte britannique

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Flotte du contre-amiral Nelson
NavireRangCanonsCommandantVictimesNotes
TuésBlessésTotal
HMS Goliath3e rang74CapitaineThomas Foley214162Mâts et coque très endommagés.
HMS Zealous3e rang74CapitaineSamuel Hood178Légèrement endommagé.
HMS Orion3e rang74CapitaineJames Saumarez132942Légèrement endommagé.
HMS Audacious3e rang74Capitaine Davidge Gould13536Légèrement endommagé.
HMS Theseus3e rang74Capitaine Ralph Willett Miller53035Coque très endommagée.
HMS Vanguard3e rang74Contre-amiralHoratio Nelson
CapitaineEdward Berry
3076106Mâts et coque très endommagés.
HMS Minotaur3e rang74Capitaine Thomas Louis236487Légèrement endommagé.
HMS Defence3e rang74Capitaine John Peyton41115Mâts légèrement endommagés.
HMS Bellerophon3e rang74CapitaineHenry D'Esterre Darby49148197Démâté et très endommagé.
HMS Majestic3e rang74Capitaine George Blagden Westcott †50143193A perdu son mât principal et son mât de misaine, coque très endommagée.
HMSLeander (en)4e rang50Capitaine Thomas Thompson01414Légèrement endommagé.
HMS Alexander3e rang74CapitaineAlexander Ball145872Mâts très endommagés.
HMSSwiftsure3e rang74CapitaineBenjamin Hallowell72229Très endommagé.
HMS Culloden3e rang74CapitaineThomas Troubridge000Échoué sur les hauts-fonds durant l'attaque, il ne prit pas part aux combats. Coque très endommagée.
HMSMutine (en)Sloop16LieutenantThomas Hardy000Assista le HMSCulloden durant la bataille et ne prit pas part aux combats.
Total des victimes: 218 tués, 678 blessés

Flotte française

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Flotte du vice-amiral Brueys
NavireRangCanonsCommandantVictimesNotes
TuésBlessésTotal
Guerrier3e rang74Capitaine Jean-François-Timothée Trullet~350-400 victimes[86]Démâté et très endommagé. Capturé mais ensuite détruit car trop endommagé.
Le Conquérant3e rang74Capitaine Étienne Dalbarade †~350 victimes[110]Démâté et très endommagé. Capturé et renommé HMSConquerant.
Spartiate3e rang74CapitaineMaxime Julien Émeriau de Beauverger64150214[119]Démâté et très endommagé. Capturé et renommé HMSSpartiate.
Aquilon3e rang74CapitaineAntoine René Thévenard87213300[132]Démâté et très endommagé. Capturé et renommé HMSAboukir.
Peuple Souverain3e rang74Capitaine Pierre-Paul RaccordPertes importantesMât de misaine et mât principal arrachés et coque très endommagée. Capturé et renommé HMSGuerrier.
Franklin3e rang80Contre-amiralArmand Blanquet
Capitaine Maurice Gillet
~400 victimes[135]Mât de misaine et mât principal arrachés et coque très endommagée. Capturé et renommé HMSCanopus.
Orient1er rang120Vice-amiralFrançois Paul de Brueys d'Aigalliers
Contre-amiralHonoré Ganteaume
CapitaineLuc-Julien-Joseph Casabianca
~1 000 victimes[6]Détruit par l'explosion des munitions.
Tonnant3e rang80Chef de divisionAristide Aubert du Petit-ThouarsPertes importantesDémâté, échoué et très endommagé. Capturé le 3 août et renommé HMSTonnant.
Heureux3e rang74Capitaine Jean Pierre ÉtiennePertes légèresÉchoué et très endommagé. Capturé le 2 août mais détruit car trop endommagé.
Mercure3e rang74Lieutenant Pierre-Philippe CambonPertes légèresÉchoué et très endommagé. Capturé le 2 août mais détruit car trop endommagé.
Guillaume Tell3e rang80Contre-amiralPierre Charles Silvestre de Villeneuve
Capitaine Saulnier
Pertes légèresS'échappa le 2 août.
Généreux3e rang74CapitaineLouis-Jean-Nicolas LejoillePertes légèresS'échappa le 2 août avec leGuillaume Tell.
Timoléon3e rang74Capitaine Louis-Léonce TrulletPertes légèresÉchoué et très endommagé. Sabordé par son équipage le 3 août.
Frégates
Sérieuse5e rang36Capitaine Claude-Jean MartinPertes importantesDétruite par les dégâts reçus durant la bataille.
Artémise (en)5e rang36Capitaine Pierre-Jean StandeletPertes légèresSabordé par son équipage le 2 août.
Justice (en)5e rang40Capitaine Jean Villeneuve000S'échappa le 2 août avec leGuillaume Tell.
Diane (en)5e rang40Contre-amiralDenis Decrès
Capitaine Éléonore-Jean-Nicolas Soleil
000S'échappa le 2 août avec leGuillaume Tell.
L'avant de la ligne française était soutenu par des canons installés sur l'île Aboukir et plusieurscanonnières etbombardes se trouvaient dans les hauts-fonds à l'ouest de la ligne[23]. Leur participation à la bataille fut symbolique et plusieurs d'entre eux s'échouèrent durant l'engagement. Une bombarde fut sabordée par son équipage[12]
Total des victimes: ~3 000-5 000

