Des personnes autistes. De gauche à droite : un enfant empilant des boîtes de conserve, une compétitrice depatinage artistique, un enfant utilisant unabaque dans une école gérée par l'Autism Somalia Center, le banquierDonald Grey Triplett, qui fut la première personne diagnostiquée.
L'histoire de l'autisme est marquée par une succession de recompositions desa définition. LaCIM-11 retient une notion dimensionnelle prenant en compte l'évolution des individus dans la société. Autrefois considérés comme une pathologie rare et sévère décrite par des symptômes, lestroubles du spectre de l'autisme (ou TSA), qui en constituent la manifestation cliniquement observable, sont désormais classés parmi lestroubles du neurodéveloppement (TND).Leurs origines comprennent une partgénétique majoritaire et complexe, impliquant plusieurs gènes, et des influences environnementales pendant la grossesse. La notion de « spectre de l'autisme » reflète la diversité desphénotypes observés.
L'autisme pourrait provenir d'un développementneurologique différent, notamment lors de la formation des réseauxneuronaux et au niveau du fonctionnement dessynapses. Les recherches se poursuivent enneurophysiologie,psychologie cognitive ou encoreépigénétique. Une personne sur cent est autiste, les garçons étant trois fois plus souvent diagnostiqués que les filles en raison de caractéristiques plus visibles. Lesdifférences liées au sexe restent en cours d'étude.
Autisme est une traduction du motAutismus, créé par lepsychiatrezurichoisEugen Bleuler[1],[2] à partir dugrec ancienαὐτός /autós, « soi-même »[3],[4]. Bleuler introduit ce mot en 1911,« dans son ouvrage majeur,Dementia praecox ou groupe des schizophrénies »[5], avant que le terme autisme ne décrive une entité diagnostique autonome[6]. Au moment de sa découverte, l'autisme est décrit comme unemaladie[7] ; puis durant les années 2000 et 2010, comme unsyndrome[8],[9], dans un contexte où il apparait à la fois correct et incorrect de l'assimiler à une maladie[10]. Il y a fin 2024 un consensus pour ne plus le décrire comme une maladie[11],[12],[13], mais plutôt comme unevariation neurodéveloppementale, pouvant être associée ou non à des maladies[14],[15],[16]. Il ne correspond pas du tout à la notion demaladie génétique[17].L’hétérogénéité de l'autisme constitue le principal argument contre son assimilation à une neurodiversité : il ne peut être décrit dans son entièreté ni comme une maladie, ni comme une neurodiversité[18].
Les termes« autisme »,« personne autiste » et« autiste » sont préférés par les adultes concernés afin de s'adresser à eux[19],« personne autiste » étant l'expression jugée la plus consensuelle et la moins stigmatisante par lesCanadiens francophones[20]. Des recommandations de vocabulaire sont formulées par l'associationAutisme Europe[21] ainsi que par des équipes de chercheurs[22],[23] : elles recommandent d'éviter les mots négatifs à l'égard des personnes autistes et de l'autisme (tels que « déficit », « symptôme »[22], « maladie », « souffrir d'autisme » et « être victime d'autisme »[21]), de ne pas présenter l'autisme comme un défaut à corriger[23], et de préférer des mots neutres tels que « condition », « handicap », « caractéristique » et « différence »[22],[21]. Une analyse despublications scientifiques en 2023 conclut que le langage médical est majoritairement utilisé pour décrire l'autisme, mais qu'un langage inspiré par le mouvement social de laneurodiversité est employé dans environ 30 % des publications depuis 2021[24].
De nombreuses tentatives ont visé à décrire l'autisme et le fait d'être autiste, à travers les mentions dechangelings, puis de « machines », puis d'enfants qui ne ressemblent pas aux autres[25]. L'autisme est principalement décrit sur la base de l'observation clinique des personnes diagnostiquées comme autistes et de la recherche de ses déterminants (ses causes)[26], suivant lemodèle médical de l'autisme plutôt que lemodèle social et celui de la neurodiversité[27]. La nature de la population définie comme autiste a beaucoup évolué au cours du temps, par éloignement duprototype initialement décrit, et en devenant très hétérogène[28].
La notion de« sévérité de l'autisme » se réfère à la sévérité du niveau dehandicap de la personne autiste, sans qu'il y ait de parallélisme entre le handicap et le degré de troubles fonctionnels[26]. D'un point de vuephénoménologique, il convient donc de distinguer les manifestations de l'autisme de l'autisme lui-même : d'après le philosophe Florian Forestier,« Toute la question est de savoir si l’autisme s’explique uniquement à partir du champ des fonctions déficientes conduisant aux situations de handicap qui en constituent la face apparente », une idée« peu à peu relativisée par la mise en évidence des déterminants sous-jacents de l’autisme »[26].
La description la plus largement reconnue de l'autisme le caractérise par des« déficits » dans les interactions sociales et la communication, ainsi que par des comportementsstéréotypés visibles dès la petite enfance[29]. La fréquente confusion entre la notion dedéficit et la description de ce que les individus autistes ne font pas complique cependant la description, sachant que les signaux sociaux peuvent évoluer considérablement au cours du temps chez une même personne[30]. Le comportement des enfants autistes est souvent décrit comme« problématique » dans le cadre des interventions comportementales précoces, mais cette notion de « comportement-problème » recouvre des réalités observables très variées, allant d'automutilation jusqu'à des mouvements répétitifs qui ne mettent pas la personne autiste en danger[31].
Les autistes ont typiquement des profils cognitifs en « dents de scie », qui incluent à la fois de relatives forces dans lesraisonnements verbal et non verbal, et des faiblesses dans la vitesse desprocessus cognitifs[32].
Une recension systématique de 2021 conclut à une association marquée entre autisme, utilisation problématique d'Internet et utilisation problématique desjeux vidéo[33].
Caractérisé par une réduction quantitative marquée desinteractions sociales, le comportement des personnes autistes est souvent décrit comme un« déficit social »[34]. Cependant, cette notion, qui suppose un manque sur la base d'un écart à une norme ou moyenne observable, correspond peu à l'observation clinique, qui soutient plutôt une absence de biais social et une plus grande rareté des recherches d'interactions sociales par comparaison à la norme[35].Francesca Happé propose dès 1999 de décrire l'autisme comme un« style cognitif »[36], la notion de« déficit social » étant de moins en moins soutenue dans les travaux scientifiques des années 2020[37], notamment à la suite d'une méta-analyse en 2024 qui conclut que les interactions sociales entre personnes autistes adultes sont perçues comme étant de meilleure qualité que les interactions sociales entre une personne autiste et une personne qui ne l'est pas (problème de la double empathie)[38].
L'approche défectologique (deficit-view) est critiquée par des personnes autistes qui estiment qu'elle rend peu compte de leur réalité, que le « déficit social » repose sur des basesculturelles et non des bases médicales[39],[40], et que cette notion renforce le pouvoir médical exercé sur des individus peu désireux d'avoir des interactions sociales, davantage handicapés au quotidien par leurs problématiques sensori-motrices[41].
Selon Brigitte Harrisson, au quotidien, il n'est pas rare qu'une personne autiste regarde tourner desventilateurs ou destoupies[44]. Les mouvements réguliers et prévisibles de ces objets procurent beaucoup de plaisir à ces personnes[44]. De plus, le cerveau d'une personne autiste traite ce qu'il reconnaît[44]. Ce type de mouvement est donc plus apte à être reconnu et traité[44]. En revanche, tout mouvement instable peut déranger la personne autiste[44].
Un nombre important de personnes autistes adopte des« comportements alimentaires aberrants » (tels que la consommation excessive d'unaliment en particulier)[45]. Par ailleurs,« il existe des preuves empiriques et un consensus scientifique global soutenant une association entre la sélectivité alimentaire et les troubles du spectre autistique »[45].
Équinisme chez une personne autiste (marche sur la pointe des pieds).
