Labasmala (arabe :بَسْمَلَة) est la formulebismillāhi r-Raḥmāni r-Raḥīmi (بِسْمِ ٱللَّٰهِ ٱلرَّحْمَٰنِ ٱلرَّحِيمِ)[1],[2] — « Au nom deDieu le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux » —, qui figure au début de chaquesourate duCoran, à l'exception de la neuvième,at-Tawba[3]. Par la suite, la formule est aussi devenue largement utilisée, dans différents contextes : au début de textes de différentes sortes, ou encore elle est récitée avant nombre d'actions de lavie quotidienne, le plus souvent dans sa version abrégéebismillah (بِسْمِ ٱللَّٰهِ), signifiant « Au nom de Dieu ».
La basmala est donc la formule qui ouvre toutes les sourates, excepté la neuvième. Les avis ont divergé quant à son statut[4] : est-elle unverset dans chaquesourate qui commence par elle ? Est-elle un verset de la première sourate du Coran,al-Fatiha ?
On relèvera que la basmala n'apparaîtdans le texte coranique lui-même (et non pas au début d'une sourate) qu'une seule fois, au verset 30 de la sourate 27,an-Naml: elle est en tête d'une lettre que le roiSalomon a envoyée à lareine de Saba[5] :« (29) La reine dit: "Ô vous, les chefs du peuple! Une noble lettre m'a été lancée; (30) elle vient de Salomon; la voici: "Au nom de Dieu! celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux! (31) Ne vous enorgueillissez pas devant moi; venez à moi soumis." (Trad.Denise Masson) »
La sourateal-Fatiha est la seule sourate dont la basmala a été considérée comme un verset, comme le montrent les éditions basées sur laversion canonique du Caire (1923), si bien que la sourate en compte sept. À l'inverse, certainsarabisants l'ont exclue, comme Richard Bell, et la sourate en a donc six.
Le choix d'inclure la basmala comme verset permettrait de s'accorder avecCoran 15:87, dans lequel de nombreuxoulémas voient une allusion à laFatiha, et qui dit ceci :« Nous t'avons donné apporté les sept redoublements, le Coran sublime »[6] ou« Nous t'avons donné Sept des Répétées et la Prédication solennelle »[7] (وَلَقَدْ آتَيْنَاكَ سَبْعًا مِنَ الْمَثَانِى وَالْقُرْآنَ الْعَظِيمَ,Wa-laqad 'ataynā-ka sab`āan min al-mathānī wa-l-Qur'āna l-`aẓīma). Mais tantJacques Berque queRégis Blachère relèvent qu'il est très difficile de savoir ce que sont exactement ces « sept redoublements » ou ces « sept répétées » (سَبْعًا مِنَ الْمَثَانِى,sab`āan min al-mathānī), et que l'exégèse de ce verset est délicate, si bien qu'elle ne fait pas l'unanimité. Ainsi, l'un comme l'autre remarquent que l'expression « sept redoublements » a pu être interprétée comme une allusion aux sept versets de laFatiha, mais aussi aux sept plus longues sourates[8],[9] ; Berque conclut qu'« il est impossible de préciser ».
Dans les premiers manuscrits, cette formule est parfois sur la même ligne que le premier verset, tandis qu'elle occupe ailleurs une ligne seule[4]. Ces variations tiennent, selon Éléonore Cellard, peut-être plus à un problème demise en page[10].
Deux traditions existent quant au statut de la basmala. Pour les récitateurs deMédine ou deSyrie, ainsi que pour l'école hanifite, la basmala est avant tout un marqueur de division du texte et non un verset. Ils ne la récitent donc pas pendant laprière. À l'inverse, ceux deLa Mecque ou de l'école shaféite la récitent[4].
Les premières inscriptions officiellesépigraphiques de la basmala remontent à la fin duVIIe siècle, au règne du califeAbd al-Malik, connu pour ses grandes réformes d'islamisation. Desmonnaies plus anciennes contiennent des variantes ou des formes simplifiées. À partir d'Abd al-Malik, elle apparaît sur les monnaies, lespapyrus, les inscriptions monumentales... Elle possède alors une fonction officielle « politico-religieuse »[4].
Néanmoins, la basmala existe déjà dans des inscriptions populaires. La plus ancienne, étudiée par Muhammad 'Ali al-Hajj, remonte à la fin duVIe siècle ou au début duVIIe et se trouve au sud duYémen. Il s'agit de la plus ancienne attestation de la basmala, mais une attestation préislamique, ensudarabique de type zaburi[Quoi ?].« Selon al-Hajj, cette attestation préislamique en Arabie du Sud, d'un basmala équivalente à celle du Coran s'explique par la présence ancienne de Chrétiens employant une terminologie monothéiste ». D'autres inscriptions, celles-ci en arabe, plus récentes mais précédant tout de même la réforme d'Abd al-Malik, sont connues[4].
Frédéric Imbert remarque que lesgraffiti islamiques font l'objet de concurrences entre les formulaires, certaines formules excluant d'autres, comme la basmala du site de Bada[Où ?]. Cela illustre les phases d'évolution et de développement de ces formules[11].
La basmala commence par la prépositionbi (« avec, par, au moyen de ») et le termeism (« nom »). En arabe,nom est en principe composé des lettresalif (ا),sīn (س) etmīm (م), ce qui donne finalementism :اسم. Mais, dans les éditions imprimées du Coran, lealif tombe, et le motism se lie directement à la prépositionbi, et on a doncbi-sm :بسم. C'est un cas unique en arabe et la présence dualif est variable selon les manuscrits. Cela pourrait provenir d’un héritage de la graphie hébraïque ou syriaque[4].