Conséquences

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« Je suis allé sur le pont pour voir l'état des flottes et quelle vision horrible cela était. La baie était couverte de corps, mutilés, blessés et brûlés qui n'avaient pas un morceau de tissu sur eux à l'exception de leurs pantalons »

— Témoignage du marin John Nicol du HMSGoliath[152].

Plan de bataille en anglais avec la position des différents navires. Les navires détruits sont représentés avec des flammes.
Position véritable de la flotte française alors qu'elle était ancrée près du delta du Nil et la manière dont Lord Nelson mena son attaque contre elle, Robert Dodd, 1800,National Maritime Museum.

Les pertes britanniques furent enregistrées avec une certaine précision et se montaient à 218 tués et environ 677 blessés mais le nombre des victimes qui moururent de leurs blessures est inconnu[150]. Les navires les plus touchés furent leHMS Bellerophon avec 201 victimes et leHMS Majestic avec 193 ; inversement, leHMS Culloden n'en compta aucune et leHMS Zealous ne déplora qu’un seul mort et sept blessés[61]. Le capitaine Westcott, cinq lieutenants et dix officiers subalternes étaient morts et le contre-amiral Nelson, les capitaines Saumarez, Ball et Darby et six lieutenants avaient été blessés[3]. Les pertes françaises sont plus difficiles à calculer mais elles furent très lourdes. Les estimations vont de 2 000 à 5 000 avec le nombre généralement retenu de 3 500 qui inclut près de 2 000 morts dont la moitié aurait péri sur l'Orient. En plus de la mort du vice-amiral Brueys et du contre-amiral Blanquet blessé, quatre capitaines étaient morts et sept autres étaient gravement blessés. Au cours des semaines qui suivirent la bataille, les corps rejetés sur le rivage égyptien pourrirent lentement dans la chaleur de la baie[153].