D'après une recension de la littérature scientifique effectuée en 2015, 70 % des personnes autistes ont unehypersensibilité sensorielle aux sons, à la lumière, ou à d'autres stimuli[46]. La reconnaissance des troubles (hyper- ou hypo-) sensoriels dans leDSM-5 a élargi la définition des TSA, en intégrant les réactivités sensorielles comme critères cliniques. Une hypersensibilité au bruit est commune chez les personnes autistes (détectée chez 65 % des enfants autistes)[47],[48], et des études neurophysiologiques montrent des différences anatomiques et fonctionnelles dans leurs réseaux auditifs, dont au niveau duplanum temporale et dutronc cérébral, contribuant à altérer le traitement auditif complexe[49]. Le cerveau du jeune autiste travaille plus intensément pour comprendre les échanges sociaux dans un environnement bruyant ou riche en stimuli ; certaines zones du cerveau responsables des sensations et du langage sont plus actives ou fonctionnent différemment chez eux ; il leur est plus difficile d'ignorer les bruits gênants et de se concentrer sur les paroles ou les gestes d'autrui[49]. Ces découvertes peuvent aider à mieux comprendre leurs difficultés de communication et à imaginer des solutions plus adaptées pour les accompagner. Les traitements en restent limités et les thérapies d’intégration sensorielle manquent encore d’une validation scientifique robuste[50].
Les réactions des personnes autistes à ladouleur sont souvent atypiques[46]. Leur manière de l'exprimer a donné lieu à des croyances délétères très problématiques, débouchant en particulier sur des interventions médicales invasives[46]. Le docteur en psychologie Serge Dalla Piazza cite en 2007 des cas d'enfants autistes non verbaux recousus de leursplaies à vif, au motif qu'ils n'auraient pas de perception de la douleur[51]. La défense de ces enfants contre la douleur était, de plus, interprétée à tort comme relevant d'un acte deviolence contre le personnel médical[51]. Lesyndrome de sensibilité centrale (CSS) est plus courant chez les autistes (femmes notamment) que dans la population moyenne[52] ; chez les personnes autistes, la sensibilité sensorielle, l'anxiété, l'âge et le sexe sont des prédicteurs significatifs des symptômes du CSS[52].
Uneméta-analyse publiée en 2020, basée sur 30 ans d'études, conclut à l'existence de caractéristiques spécifiques dans lamarche à pied des personnes autistes, par comparaison à celles qui ne le sont pas : la vitesse de marche est plus lente, le temps entre chaque pas est plus long, et la phase de suspension du pied en l'air plus longue[53]. Durant la petite enfance, une marche plus lente est caractéristique de l'autisme[54]. Il existe aussi une association plus élevée que la norme entre l'autisme et l'équinisme, ou déplacement sur la pointe des pieds[55],[56], pouvant provoquer un raccourcissement dutendon d'achille[56].
Des recherches ont identifié de multiples singularitésphysiologiques cérébrales chez des personnes autistes.
Des différences au niveau ducerveau sont observées chez les personnes autistes, apportant une signature anatomique à la définition antérieure par des critères cliniques[57]. Les études enneurosciences ont montré des différences dans l’organisation du cortex[58], au niveau desdendrites (arborescences des neurones) et dessynapses (connexion entre neurones), voire des modifications plus larges de structures cérébrales.
Si Saxcoet al. concluent en 2015 qu'il existe une association significative entremacrocéphalie et autisme[59], selon Traitet al. (2018), il n'existe pas de preuve que le volume du cerveau soit corrélé à l'autisme[60].
En corrélation avec les différences fonctionnelles observées au niveau comportemental, les études d'Eric Courchesne et de son équipe relèvent que les enfants autistes ont un nombre deneurones plus élevé de 67 % en moyenne dans lecortex préfrontal[61], et une croissance cérébrale plus importante que la moyenne au niveau deslobes frontaux, ce qui s'est traduit dans la littérature scientifique antérieure par des observations de périmètre crânien plus élevé[62].
À l'échelle dessynapses, des études mettent en évidence des modifications dans le système desneurotransmetteurs, en particulier celui du transport de lasérotonine en association notamment avec des modifications de gènes impliqués. L'implication dusystème dopaminergique ouglutamatergique semble moins bien démontrée[63].
Zones activées en situation de coordination visualo-motrice : [jaune] pour le groupe des autistes ; [bleu] pour le groupe-témoin ; [vert] pour les deux groupes. Ces différences pourraient ne pas être qu'une preuve d'un trouble fonctionnel, mais aussi la preuve d'une« organisation alternative du cerveau », parfois plus efficace (cf. tests d'intelligence non verbale)[23].
Les points forts visuo-spatiaux des personnes autistes ont été étudiés à travers des études expérimentales : laperception visuelle est plus fine, avec une meilleure attention aux détails, une habilité à repérer visuellement des motifs tels qu'une figure cachée plus rapidement, et une capacité supérieure à reconnaître des motifs répétitifs[64],[65],[66],[67],[68],[69]. Laperception auditive est également accrue, par comparaison avec les personnes non-autistes[70].
L'autisme a vraisemblablement joué un rôle positif dans l'histoire évolutive humaine[71],[72],[73],[74],[75], une idée développée parSimon Baron-Cohen dans son ouvrageThe Pattern Seekers, dans lequel il déclare que« les personnes autistes ont réellement contribué aux progrès humains »[76].
Ces points forts coexistent avec du handicap : l'attention aux détails s'associe à uneanxiété accrue, unehypersensibilité et uneinflexibilité[64]. Si les personnes autistes réalisent de meilleures performances que la moyenne sur des taches d'isolation et de séparation desstimuli, elles sont moins bonnes que la moyenne dès lors que ces tâches demandent de la cohérence, par exemple pour relier des stimuli entre eux[77]. L'hyperlexie, caractérisée par un décodage très précoce desmots doublé d'un retard dans la compréhension de leursens, est très significativement associée à l'autisme, 84 % des personnes hyperlexiques connues étant également autistes ; les enfants autistes hyperlexiques apprennent à lire par un processus inversé et non communicatif par comparaison aux enfants typiques[78].
Les neuroscientifiques britanniquesFrancesca Happé[79] etSimon Baron-Cohen[80], ainsi que le chercheur franco-canadienLaurent Mottron[81], postulent que les avantages et les désavantages conférés par l'autisme sont indissociables, constituant un style cognitif à part entière. Plusieurs chercheurs, dont Laurent Mottron, plaident pour que les scientifiques et les intervenants spécialisés s'appuient sur les points forts des personnes autistes, plutôt que d'employer une approche basée sur les seuls déficits et handicaps[23],[22].
Parmi les personnes diagnostiquées, il est estimé que le ratio homme-femme s'élève à une femme pour quatre hommes, alors que lesex-ratio réel serait estimé à au moins une femme pour trois hommes[82]. Les enfants répondant aux critères du TSA ont un ratio de trois garçons pour une fille[83].
Un biais favorise les hommes dans la pose du diagnostic : les femmes autistes ont des caractéristiques extérieurement moins visibles, vraisemblablement en raison d'une tendance à les camoufler[84].
Des enquêtes et études scientifiques s'intéressent à l'autisme parmi les minorités de genre et de sexualité[85]. Il ressort des recensions d'études faites dans les années 2000-2020 qu'« il existe une plus grande prévalence des personnes des minorités de genre et dedysphorie de genre[86],[87] au sein de la population autiste et, réciproquement, une plus grande prévalence de l’autisme chez les populationstrans etnon binaires que chez les personnescisgenres »[85]. Ces relations entre autisme, identité de genre etorientation sexuelle sont des cooccurrences démontrées, et non des relations de cause à effet[85].
Des recommandations émergent au sein de la littérature académique comme au sein de la littérature militante pour aider les personnes à la fois autistes etLGBTQ+, souvent doublement stigmatisées[85].
