| Date | 1-6 Août 1922 |
|---|---|
| Lieu | Parme |
| Casus belli | Incursion des Squadristi dans Parme |
| Issue | Victoire des Arditi del Popolo |
Légion prolétarienne Filippo Corridoni |
| Guido Picelli Antonio Cieri | Italo Balbo Roberto Farinacci |
| ~350 ArditiPopulation Parmesanse | 10 000 squadristi |
| 5 morts Destruction de bâtiments ouvrier et républicain dans Parmes | 40 morts |
Au mois d’août1922,Parme connaît des combats révolutionnaires qui opposent lessocialistes avec lesArditi del Popolo auxfascistes, lessquadristi. Les Arditi del popolo sortent victorieux de la lutte.
LeFront uniArditi del Popolo (soldats du peuple) allié à presque toutes lesformations de défense prolétarienne obtient par une action défensive la dernière victoire d’importance stratégique àParme. Une formidable contre-attaque partie du quartier Naviglio est menée contre une attaque préparée par lessquadristi fascistes commandés d’abord parRoberto Farinacci puis parItalo Balbo. Le Front uni a pour commandant un personnage charismatique,Guido Picelli, et l’épique sortie du Naviglio est menée par l’autre grand symbole de l’antifascisme qu’estAntonio Cieri. La Légion ProlétarienneFilippo Corridoni combat avec le front uniArditi del Popolo.
En1920, les problèmes sociaux et les visées impérialistes du capitalisme italien amenèrent à la « révolte des bersagliers » d’Ancône, un soulèvement populaire, parti de la caserne Vellarev car les bersagliers ne voulaient pas partir pour l’Albanie. Il y avait, encore vif, le souvenir de laSemaine Rouge, insurrection populaire à Ancône du 7 au qui avait débuté par une manifestation antimilitariste et s’était étendue à laRomagne, laToscane et d’autres régions d’Italie. Parmi les chefs anarchistes qui poussèrent à la rébellion et qui combattaient aux côtés des bersagliers d’Ancône, il y avait l’anarchisteAntonio Cieri qui, ne pouvant être emprisonné en raison du manque de preuves, fut transféré à Parme où il devint un personnage de première importance. Cieri avecGuido Picelli et la population de Parme (les femmes en particulier, très importantes soit comme combattantes, soit comme support aux troupes) seront les artisans de la défaite des très craintssquadristi d'Italo Balbo. Durant cette période, il y eut aussi, en concomitance avec l’entreprise de Fiume, la révolte des Arditi deTrieste qui ne voulaient pas partir pour d’autres guerres de « pillage impérialiste ». Le gouvernement craignit une fédération entreAncône et la presque bolchevique Fiume (déjà république et état libre reconnu par la Russie soviétique). Une telle opération aurait pu mettre le feu au territoire national qui était déjà en état insurrectionnel.
En 1921, la volonté de lutte révolutionnaire duprolétariat s’oppose auréformisme et aumaximalisme du Parti Socialiste qui en reste souvent au niveau des paroles. De ce fait, les luttes se radicalisent toujours plus. L’exemple de laRussie et la poussée bolchevique, à la suite de l'entreprise de Fiume, galvanisent le prolétariat. En juillet1921, il y a lesfaits de Sarzana, lesfaits de Gênes, lesfaits d'Empoli.
En 1922, le sectarisme d'Amadeo Bordiga d’une part, et l’indécision des réformistes de l’autre, ont empêché l’organisation générale et le soutien aux formations de défense antifascistes qui étaient regroupées dans le front uniArditi del Popolo. L’historienTom Bhean indique que de telles formations auraient été l’unique possibilité d’arrêter le fascisme et il fait aussi des hypothèses dubitatives sur la possibilité d'un avènement dunazisme sans passage par le fascisme.Antonio Gramsci[1] avait compris la situation mais il dut se tenir en retrait en raison de la mise en minorité de son groupe au sein duParti communiste italien.Giuseppe Di Vittorio en1922, structure les organisations antifascistes — socialistes, communistes, anarchistes, associés auxArditi del Popolo, légionnaires et ex officiers de l’expédition de Fiume — et il organise la défense du siège de la Chambre du Travail deBari, battant lessquadristi fascistes de Caradonna.
ÀPlaisance,Livourne,Ravenne,Rome,Civitavecchia (où est encore conservé avec orgueil le drapeau du bataillon de Civitavecchia desArditi del Popolo),Bari,Ancône,Vercelli,Novara,Biella,Turin,Piombino, pratiquement dans toute la péninsule et en particulier dans les zones de forte concentration d'ouvriers et de dockers (Benito Mussolini se demanda« si l’air de la mer favorisait la subversion »[réf. nécessaire]) se formèrent des équipes de défense antifasciste qui barrèrent militairement la route aux squadristi en s'appuyant sur la capacité militaire et organisationnelle d’anciens combattants, parfois gradés, certains même interventionnistes déçus commeEmilio Lussu.
