Unautodafé (mot d'origineportugaise « auto de fé » venant dulatin « actus fidei », c'est-à-dire « acte de foi ») est une cérémonie de pénitence publique organisée par les tribunaux de l'Inquisition espagnole ouportugaise, durant laquelle celle-ci proclamait ses jugements[1].
Dans le langage populaire, ce terme est devenu synonyme d'une exécution publique par le feu de personnes jugéeshérétiques. Ce glissement de sens est dû au fait que les condamnésrelaps ou refusant de se rétracter étaient remis par l'Inquisition aux mains des autorités civiles, qui, parfois, les envoyaient aubûcher.
Avant même l'existence de l'Inquisition, leshérésies duXIe siècle en Occident ont donné lieu à plusieurs exécutions par le feu, comme lors de l’Hérésie d'Orléans en 1022 (dix à quatorze chanoines de la cathédrale d’Orléans sont brûlés dans une cabane sur décision du roiRobert II le Pieux après réunion d’un synode) ou peu après en 1028 à Monteforte dans le Piémont (bûcher à Milan)[2].
ÀBlois, le, 32 membres de la communauté juive, hommes, femmes et enfants, accusés de crime rituel, furent condamnés à mort et brûlés vifs sur ordre du comteThibaut V de Blois. Les condamnations au bûcher descathares, deJeanne d'Arc ouGiordano Bruno ont été prononcées en référence à une théologie romaine, maisMichel Servet a subi le même supplice en 1553 après une condamnation pour hérésie par lePetit Conseil,calviniste, de Genève. Le premier autodafé sous l'Inquisition espagnole a lieu àSéville enEspagne en 1481.
Par extension, « autodafé » désigne une destruction délibérée par le feu, en particulier de livres jugés dangereux[3]. Ainsi, le concept d'autodafé est couramment utilisé pour caractériser la destruction publique de livres ou demanuscrits par le feu. Les plus anciennes mentions connues de ce type de pratiques se rencontrent enChine auIIIe siècle av. J.-C., lorsque l'empereurQin Shi Huang décide de liquider les écritsconfucéens, ou plus tard, dans un contexte de guerre culturelle entrechrétiens etpaïens dans l'Empire romain.
Procession de l'Inquisition portugaise àGoa avec les frères dominicains, le grand Inquisiteur, les soldats, « les criminels ayant évité le feu par la confession », et derrière la croix, les condamnés au bûcher et les petits cercueils des accusés et condamnéspost mortem ou de ceux qui serontbrûlés en effigie, 1783.
Sous l'Inquisition, la cérémonie d'auto da fé aussi appelée« sermo generalis », se déroulait en grande pompe et de façon de plus en plus élaborée le temps passant, afin qu'elle apparût spectaculaire aux centaines de spectateurs placés selon leur rang, et quelquefois, en présence de monarques ou autres seigneurs.
La cérémonie se composait d'une longue procession constituée des membres de l'Église et des pénitents, suivie d'unemesse solennelle, d'un procès, d'unserment d'obéissance à l'Inquisition (réconciliation des pécheurs), d'unsermon et de la lecture des sentences. Cette séance solennelle de l'Inquisition procédait habituellement sur la grand place de la ville et pouvait mener jusqu'à l'église ou tribunal d'audience du lieu[1],[6],[7].
Les personnes accusées d'hérésie (terme large) devaient faire la preuve de leurbonne foi (acte de foi,auto da fe), seconfesser et faire pénitence. Pour ce faire, elles pouvaient arriver sur place nus pieds, le corps à moitié dénudé et portant un cierge allumé. Elles étaient revêtues d'un accoutrement humiliant avec des symboles de l'infamie, composé d'une sorte dechasuble ouponcho appelésambenito aux couleurs différentes selon l'accusation, où figuraient une grandecroix de saint-André ou des dessins symbolisant la liste de leurs crimes assortis de leurs noms[8],[5] et arboraient sur la tête un haut chapeau pointu appelécoroza[6].
Port ducoroza,No hubo remedio (« Il n'y avait pas de remède »),Goya, 1797-1798.