D'après l'équipe deLaurent Mottron, l'autisme chez les femmes peut être sous- ou sur-diagnostiqué, en fonction des cliniciens impliqués et de l'insistance de certaines femmes pour obtenir ce diagnostic ; le diagnostic différentiel avec letrouble de la personnalité limite et letrouble de stress post-traumatique est particulièrement ardu[88]. Ceci peut être attribué au fait que les femmes ont souvent été éduquées pour développer plus de stratégies d'adaptation sociale (imitation et camouflage inclus) que les hommes, ce qui les aiderait à cacher leurs traits autistiques ; elles seraient par exemple plus nombreuses à s'entrainer à converser avant de socialiser, ou à imiter leur entourage. Ceci expliquerait que les intérêts des filles autistes s'alignent fréquemment sur ceux des filles neurotypiques de leurs âges, contrairement aux garçons qui développent des intérêts plus atypiques. Les filles autistes auraient alors plus de facilité à se faire des amis que les garçons, et seraient moins facilement diagnostiquées[89].
Il n'existe pas encore de consensus à ce sujet, mais des études suggèrent qu'il y aurait dans la population autiste (par rapport à la population neurotypique) une surreprésentation depersonnes issues des minorités de genre, et au sein de ces dernières, les personnes assignées femmes à la naissance seraient sur-représentées[90],[91]. D'autres études n'ont pas observé de significativité pour cette recherche de corrélation particulière[92],[93],[94], ou ne se sont pas intéressées à l'appartenance de genre dans la présentation des résultats obtenus[95],[96].
Les femmes autistes montrent généralement une sensibilité accrue auxchangements hormonaux liées à lapuberté et à laménopause[97], ainsi qu'aux fluctuations hormonales liées auxmenstruations[97], dans un contexte où les femmes autistes témoignent d'un manque de connaissances de la période de ménopause[98]. Simantovet al. (2022), dans un panel de 1230 femmes (dont 361 diagnostiquées autistes et d'autres présentant des caractéristiques autistiques non diagnostiquées), notent que les affections connues pour être liées aux hormones sexuelles (testostérone et œstrogènes notamment) sont surreprésentées chez les personnes diagnostiquées autistes ou présentant des traits autistiques (troubles du système reproducteur, symptômes prédiabétiques, anomalies dans le début de la puberté et dans la durée des menstruations).
Les femmes autistes présentent une prévalence plus élevée desymptômes prémenstruels ; 21 % d'entre elles subissent des« troubles prémenstruels sévères » contre 3 % chez les femmes non autistes[99]. Plusieurs affections endocriniennes sont également plus fréquentes (syndrome des ovaires polykystiques avec signes prédiabétiques, tels qu'un besoin d'uriner plus fréquent et une soif excessives)[réf. nécessaire].
Dans un contexte où l'immense majorité des travaux scientifiques concernent les enfants, très peu de recherches sont menées sur les personnes âgées autistes, bien que cette situation soit en cours d'évolution durant les années 2020 : 0,4 % des publications scientifiques jusqu'en 2022 concernent cette catégorie[100]. Le diagnostic d'une personne âgée est notoirement compliqué[101]. La recommandation internationale pour définir les personnes âgées autistes est un âge de plus de 65 ans[102].
Les troubles associés chez les personnes autistes, en particulier ceux d'origine neurologique, sont bien connus et étudiés, leur prise en compte permettant d'améliorer la qualité de vie[103]. La pédopsychiatre françaiseCatherine Barthélémy estime que 12 à 37 % des personnes autistes ont des troubles associés, d'origine diverse[104]. Les raisons de ces associations restent méconnues, mais ces troubles associés génèrent un sur-handicap[104]. Un examen clinique complémentaire au diagnostic de l'autisme permet de les repérer[104]. D'après elle, 18 % des personnes autistes ont unehyperacousie, et 11 % un trouble de l'audition[104].
Dans un échantillon de 213 893 enfants de 3 à 17 ans représentatif des enfants américains, Wenhanet al. (2020) observent que l'anémie est significativement associée à certains troubles neurodéveloppementaux, dont les troubles du spectre autistique (TSA) et le TDAH, ainsi qu'à des troubles d'apprentissage[113].
Bien que l'apragmatisme, y compris sans rapport avec destroubles de l'humeur et sans rapport avec unecomorbidité depsychose, soit fréquent chez les autistes, il est généralement peu abordé et reste un angle mort des représentations populaires sur l'autisme[114],[115],[116].
L'autisme n'entraîne pas de déclin cognitif (affaiblissement de lamémoire de travail) avec l'âge[117], mais il pourrait s'associer à un risque légèrement plus élevé demaladie de Parkinson[118].
La question de l'association entre l'autisme et lehandicap mental est controversée, en raison d'une probable surévaluation de retards acquis au cours du développement de l'enfant[119]. L'INSERM retient environ un tiers d'association entre autisme et déficience intellectuelle[105]. L'autisme peut ainsi être associé ausyndrome de l'X fragile[105]. SelonLaurent Mottron[N 1], 10 % des personnes autistes souffrent d'une maladie neurologique associée qui diminue l'intelligence (par exemple, le syndrome de l'X fragile)[23].
Destroubles du sommeil sont souvent mentionnés chez les personnes autistes, une méta-analyse de 2019 chez les enfants et adolescents montrant une association de 13 %, contre 3,7 % en population générale[121]. Ces troubles du sommeil nuisent aux interactions sociales, à la vie quotidienne et aux résultats scolaires, provoquant du stress maternel et une perturbation du sommeil des parents à leur tour[122],[123].
Plusieurs études pointent une corrélation entre déséquilibre ou altération dumicrobiote intestinal et autisme[125],[126]. La fiabilité de ces études est remise en cause en raison de nombreuses failles méthodologiques et d'un manque dereproductibilité, ne permettant pas d'établir de lien de causalité[127].
Unerecension systématique publiée en 2019 conclut que les personnes autistes hébergent plus souvent un microbiote bactérien altéré. Les enfants autistes ont des pourcentages plus faibles d'Akkermansia, deBacteroides, deBifidobacterium et deParabacteroides, et un pourcentage plus élevé deFaecalibacterium dans lemicrobiote, par rapport aux témoins neurotypiques[128]. Ces différences sont alors jugées suffisamment significatives pour envisager l'analyse du microbiote intestinal comme un marqueur diagnostique des personnes autistes[129]. Il est suggéré que ces altérations du microbiote soient une conséquence du régime alimentaire sélectif des personnes autistes, plutôt qu'une cause de l'autisme[130],[131]. Une autre conséquence est un taux plus élevé deconstipations[132].
Une étude par questionnaire publiée en 2022 conclut que les troubles gastro-intestinaux n'ont qu'un effet mineur sur le TSA[133]. L'état des connaissances du microbiome intestinal en 2024 ne permet pas d'envisager de traitement susceptible d'améliorer la qualité de vie[134].
Les causes semblent le plus souvent d'origine« multifactorielle, avec une forte implication de facteurs génétiques[135] » et de nombreuxfacteurs de risques concomitants[63]. La forte part génétique des causes de l'autisme est unconsensus scientifique, en résultante de très nombreux travaux répliqués[29].
La probabilité d'être diagnostiqué autiste est plus élevée chez les hommes[136] (même si un sous-diagnostic des femmes n'est pas exclu). Elle augmente aussi lorsqu'il y a déjà un enfant autiste dans la fratrie (par 3 pour les demi-frères et sœurs, par 10 pour les frères et sœurs, et par 150 chez lesjumeaux monozygotes)[137].
L'autisme est en grande partie héréditaire, et donc lié au génome (90 % des jumeaux monozygotes partagent l'autisme tandis que les jumeaux dizygotes n’ont qu’une probabilité de 5 à 10 %), mais aucungène ouallèle, à lui seul, n'est apparu comme cause spécifiquement de l'autisme. L'autisme présente diverses formes qui combinent de nombreuses variations génétiques (rares ou communes), qui interagissent plus ou moins entre elles et avec l'environnement[138]. Il existe un fort niveau de preuve de corrélation entre la présence de variants génétiques hérités de l'Homme de Néandertal et la susceptibilité à l'autisme[139],[140].