Nelson déclara en observant la baie au matin du,« Victoire n'est pas un nom assez fort pour une telle scène[154] ». Il resta à l’ancre durant deux semaines pour récupérer de ses blessures et il rédigea des dépêches et évalua la situation militaire en Égypte en utilisant des documents capturés sur les navires français[155]. La blessure de Nelson mesurait« troispouces de long », avec« le crâne visible sur un pouce ». Il souffrit toute sa vie de cette blessure et il tenta de dissimuler la cicatrice en se coiffant du mieux qu’il pouvait[156]. Pendant ce temps, ses hommes récupérèrent toutes les provisions et tous les équipements des navires détruits et ils réparèrent leurs navires et leurs prises de guerre[157]. Tout au long de la semaine, la baie d’Aboukir fut entourée par des feux de joie, allumés par les Bédouins pour fêter la victoire britannique[153]. Le, le HMSLeander fut envoyé àCadix avec une dépêche pour John Jervis portée par le capitaine Edward Berry[158]. Au cours des semaines qui suivirent la bataille, tous les prisonniers, à l’exception de 200 d’entre eux, furent relâchés sur le rivage sous promesse qu'ils ne reprendraient pas les armes même si Bonaparte leur ordonna de former une unité d’infanterie qui fut intégrée à son armée[157]. Le, les navires de la flotte pilonnèrent le fort d’Aboukir qui se rendit sans combattre. Les marins prirent quatre canons et détruisirent les autres ainsi que le fort où ils se trouvaient. L’île fut ensuite renommée « île Nelson »[157].

Le, Nelson envoya le lieutenant Thomas Duval du HMSZealous avec des messages pour le gouvernement britannique en Inde. Duval traversa le Moyen-Orient en passant parAlep et il prit un navire pour se rendre deBassora àBombay pour informer legouverneur général des IndesRichard Wellesley de la situation en Égypte[155]. Le, les frégates HMSEmerald du capitaine Thomas Moutray Waller, HMSAlcmene commandée par le capitaineGeorge Johnstone Hope etHMSBonne Citoyenne du capitaine Robert Retalick arrivèrent au large d’Alexandrie[159]. Initialement l’escadron de frégates fut poursuivi par leHMSSwiftsure qui croyait qu’il s’agissait d’une flotte française avant de revenir le lendemain lorsque l’erreur avait été corrigée[157]. Le jour de l'arrivée des frégates, le HMSMutine fut envoyé en Grande-Bretagne avec les dépêches sous le commandement du lieutenant Thomas Bladen Capel, qui avait remplacé Hardy après la promotion de ce dernier au grade de capitaine du HMSVanguard. Le 14 août, Nelson envoya leHMS Orion, le HMSMajestic, le HMSBellerophon, leHMS Minotaur, leHMS Defence, leHMS Audacious, leHMS Theseus, leFranklin, leTonnant, l'Aquilon, leConquérant, lePeuple Souverain et leSpartiate en mer sous le commandement de Saumarez. La plupart des navires n'avaient qu'un mât temporaire et il fallut une journée complète au convoi pour rallier l'entrée de la baie et entrer en haute mer le. Le lendemain, l'Heureux échoué fut incendié car il était impossible de le récupérer, leGuerrier et leMercure subirent le même sort deux jours plus tard[157]. Le, Nelson prit la mer pour Naples avec leHMS Vanguard, le HMSCulloden et leHMS Alexander, laissant Hood commander le HMSZealous, leHMS Goliath, le HMSSwiftsure et les frégates récemment arrivées pour surveiller les activités françaises à Alexandrie[160].

Bonaparte apprit la destruction de sa flotte le 14 août alors qu’il se trouvait dans son camp entre Salahieh etLe Caire[153]. Le messager était un officier envoyé par le gouverneur général d'AlexandrieJean-Baptiste Kléber, et la dépêche avait été hâtivement rédigée par le contre-amiral Ganteaume qui avait rallié les navires de Villeneuve. Selon un témoignage, Bonaparte lut le message sans émotion avant d’appeler le messager pour obtenir plus de renseignements. Une fois que ce dernier eut terminé, Bonaparte aurait déclaré« Nous n'avons plus de flotte : eh bien. Il faut rester en ces contrées, ou en sortir grands comme les anciens[160] ». Selon le témoignage du secrétaire du généralBourienne, Bonaparte fut submergé par la nouvelle et s’exclama« Malheureux Brueys, qu’avez vous fait ! »[2] Le général fit porter la responsabilité de la défaite sur le contre-amiral Blanquet blessé en l’accusant à tort d’avoir rendu leFranklin alors que le navire n’était pas endommagé. Les protestations de Ganteaume et du ministre Étienne Eustache Bruix réduiront ensuite les critiques que dut affronter Blanquet mais il ne recouvra jamais son poste[160]. Bonaparte devait également faire face à ses officiers qui commencèrent à questionner le bien-fondé de l'expédition tout entière. Invitant ses officiers supérieurs à dîner, Bonaparte leur demanda comment ils se sentaient. Lorsqu’ils répondirent qu’ils se sentaient« merveilleusement bien », Bonaparte répondit que c’était parfait car il les aurait fait fusiller s’ils continuaient« de fomenter des mutineries et de prêcher une révolte[161] ». Pour prévenir tout soulèvement parmi la population locale, tous les Égyptiens surpris en train de discuter de la bataille risquaient d’avoir leur langue coupée[162].

