Appartenant au groupe desÆsir, il est le dieu de la lumière, la beauté, la jeunesse et l'amour.
Il est le fils d'Odin et deFrigg. Son épouse estNanna, et leur filsForseti. Son domaine estBreidablik, qui est dans les cieux (ou enSuède, selon laYnglinga Saga), dans une contrée d'où le mal est banni. Par jalousie, le dieuLoki cause sa mort. Baldr est alors envoyé dans le monde des morts et Loki est puni pour ses méfaits, car il empêche Baldr de revenir de Hel, précipitant l'arrivée de la bataille prophétique duRagnarök où la majorité des dieux périront. Néanmoins Baldr en sera épargné et avec quelques autres survivants il prendra part au renouveau.
Il est présenté comme le fils de*Wōdanaz (Odin, Wodan) aussi bien dans la tradition nordique que dans les généalogies royales anglaises (où Bældæg est fils de Wōden).
Le dieu Baldr est décrit au chapitre 22 de la partieGylfaginning de l'Edda de Snorri. Il est le secondAse que leTrès-Haut décrit àGangleri, aprèsOdin. Il n'y aurait que du bien à dire de Baldr et tous l'aiment ;
« Il est si beau et si brillant qu'il émet de la lumière ; il y a une fleur des champs si blanche qu'on l'a comparée aux cils de Baldr [...] - et de cela tu peux conclure quelle est sa beauté, à la fois de cheveux et de corps. Il est le plus sage des Ases et le plus habile à parler et le plus clément. Mais il possède cette caractéristique essentielle qu'aucun de ses jugements ne peut se réaliser[2]. »
En effet, enIslande et selon les régions deScandinavie, les fleursMatricaria maritima ouMatricaria perforata sont communément appeléesBaldrsbrá,« cil de Baldr ». Il est probable que le nom de ces fleurs vienne effectivement du dieu, mais dans le cas contraire il s'agirait d'un exemple où l'auteur de l'Edda,Snorri Sturluson, ait inventé une étymologie pour l'expliquer avec des mythes[3].
Breidablik, qui se traduit par« Large Éclat »[4], est la demeure céleste où Baldr réside, où« il ne peut rien y avoir d'impur »[2]. Ensuite est citée un strophe en vers qui correspond à la strophe 12 dupoème eddiqueGrímnismál :
Breiðablik ero in siavndo, enn þar Baldr hefir ser vm gerva sali; a þvi landi er ec liggia veit fosta feícnstafi[5].
La septième est Breidablik Et là, Baldr S'est fait une salle, Dans ce pays Où je sais que se trouvent Le moins de maléfices[4].
Les descriptions des dieux continuent, et au chapitre 32 duGylfaginning, on apprend que Baldr et la déesseNanna ont un fils appeléForseti, qui héritant de caractéristiques de son père, préside un tribunal où toutes les querelles sont résolues[6].
Dans le chapitre 1 de la partieSkáldskaparmál de l'Edda de Snorri, on apprend comment les Ases tuèrent le géantThjazi qui avait ravi la déesseIdunn. La fille de Thjazi, qui s'appelleSkadi, arriva armée àÁsgard pour le venger mais les dieux lui offrirent de se choisir un mari parmi eux en guise de réparation, toutefois elle ne pourra choisir qu'en voyant leurs pieds. En remarquant des pieds très beaux, elle dit« C'est celui-là que je choisis, il ne doit pas y avoir grand-chose de laid dans Baldr! ». En espérant tomber sur Baldr, c'est en faitNjörd qu'elle obtint[7].
Le mythe essentiel associé à Baldr est le récit de sa mort, raconté dans lechapitre 49 de laGylfaginning.
Baldr se mit à faire des rêves sinistres sur sa propre mort, ce qui effraya lesAses.Odin se rendit dans leNiflheim, interroger l'âme d'une prophétesse défunte (ce que raconte le poème eddiqueBaldrs draumar), qui lui révéla le sort de son fils.Frigg fit alors jurer tous les éléments, les minéraux, les animaux et les végétaux de la création qu'ils ne feront jamais de mal à Baldr, à l'exception du gui, considéré comme trop souple pour blesser qui que ce soit. Baldr fut alors considéré comme invulnérable, à tel point que lesAses s'amusèrent à jeter toutes sortes de projectiles vers lui et à le frapper avec divers d'objets, sans résultat. SeulHöd, son frère, ne pouvait pas participer du fait de sa cécité.