Plusieurs centaines de gènes sont déjà recensés comme en cause ou potentiellement impliqués (dont SHANK3, CHD8, SCN2A, ADNP et POGZ). Ces gènes sont souvent liés à lasignalisation neuronale, au développement neuronal et à la « maturationsynaptique »[141], ce qui a orienté les étudesneurobiologiques vers les modifications de la connectivité et des neurones induites par l'expression de ces gènes[63]. Leurs suppressions dans le modèle animal (rongeur) provoque des symptômes pseudo-autistiques[142].Certains sont liés à larégulation de la transcription et auremodelage de la chromatine.[réf. nécessaire] Des travaux sur l'héritabilité de l'autisme suggèrent qu'environ 90 % de la variabilité est attribuable à des facteurs génétiques. Distinguer les facteurs génétiques des facteurs environnementaux reste cependant difficile, l'autisme étant un caractèrephénotypique issu d’interactions complexes[143][source insuffisante].
Les structures cérébrales caractéristiques étant acquisesin utero[144], il n'est pas possible d'isoler l'effet de l'environnement en étudiant lesjumeaux monozygotes qui sont exposés aux mêmes conditions de développement prénatal. Les interactions des gènes liés à l'autisme entre eux et avec l'environnement sont complexes : un même profil génétique et le même environnement peut produire des individus autistes et neurotypiques, les jumeaux monozygotes n'étant pas systématiquement autistes ou neurotypiques. Dans les années 1990, l'autisme était considéré comme unemaladie polygénique de 5 à15 gènes àtransmission non mendélienne. Or, depuis les années 2000, plusieurs centaines de gènes àtransmission mendélienne impliqués dans l'autisme ont été mis en évidence[145].
Les progrès en génétique ont révélé que la complexité des TSA s'explique aussi par des altérations génétiques et des facteurs génomiques, notamment par despolymorphismes mononucléotidiques (qui sont des variations d'une seulepaire de base dans l'ADN) et par desvariations du nombre de copies (qui correspondent à des duplications ou des suppressions de segments d'ADN)[141]. Ces altérations génétiques, combinées à des modificationsépigénétique]s (changements dans l'expression des gènes sans modification de la séquence d'ADN), soutiennent la théorie d'un mécanisme « neuro-immunopathologique » (interaction entre des anomalies neurologiques et des dysfonctionnements dusystème immunitaire). L'étude de ces mécanismes, notamment dans le modèle animal et à travers des recherches en neurosciences affectives et en biologie du développement, permet de mieux comprendre en quoi et comment les circuits neuronaux sont affectés par ces altérations[141].
Des indices laissaient penser que desmaladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MII) parentales puissent prédisposer l'enfant à naître à l'autisme. Cela a été corroboré en 2022 par un article de Aws Sadik et Coll. En combinant quatre approches complémentaires, les auteurs y estiment« avoir trouvé des preuves d'un lien de causalité potentiel entre les MICI parentales, en particulier maternelles, et l'autisme chez les enfants. Un dérèglement immunitaire périnatal, unemalabsorption desmicronutriments et uneanémie parentale peuvent être impliqués »[146].
Un certain nombre de facteurs prénataux ont été corrélés à une probabilité de diagnostic d'autisme chez l'enfant à naître. C'est le cas de l'expositionin utero à l’acide valproïque, unantiépileptique désormais formellement contre-indiqué pendant la grossesse[147]. Une corrélation existe aussi en cas d'hypothyroïdie maternelle non équilibrée durant le premier trimestre degrossesse[148], et en cas d'exposition fœtale à l'hyperglycémie lors d'undiabète gestationnel[149].
Une mère exposée à desmaltraitances durant son enfance a aussi une plus haute probabilité d'autisme chez l'enfant à naître[150].
Depuis la fin des années 2010, divers travaux ont été conduits pour examiner la corrélation entre exposition prénatale à des polluants et probabilité d'autisme, une étude de cohorte sur plus de 130 000 mères ayant conclu à un rôle de l'exposition aumonoxyde d'azote[151].
La proximité du lieu de résidence de la mère durant la grossesse avec des champs traités par desinsecticides de la famille desorganophosphorés et despyréthroïdes augmente aussi le taux d'autisme des enfants à naître[152], de même que la contamination à l'acide perfluorodécanoïque(en) (PFDA), un polluant environnemental (PFAS)[125].
Découverte puis remise en cause de l'hypothèse du cerveau hypermasculin
Divers travaux conduits notamment parSimon Baron-Cohen à partir des années 1990 ont mis en cause une concentrationamniotique élevée detestostérone lors d'un stade critique de la vie fœtale, qui pourrait favoriser un« cerveau hyper-masculin », alors source de comportements stéréotypés masculins tels que la systématisation, la construction de machines, une moindre capacité d'empathie et de vie sociale (qualités supposées plus féminines selon cette approche), donc l'apparition de traits autistiques[153].
Plusieurs causes présumées de l'autisme ont été invalidées, notammentles vaccins[156], et le manque d'affection exprimé par les parents (hypothèse de la« mère réfrigérateur »)[157].
Depuis les années 2010, plusieurs reportages médiatiques et des vidéos virales suggèrent que l'exposition aux écrans (téléphone portable, tablettes...) soit une cause de l'autisme[158]. Il existe des preuves decorrélation : les enfants diagnostiqués comme autistes passent en moyenne plus de temps devant des outils numériques à écran que ceux qui ne sont pas diagnostiqués[159],[160]. Cependant, aucune preuve decausalité n'a été émise, dans un contexte où les preuves s'orientent vers des facteurs plus précoces que l'usage d'écrans[158],[161],[159].
Il existe désormais un consensus international dans les critères permettant de poser lediagnostic d'autisme[162]. Depuis la parution de laCIM-11, lesyndrome d'Asperger est totalement inclus aux troubles du spectre de l'autisme, il n'est donc plus considéré comme une entité clinique séparée[163].
Les parents peuvent percevoir des premiers signes de l'autisme durant les deux premières années de leur enfant, par l'absence ou la présence d'un certain nombre de comportements[164], par exemple : une impression d'indifférence au monde sonore (ne réagit pas à son prénom) et aux personnes ; l'absence de tentative de communication avec l'entourage par les gestes ou le babillage ; la difficulté à fixer le regard ou un regard périphérique. Le décalage avec les comportements des autres enfants apparaît de plus en plus important avec l'avancée en âge, néanmoins certains enfants se développent d'abord « normalement », puis « régressent » soudainement[165],[166].
Environ la moitié des parents d'enfants présentant un trouble du spectre de l'autisme remarquent la présence de comportements inhabituels chez leur enfant avant l'âge de18 mois, et environ les quatre cinquièmes avant l'âge de24 mois[167]. La présence d'un ou plus des signes d'alerte suivant nécessite de consulter un médecin spécialiste[168] (voir les recommandations de laHaute Autorité de santé[HAS 1]) :
aucune phrase de deux mots prononcée spontanément à24 mois (à l'exception de phrasesécholaliques) ;
toute régression des capacités sociales et langagières, quel que soit l'âge de l'enfant.
Le dépistage et le diagnostic précoce de l'autisme sont essentiels afin de mettre en place une prise en charge adaptée le plus tôt possible[168]. De nombreux outils de dépistages standardisés ont été développés dans ce but. Parmi ces outils, figurent l'échelle de développementpsychomoteur de la première enfance (Brunet-Lézine), le testM-CHAT (Modified Checklist for Autism in Toddlers[169], le testESAT (Early Screening of Autistic Traits Questionnaire) et le questionnaireFYI (First Year Inventory). Les données préliminaires récoltées concernant le test M-CHAT et son prédécesseur, le testCHAT (Checklist for Autism in Toddlers), chez de jeunes enfants de18-30 mois suggèrent d'une part que ces tests sont d'autant plus utiles qu'ils sont administrés dans un contexte clinique, et d'autre part que lasensibilité de ces tests est basse (fort taux defaux négatifs), mais que leurspécificité est élevée (peu defaux positifs)[170]. L'efficacité de ces outils de dépistages précoces est augmentée lorsqu'ils sont précédés d'un dépistage plus large destroubles neurodéveloppementaux en général[171]. Enfin, un test de dépistage développé et validé au sein d'une culture particulière doit être adapté avant d'être généralisé à une culture différente : par exemple, regarder son interlocuteur dans les yeux est un comportement normal et attendu dans certaines cultures mais pas dans d'autres[172].