Pour que l'humiliation soit complète, le dessin de leurs sentences (flammes, démons) figurait sur la chasuble des condamnés au bûcher et une sorte d'attelle pouvait maintenir leur menton haut afin qu'ils affrontent le regard et les huées de la foule le long de leur parcours.
Les accusés ou victimes déjà morts sous latorture ou déjà enterrés et dont l'Église veut récupérer les biens, sont déterrés ou leurs restes récupérés pour que se tiennent à eux aussi leur procès inquisitoirepost mortem et leur condamnation, comme on peut le constater sur la gravure ci-dessus.
Toute personne peut être accusée et condamnée quel que soit son âge, enfant ou vieillard. Les archives montrent des condamnés de sept ans (une fillette) et d'autres avouant 102 printemps (un homme)[10].
Dans son étude sur les procès desauto da fe de l'Inquisition àValence entre 1566 et 1700 — et aussi dans les tribunaux insulaires deMajorque,Sicile etSardaigne —, l'historienne Anita Gonzalez-Raymond remarque que lesfemmes sont plus résistantes à la torture (la « question ») et nient plus fréquemment que leshommes[12].
Laremise en liberté pour ceux qui se sont « réconciliés » par la confession de leurs « crimes » peut être assortie d'une obligation de porter lesambenito pendant plusieurs années ou toute leur vie dans toutes les activités de leur quotidien, sauf au domicile du pénitent[14].
les autres peines : réclusion dans unmonastère de quelques mois à plusieurs années, jeûnes, obligation d'assister (et quelquefois à financer) à desmesses etoffices en habit de pénitent (sambenito etcoroza), port perpétuel de ce vêtement d'infamie, interdiction d'exercer un ministère religieux, etc.[14].
L'exécution des peines capitales n'a très généralement pas lieu le jour de l'auto da fé, comme aussi la remise des condamnés aux autorités civiles, contrairement à ce que laissent supposer certaines représentations iconographiques. Il existe toutefois des cas où l'auto da fe durant jusqu'au soir, l'on remette les condamnés à ceux qui allaient les exécuter à minuit.
Que ce soit les condamnés ou les « réconciliés » et relaxés, tous doivent payer des amendes ou voir tout ou partie de leurs biens confisqués par l'Inquisition — ces fortunes alimentant les caisses de l'Inquisition et des couronnes royales, outre la corruption duclergé[10],[16].
LedominicainJérôme Savonarole a organisé un autodafé appelé « bûcher des Vanités », le 7 février 1497 àFlorence, où les habitants durent apporter bijoux, cosmétiques, miroirs, livres immoraux, robes trop décolletées ou richement décorées, images licencieuses, etc. De nombreuses œuvres d'art produites à Florence au cours de cette décennie, dont notamment une partie de celles deSandro Botticelli, ont disparu à cette occasion.
Les conversions de façade avaient tendance à se répandre, déclenchant l'animosité populaire (troubles deTolède etCordoue en1449, deSégovie en1474), mais également les protestations des juifs sincèrement convertis auchristianisme, pour qui l'attitude des marranes jetait le discrédit sur l'ensemble des « nouveaux chrétiens ». C'est pour cette raison que l'on trouve à l'époque de nombreuxconversos parmi les promoteurs de l'Inquisition, plus virulents encore que les chrétiens d'origine.
Les tribunaux inquisitoriaux instituèrent des sortes de « jurys ». Ces jurys étaient constitués de notables locaux — qui connaissaient donc bien l'accusé —, voire de juristes qui pouvaient poser des questions au suspect, questions à charge ou à décharge. Les faux témoins, s'ils étaient découverts, s'exposaient à de très lourdes sanctions, en principe les mêmes que celles qui auraient été infligées à l'accusé[19],[20].
Tout comme les Juifs, de nombreuxmorisques, musulmanscontraints de se convertir auchristianisme, ont été condamnés à être brûlés vifs par l'inquisition espagnole de 1502 à 1750. Il leur était reproché de continuer à pratiquer dans le secret les rites de la religion musulmane.