CependantLoki en conçut du ressentiment, et, prenant l'apparence d'une vieille femme, obtint deFrigg l'aveu qu'elle avait oublié de demander au gui de prêter serment, tant cette plante avait l'air frêle et jeune. Loki prit un bâton de gui, le donna àHöd, le dieu aveugle, et guida son bras pour qu'il le jette sur Baldr, qui fut transpercé et mourut aussitôt.
Le désarroi parmi lesAses fut grand, etHermod (frère de Baldr) se porta volontaire pour se rendre au royaume deHel afin d'obtenir le retour de Baldr contre une rançon.Hermod montaSleipnir et se mit en route.
Entretemps, lesAses célébrèrent les funérailles de Baldr, qu'ils voulaient incinérer sur son navireHringhorni, mais le navire refusait de quitter la terre ferme. Ils firent venir duJötunheim unegéante du nom deHyrrokkin pour le déplacer, qui y parvint si bien que la terre trembla et des flammes naquirent du frottement des billots, ce qui mitThor en colère. Il l'aurait tuée si lesAses ne l'avaient supplié de lui laisser la vie sauve. Le corps de Baldr fut placé sur le navire, et son épouseNanna en mourut de chagrin. Elle fut placée sur lebûcher à ses côtés.Thor consacra le bûcher avec son marteauMjöllnir, mais unnain du nom deLit courut devant lui, etThor l'envoya dans les flammes d'un coup de pied.
Beaucoup furent présents à l'incinération de Baldr, comme le dit laGylfaginning : «premièrementOdin, accompagné deFrigg, desValkyries et de ses corbeaux ; pendant queFreyr conduisait un char tiré par un sanglier appeléGullinbursti ouSlidrugtanni;Heimdall montait un cheval appeléGulltopp, etFreyja ses chats. Furent également présents une grande troupe de géants du givre et de géants des montagnes.Odin plaça sur le bûcher un bracelet appeléDraupnir qui eut, de ce jour, la propriété de produire huit bracelets de même poids toutes les neuf nuits. Le cheval de Baldr fut mené au bûcher, avec tout son harnachement.» (Snorri Sturluson,Edda en prose 2:49.)
De son côté,Hermod chevaucha neuf nuits et atteint la rivièreGjöll, dont le pont, tout en or, était gardé par la viergeModgud. Celle-ci s'enquit de son identité et de son lignage, et lui demanda ce qu'il venait faire enHel alors qu'il n'était pas mort.Hermod lui révéla qu'il était venu chercher Baldr, etModgud confirma qu'il était bien passé par le pont.
Hermod chevaucha versHel, en sauta les portes monté surSleipnir et trouva Baldr assis à la place d'honneur. Le lendemain, il suppliaHel de permettre à Baldr de rentrer avec lui. Celle-ci déclara qu'elle accepterait si tout dans le monde, vivant ou non, pleurait Baldr. Cependant, si le moindre objet refusait de le faire, elle le garderait à jamais.
Puis Baldr confia le braceletDraupnir àHermod, pour qu'il le rende àOdin, etNanna (sa femme) lui donna une robe de lin et d'autres cadeaux pourFrigg, ainsi qu'un anneau pourFulla.Hermod rentra alors àÁsgard.
Puis lesAses envoyèrent des messages aux quatre coins de l'univers, demandant à chaque chose de pleurer Baldr, ce que toutes firent, sauf unegéante appeléeThokk, que l'on présume avoir étéLoki déguisé. De ce fait, Baldr demeura enHel jusqu'au Ragnarök.
À la strophe 11 du poème eddiqueBaldrs draumar, la voyante révèle à Odin que c'est son filsVali qui vengera Baldr en tuantHöd :
Rindr berr Vala i væstrsolvm, sa man Oðins sonr æinnættr væga: hond vm þvær næ hofvð kæmbir, aðr a bal vm berr Balldrs andskota[8];
Rindr a conçu Váli Dans les salles de l'ouest, Celui-ci, âgé d'une nuit, Tuera le fils d'Ódinn, Ne se lavera pas les mains Ni ne peignera ses cheveux Que sur le bûcher n'ait porté L'ennemi de Baldr[9].
Aux strophes 32 et 33 de la Völuspá, une voyante prédit les mêmes faits, que Vali âgé que d'une nuit vengera Baldr en tuant Höd. Il ne se lavera ni ne se peignera avant d'avoir accompli cet acte. Cette vengeance est également évoquée dansHyndluljóð (strophe 29).