Les tests génétiques ne sont généralement pas indiqués dans le cadre d'un diagnostic d'autisme, sauf en présence d'autres symptômes tels que des troubles neurologiques ou unedysmorphie faciale[173].
Des questionnaires disponibles sur internet visent à auto-évaluer la présence de traits autistiques. Le Groupement national des centre ressource autisme français n'en recommande pas l'usage car« de nombreuses personnes qui les remplissent ont des résultats en faveur de l’autisme mais présentent en réalité d’autres problématiques »[174].
En théorie, c'est au professionnel de santé mentale de renvoyer le patient vers un centre ressource autisme régional[175] s'il ne parvient pas à faire un diagnostic, les CRA ayant vocation à réaliser uniquement les diagnostics complexes[174]. Cependant, face au déficit de professionnels de santé mentale formés à l'autisme, de nombreuses personnes se tournent directement vers les CRA.
Lediagnostic différentiel des troubles du spectre autistique se fonde en partie sur une évaluation des trois critères centraux du spectre : socialisation, communication, comportement[N 2].
Le diagnostic de trouble du spectre de l'autisme ainsi défini ne s'accompagne pas nécessairement d'unretard de langage ou d'unedéficience intellectuelle. Ces deux éléments précisent éventuellement le diagnostic s'ils sont présents[176].
LeDSM-5 inclut aussi letrouble pragmatique du langage dans le diagnostic différentiel, les symptômes décrits dans le TPL n'étant pas définis dans le DSM-4, de nombreuses personnes avec les symptômes du TPL peuvent avoir été diagnostiqués avec untrouble envahissant du développement non spécifié. Ainsi, une personne présentant ces symptômes mais ne présentant pas les autres symptômes des troubles du spectre autistique serait diagnostiquée avec untrouble pragmatique du langage selon les nouveaux critères du DSM-5[177].
Letrouble du spectre de l'alcoolisation fœtale (TSAF), dû à la consommation deboissons alcoolisées pendant la grossesse, présente des symptômes pouvant être interprétés à tort comme ceux du spectre autistique[178], bien que les facteurs de cause ne soient pas les mêmes[179]. AuQuébec, de faux diagnostics de TSA sont délibérément posés à des personnes avec TSAF afin de leur permettre d'accéder à des services de soutien[180].
Schizophrénie et autisme sont les deux grandes inventions diagnostiques de la psychiatrie du vingtième siècle qui ont survécu aux différentes évolutions des classifications. Elles sont liées historiquement dans une certaine filiation théorique, et ont longtemps été plus ou moins rapprochées voire parfois assimilées. Mais un mouvement de séparation a eu lieu, séparation d'abord sur les réponses à apporter, sur les supports théoriques puis au niveau des hypothèses causales[181]. D'un point de vue phénoménologique, l'expérience des personnes autistes rejoint celle des personnes souffrant de schizophrénie sur quelques points : des difficultés dans les relations sociales, unesynesthésie fréquente et une perception auditive plus importante ; cependant, les expériences de chacun de ces deux groupes diffèrent considérablement sur tous les autres points analysés, l'autisme étant un trouble de l'intersubjectivité primaire, alors que la schizophrénie est un trouble de l'identité propre (ipséité)[182].
Gestion des difficultés rencontrées par les personnes autistes
Une intervention adaptée au profil des enfants autistes est souvent associée à une diminution des troubles observés.
Il existe différentes dimensions d'accompagnement des personnes autistes pour les aider à compenser leur handicap, selon plusieurs approches — éducatives, psychologiques ou médicales — et donc diverses méthodes plus ou moins en concurrence[183]. L'entraînement aux habiletés sociales est considéré comme« quasiment indispensable »[184]. Les adultes autistes ont longtemps été délaissés[185]. Les apprentissages diffèrent de ceux de l'enfance, en raison de la moindre importance des savoirs académiques et de la plus grande importance des apprentissages permettant l'autonomie[185]. Parmi ces derniers, la mise en place d'unmoyen de communication fonctionnel est jugée« indispensable »[185].
Laqualité de vie ressentie par les personnes autistes est globalement inférieure à celle des personnes qui ne le sont pas, sans différence particulière liée à l'âge, au score de QI ou à la« gravité » des symptômes[186].
Deux petits robots humanoïdes réalistes créés par l'université du Hertfordshire Royaume-Uni) pour enseigner aux enfants autistes certaines compétences sociales de bases (réciprocité ; toucher les autres avec une force et d'une manière appropriées…).
Des interventions cognitives et comportementales, notamment l'analyse appliquée du comportement (ABA), dont est aussi dérivé le modèle de Denver, leTEACCH, et lePECS (moyen de communication alternatif), sont proposées pour aider les personnes autistes à gagner en autonomie et à développer des habitudes de communication[187].
D'après lacollaboration Cochrane (2017), les preuves d'efficacité réelles des interventions comportementales intensives précoces (ICIP) de type ABA chez les jeunes enfants sont très limitées, en raison des petits échantillons de ces études et d'un fort risque debiais[188]. En revanche, il existe quelques preuves d'efficacité des groupes d'habiletés sociales pour les personnes entre 6 et21 ans[189].
Les personnes militant pour laneurodiversité (qu'elles soient elles-mêmes autistes commeMichelle Dawson, chercheurs commeLaurent Mottron, ou parents), sont globalement opposées aux approches de type ABA, qu'elles jugent non éthiques[190],[191]. Il est aussi suggéré qu'une exposition répétée aux approches de type ABA génère untrouble de stress post-traumatique chez la personne autiste[192].
D'après l'Organisation mondiale de la santé,« il n'existe pas de traitement curatif » de l'autisme[193]. Aucun traitement médicamenteux n'est recommandé officiellement[194].
La collaboration Cochrane note des études très limitées sur larispéridone[195], le niveau très faible voire l'absence de preuve d'efficacité desISRS (avec effets délétères constatés)[196], des preuves contradictoires concernant lesantidépresseurs tricycliques (là aussi avec effets secondaires délétères)[197], et l'absence totale de preuve d'efficacité des injections intraveineuses desécrétine[198].Les résultats en ce qui concerne la supplémentation envitamines et enminéraux sont contradictoires : il n'existe aucune preuve d'effet thérapeutique des cures de vitamines et de minéraux, mais ces cures montrent leur utilité dans le cas de personnes ayant des déséquilibres alimentaires[199].
Certains traitements médicamenteux ciblent les troubles associés à l'autisme.
La prescription demélatonine pourrait améliorer significativement le temps de sommeil total[200],[201]. Un nombre important de personnes autistes étant épileptiques, elles reçoivent des médicamentsanti-épileptiques afin de prévenir les crises[202]. Les médicaments peuvent traiter les troubles dépressifs ou anxieux et les troubles du comportement.
L'approche psychanalytique de l'autisme domine enAmérique du Nord jusque dans les années 1960, et en monopolise l'approche à cette époque, peut-être en conséquence du rejet de l'eugénisme après la Seconde Guerre mondiale[203]. Développée dans un contexte où de plus en plus de femmes cumulent parentalité et emploi, elle se caractérise par la culpabilisation des mères, et par une perception de l'enfant autiste comme victime d'une mauvaise parentalité, l'autisme étant décrit comme une preuve de la culpabilité maternelle[204]. Par la suite, elle est« très largement remise en cause »[205]. Elle reste source de vives controverses en France, concernant tant les hypothèses émises sur l'origine de l'autisme, que leur application et la question de leur utilité pour les personnes concernés[206],[207].
Le contexte d’incompréhension de l'autisme et d'impuissance des familles favorise le développement de méthodes « alternatives », souvent facturées à des prix très élevés et présentées comme miraculeuses[210],[211]. Unepseudoscience s'est développée autour de causes hypothétiques de l'autisme, de son traitement, voire d'une supposée « guérison », impliquant un grand nombre dethérapies non conventionnelles. Certaines reposent sur des régimes alimentaires[212], d'autres sur de prétendus traitements oraux parfois dangereux (« supplément alimentaire minéral miraculeux »), ou simplement inefficaces (« Coconut kefir »)[210]. La « thérapie par chélation », qui a entraîné la mort d'un enfant[213] et l'exposition à l'oxygène encaisson hyperbare ne sont pas recommandées[210].