En 1499, l'inquisiteurDiego Rodrigues Lucero connu par la suite pour sa cruauté, condamna à être brûlés vifs 107 juifsconversos, convaincu qu'ils étaient en réalité desmarranes, restés fidèles à leur ancienne religion. Ce fut un des plus meurtriers autodafés du pays.
AuPortugal, il n'y eut pas d'autodafé avant 1540 (quatre ans après la création de l'Inquisition portugaise) mais durant les 40 ans qui suivirent, il y en eut environ quarante, avec « seulement » 170 condamnations au bûcher parmi les 2 500 condamnations prononcées. Par la suite (1580),PhilippeII d'Espagne envahit lePortugal : le roi garantit aux juifs qu'ils pourraient continuer à pratiquer leur religion. Mais ceux qui se convertissent doivent le faire sincèrement, sous peine de risquer d'encourir les foudres de l'Église. Et de fait, en vingt ans, 3 200 condamnations (dont, ici encore, « seulement » 160 aubûcher) seront prononcées.
Les autodafés continueront dans la péninsule Ibérique pendant toute laRenaissance et jusqu'auXVIIe siècle.
En 1639, au Pérou, le pèrefranciscainIoseph de Zisneros, qui était à la tête de l’Inquisition, condamna àLima neuf marchands juifs au bûcher ; le dixième se suicida dans sa cellule et il fut brûléen effigie. Au préalable, les condamnés avaient été conviés à faire acte de foi (auto da fé), pour mériter leur « rachat » dans l’au-delà. Leurs biens furent comme à l'habitude confisqués afin de renflouer le Trésor[16],[21].
L'exécution des accusés ne faisait pas partie de l'auto da fé et avait lieu lors d'une cérémonie ultérieure, normalement à l'extérieur de la ville, où la pompe de la procession principale était absente. Les principaux éléments de la cérémonie de l'auto da fé étaient la procession, la messe, le sermon à la messe et la réconciliation des pécheurs. Il serait faux de supposer, comme il l'est souvent fait, que les exécutions étaient au centre de l'événement[22], bien que certains auteurs, tels queVoltaire dans sonconte philosophiqueCandide, répandront l'idée contraire.
On nomme autodafé la destruction par le feu de livres ou d'autres écrits. Il s'agit d'un rituel qui se déroule habituellement en public[24], par lequel on témoigne d'une opposition culturelle, religieuse ou politique vis-à-vis des documents que l'on brûle. On considère donc généralement l'autodafé comme une méthode decensure visant à faire taire des voix considérées comme dissidentes ou hérétiques et qui menacent l'ordre établi[25].
L'autodafé se rattache au phénomène plus général de la destruction de livres ou biblioclasme[26], que certains auteurs appellent aussi libricide[27], bibliocauste[28] ou biblioclastie[29].
En général, ce n'est pas le livre en tant qu'objet matériel qui est visé, mais plutôt le livre comme porteur d'un contenu ou comme symbole d'une culture particulière[30]. Il peut ainsi s’agir d’un acte de mépris envers l’auteur ou le contenu de son œuvre.
La portée de ces destructions est variable. Dans certains cas, les écrits sont irremplaçables et leur destruction constitue une grave perte pour lepatrimoine culturel d’une communauté. Dans d’autres cas, des exemplaires des livres détruits sont aujourd'hui accessibles, car des copies ont subsisté à l'attaque. Lorsque la destruction est étendue et systématique, l’autodafé constitue un élément significatif d’unethnocide ougénocide culturel[31],[27].
La volonté d'intimider[32] ou de rallier un plus large public à ses idées peuvent constituer d'autres objectifs de l'autodafé.
Ce phénomène peut se rattacher à l'iconoclasme, c'est-à-dire la destruction des images ou des représentations[33]. En effet, des similitudes existent quant à leur ancrage culturel, religieux ou politique. De plus, à différents moments de l’histoire, comme lors deguerres coloniales, la destruction de livres va de pair avec la destruction d’autres symboles culturels[34].