Réactions

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Les premières dépêches envoyées par Nelson furent interceptées lorsque le HMSLeander fut capturé par leGénéreux dans un violent engagement au large de la Crête le18 août 1798[78]. Par conséquent, les rapports de la bataille n’arrivèrent pas en Grande-Bretagne avant l’arrivée de Capel à bord du HMSMutine le 2 octobre[159]. Lord Spencer s’évanouit lorsqu’il apprit la nouvelle[163]. Nelson avait initialement été blâmé dans la presse pour ne pas avoir réussi à intercepter la flotte française mais les rumeurs de la victoire arrivèrent du continent à la fin du mois de septembre et les nouvelles apportées par Capel furent accueillies par des célébrations dans tout le pays[164]. Moins de quatre jours plus tard, Nelson fut fait baron du Nil et deBurnham Thorpe, un titre qu'il appréciait peu car il considérait que ses actions méritaient une plus grande récompense[165].George III s’adressa auParlement de Grande-Bretagne le 20 novembre en ces termes :

« La série sans égale de nos triomphes navals a reçu une nouvelle splendeur lors d’une action décisive et mémorable, dans laquelle un détachement de ma flotte, sous le commandement du contre-amiral Nelson, a attaqué et presque entièrement anéanti un ennemi supérieur en nombre possédant tous les avantages de la situation. Cette grande et brillante victoire a jeté dans la confusion les auteurs d'une entreprise dont l’injustice, la perfidie et l’extravagance avaient attiré l’attention du monde et qui était en particulier dirigée contre certains des intérêts les plus vitaux du Royaume-Uni. Et le coup donné au pouvoir et à l’influence de la France a ouvert la voie, si elle était étayée par d’autres victoires, à la délivrance de l’Europe. »

— Roi George III, cité par William James dansThe Naval History of Great Britain during the French Revolutionary and Napoleonic Wars, Volume 2, 1827, [166]

Le convoi des prises de guerre de Saumarez s'arrêta à Malte où il participa à un soulèvement des Maltais[167]. Il se rendit ensuite à Gibraltar, où lePeuple Souverain fut jugé trop endommagé pour la traversée jusqu’en Grande-Bretagne et fut transformé ennavire de garde sous le nom de HMSGuerrier[72]. Les autres navires capturés subirent des réparations rapides et naviguèrent jusqu’àPlymouth. LeConquérant et l'Aquilon furent jugés trop endommagés et trop anciens pour reprendre du service dans la Royal Navy et les deux furent désarmés même s'ils avaient été rachetés pour 20 000 £ par la Royal Navy (environ 1 692 000 £ de 2012) en tant que HMSConquerant et HMSAboukir pour récompenser les équipages qui les avaient capturés[168]. Des sommes similaires furent payées pour leGuerrier, leMercure, l'Heureux et lePeuple Souverain tandis que d'autres navires valaient considérablement plus. Construit avec du chêne de l'Adriatique, leTonnant avait été lancé en 1792 et leFranklin et leSpartiate avaient moins d’un an. Ces deux derniers participèrent sous leur ancien nom à labataille de Trafalgar du côté de la Royal Navy tandis que leFranklin, considéré comme le« meilleur deux-ponts au monde[168] » fut renommé HMSCanopus[5].