Certaines méthodes alternatives ou complémentaires ont une suspicion d'efficacité avec un niveau de preuves scientifiques faible ; c'est le cas des thérapies assistées avec des animaux[211], notamment leschevaux[214].
Profitant de la fragilité émotionnelle des familles, descharlatans et certainessectes proposent de traiter par des recettes miracles ce qu'ils prétendent être des causes de l'autisme, comme lesvaccins[221],[222], legluten[223] ou encore le mercure (thiomersal)[224] (agentmercuriel autrefois présents dans de nombreux vaccins), ou évoquent desthéories du complot.
Grâce aux importants revenus générés par ces pseudo-thérapies, de puissants instituts se sont formés aux États-Unis pour promouvoir et centraliser ce genre de méthodes (comme l'Autism Society of America, l'Autism Research Institute et leStrategic Autism Initiative), appuyés par une communication et unlobbyisme actifs, impliquant jusqu'àDonald Trump[225]. Cette communication est généralement basée sur des témoignages isolés et invérifiables et une grande force de persuasion, parfois assortis de fausses études scientifiques[210].
Temple Grandin, qui s'exprime ici sur l'autisme en tant qu'autiste, est un exemple d'accès à l'autonomie, dont l'histoire est présentée dans lefilm du même nom.
L'autisme est officiellement reconnu comme générant unhandicap. La perspective d'une évolution hors du handicap est cependant possible, notamment en matière d'autonomie[Quoi ?].
Parmi les exemples notables de personnes autistes devenues autonomes figureDonald Grey Triplett, premier enfant diagnostiqué comme autiste parLeo Kanner, qui a ensuite obtenu des diplômes et travaillé dans une banque[226].
Certains enfants diagnostiqués sortent des critères diagnostiques au fil du temps, ce qui a pu être interprété, à tort, comme une « guérison »[227],[228]. Environ 9 % des enfants autistes ne rencontrent plus les critères diagnostiques à l'âge adulte, la plupart du temps, parmi ceux qui ont été diagnostiqués sanshandicap mental associé[229].
Une partie des personnes autistes, plus particulièrement les femmes, apprennent à masquer leurs traits autistiques afin de paraitre plus acceptables socialement ; ce camouflage offre certains avantages pour mieux s'intégrer dans la société, mais il peut entraîner des inconvénients comme l'anxiété, la dépression et l'épuisement[230].
Selon un rapport publié en 2016 par l'ONG anglaise Autistica, une personne autiste (TSA) meurt environ18 ans plus tôt que la moyenne (et30 ans plus tôt que la moyenne si elle a une déficience intellectuelle)[106].En 2024, une très vaste étude (menée sur une cohorte de près de 10 millions de personnes, dont 17 130 diagnostiquées autistes sans déficience intellectuelle et 6450 avec déficience intellectuelle, chacun apparié à dix témoins sans diagnostic d’autisme) a conclu qu'au Royaume-Uni les personnes autistes diagnostiquées (surtout avec déficience intellectuelle) ont une moindre espérance de vie (de six ans environ), mais que ce chiffre sous-estime la réalité en raison d'un sous-diagnostic généralisé dans la population adulte. Les inégalités de santé et d’accès aux soins (qui touchent de manière disproportionnée les personnes autistes) expliquent cette surmortalité plus que l'autisme lui-même[231].
Une étude épidémiologique de 2015 (sur plus de 27 000 Suédois avec TSA dont 6 500 d'entre eux avec déficience intellectuelle) avait déjà montré un risque accru de décès prématuré chez ces derniers, environ2,5 fois plus élevé que pour le groupe entier, souvent lié à un risque accru dediabète et demaladies respiratoires (pour lesquels le diagnostic est souvent retardé en raison de difficulté pour ces patients à exprimer leurs symptômes aux médecins ou à l'entourage ; l'un des auteurs engageant lesmédecins généralistes à mieux explorer les symptômes et antécédents des patients autistes)[106]. De plus, les adultes autistes sans trouble d'apprentissage étaient neuf fois plus susceptibles que la population témoin de mourir parsuicide, surtout chez les femmes, ce qui pourrait être une conséquence de l'isolement social et/ou d'un risque accru dedépression[232].
Le consensus scientifique, rappelé par entre autres l'INSERM (2019)[234] et dansNature (2025)[235], rejette l'existence d'une quelconque« épidémie d'autisme »[103],[236],[237].
La recension de Zeidanet al., publiée en 2022 et analysant 71 études, atteste d'unemédiane dans la proportion de personnes autistes d'environ 1 %, ce qui signifie qu'une personne sur cent dans le monde est autiste[120].
Lesdiagnostics augmentent continuellement à l'échelle mondiale, depuis les années 1980 et 1990 jusqu'aux années 2020[238],[236],[120],[239] ; ainsi, il n'y a pas d'épidémie d'autisme, mais plutôt une« épidémie de diagnostics »[235]. Les causes de ces augmentations de diagnostics sont multifactorielles, et découlent d'une sensibilisation accrue à l'autisme, d'une meilleure réponse publique au besoin de diagnostic, de progrès dans l'identification et la définition des cas d'autisme, et d'une augmentation de la capacité à poser ces diagnostics dans de nombreux pays[120],[238],[235]. Si King et Bearman interrogeaient en 2009 la possibilité de facteurs étiologiques qui augmenteraient le nombre de personnes autistes (toxines environnementales, génétique, ou leurs interactions), d'autres chercheurs ne concluent pas à l'existence de facteurs qui augmentent la probabilité de développer l'autisme, en raison de grandes disparités dans les échantillons et dans les critères de pose du diagnostic[120],[235].
De tous les pays, ce sont les États-Unis qui enregistrent la plus haute prévalence d'autisme[239], soit une personne sur 54 en 2020[240], puis une sur 31 en 2022 ; Pearson souligne que ces chiffres américains résultent d'une estimation basée sur des registres administratifs, soit une méthode moins précise qu'une enquête de population[235].
En 1996, l'autisme est reconnu en France comme un handicap[242]. Depuis 2005, desCentres Ressources Autisme (CRA), structures dédiées résultant du Plan Autisme 2005-2007[243],[244], permettent une procédure diagnostique conforme aux critères internationaux. Cependant, la France est épinglée depuis plusieurs années par l'Organisation des Nations unies (ONU)[245],[246],[247] et leConseil de l'Europe[248] pour violations des droits des personnes autistes dans ce pays, notamment à cause de leur institutionnalisation forcée, de la soumission à des traitements qui visent à « faire disparaître » leur autisme, et du diagnostic trop tardif. L'Université de Cambridge a publié un article expliquant la réticence française à adopter des méthodes d'accompagnement fondées sur despreuves scientifiques par la persistance de la psychanalyse[206].
En, leConseil Supérieur de la Santé a publié un avis scientifique très complet sur la qualité de vie des jeunes enfants autistes et de leur famille. Le Conseil a notamment réalisé un aperçu des politiques existantes et à mettre en œuvre en Belgique pour améliorer la qualité de vie des enfants autistes (de moins de6 ans) et celle de leur famille[249].
Des initiatives ont vu le jour, telle laSociety For The Autistics In India (SAI), organisme créé en 1995 à Bangalore ; ses objectifs sont l'intervention précoce et un programme de développement de la communication[250].
La part de la population autiste auMaroc est estimée en 2000 de 4 000 à 26 000 personnes[251], dont la plus grande partie est prise en charge exclusivement par la famille. Il existait des centres d'accueil dans les grandes métropoles telles queCasablanca etRabat, qui sont d’ailleurs fermés jusqu'à présent. La scolarisation des enfants autistes dépend essentiellement des initiatives privées. Le milieu associatif tente d'établir un partenariat avec le ministère de l'Éducation nationale (MNE) afin de disposer de classes adaptées dans les écoles primaires publiques et d'auxiliaires de vie scolaire[252].
En Suisse, au milieu des années 2010, le nombre de centres diagnostics compétents est en augmentation, mais encore rares dans certaines régions, et une méthode de diagnosticdifférencié et standardisé, fondé sur des connaissances interdisciplinaires, est encore trop souvent absente[253].