ÀParme la légion prolétarienneFilippo Corridoni entre en clandestinité avec une frange des Arditi del Popolo, après avoir durement battu d'abord les squadristi emmené parRoberto Farinacci puis parItalo Balbo qui l'avait remplacé sur ordre deBenito Mussolini. ÀRome, les « marcheurs » sont bloqués à l'entrée des quartiers populaires, la défense de San Lorenzo est une page historique, mais la lutte est inégale. ÀGênes, les fascistes gagnent, il y a de durs combats entre fascistes et soldats d'une part et ouvriers,Arditi del Popolo, syndicalistes, anarchistes et communistes, qui se prolongent presque toutel'année 1922.
Après une longue stagnation auXIXe siècle, la population s'était accrue de manière sensible, passant de 10 000 habitants en 1901 à 57 000 en 1911. À la croissance démographique s’était associé un développement urbain au-delà des bastions duXVIe siècle, démolis pour faire de la place aux nouvelles constructions sous l'impulsion du maire Giovanni Mariotti[2].
Le quartier ouvrier de San Leonardo s’était développé dans la zone nord et simultanément avec l'implantation de nombreuses usines, parmi lesquelles celle du verrierBormioli qui employait déjà trois cents ouvriers en1913. Au sud, vers la Citadelle, se développait un quartier pour les gens plus aisés.
De 1901 à 1903 furent construits les ponts Verdi et Italia, en 1906, des établissements de bains publics sur le Lungoparma et en 1907, l’hôtel Croce Bianca ouvrait place de la Steccata (le commandement fasciste en prit possession en août1922). Le réseau de transport montra un progrès en1910 avec l’inauguration en mai des lignes de tramway électriques. La même année avaient été érigés un nouvel aqueduc et un nouvel abattoir.
D’un point de vue social, la ville était divisée en deux : l'Oltretorrente, appelé aussi vieux Parme, situé à l’ouest, et qui, depuis la fin duXIXe siècle, accueillait dans des bâtiments souvent insalubres les habitants de provenances géographiques et sociales diverses qui s’intégraient dans le tissu social existant : paysans et montagnards à la recherche de travail dans l’activité industrielle. À l’est, il y avait la partie la plus ancienne de la ville, qui était appelée nouveau Parme en raison de son aspect plus moderne, qui était peuplée en majorité de la classe bourgeoise et qui était, en grande partie, le siège des pouvoirs institutionnels.
Le quartier du Naviglio, dans la zone nord orientale avait réussi une intégration sociale identique à l'Oltretorrente. Parme et sa région ressentit les effets de l'entrée en guerre en 1915 avec les problèmes qui précèdent et suivent les conflits : inflation qui érodait les salaires, difficultés d'approvisionnement des produits alimentaires et du combustible, problèmes de santé publique, augmentation des maladies (lagrippe espagnole n'épargna pas Parme en 1919). L'absence des hommes envoyés au front et le remplacement par des enfants et femmes créait une nouvelle base ouvrière, féminine et émancipée par le travail. Même si les travaux publics furent bloqués (l'hôpital par exemple ne fut terminé qu'en1925 et le monument àGiuseppe Verdi qu'en1920), il n'y eut pas de problème de chômage en raison du manque de main d'œuvre masculine partie à la guerre. Dans la région de Parme, la guerre fit augmenter l’activité aussi bien agricole que de transformation des produits de la terre.
Les événements débutent le par la grève générale nationale organisée par l'Alliance du Travail, organe syndical du front uni. La cause de la grève est l'augmentation des attaques dessquadristi fascistes contre les organisations ouvrières, avec de nombreux morts sans aucune intervention de la part desorganes de répression de l’état[pas clair], sinon pour protéger les fascistes, exception faite lors des événements de Sarzana, où les carabiniers et lesArditi del Popolo tirent sur lessquadristi. Les carabiniers étaient commandés par le commandant Jurgens, qui avait participé à la répression desGardes rouges de Turin, et qui était opposé à toute forme de subversion en sa qualité de serviteur de l’état. Quelques jours après les carabiniers durent arrêter les mêmesArditi del Popolo avec qui il avait combattu. Le capitaine Jurgens verra sa carrière stoppée pendant la période fasciste.
Les squadristi se déchaînent au niveau national contre le prolétariat en révolte, appuyés parles organes de répression de l’état[pas clair]. Le, la grève est interrompue.
Contrairement à beaucoup d’autres villes où la résistance des formations antifascistes devait céder, à Parme, une résistance armée est organisée. Les travailleurs adhèrent en force à la grève. Parme est restée presque toujours impénétrable au fascisme comme l'évoqueItalo Balbo dans son journal (Milan 1932).
De plus, depuis plus d'un an, les équipes d'autodéfense prolétarienne deGuido Picelli œuvrent. De telles organisations d'autodéfense paramilitaire ont un parfait réservoir de recrutement dans le tissu social prolétarien enclin au socialisme ou à l'anarchisme.
Dans les premiers jours d’août, dix mille hommes venus de la région de Parme ou des provinces limitrophes sont mobilisés par le Parti Fasciste pour l’attaque contre Parme etItalo Balbo assure le commandement après le bref commandement de Farinacci, déjà responsable d’expéditions militaires similaires contreRavenne etForlì. Le nombre de fascistes augmentera de manière conséquente en raison de la résistance des groupes d’autodéfense prolétarienne.