Gravure montrant un homme dans un uniforme naval distinctif trainant deux crocodiles avec des têtes humaines.
Le galant Nelson ramène deux crocodiles français féroces et rares du Nil en présent au roi,James Gillray, 1798,National Maritime Museum. Les crocodiles représententFox etSheridan.

Nelson reçut une indemnité à vie de 2 000 £ (169 240 £ de 2012) par an de la part du Parlement de Grande-Bretagne et 1 000 £ de la part duParlement d'Irlande[169] même si cette dernière fut involontairement arrêtée après que l'Acte d'Union n'eut dissous le Parlement d'Irlande[170]. Les deux parlements votèrent des motions de félicitations à l’unanimité et chaque capitaine ayant participé à la bataille reçut une médaille en or spécialement créée et lespremiers-lieutenants de chaque navire engagé dans la bataille furent promus au rang decommander[159]. Nelson intervint personnellement pour que l'équipage duHMS Culloden, qui n’avait pas participé directement à la bataille, reçoive les mêmes honneurs que les marins des autres navires[169]. LaCompagnie britannique des Indes orientales offrit 10 000 £ (846 210 £ de 2012) à Nelson en reconnaissance des bénéfices que ses actions ont apportés à la Compagnie et des indemnités similaires furent accordées par les villes de Londres, de Liverpool et d'autres corps municipaux ou entrepreneuriaux[169]. Les capitaines de Nelson lui offrirent un sabre et un portrait en« témoignage de leur estime ». Nelson encouragea publiquement cette proximité avec ses officiers et le 29 septembre, il parla d'une« bande de frères » en référence à la pièceHenri V deWilliam Shakespeare. La notion deNelsonic Band of Brothers (« bande de frères de Nelson ») composée des officiers supérieurs qui servirent avec Nelson jusqu'à la fin de sa vie apparut à ce moment[171]. Près de cinq décennies plus tard, la bataille faisait partie des affrontements reconnus par une agrafe attachée à laNaval General Service Medal décernée à tous les participants britanniques encore en vie en 1847[172].

Gravure en noir et blanc des principaux acteurs britanniques de la bataille, la plupart sous forme de portrait sous le titre Victory of the Nile.
LesVainqueurs du Nil, une gravure publiée cinq ans après la bataille représentant Nelson et ses quinze capitaines.

Nelson reçut également les honneurs d’autres États. L'empereur ottomanSélim III, qui fit de Nelson le premier chevalier du nouvelordre du Croissant, lui offrit uneaigrette en diamant et d'autres présents. De même, le tsarPaulIer de Russie lui envoya, entre autres récompenses, une boite en or cloutée de diamants et des cadeaux similaires arrivèrent de différents monarques européens[173]. À son retour à Naples, Nelson fut accueilli par une procession triomphale menée par le roiFerdinand IV et William Hamilton. Il revit l'épouse de Hamilton,Emma Hamilton, qui s'évanouit lorsqu'elle vit toutes les blessures qu'il avait subies depuis leur dernière rencontre[174]. Célébré en héros par la cour napolitaine, Nelson s'essaya aux politiques napolitaines et il devint duc deBronte, une action qui fut critiquée par ses supérieurs et qui affaiblit sa réputation[175]. Le général britanniqueJohn Moore, qui rencontra Nelson à Naples à cette époque, le décrivit comme« couvert d'étoiles, de médailles et de rubans ; ressemblant plus à un prince d'opéra qu'au conquérant du Nil[176] ».