Lorsque le monde renaîtra après leRagnarök, Baldr reviendra deHel pour y demeurer. LaVöluspa nous apprend que Baldr reviendra avec son frèreHöd. L'herbe renaîtra et tous les fils et les filles des dieux survivants se réfugieront autour de lui sur l'Yggdrasil.
Deux textes évhéméristes d'originesdanoises mettent en scène Höd (sous le nom de Hother ou Høtherus), qui est alors un roi guerrier, non aveugle, qui tue son rival Baldr au combat. Malgré leur intention, ces textes ont un intérêt mythologique puisqu'ils témoignent de versions christianisées de mythes qui n'apparaissent pas toujours dans d'autres sources préservées. Dans le cas de Höd, ces textes le présentent sous un aspect totalement différent que dans l'Edda de Snorri, il s'agit là d'un guerrier puissant, consciemment ennemi et meurtrier de Baldr. Il subit toujours la vengeance d'un autre fils d'Odin, Vali (nommé Both ou Bous dans les textes évhéméristes).
LaGesta Danorum (Geste des Danois) est une œuvre en latin rédigée à la fin duXIIe siècle par l'historienSaxo Grammaticus à la demande de l'homme d'ÉtatAbsalon qui gouvernait alors leDanemark et qui désirait doter son pays d'une véritable épopée nationale[10]. Saxo Grammaticus présente dans son œuvre l'histoire des premiers héros et rois danois. Il s'est inspiré des mythes pré-chrétiens et en a proposé une version fortementévhémériste où les dieux nordiques sont en fait des hommes d'une puissance supérieure qui se sont fait passer pour des divinités.
Le Livre Troisième raconte l'histoire de Høtherus (qui correspond àHöd), fils du défunt roi deSuède Hothbrodus donc élevé par le roi Gevarus. Le jeune Høtherus est déjà des plus robustes, habile à la nage, à l'arc et à la lutte, mais également en musique. Ses qualités séduisentNanna, la fille de Gevarus, qui en tombe amoureuse. Mais Balderus (qui correspond à Baldr), le fils d'Odin, aperçoit Nanna se baigner et sa beauté le remplit de désir. Il décide de se débarrasser de son concurrent Høtherus. Pendant ce temps, Høtherus rencontre dans la forêt troisnymphes qui ont le pouvoir de contrôler l'issue des batailles. Elles mettent en garde le jeune prince des intentions mauvaises de Balderus, et l'avertissent de ne pas le provoquer au combat puisqu'il est un demi-dieu. Høtherus demande à Gevarus la main de sa fille, mais le roi craint la colère de Balderus. Il conseille à Høtherus de se procurer dans le domaine d'unsatyre appelé Mimingus une épée qui est l'« instrument du destin » et un bracelet qui fait la fortune de celui qui le porte[11]. Le héros parvient à obtenir son butin, mais le roi saxon Gelderus désirant s'en emparer lance son armée vers la Suède. Høtherus réussit à le soumettre et en fait un allié grâce à sa verve et cette qualité lui permet de gagner un autre allié, Helgo le roi deHalogie. Pendant ce temps, Balderus demande la main de Nanna mais elle le refuse. S'ensuit une bataille entre Høtherus et Balderus. Les dieux, dont Odin etThor, combattent aux côtés de Balderus. Høtherus parvient à couper le manche du gourdin de Thor, le rendant inopérant, alors les dieux s'enfuient. Høtherus épouse ensuite Nanna et devient souverain du Danemark. Mais Balderus revient au combat et défait cette fois son rival qui est contraint de s'enfuir chez Gevarus. Toutefois la victoire ne lui apporte que peu de réconfort puisque son désir pour Nanna n'est pas assouvi.
Høtherus et Balderus se rencontrent une nouvelle fois en bataille, mais Høtherus est encore défait. Désespéré, il s'exile. Il rencontre les nymphes qui l'avaient aidé auparavant qui lui conseillent de se procurer la nourriture qui assure la force de Balderus. L'assurance retrouvée, Høtherus se remet en route pour combattre l'armée de Balderus. La bataille fait des ravages et aucune armée ne l'emporte. Høtherus se glisse une nuit dans le camp adverse et trouve l'habitation des nymphes qui préparent la nourriture de Balderus. Il leur joue la lyre mais elles refusent de lui donner la nourriture. Elles lui offrent néanmoins une ceinture magique qui lui garantirait la victoire. En rentrant, Høtherus tombe sur Balderus et lui perce le flanc. Balderus meurt de ses blessures et son armée lui offre des funérailles royales.