En 391 à Alexandrie, l'évêqueThéophile voulut d'abord faire confisquer le temple deDionysos pour le transformer en église et obtint pour ce projet l'approbation de l'empereur chrétienThéodoseIer, mais lespaïens de la ville se mobilisèrent et se barricadèrent dans l'enceinte duSerapæum, un bâtiment massif sur un terrain surélevé surnommé « l'Acropole d'Alexandrie ». LePréfet d'Égypte et le commandant en chef de l'armée provinciale refusèrent d'intervenir sans un ordre exprès de l'empereur, que Théophile sollicita et obtint : un décret impérial approuva la démolition des temples d'Alexandrie.
Alors l'évêque, sans attendre l'intervention des autorités civiles et de l'armée, prit lui-même la tête d'une foule de chrétiens exaltés et se présenta devant le Serapæum où il lut à haute voix le décret de l'empereur devant une foule terrifiée. Ensuite il se précipita dans le temple et donna lui-même le premier coup à la statue du dieuSérapis ; ses partisans, en état de frénésie, se ruèrent derrière lui et entreprirent de saccager et de démolir complètement le sanctuaire, lequel contenait, selon le témoignage durhéteur contemporainAphthonios d'Antioche, une importante bibliothèque où des milliers d'ouvrages furent apparemment détruits[35],[36].
En 637, le palais deCtésiphon (leTaq-e Kisra), capitale de l'Empire perse sous lesSassanides est détruit par lesArabes. Selon les historiens, l'autodafé des immenses bibliothèques perses par les troupes musulmanes, contenant tout le savoir de l'empire sassanide dura plus de six semaines, d'un feu continu, nuit et jour[37].
L'évêque de Mexico à l'époque,Juan de Zumárraga, a fait brûler en 1530 tous les écrits et les idoles des Aztèques en mettant feu aux maisons royales qui hébergeaient les codex[38].
En juillet 1562, le franciscainDiego de Landa ordonna un autodafé de l'ensemble des documents afin d'assurer une meilleure évangélisation des populations autochtones[39]. Seuls quatrecodex mayas sur les 27 recensés ont été sauvés des flammes[40].
Plusieurs autodafés eurent lieu durant laRévolution française, principalement commis par les révolutionnaires envers les institutions qui représentaient le régime féodal, comme lanoblesse et leclergé. La première vague eut lieu durant le mouvement de laGrande Peur, qui vit les paysans entrer dans les châteaux des seigneurs et détruire les registres féodaux[41], appelés leslivres terriers.
Les bibliothèques ont également été ciblées : on estime que8 000 livres ont été détruits rien qu'àParis, et que pour l'ensemble du pays, le nombre de livres disparus grimpa à 4 millions[42]. Par exemple, l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés fut incendiée en 1794 et tout le contenu de sa bibliothèque — soit 49 387 imprimés et 7 072 manuscrits — a été brûlé[42].
Les portraits de saints ont aussi été touchés, dans un mouvement dedéchristianisation.
Par analogie des méthodes, le termeauto da fe fut employé pour désigner la destruction par le feu que lesnazis appliquèrent aux ouvrages dissidents ou dont les auteurs étaientjuifs,communistes, modernes,féministes oupacifistes[44]. Ces autodafés nazis – ouBücherverbrennungen – prenaient la forme de rituels, de cérémonies lors desquelles les participants chantaient des formules incantatoires (leFeuersprüche[45]) en brûlant les écrits des auteurs jugés idéologiquement et racialement incorrects[46], « dégénérés » et « contre l’esprit allemand »[47].
