Elle fait partie desinstitutions spécialisées du système de l'Organisation des Nations unies (ONU). Elle publie tous les ans une contribution sur un thème du développement dans son Rapport sur le développement dans le monde. C’est aussi un important employeur de chercheurs (un quart environ de ses 9 200 collaborateurs ont un doctorat)[1].
C'est le premier prêteur d’argent d'origine publique au monde[1]. LaBIRD, le principal organe de la Banque mondiale, compte actuellement 189 pays membres[2].
La Banque mondiale est dirigée par un directeur général et présidée par le président du Groupe de la Banque mondiale. Tous deux sont élus par les pays administrateurs du Groupe.
Dans le cadre d'un accord diplomatique tacite, la Banque mondiale est toujours dirigée par un américain, alors que leFMI est toujours dirigé par un européen.
La Banque mondiale est créée principalement pour aider l'Europe et leJapon dans leur reconstruction, au lendemain de laSeconde Guerre mondiale, mais avec le mouvement de décolonisation des années 1960, elle se fixe un objectif supplémentaire, celui d'encourager la croissance économique despays en voie de développement africains, asiatiques et latino-américains : ainsi, depuis 1945, l'Inde a bénéficié d'un montant cumulé de prêts de plus de 111 milliards de dollars, et laChine, de 62 milliards[4].
laSociété financière internationale (IFC), fondée en1956, pour financer les prêts et les investissements réalisés par les entreprises dans les pays à risque,
Les objectifs de la Banque mondiale évoluent au cours des années. Elle délaisse l'objectif unique decroissance économique et met désormais l'accent sur un objectif ambitieux : mettre fin à l'extrême pauvreté d'ici à 2030, en abaissant le pourcentage de la population mondiale qui dispose de moins de 1,90 dollar par jour pour vivre. Elle favorise aussi la création des très petites entreprises. Elle se focalise également sur des problématiques comme l'environnement, les pandémies ou la dette. Elle s'est récemment mobilisée en faveur duclimat, et entend investir pour cette cause 200 milliards de dollars de2021 à2025. Elle a soutenu l'idée que l'eau potable, l'éducation et ledéveloppement durable sont des facteurs essentiels à la croissance économique, et a commencé à investir massivement dans de tels projets. En réponse aux critiques, la Banque mondiale a adopté une série de politiques en faveur de la sauvegarde de l'environnement et du social, visant à s'assurer que leurs projets n'aggravaient pas le sort des populations des pays aidés. En dépit de ces politiques, les projets de la Banque mondiale sont souvent critiqués par lesorganisations non gouvernementales (ONG) pour ne pas lutter efficacement contre la pauvreté, et négliger les aspects sociaux et environnementaux.
En1981, la Banque mondiale publie un rapport sur le développement accéléré enAfrique subsaharienne, ditrapport Berg[5].
Selon la charte fondatrice, les prêts sont versés en fonction de considérations purement économiques, le régime politique du pays bénéficiaire n'étant pas pris en compte. Ce dernier point a cependant évolué depuis lesannées 2000, notamment grâce à l'influence de l'administrationBush :« L'idée selon laquelle des aides ne devraient être accordées à un pays en difficulté que sous certaines conditions relatives à l’utilisation de cette aide (en termes de bonne gestion, mais aussi de respect des droits de l’homme, par exemple) est maintenant largement admise »[6].
En2014, elle accorde 65,6 milliards de dollars de prêts, dons, prises de participations et garanties, dont 20,9 milliards enAfrique et auMoyen-Orient.
Après la reconstruction de l'Europe et duJapon, son action s'est progressivement orientée vers les pays en développement, et en particulier lespays les moins avancés (PMA), sur des axes comme l'éducation, l'agriculture, l'industrie, la santé… et plus récemment vers le climat et l'environnement.
La Banque mondiale a pour mission de soutenir des projets innovants ou risqués que des investisseurs classiques n’oseraient pas financer, tels que des actions de reconstruction de zones dévastées par des conflits ou des catastrophes, ou encore la protection du climat et l’adaptation au dérèglement climatique (ex irrigation au goutte-à-goutte alimentée par desmodules photovoltaïques aidés auNiger). Rien qu’en 2018, l'IFC a aidé à hauteur d’environ 23 milliards de dollars des pays en développement[1].
En plus des prêts accordés, elle finance également (directement ou indirectement) des projets d'ONG, et conduit de nombreuses recherches en rapport avec le développement de chaque pays. Ainsi, c'est la Banque mondiale qui mesure l'Indicateur de développement humain (IDH) dans différents pays et zones géographiques, ou qui conduit avec l'Unicef des études thématiques sur l'eau et l'assainissement. La BM propose enfin des programmes d'assistance conjoncturels aux pays sous-développés touchés par des crises sanitaires ou bactériologiques à travers sonPandemic Emergency Financing Facility[11].