Les rumeurs de la bataille apparurent dans la presse française dès le mais les premiers rapports crédibles n’arrivèrent pas avant le et même ces derniers avançaient que Nelson était mort et que Bonaparte avait été fait prisonnier[177]. Lorsque les nouvelles devinrent certaines, la presse française avança que la défaite était due à une force britannique largement supérieure en nombre et à l’action de« traîtres »[146]. Dans les journaux opposés au gouvernement, la défaite était mise sur le compte du Directoire et d'un sentiment royaliste persistant dans la marine[178].Villeneuve fut la cible d'attaques cinglantes à son retour en France pour son échec à soutenir Brueys durant la bataille. Il se défendit en avançant que le vent était contre lui et que Brueys ne lui avait pas donné d'ordres pour contre-attaquer la flotte britannique[179]. De nombreuses années plus tard, Bonaparte écrivit que si la marine française avait adopté les mêmes principes tactiques que ceux employés par les Britanniques :

« L'amiral Villeneuve ne se serait pas senti irréprochable à Aboukir car il est resté inactif avec cinq ou six navires, c'est-à-dire la moitié de l'escadre, durant vingt heures pendant que l'ennemi écrasait l'autre moitié. »

— Napoléon Bonaparte,Mémoires, Volume 1, 1823. Cité par Noel Mostert dansThe Line Upon a Wind, 2007, [180]

Par contraste, la presse britannique était enthousiaste ; de nombreux journaux présentèrent la bataille comme une victoire de la Grande-Bretagne sur l’anarchie et fut utilisée pour attaquer les politicienswhig pro-républicains commeCharles James Fox etRichard Brinsley Sheridan[181].

Il y a eu un intense débat sur les forces relatives des deux flottes qui étaient à peu près équivalentes avec 13 navires de ligne de chaque côté[182]. Cependant la perte du HMSCulloden, les tailles relatives de l'Orient et du HMSLeander et la participation à la bataille de deux frégates françaises et de plusieurs navires plus petits ainsi que la force théorique de la position française[81] font que la plupart des historiens s’accordent pour dire que les Français étaient légèrement plus puissants[77]. Cela est accentué par la bordée de plusieurs navires français comme leSpartiate, leFranklin, l’Orient, leTonnant et leGuillaume Tell qui était significativement plus importante que celle de n’importe quel navire britannique[3]. Néanmoins, les navires français furent handicapés par leur déploiement inadapté, par les équipages réduits et l’incapacité de l’arrière-garde commandée par Villeneuve à participer activement à l’engagement et ces facteurs contribuèrent à la défaite française[183].

Conséquences militaires et diplomatiques

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Article connexe :Blocus de Malte.

La bataille d’Aboukir a été qualifiée de« sans doute, la bataille navale la plus décisive du grand âge de la voile[184] » et« de plus splendide et glorieux succès jamais remporté par la Royal Navy[185] ». L’historien et écrivainC. S. Forester compara en 1929 la bataille d’Aboukir avec les autres grands engagements navals de l’histoire et conclut que« seule labataille de Tsushima en 1905 pouvait rivaliser avec elle comme un exemple de destruction complète d’une flotte par une autre de force égale[186] ». La bataille renversa immédiatement la situation stratégique et offrit le contrôle des mers à la Royal Navy qui le conserva jusqu’à la fin de la guerre[187]. La destruction de la flotte française de Méditerranée permit à la Royal Navy de mettre en place unblocus des ports français et des autres ports ennemis sans crainte d’une attaque[9]. En particulier, les navires britanniques coupèrent Malte de la France et aidèrent unsoulèvement maltais qui poussa la garnison française à se retrancher àLa Valette[188]. Le siège de Malte qui en découla dura deux ans avant que les défenseurs ne soient contraints, par la faim, à se rendre[189]. En 1799, les navires britanniques harcelèrent l’armée de Bonaparte qui progressait vers le nord à travers laPalestine et jouèrent un rôle crucial dans la défaite française lors dusiège de Saint-Jean-d'Acre en 1799. Ils capturèrent les chalands transportant les équipements de siège tandis que les unités françaises assiégeant la ville furent bombardées par les navires britanniques ancrés au large[190]. C’est lors de l’un de ces engagements que le capitaine Miller duHMS Theseus fut tué lors de l’explosion d’un dépôt de munitions[191]. La défaite d’Acre força Bonaparte à se replier en Égypte et à mettre un terme à ses efforts de conquête au Moyen-Orient[192]. Le général français rentra en France sans son armée à la fin de l’année en laissant le commandement en Égypte à Kléber[193].