Leur pratique des autodafés prenait sa source dans la notion selon laquelle un peuple exprimait sonGeist (c’est-à-dire son esprit) à travers salangue, salittérature et sestraditions. Les nazis considéraient que toutes influences étrangères – exercées par l’écriture – compromettaient lasuprématie et l’accomplissement de l’esprit allemand[48]. Le contenu des bibliothèques pouvant mener les lecteurs vers des idées contraires à laphilosophie nazie, le contrôle de la population passa par celui des livres[49]. En effet, le régime nazi avait pour intention d’uniformiser le Reich sous la deviseEinVolk, einReich, einFürher (c’est-à-dire « un peuple, un Reich, un Fürher ») en imposant ses choix politiques dans un « travail d’assainissement moral et de redressement spirituel ». Pour cela, il eut recours à l’embrigadement de sa population dèsle plus jeune âge[50]. La participation de toute la population fut donc essentielle à l’essor du nazisme et lesétudiants furent encouragés, notamment par lelibraire et membre éminant duParti national-socialiste des travailleurs allemands (le parti nazi) Wolfgang Herrmann à purger toutes les bibliothèques des ouvrages dénoncés. Ce dernier décriait les bibliothèques allemandes comment étant des « lupanars littéraires »[51].
Le premier autodafé nazi eut lieu le àBerlin sur l'Opernplatz[54] (Place de l’Opéra) située sur l’une des artères principales de la ville, l’avenueUnter den Linden. Elle fut assistée par une foule de presque quarante mille étudiants et hommes en uniformes nazis effectuant leHeil Hitler (ou salut hitlérien). Aux flammes furent portés des ouvrages rédigés par des auteurs juifs,homosexuels et communistes, tous saisis dans des librairies et des bibliothèques[51]. Cette scène fut suivie par d'autres àBrême, àDresde, àFrancfort-sur-le-Main, àHanovre, àMunich et àNuremberg[54]. En tout, et ce seulement la nuit du 10 mai 1933, des autodafés furent effectués dans dix-neuf autres localités allemandes[45].
La haine du nazisme pour l’altérité n’épargnant pas lasexualité[46], l’une des destructions de livres les plus violentes fut guidée par l’homophobie (l’homosexualité étant considérée comme unvirus introduit par les Juifs afin de corrompre la culture allemande[48]). À 9h30, le 6 mai 1933 à Berlin, une centaine d’étudiants nazis envahirent l’Institut für Sexualwissenschaft (ou l’Institut de sexologie) fondé en 1919 parMagnus Hirschfeld[52], unmédecin etsexologue devenu « l’une des bêtes noires » du nazisme[55]. Juif et engagé pour ladépénalisation de l’homosexualité, Hirschfeld fit de son institut un lieu de refuge et de soin pour la communauté homosexuelle ettransgenre, ainsi qu’à l’avant-garde desétudes de genres[56]. L’institut abritait une importante bibliothèque collectionnant, organisant et conservant nombre d’informations, d’artefacts et de documents sur lespratiques etidentités sexuelles[57]. Pendant trois heures, les étudiants vidèrent des encriers sur les tapis, détruisirent ouvandalisèrent les tableaux, les imprimés, les sculptures et les décorations de l’institut. Ils confisquèrent des livres, despériodiques, des photographies, des modèles anatomiques, une tapisserie et un buste d’Hirschfeld. À l’extérieur, ils célébrèrent avec de la musique, des discours et des chants, puis furent remplacés à 15h00 par des hommes de la SA qui prirent 10 000 ouvrages de la bibliothèque. Le 10 mai, les étudiants paradèrent le buste volé d’Hirschfeld lors d’unemarche aux flambeaux puis jetèrent les ouvrages volés au buché de l’Opernplatz[52]. Enexil en raison de multiples menaces, Hirschfeld assista dans un cinéma parisien à la destruction de 12 000 à 20 000 livres et d’une large partie des 35 000 photos confisquées à son institut[48].
On a parlé d'autodafé quand, en, lecardinal deNairobi,Maurice Otunga, a brûlé des boîtes depréservatifs en compagnie de l'imam deJamia(en). Le, il réitère son geste devant250 fidèles : aux boîtes de préservatifs viennent se joindre de petits livres sur lesida et les moyens de s'en protéger[67].
1989 : L'auteur britannique d'origine indienneSalman Rushdie est la cible d'unefatwa de mort de l'ayatollahKhomeini à la suite de la parution de son livreLes Versets sataniques. Des centaines d'exemplaires de son ouvrage sont brûlés en plein centre deLondres et enIran, pour protester contre cette parution.