En2018, la Banque mondiale dépense 67 milliards dedollars US dans le monde, dont pour l'atténuation des changements climatiques, la conservation des forêts, la santé publique et les universités. Fin 2018, elle a décidé de doubler ses prêts pour la lutte contre le changement climatique, les portant à 200 milliards de dollars entre2021 et2025, conformément auxaccords de Paris sur le climat[1].
Elle accorde des prêts à des taux préférentiels à ses pays membres en difficulté. En contrepartie, elle réclame que des dispositions politiques (appelées « politiques d'ajustement structurel ») soient prises pour, par exemple, limiter lacorruption, maintenir un équilibre budgétaire ou faciliter l'émergence d'unedémocratie.
La Banque mondiale compte environ 10 000 employés dont environ la moitié travaillent sur des projets de l'IDA. Elle fonctionne en cycles triennaux (campagnes de trois ans) et distribue ses fonds sous forme de dons à hauteur de 20 %, le reste prenant la forme de prêts à taux d'intérêt faible ou nul. l'IDA a collecté plus de 52 milliards de dollars pour le cycle 2015-17 (IDA-17). En2014, l'IDA a engagé plus de 22 milliards de dollars dans lespays en développement en suivant les priorités de l'IDA, à savoir l'intervention dans les pays les plus vulnérables (États fragiles), les infrastructures, l'intégration régionale et la résilience au changement climatique. En2014, les cinq premiers emprunteurs étaient l’Inde, lePakistan, leBangladesh, leNigeria et l’Éthiopie.
LeWorld Development Report ou Rapport sur le développement dans le monde est un rapport annuel publié par la Banque mondiale depuis1978. Chaque édition du WDR propose une analyse approfondie d'un aspect particulier du développement économique. Des sujets tels que le rôle des villes, l'agriculture, la jeunesse, les services publics, le rôle de l'État, la transition économiques, l'environnement ou encore la pauvreté ont déjà été traités. Ces rapports sont les contributions les plus connues de la Banque sur la réflexion autour du développement.
Selon une règle tacite, le directeur duFMI est désigné par les gouverneurs européens alors que le président duGroupe de la Banque mondiale (GBM) est désigné par le gouvernement américain, les États-Unis étant le principal actionnaire de la Banque mondiale. Il est élu pour un mandat de 5 ans, renouvelable, par le conseil d'administration.
Le,Jim Yong Kim est désigné président du GBM et prend ses fonctions le suivant[12]. Il annonce publiquement sa démission le. Son départ est jugé par certains comme mettant en péril le leadership financier de la banque pour le climat mondial[1]. Après une courte période d'intérim assurée par la directrice générale de la Banque mondialeKristalina Gueorguieva,David Malpass, alors membre de l'administration Trump, devient le nouveau président du Groupe de la Banque mondiale le 9 avril 2019[13].
L'action de la Banque mondiale est souvent critiquée, cependant pour deux raisons opposées. D'une part, les gouvernements en place renâclent à prendre des mesures anti-corruption et à organiser de véritables élections. D'autre part, lesmouvements altermondialistes accusent la Banque mondiale de répondre davantage aux exigences des multinationales qu'à celles des populations locales.
« Des crises de légitimité engendrent des projets de réforme, tant à l’ONU qu’auFonds monétaire international et à la Banque mondiale. Elles ont pour point commun une demande de transparence et de démocratie, d’une part, et une remise en cause des finalités et des modes d’intervention de ces organisations, d’autre part »[6],[15].
Beaucoup considèrent la Banque mondiale comme étant sous l'influence politique desÉtats-Unis (compte tenu de leur capacité de blocage lié à leur poids important dans l'actionnariat, lui-même résultat de leur poids dans l'économie mondiale).Joseph Stiglitz a reproché aux pays européens de se satisfaire de cette répartition et donc d'être responsables indirectement de la mauvaise période traversée par la Banque mondiale[16]. En 2010, une réforme de l'actionnariat a été mise en place afin de donner plus de poids et une meilleure représentativité aux pays en développement.
Au début desannées 1980, lesÉtats-Unis usent de leur influence pour bloquer les prêts de la Banque mondiale à laGrenade, alors dirigée par un gouvernementsocialiste[17].
Héros autoproclamé de la lutte anticorruption dans lespays en développement,Paul Wolfowitz a été impliqué dans une affaire defavoritisme au sein de la Banque mondiale concernantShaha Riza, une collaboratrice avec qui il entretenait une liaison, et a dû démissionner enjuin 2007, deux ans après sa nomination.
Dans une interview donnée auWall Street Journal enjanvier 2018, le chef économiste du « Doing Business » (classement de la Banque mondiale du meilleur au plus mauvais pays pour y faire des affaires)Paul Romer reconnaît que l'organisme oriente ses études suivant des partis pris idéologiques.Paul Romer cite l’exemple duChili qui aurait été défavorisé dans le classement car sa présidenteMichelle Bachelet étaitsocialiste. L'interview provoque une polémique qui le pousse à la démission[18].