Les Ottomans, avec lesquels Bonaparte avait espéré conclure une alliance une fois qu’il aurait pris le contrôle de Égypte, furent encouragés par la bataille d’Aboukir à entrer en guerre contre la France[194]. Les campagnes ultérieures sapèrent lentement la force de l’armée française piégée en Égypte. De même, la défaite française encouragea l'empire d'Autriche et l'Empire russe à entrer dans laDeuxième Coalition qui déclara la guerre à la France en 1799[70]. Sans la présence française en Méditerranée, une flotte russe entra dans lamer Ionienne et les armées autrichiennes reprirent l’essentiel des territoires italiens perdus les années précédentes[195]. Sans son meilleur général et ses vétérans, la France subit une série de défaites et il fallut attendre que Bonaparte revienne en tant quePremier consul pour qu'elle ne retrouve une position dominante sur le continent européen[196]. En 1801, les derniers éléments démoralisés de l’armée française d'Égypte furent battus par un corps expéditionnaire britannique. La Royal Navy exploita sa domination maritime pour envahir l'Égypte sans craindre une embuscade à l'ancrage[197].

Malgré la victoire britannique écrasante à Aboukir, la campagne d'Égypte aurait pu être un désastre bien plus grand pour la France. L’historien Edward Ingram a noté que si Nelson était parvenu à intercepter Bonaparte alors qu’il était en mer, la bataille aurait permis d’anéantir la flotte française et ses transports. Comme cela ne fut pas le cas, Bonaparte put continuer la guerre au Moyen-Orient et revint ensuite en Europe indemne[198]. De même, de nombreux officiers qui formèrent par la suite le cœur des généraux et des maréchaux de l'Empire se trouvaient à bord des transports à destination de l'Égypte commeLouis-Alexandre Berthier,Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont,Jean Lannes,Joachim Murat,Louis Charles Antoine Desaix,Jean-Louis-Ébénézer Reynier,Antoine François Andréossy,Jean-Andoche Junot,Louis Nicolas Davout etMathieu Dumas[199].

Postérité

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La bataille d’Aboukir est restée l’une des victoires les plus célèbres de la Royal Navy[200] et est restée influente dans l’imagination populaire britannique entretenue par sa représentation dans un grand nombre de dessins, peintures, poèmes et pièces de théâtre[201]. L'une des œuvres les plus connues sur cette bataille est le poèmeCasabianca écrit en 1826 parFelicia Hemans. Elle y relate de manière romancée la mort du fils du capitaineCasabianca à bord de l'Orient[202]. De nombreux monuments furent érigés en mémoire de la bataille dont l'Aiguille de Cléopâtre à Londres. Le monument fut offert parMéhémet Ali en 1819 en reconnaissance de la bataille de 1798 et de la campagne de 1801 mais il ne fut pas érigé sur leVictoria Embankment avant 1878[203]. LesNile Clumps prèsAmesbury, sont composés dehêtres prétendument plantés par Lord Queensbury à la demande de Lady Hamilton et deThomas Hardy après la mort de Nelson[204]. Les arbres forment un plan de la bataille car chaque bosquet représente la position d'un navire britannique ou français[205]. La Royal Navy commémora la bataille en nommant des naviresHMSAboukir etHMSNile. En 1998, le HMSSomerset se rendit dans la baie d'Aboukir pour le bicentenaire de la bataille et ses marins déposèrent des gerbes en mémoire des marins morts durant l'affrontement[206].