1998-2001 : lestalibans détruisirent les55 000 livres rares de la plus vieille fondation afghane, ainsi que celles de plusieurs autresbibliothèques publiques et privées[68].
1999 : autodafé des ouvrages du mouvementFalun Gong lors de larépression de ce mouvement par l'État chinois[69].
: le quotidienMaariv rapporte avec photos à l’appui, comment l’adjoint au maire deOr Yehuda, une villeisraélienne située à 7 km deTel Aviv, a organisé un autodafé public duNouveau Testament distribué quelques jours auparavant par un groupe missionnaire évangélique dévolu à la conversion des Juifs, ditJuifs pour Jésus, auprès d'immigrants pauvres d'Éthiopie. Des commentateurs et personnalités officielles en Israël ont été prompts à condamner cet acte, et le maire a ensuite dû présenter des excuses[71].
Le :Terry Jones, pasteurévangéliste duDove World Outreach Center(en), une petite église fondamentaliste deFloride, appelle à l'autodafé duCoran. Finalement, devant la réprobation publique, il y renonce en déclarant le :« je ne brûlerai pas le Coran, ni aujourd'hui ni jamais. » Cependant, il passe à l'acte en détruisant un exemplaire le[72].
En 2019, une commission scolaire francophone de l'Ontario, auCanada, brûle 5 000 livres pour la jeunesse dont les propos sont jugésracistes à l'égard despopulations autochtones du pays. La démarche, qui impliquait notamment une cérémonie de « purification par la flamme », se voulait à visée « éducative »[76].
Le, des prêtres catholiques de la ville deKoszalin, enPologne, brûlent en public des livres des célèbres sagasHarry Potter etFascination (Twilight) qu'ils jugentsacrilèges[77]. D'autres objets sont également brûlés, notamment unmasque de style africain, un parapluieHello Kitty et une figurinehindoue[78]. Ils justifient l'acte par la nécessité «d’obéir à la parole divine»[79]. Le prêtre polonais responsable de l'autodafé présente ses excuses pour cet « acte malheureux » qui a provoqué une vague de critiques dans son pays[80].
En 1588, le cardinal britanniqueWilliam Allen écrit pendant son exil « An Admonition to the Nobility and People of England(en) », un ouvrage critiquant la reineÉlisabethIre. Il a l’intention de le publier en Angleterre pendant l’occupation des Espagnols, escomptant une invasion victorieuse du pays par l’Invincible Armada. À la suite de la défaite de l’Armada, Allen prend le soin de passer sa publication au feu. Elle n’est désormais connue que par l’un des espions d’Élisabeth qui en a volé une copie[81].
Lerabbin hassidiqueNahman de Bratslav aurait écrit un livre qu’il aurait lui-même brûlé en 1808. Aujourd’hui, ses adeptes pleurent « Le livre brûlé » et cherchent dans les écrits du rabbin des indices sur ce que contenait le volume perdu et pourquoi il a été détruit[82].
En,Nicolas Gogol fait imprimer à compte d’auteur son poèmeHans Küchelgarten. Le livre est si mal reçu par la critique que Gogol rachète lui-même les exemplaires des librairies pour les passer au feu[83]. La nuit du23 au, soit une semaine avant sa mort, après une longue prière, Gogol jette au feu la très attendue deuxième partie de son magnum opus,Les Âmes mortes. Il s’y prend à deux fois pour enflammer le manuscrit. Ensuite, il se signe et se couche en sanglotant. Il dira plus tard au comte Alexandre Tolstoï que c’est leMalin qui l’a poussé à l’acte[84]. Ce geste a grandement influencéMikhaïl Boulgakov, qui le met en scène dans son romanLe Maître et Marguerite. Le personnage principal, le Maître, brûle son propre manuscrit, mais à l’inverse du récit de Gogol, c’est le Diable qui lui permet de le retrouver lui disant que les manuscrits ne brûlent pas[85]. Dans un élan dramatique, Boulgakov déchire et jette les deux premières versions deLe Maître et Marguerite au printemps 1930. Dans une lettre écrite au gouvernement de l'URSS, il dit avoir brûlé son roman sur le diable. Il va ensuite réécrire le roman au complet[86].