Odin, le père de Balderus, engendre alors Bous (qui correspond à Vali) avec Rinda (Rind) pour venger son fils. Høtherus apprend auprès de devins qu'il mourra en affrontant son nouveau rival. Il transfère alors ses pouvoirs de chef à son fils, avant de combattre Bous et d'être tué. Toutefois Bous est gravement touché et il périt le lendemain de ses blessures.
LaChronicon Lethrense (Lejrekrøniken endanois) est un court texte en latin duXIIe siècle, écrit sans doute par un clerc danois, qui raconte les aventures des héros et rois danois de l'ère pré-chrétienne. Le texte estévhémériste puisque les dieux sont présentés comme des hommes qui auraient été pris à tort pour des divinités. En ce sens, laChronicon Lethrense est similaire à laGesta Danorum, mais demeure de moindre qualité.
Dans un court paragraphe du texte, on apprend que Hother (qui correspond au dieu Höd) est un roisaxon, fils du défunt Hothbrodd. Lors d'une bataille il tue Balder, le fils d'Othen (Odin), et défait Othen et Thor. Il est ensuite tué en bataille par Both (qui correspond alors à Vali), un autre fils d'Othen[12].
Le mythe du meurtre de Baldr a été comparé à un épisode de l'épopéeanglo-saxonneBeowulf ; d'une flèche,Hæðcyn (Höd ?) tue son frèreHerebeald (Baldr ?) lors d'unaccident de chasse tragique. Toutefois la comparaison est contestée puisqu'elle se limite aux noms similaires et à un meurtre accidentel fratricide effectué au moyen d'un projectile[13].
Georges Dumézil note une comparaison entre le récit de la mort de Baldr et un récithindou issu duMahābhārata. En effet, dans la mythologie hindoue, le roi aveugleDhritarāshtra (aveugle comme le dieu scandinaveHöd) autorise le démoniaqueDuryodhana (qui n'est autre que la déesse destructriceKâlî, comparable dans sa fonction au dieu scandinaveLoki) de monter le scénario qui perdraYudhisthira. Il s'agit d'un jeu de dés normalement sans danger pour ce dernier car c'est le meilleur joueur, mais par la ruse, Duryodhana le défait le forçant ainsi à l'exil. L'exil de Yudhisthira est comparable dans la mythologie nordique à la mort du dieu Baldr, tué accidentellement par son frère aveugle Höd lors d'un jeu à cause d'une ruse de Loki. Le héros hindou Dhritarāshtra et le dieu scandinave Höd développent tous les deux un sentiment de culpabilité. Comme Baldr, Yudhisthira reviendra une fois ces ennemis vaincus lors de laguerre de Kurukshetra (comme leRagnarök), et au renouveau il sera souverain[14].
Dumézil compare également le meurtre de Baldr par une ruse de Loki avec le meurtre du héros de la mythologie ossète,Soslan, par une ruse du filouSyrdon (qui correspondrait à Loki).
Baldr et le héros mythologiquefinnoisLemminkäinen ont des similarités. Par exemple, chacun est tué par un aveugle lors d'un festin de dieux ou de héros, ce qui a encouragé certains chercheurs à penser qu'ils possèdent une origine commune[réf. nécessaire].
Jean Haudry rapproche Baldr des divinités indo-européennes, Soleils, fils d'une Aurore et d'un mortel, qui meurent jeunes et ressuscitent immortalisés dans un autre monde. Il nourrit ce parallèle des doutes qu’un des traits de son mythe — outre le caractère volage de*Frijjō — fait peser sur sa filiation : Baldr est le seul dieu qui meurt avant leCrépuscule des dieux. Ce serait donc davantage un demi-dieu qu'un dieu, comme dans la version deSaxo Grammaticus[15].
De fait, affirmeRégis Boyer, l’idée d’un dieu bon, symbole de perfection, qui meurt sacrifié pour assurer la survie du monde, se rencontre dans de très nombreuses cultures[16]. Il rappelle et admet au moins en partie la conception deJames George Frazer, qui renvoie à un dieu-chêne parasité et tué par legui[17] ; et n’exclut pas non plus la possibilité d’unarchétype commun régissant, entre autres, les images duChrist et de Baldr, ni celle d’une coloration christique de la figure de Baldr, survenue à l’époque de la rédaction des textes[18].
↑Jean Haudry,Mimir, Mimingus et Vişnu, dir, Michael Stausberg, Olof Sundqvist et Astrid van Nahl, inKontinuitäten und Brüche in der Religionsgeschichte, Festschrift für Anders Hultgård zu seinem 65. Geburtstag am 23.12.2001, De Gruyter, 2001.