Dans le cadre d’une recherche menée en Suisse, V. Zbinden Sapin, E. Thommen, A. Eckert et Ch. Liesen[254] analysent la situation des enfants, adolescents et les jeunes adultes, et identifient différents manques notamment au niveau des mesures prises pour le diagnostic : nombre insuffisant de centres diagnostiques compétents, méthode diagnostique standardisée souvent absente et déficit quant à la qualification de base des professionnels impliqués dans les processus de diagnostic. Dans cette étude, d’autres manques sont également identifiés en lien avec les interventions (notamment la nécessité d’avoir plus de mesures d’éducation précoce intensive), l’éducation et la formation, l’intégration professionnelle, le soutien aux familles et l’encouragement de l’autonomie ainsi que le conseil et la coordination. Une autre recherche menée auprès d’institutions spécialisées proposant des formations professionnelles en Suisse francophone a montré que les besoins spécifiques des jeunes présentant un TSA ne sont pas toujours pris en compte[255].
Leo Kanner expose en 1943 les « dérangements autistiques du contact affectif ».
L'histoire de l'autisme représente probablement le champ de recherche le plus fécond dans le domaine de lapsychiatrie de l'enfance, sa compréhension ayant grandement évolué entre les premières conceptualisations des années 1940 et les années 2000, certaines idées défendues avec véhémence à son sujet étant depuis complètement remises en cause[256]. Cette conceptualisation s'inscrit dans un contexte de préoccupations croissantes pour l'enfant, d'où la longue association entre autisme et enfance[257]. La première formalisation clinique d'un trouble infantile distinct desschizophrénies est faite en 1943 parLeo Kanner, qui définit les « troubles autistiques du contact affectif » à travers onze cas correspondants[258],[259]. Il reprend le terme « autisme », créé en 1911 par le psychiatreEugen Bleuler à partir de la racine grecqueαὐτός /autós qui signifie « soi-même »[260]. Il l'utilisait alors pour distinguer l'un des trois comportements typiques desschizophrénies adultes[261].
Le besoin de distinguer et d'isoler un trouble propre au jeune enfant se retrouveavant 1943 chezMelanie Klein comme le rapporte Jacques Hochmann[262].
Lapsychologie cognitive remplace la psychanalyse à partir des années 1960 pour décrire et conceptualiser l'autisme[263]. Ses premiers travaux associent durablement l'autisme à l'hypothèse d'unethéorie de l'esprit défaillante, remettant en cause l'humanité de la population autiste[264]. C'est dans ce contexte, et en réaction au paradigme de la psychanalyse, qu'émerge la figure de la« mère sauveuse » ou« mère guerrière », l'enfant étant perçu comme victime de son autisme[265].La recherche plus récente (à partir des années 2000) intègre progressivement les perspectives de la population autiste, notamment via larecherche participative[266].
Ce n'est qu'en 1980 que l'autisme est distingués sous le nom d’« autisme infantile » dans le DSM, et non plus comme un type infantile de schizophrénie[267].Vers la fin des années 1970,Lorna Wing redécouvre le travail oublié deHans Asperger qui, comme Leo Kanner la même année, avait isolé des cas cliniques d'un trouble spécifiquement infantile qualifié d'« autistique »[268]. Elle publie en 1981 sa propre étude sur ce qu'elle nommesyndrome d'Asperger[269]. En 1982, elle propose l'idée d'une continuité entre les distinctions faites par Kanner et celles faites par Asperger[270], ce qu'elle met en évidence l’année suivante (1983) en définissanttrois critères de référence[271] :
troubles qualitatifs de la communication verbale et non verbale ;
altérations qualitatives des interactions sociales réciproques ;
monotropisme : comportement présentant des activités et des centres d'intérêt restreints, stéréotypés et répétitifs.
Cette « triade autistique » reste une référence pour identifier et définir l'autisme et letrouble envahissant du développement. Cette catégorie (en abrégé : TED) est apparue en 1994 avec le passage duDSM III auDSM IV[267], puis la notion de spectre autistique est simplifiée de la triade vers ladyade, soit deux critères : l'un social, l'autre comportemental[272]. En 1987, la catégorie autisme infantile est renommée « trouble autistique » avant de devenir « trouble envahissant du développement » (TED) en 1994 dans leDSM IV[267]. Elle devient enfin « troubles du spectre de l'autisme » (TSA) en 2013 dans leDSM 5, qui instaure des critères diagnostiques continus, en les quantifiant sur une échelle à trois degrés, distinguant l’intensité et le retentissement de troubles sociaux d'une part et comportementaux d'autre part, en supprimant les sous-catégories comme lesyndrome d'Asperger[273]. LaCIM-11, rendue publique par l'OMS, reprend la formulation habituellement traduite « troubles du spectre de l'autisme ». Ces troubles du spectre de l'autisme sont l'item diagnostique à propos d'autisme, « troubles » comportant l'ensemble des niveaux de fonctionnement intellectuel et de capacité de langage[274][réf. non conforme],[275].
D'aprèsSimon Baron-Cohen[276], l'archéologue Penny Spikins[71], le philosopheJosef Schovanec[277], ainsi que le journalisteSteve Silberman[278], l'autisme a joué un rôle positif à l'échelle de l'histoire de l'humanité, en permettant des avancées et découvertes, en matière d'ingénierie notamment, mais aussi de linguistique et d'art. Baron-Cohen estime dans son ouvrageThe Pattern Seekers que l'inventivité de l'espèce humaine est intimement liée à la capacité de systémisation, elle-même favorisée par l'autisme, qui a joué un rôle clé dans la révolution cognitive préhistorique[279].
L'autisme est initialement une catégorie psychiatrique, mais sa conceptualisation s'inscrit dans des contextes sociaux, politiques et historiques, qui en font aussi un objet social[280]. Les représentations de l'autisme diffusées dans la société notamment via des médias (livres, journaux papier ou télévisés, films, téléfilms, etc.) en construisent unereprésentation sociale auprès de lapopulation générale[281]. Depuis 2007, le2 avril est lajournée mondiale de la sensibilisation à l'autisme, sous l'impulsion de l'ONU qui le reconnaît comme unhandicap[282].
Aux États-Unis et au Royaume-Uni en 2013, la population générale est à 80 % informée de ce qu'est l'autisme, 60 % des personnes interrogées déclarant connaître au moins un proche qui l'est[283] ; enArabie saoudite en 2017, 88 % des répondants savent ce qu'est l'autisme[284].
Inscrit dans le contexte du développement des neurosciences, lemouvement pour les droits des personnes autistes se développe initialement grâce à des militants universitaires et autistes[285]. Il défend le concept deneurodiversité en s'inspirant de labiodiversité, pour sortir des discours stigmatisant les personnes autistes, qui les comparent à la version déficitaire d'un individu normé[286]. Il retourne ainsi le stigmate de la pathologisation de l'autisme, par exemple en parodiant les discours médicaux et en décrivant les individus non-autistes comme des sujets étudiés par l'« Institut pour l'étude des neurotypiques »[287]. Des communautés de personnes autistes en ligne se réapproprient leur diagnostic de manière positive[288].
Les membres de ce mouvement conceptualisent collectivement la notion d'espace autistique, c'est-à-dire d'espace pensé par et pour être habité par des personnes autistes, notamment grâce à une réduction des stimulations sensorielles[289].
Un risqueeugéniste cible les personnes autistes, analogue à la situation des personnes avectrisomie 21 : plusieurs responsables et décideurs de politiques desanté publique s'expriment en faveur d'une« éradication » de l'autisme, un discours auquel s'opposent surtout des adultes autistes sanshandicap intellectuel[290],[291]. Les personnes autistes actives dans les mouvements de laneurodiversité contestent des projets de recherchegénomique tels queSpectrum 10K, dans le but que les résultats de ces recherches ne puissent pas être utilisés à des fins eugéniques[292],[293]. Unedissonance cognitive existe chez des chercheurs qui souhaitent activement découvrir une séquence génétique de l'autisme identifiable en prénatal, tout en se déclarant opposés à l'eugénisme[292].