La seconde partie pose des difficultés syntaxiques et sémantiques. Ces deux termes,ar-Raḥmān (ٱلرَّحْمَٰن) etar-Raḥīm (ٱلرَّحِيم), peuvent être compris comme desjuxtapositions (usage préféré par les exégètes musulmans et le plus répandu dans lestraductions du Coran)[4] :
Trad. Richard Bell : « Au nom d'Allah, le Miséricordieux, le Compatissant »
Trad. Richard Bell : « Au nom d'Allah, le Tout Miséricorde, le Miséricordieux »
Une seconde solution serait de les considérer comme des attributs[4] :
Trad. Rudi Paret : « Au nom du Dieu miséricordieux et bon »
Enfin, il est aussi possible de considérerRaḥmān comme un nom divin apposé à Allah[4] :
Trad. Régis Blachère : « Au nom d'Allah, le Bienfaiteur miséricordieux »
Christian Robin justifie sa position en indiquant que« bien plus tard [après l’épisode desversets sataniques], c'est une synthèse très semblable qu'il accepte quand, revenu en vainqueur, il propose l'assimilation d'Ar-Rahman avec Allah »[12]. Il identifie dans cette appellation un nom dérivé de « Rahmanân », qui désigne le dieu des juifs vers leVIe siècle dans l'Arabie préislamique, mais aussi les dieux d'autres communautés monothéistes vivant dans la même région, que ce soit chez des chrétiens, ou chez le prédicateurMusaylima, un rival de Mahomet[13],[14]. À l'appui de cette analyse, il précise :« Dans l'invocation bi-(i)smi (A)llâh ar-Rahmân ar-rahïm, il est clair que ar-Rahmân était à l'origine un nom propre et que le sens premier était : « au nom du dieu ar-Rahmàn le miséricordieux ». Aux arguments historiques, on peut ajouter qu'en arabe, le mot rahmân ne se trouve que dans ce contexte »[14].
Le second, selon le papyrus bilingue Heidelberg 21, a le sens de « bon », « bienveillant » et les auteurs musulmans le voient comme un mot d'origine arabe. Ce terme est le plus souvent sans article défini et peut être appliqué à un homme[4].
La formule n'apparaît qu'une fois à l'intérieur même du texte coranique, auverset 30 de lasourate 27 (an-Naml) où elle est la formule d'ouverture d'une lettre envoyée parSalomon à lareine de Saba[5], ce qui, pour Blachère, est signe qu'à l'époque deMahomet déjà, elle figurait nécessairement au début d'un écrit[15]. Selon des sources musulmanes, une telle formule, citant alors une autre divinité qu'Allah, existait chez lespolythéistes de l'époque préislamique. Aucune source historique ne le confirme. Il a été proposé de voir dans une formulemazdéenne un antécédent mais celle-ci dérive déjà pourManfred Kropp du mondesémitique,juif ouchrétien[4].
De nombreux chercheurs se sont penchés sur les rapports entre la basmala et des formules juives ou chrétiennes.Nöldeke etSchwally voyaient dans les formules « Au nom deYHWH » et « Au nom du Seigneur », provenant respectivement de l'Ancien et duNouveau Testament, des antécédents. Si la première proposition présente une même particularité orthographique que la basmala, elle n'expliquerait pourtant pas la deuxième partie de la formule[4].
La basmala a toujours été la formule favorite descalligraphes arabes[réf. souhaitée]. On peut apprécier les jeux formels sur la basmala dans le livre deHassan Massoudy[16]. La phrase est si courante en arabe que le systèmeUnicode a prévu un caractère unique (ligature) pour la représenter :﷽ (U+FDFD).
Basmala calligraphiées
En cercle.
En forme de poire.
Selon la tradition populaire des musulmans, la basmala aurait un effet protecteur contre lesDjinns[17].
Selon le système standard de numérologie Abjadi , la valeur totale des lettres de la Basmala islamique, c'est-à-dire la phrase, est de 786 . Ce nombre a donc acquis une signification dans l'Islam populaire et la magie populaire du Proche-Orient et apparaît également dans de nombreux cas de culture pop, comme son apparition dans la chanson de 2006 « 786 All is War » du groupe Fun-Da-. Mental . Une recommandation de réciter la basmala786 fois en séquence est enregistrée dans Al-Buni . Sündermann (2006) rapporte qu'un « guérisseur spirituel » syrien contemporain recommande de réciter la basmala786 fois avec une tasse d'eau, qui doit ensuite être ingérée comme médicament[18].
Chez leschrétiens arabes, le terme « basmala » peut désigner l'expression évangélique et liturgique « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (باسم الآب والابن والروح القدس,bismi-l-’ābi wa-l-ibni wa-r-rūḥi l-qudusi), qui se trouve dans l'Évangile (Matthieu 28:19). Cette formule est parfois complétée à la fin par « Un seul Dieu » ( الإله الواحد,al-ilâh al-wâhid), quand il convient de bien marquer le caractère fondamentalementmonothéiste duchristianisme.
Toutefois, la formule coranique a également été interprétée par certains érudits chrétiens, qui lui donnent alors un sens spécifiquement chrétien et trinitaire[19].