La population de l'Oltretorrente et des quartiers Naviglio et Saffi se prépare à l’agression en construisant des barricades ou en creusant des tranchées. Les sièges des organisations prolétariennes et centristes sont protégés, ainsi que les maisons, des dévastations que les fascistes, emmenés parItalo Balbo, ont l'habitude de réaliser comme cela avait été le cas dans d’autres villes. Dans les quartiers populaires, les pouvoirs institutionnels passent sous le commandement desArditi del Popolo commandés parGuido Picelli[3]. Toute la population participe activement aux combats, les oppositions politiques sont mises de côté.
Les squadristi tentent de passer au-delà des barricades. Ils dévastent la zone centrale de la ville, la moins défendue, le cercle des cheminots, les bureaux de nombreux professionnels démocrates, le siège du journalIl Piccolo, le siège de l'Union du Travail et du Parti Populaire.
Les négociations débutent alors entre le commandement de Balbo, les autorités militaires et la préfecture, pour mettre fin aux combats. On compte quarante morts parmi lessquadristi, contre seulement cinq parmi lesArditi del Popolo. Les squadristi doivent s’éloigner sur les conseils de Lodomez, commandant militaire de la place, homme rusé qui, voyant la situation compromettante pour le fascisme[4] même au niveau national, préfère rester neutre en disant à Balbo :« il vaut mieux abandonner l’expédition car lui et ses hommes ne sont pas en mesure de garantir la sécurité de ses hommes (d'Italo Balbo) »[réf. nécessaire]. La nuit du 5 au, les équipes fascistes se démobilisent et quittent rapidement la ville : Parme la prolétaire a résisté et a sauvé en grande partie la ville de la dévastation. Bien des années après, Balbo, retournera à Parme, auréolé de ses exploits aéronautiques, avec notamment des traversées transatlantiques qui lui avaient apporté un grand prestige. Le fascisme sera alors bien en place et il sera accueilli par un gros panneau où il sera écrit en dialecte parmesan :« Balbo, tu as traversé l’océan mais pas le torrent Parma ».
Le, Lodomez, assume les pleins pouvoirs et proclame l'état de siège. Dans la matinée, les soldats entrent dans les quartiers de l'Oltretorrente et du Naviglio et en peu de temps, la situation retourne à la normale.
Les défenseurs tués sont Ulisse Corazza, conseiller communal du P.P.I, Carluccio Mora, Giuseppe Mussini, Mario Tomba et le jeune Gino Gazzola, dont la mort, comme le racontePino Cacucci dans son livreOltretorrente, provoque la furie d'Antonio Cieri qui, baïonnette entre les dents et une grenade à la main, suivi des hommes et des femmes, conduit l’épique sortie de Naviglio, brisant l’encerclement dessquadristi.Antonio Cieri avait déjà réalisé une telle action qui lui valut une décoration pendant la Première Guerre mondiale, non par fanatisme nationaliste (il était anarchiste et il était parti à contrecœur) mais pour sauver les compagnons d’armes pris sous le feu autrichien.Antonio Cieri ne perdra pas l’habitude de conduire les assauts : il mourra àHuesca en Espagne pour défendre la république en attaquant une position ennemie à la tête de son équipe debomberos. La position sera conquise mais Cieri mourra dans l’attaque.
Les raisons sociales et politiques de la résistance victorieuse de Parme sont nombreuses et sont liées à l’enracinement et l’expérience impliquant les mouvements locaux des travailleurs. Expériences qui vont du traditionnel esprit rebelle urbain des quartiers les plus pauvres de la ville (particulièrement les quartiers de l’Oltretorrente) à la situation historico-politico-sociale brièvement analysée dans le paragraphe du tissu social de la région de Parme.
Il faut remarquer que la culture de la région de Parme de l’interventionnisme de gauche et l’expérience du combat durant la Première Guerre mondiale de beaucoup de travailleurs ont renforcé une forte volonté de changement social et politique : l’unique avantage que la guerre leur ait apporté est un ensemble de connaissances militaires applicables sur le champ de bataille.
De plus il y avait eu l’entreprise deFiume dontGabriele D'Annunzio était considéré par Argo Secondari comme « le Commandant », comme le raconte dans un entretien un émissaire d'Antonio Gramsci.Il faut aussi tenir compte du fait que la Russie soviétique, en cette période, représentait un espoir d'émancipation des classes subalternes et des fractions de classes moyennes alliées au prolétariat, par exemple les nombreux anciens combattants gradés et déçus de la guerre.
Il faut aussi noter l’importance de la personnalité des combattants antifascistes et le charisme de personnages commeAntonio Cieri etGuido Picelli et sa proposition politique d'un front unitaire antifasciste (par la suiteGuido Picelli adhérera auparti communiste italien mais, en cette période, il était encore un socialiste internationaliste).
Militairement parlant, il fut facile de défendre une zone avec des rues étroites et tortueuses qui permettaient une défense efficace avec des barricades. Il y avait eu auXIXe siècle des précédents qui avaient mis en échec les attaques de la police par des jets de tuiles et de pierres.