Avant sa mort en 1924,Franz Kafka écrit à son amiMax Brod :« Mon très cher Max, ma dernière requête : tout ce que je laisse derrière moi… qu’il s’agisse de journaux, manuscrits, lettres (les miennes et celles des autres), des croquis, etc. [doit] être brûlé sans avoir été lu. ». Brod ne suit pas les souhaits de Kafka, croyant que l'auteur lui a donné ses directives en sachant qu'elles ne seraient pas honorées. Si Brod avait suivi les indications de Kafka, la plus grande partie des œuvres de Kafka — à l’exception de quelques courts récits publiés de son vivant — aurait été perdue pour toujours[87].
↑Après la peine purgée (même la mort), lesambenito était exposéad perpetuam rei memoriam dans l'église paroissiale afin que la famille et les descendants du condamné reçoivent toute leur vie, eux aussi l’opprobre de la société. J. Perez, 2012,p. 145.Lire en ligne.
↑S'y ajoutent ou détaillent lesrenégats (« vieux-chrétiens » ayant renié plus ou moins volontairement leur foi catholique, notamment ceux pris par despirates barbaresques), d'esclaves ou captifs obligés de passer d'une religion à l'autre ; lesbouchersdegüella a la morisca (égorgeurs à la musulmane, majoritairement « vieux-chrétiens »sacrifiant les bêtes selon la demande de leurs clients) ; les sorcièresbrugeria capables de voler la nuit et se transformer en animaux et les sorciers et sorcièreshechiceria usant d'artifices magiques ou divinatoires,astrologues...Gonzalez-Raymond 1996,p. 25?, 46 et suiv..
↑Judith Herrin,The Formation of Christendom, Princeton University Press, 1989,p. 231.
↑Cf. lesConstitutiones du Grand Inquisiteur le cardinalTorquemada et ses instructions aux responsables inquisiteurs ; consulter aussi les comptes-rendus d'audiences de l'Inquisition française durant l'affaire desAlbigeois.
↑Sources : Archives espagnoles déposées à Séville, actes des procès inquisitoriaux en France auXIIIe siècle)
↑DelphineLemonnier-Texier, « Éléments pour une étymologie culturelle de la censure dans l’aire anglophone, duXVIe au XXIe siècle »,Revue LISA/LISA e-journal. Littératures, Histoire des Idées, Images, Sociétés du Monde Anglophone – Literature, History of Ideas, Images and Societies of the English-speaking World,no Vol. XI - n°3,(ISSN1762-6153,lire en ligne, consulté le)
↑Description de l'« Acropole d'Alexandrie » comme modèle d'ekphrasis dans les Progymnasmata (§ 12). Voir Giuseppe Botti, L'Acropole d'Alexandrie et le Sérapeum d'après Aphtonius et les fouilles, Mémoire présenté à la Société archéologique d'Alexandrie à la séance du 17 avril 1895 (Alexandrie, L. Carrière, 1895)
↑Des événements similaires sont racontés par Socrate le Scolastique pour l'année 361 sous l'évêque arien Georges de Cappadoce (attaque et « purification » du Mithræum par les chrétiens, qui y découvrent des ossements humains et les promènent dans la ville) : Histoire ecclésiastique, III, 2.
↑Mostafa El-Abbadi et Omnia Mounir Fathallah,What Happened to the Ancient Library of Alexandria ?,, pp. 214-217
Lucien X. Polastron,Livres en feu : histoire de la destruction sans fin des bibliothèques, Denoël, 2004, 430 p.
V. Ovenden,Burning the books : a history of the deliberate destruction of knowledge (First Harvard University Press edition), The Belknap Press of Harvard University Press, 2020, 308 p.
R. Knuth,Burning books and leveling libraries : extremist violence and cultural destruction, Praeger, 2006, 233 p.