Ainsi, après 10 ans de tergiversation juridique, en février 2019 laCour suprême des États-Unis a jugé (décision décision 7–1 de la cour) que la Banque mondiale pouvait être poursuivie en justice pour dommages à l’environnement, réfutant une demande d'immunité de poursuites faite par la Banque mondiale. Cette jurisprudence a été saluée par divers groupes promouvant la justice sociale et/ou environnementale[1]. Selon Vijaya Ramachandran (qui a été employée par la Banque mondiale et qui est consultante auprès de l'IFC), plutôt que de se plaindre d'un éventuel risque de salves de poursuites, leGroupe de la Banque mondiale devrait accepter la responsabilité de ses erreurs quand il finance des projets qui sapent sa raison d’être, c’est-à-dire éliminer lapauvreté et à améliorer lesconditions de vie dans plus de 170 pays[1].
L’origine de ce jugement est le financement par la Société financière internationale (IFC) l’une des branches du secteur privé de la société Banque mondiale d’un prêt de 450 millions de dollars qui a permis en 2008 à la « Coastal Gujarat Power » de démarrer une nouvellecentrale à charbon très polluante dans la ville indienne deMundra. Outre que cette usine pollue l’air et les eaux souterraines au point que beaucoup de gens ont du déménager pour s’en éloigner, elle contribue au réchauffement climatique, et son système de refroidissement a réchauffé l’eau et unestuaire en tuant des poissons et dégradant desmangroves protégeant la côte contre la mer. Des milliers d’agriculteurs, habitants et pêcheurs ont été lésés par cette dégradation de leur environnement. Certains ont en 2011 décidé de porter plainte contre l'IFC au motif qu’elle n’a pas mis en œuvre les mesures de protection de l'environnement qu'elle avait imposées à la compagnie d'électricité pour éviter, réduire ou compenser les effets négatifs imprévus du projet[1].
Un arbitrage indépendant dédié aux litiges issus des financements de l'IFC, a été rendu par l'ombudsman conseiller en conformité (CAO[19]), dans un rapport de 2013, concluant d’une part que certains plaignants n'avaient pas été consultés ou pris en compte, et d’autre part que l'impact sur le milieu aquatique avaient été sous-estimés ; et qu’en outre l'IFC n’avait pas ensuite correctement surveillé la compagnie d’électricité. l'IFC a publié un plan d’action, mais sans agir sur le fond. En 2017, alors qu’une plainte groupée était déposée devant la justice américaine avec l’aide de l’ONGEarthRights International (basée àWashington, D.C.), le CAO s’est à nouveau inquiété de« la nécessité, non résolue, d'adopter une approche rapide, participative et expressément corrective pour évaluer et gérer les impacts du projet »[1].
L'IFC a alors cherché à se réfugier derrière le droit pour les organisations internationales basées aux États-Unis d’être protégées des poursuites pour « activité commerciale ». Mais cette immunité est limitée, et laCour suprême a dans ce cas finalement renvoyé l’affaire devant les juridictions inférieures. Cette jurisprudence ouvre la possibilité d’autres poursuites contre l'IFC[1].
Vijaya Ramachandran témoigne dans la revue Nature que la Banque mondiale a engagé des« efforts sincères et efficaces pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. Ces organisations font un travail essentiel. Il est décourageant de penser qu'une partie de ces fonds pourrait devoir être affectée à des frais juridiques » mais elle se dit également frustrée par le refus de la Banque mondiale d’endosser une responsabilité quand« les choses tournent mal ». Elle cite comme autre exemple de litige, traitée depuis 7 ans par le CAO, l'affaireDinant Corporation. Ce groupe agroalimentaire duHonduras spécialisée dans l'huile de palme aurait selon les plaignants utilisé des forces de sécurité privées pour expulser de force des agriculteurs dans et autour de ses plantations ; ce que l’industriel nie[1].
En février 2009, un rapport d'audit interne a indiqué que des employés de la banque avaient autorisé l'injection de fonds dans un projet immobilier enAlbanie, mais que les informations qu'ils avaient utilisées étaient incomplètes ou sciemment faussées. Ce rapport a mis au jour différentes procédures fautives de la Banque mondiale[20].
↑Armelle Bohineust, « La Banque mondiale est-elle utile ? »,Le Figaro,,p. 17.
↑JosephMbandza,Pauvreté et modèles de croissance en Afrique subsaharienne : le cas du Congo-Brazzaville (1945-2000), Éditions Publibook,, 501 p.(ISBN978-2-7483-0530-2,présentation en ligne).
↑« Ils ont préféré soutenir un système qui leur garantit la présidence du Fonds monétaire international, au lieu de modifier avec courage les critères de sélection »,Le Monde,31 mai 2007.
↑a etbMaurice Lemoine,Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’État modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte,,p. 77
[1] article de François Bourguignon, ancien vice-président de la Banque mondiale, sur l'aide au développement et le rôle des institutions internationales.