Plusieurs études ont été conduites au sujet des perceptions qu'ont les adultes autistes vis à vis de la disponibilité detests génétiques[294],[295]. D'après l'interrogation de 461 adultes autistes sur ce sujet en 2023, la moitié (49 %) s'oppose à toute disponibilité de ce type de test, 74 % estiment que ces tests ne devraient être rendus disponibles que si la personne autiste concernée y consent explicitement, et 27 % déclarent qu'ils auraient voulu accéder à ce type de test durant leur enfance[294]. 40 % des personnes interrogées jugent ces tests exclusivement dommageables aux autistes, 15 % les jugent bénéfiques[294]. Une nouvelle interrogation en 2025 confirme une très nette opposition à ces tests, les trois quarts des répondants soulignant un risque eugéniste[295].
Intégration sociale et professionnelle des personnes autistes
Les difficultés liées à l'autisme, et surtout l'exclusion sociale, font que les personnes autistes sont peu intégrées dans la société : accès à l'école (en France en 2014, seuls 20 % des enfants autistes sont scolarisés[297]), à un travail… Leurapprentissage de la sexualité et de ses règles sociales[298] ou encore leur insertion dans le monde du travail sont difficiles, notamment lorsque le relationnel a beaucoup d'importance.
Les centres d'intérêts intenses pour un ou plusieurs sujets en particulier, qui se manifestent dès l'âge scolaire, peuvent constituer un avantage, mais aussi un désavantage en cas de répétition incontrôlée d'un même comportement[299]. Les enfants autistes sont beaucoup plus exposés auharcèlement à l'école que les enfants neurotypiques, environ un enfant autiste sur deux subissant du harcèlement ou de l'intimidation verbale, avec des variations potentiellement importantes en fonction du lieu de vie[300]. Les parents subissent de grandes difficultés à faire comprendre les besoins de leur enfant pour faciliter son maintien à l'école ordinaire[301].
L'accès à l'emploi restait, en 2023,« très restreint », généralement sur des postes« peu gratifiants »[302]. Bien que l'intégration professionnelle ait fait l'objet de peu d'études, l'hypothèse simpliste d'une cause unique aux difficultés rencontrées doit être écartée, celles-ci ayant des causes multiples, dont l'effacement sociétal des adultes autistes, un décalage potentiellement important entre aptitudes théoriques et aptitudes relationnelles (le « savoir-être »), une confusion entre « déficience » liée à l'autisme et préférence de choix professionnel, ainsi que l'organisation même des processus de recrutement, l'entretien d'embauche étant particulièrement discriminant pour un profil autiste[303]. Une méta-analyse de 2025 conclut que les adultes autistes sont fortement exposés à ladiscrimination au travail, à un manque de soutien et à un manque de compréhension, et que cela a deux causalités principales : les attitudes des employeurs, et le manque de moyens investis pour adapter les postes et lutter contre les discriminations[304]. De plus, divulguer la nature du handicap a pour effet d'augmenter les discriminations subies par ces personnes[304]. D'après une recension systématique de la littérature scientifique effectuée en 2020 par Simon M. Buryet al., il existe très peu d'études et très peu de preuves d'avantages conférés par l'autisme dans les milieux professionnels, bien que larecherche clinique ait démontré l'existence de points forts individuels[64],[305]. Chaque centre d'intérêt d'une personne autiste, prise individuellement, doit être examiné à la lumière de ce qu'il lui apporte en termes d'avantages et de désavantages, dans un contexte donné[306].
La visibilité de l'autisme explose à partir des années 1990, en faisant désormais un« phénomène culturel majeur », associé à des valeurs d'individualisme à la fois positives (autonomie, liberté) et négatives (isolement, solitude)[307].
Depuis la fin duXXe siècle, un nombre croissant de personnages autistes apparaissent dans des productions ducinéma et de latélévision, aux caractéristiques linguistiques et culturelles variées, rendant l'autisme beaucoup plus visible du grand public[308],[309]. Cependant, certaines représentations fictionnelles et médiatiques de l'autisme ont un effet négatif sur la vie des personnes qu'elles sont supposées dépeindre[310],[311],[309], même quand des personnages autistes en sont lesprotagonistes[309]. L'analyse de ces représentations sur30 ans (1988 – 2017) conclut à la diffusion de nombreuxstéréotypes et de portraits nuisibles, mais aussi de représentations positives mettant en avant les forces des personnes autistes et apportant de la nuance, le tout n'aidant cependant pas à mieux comprendre ce qu'est l'autisme[310]. La stigmatisation de cette population apparaît plus marquée dans les journaux, les films et à la télévision, qui surreprésentent en parallèle lesavantisme, vraisemblablement en raison du manque de participations d'experts par expérience dans ces médias[311]. Cela semble une conséquence du très grand succès du filmRain Man, dont les caractéristiques du personnage principal ont été reprises dans des productions télévisuelles ultérieures[312]. Par ailleurs, les médias populaires ont longtemps sous-représenté les femmes autistes[313].
L'analyse d'articles de presse français parus entre 2013 et 2021 dans les périodiquesLe Figaro,Le Monde etLibération montre que l'autisme est abordé comme une problématique de l'enfance et de la famille (effacement des adultes autistes), l'individu typiquement dépeint étant un petit garçon dépendant de ses proches[314]. Alors que les sujets couverts relevaient surtout du« manque » de places en institution spécialisée dans les années 1960 à 1990, l'année deGrande Cause nationale en France en 2012 a entraîné l'émergence d'un discours critique de la psychanalyse[315],[316], les thématiques les plus représentées dans la presse française de 1988 à 2008 étant« le flou des définitions, l’augmentation exponentielle des chiffres, le parent bouc émissaire, la corrélation stratégies comportementales/causes biologiques/handicap (au sens de déficit), la rhétorique de l’efficacité ainsi que le retard de la France »[316].
Lalittérature propose souvent« une représentation plus diversifiée et plus positive » que le cinéma, la télévision et la presse[311]. La représentation de jeunes autistes est devenu très populaire enlittérature Young Adult, notamment les jeunes hommes« géniaux » qui commettent des faux pas sociaux, contribuant ainsi à« des images positives qui peuvent promouvoir l'acceptation par les pairs »[317].
Depuis l'ouvrage deTemple Grandin,Emergence, premièreautobiographie d'une personne diagnostiquée parue enanglais en 1986, des adultes autistes ont témoigné de leur vécu« de l'intérieur »[318]. Ces autobiographies permettent de lutter contre l'injustice épistémique, et de diffuser une compréhension plus empathique des problématiques rencontrées par les personnes concernées, en particulier leurs défis sensoriels ; elles ont été exploitées pour des aménagements ensalle de classe et ont suscité des remises en question de certaines conceptions de l'autisme, notamment celles relatives à l'empathie[319].
Un article bibliographique spécifique serait utile(août 2023). Compte tenu du nombre d'ouvrages ou d'études relatives au sujet de l'article, il serait utile de créer unarticle bibliographique spécifique. On ne garderait alors dans l'article que les ouvrages biographiques ou de référence principaux, ainsi que ceux utilisés pour écrire l'article.
[Mottron 2024] LaurentMottron,Si l'autisme n'est pas une maladie, qu'est-ce ? : une refondation de la définition de l'autisme, de son étiologie et de sa place dans l'espèce humaine, Éditions Mardaga,(ISBN978-2-8047-3513-5).
↑Laurent Mottron est professeur en psychiatrie, titulaire d'une chaire de neurosciences cognitives de l'autisme à l'Université de Montréal et dirige un programme sur l'autisme à l'hôpital de Rivière-des-Prairies de Montréal.
↑Tableau présenté au sein de l'article Levy 2009 pour fins de diagnostic différentiel, la colonne « autism » est une sous-catégorie d'« autism spectrum disorders ». Dans la source que l'article duLancet entend résumer (PMC 2366821) l'acception du mot « autisme » est précisée en se référant à Leo Kanner, mais il est bien précisé que la correspondance avec des critères du DSMIV est remise en cause.
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