Bien que le biographe de Nelson,Ernle Bradford eût avancé en 1977 que les restes de l’Orient« étaient très vraisemblablement irrécupérables[207] », la première expédition archéologique sur la bataille menée en 1983 par une équipe française dirigée parJacques Dumas dégagea l’épave du navire-amiral français. Le travail fut repris parFranck Goddio, qui entreprit un vaste projet d'exploration de la baie en 1998. Il découvrit que les débris du navire se trouvaient dans un cercle de 500 m de diamètre et il remonta des pièces en or et en argent de divers pays du pourtour méditerranéen, certaines datant duXVIe siècle. Il est probable que ces dernières faisaient partie du butin pris à Malte et qui fut perdu lors de l'explosion de l'Orient[134]. En 2000, des fouilles réalisées sur des ruines de l’île Nelson par l’archéologue italien Paolo Gallo révélèrent de nombreuses sépultures dont la date correspond à celle de la bataille, de même que d’autres tombes occupées par des victimes de la campagne de 1801[208]. Les dépouilles, dont celle d’une femme et de trois enfants, furent ré-inhumées en 2005 dans un cimetière à Shatby dans la banlieue d'Alexandrie. Des marins de la frégate moderne HMSChatham, une fanfare de lamarine égyptienne et un descendant de la seule tombe identifiée, celle du commander James Russell, assistèrent à la cérémonie[209].

Notes et références

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Notes

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  1. Les sources sont très divisées sur la question des pertes françaises : Roy et Lesley Adkins listent 5 235 tués ou disparus, environ 1 000 blessés et 3 305 prisonniers[2]. William Laird Clowes cite des estimations allant de 2 000 à 5 000 dont il choisit le nombre médian de 3 500[3].Juan Cole avance 1 700 tués, un millier de blessés et 3 305 prisonniers, dont la plupart seront ramenés à Alexandrie[4]. Robert Gardiner parle de 1 600 tués et 1 500 blessés[5]. William James cite des estimations allant de 2 000 à 5 000 et il choisit la plus basse[6].John Keegan parle de plusieurs milliers de morts et 1 000 blessés[7]. Noel Mostert cite les estimations allant de 2 000 à 5 000[8]. Peter Padfield avance les chiffres de 1 700 tués et 850 blessés[9]. Digby Smith fait une liste des pertes totalisant 2 000 tués, 1 100 blessés et 3 900 prisonniers français[10]. Oliver Warner avance 5 265 tués ou disparus et 3 105 prisonniers. Du côté des auteurs français, Battesti signale entre3 000 et 5 000 hommes hors de combat, 1 700 tués étant le chiffre généralement accepté par l'historiographie. 3 305 prisonniers dont 1 000 blessés sont aux mains des Anglais[11]. Il faut également noter que presque tous les prisonniers français (3 105 selon Battesti) furent renvoyés dans les territoires détenus par les Français durant les semaines qui suivirent la bataille[12].
  2. Embossure, ou garde. VoirAncre (mouillage)#L'embossage.
  3. Le trajet emprunté par le HMSAudacious pour participer à la bataille fait débat. William Laird Clowes avance que le navire est passé entre leGuerrier et leConquérant et s'est ancré entre les deux[99]. Cependant, plusieurs cartes de la bataille montrent le HMSAudacious contourner l'avant de la ligne avant de virer sur bâbord pour se placer entre les deux navires[102]. La plupart des sources, dont Warner et James, sont vagues à ce sujet et ne se prononcent pas. La raison de ce désaccord est vraisemblablement le manque de documents sur la bataille rédigé par Gould. Ce dernier a été critiqué pour le positionnement de son navire au début de la bataille car les navires qu'il attaquait étaient déjà lourdement endommagés et le lendemain il dut être rappelé à l'ordre à plusieurs reprises car il se déployait assez à l'écart en dépit du manque de dégâts reçus par son navire. Oliver Warner l'a décrit comme « sans doute assez courageux mais sans imagination et sans vision de la bataille dans son ensemble[103] ».

Références

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Bibliographie

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