Aurore boréale enEstonie.Aurore australe depuis la navetteDiscovery.Aurore boréale à Strasbourg, nuit du.
Uneaurore polaire, également appelée « aurore boréale » dans l'hémisphère nord et « aurore australe » dans l'hémisphère sud[1], est unphénomène lumineux atmosphérique caractérisé par des voiles extrêmement colorés dans le ciel nocturne, le vert étant prédominant dans les latitudes proches des pôles[2].
Provoquées par l'interaction entre les particules chargées duvent solaire et la hauteatmosphère, les aurores se produisent principalement dans les régions proches despôles magnétiques, dans une zone annulaire justement appelée « zone aurorale » (entre 65 et 75° delatitude)[3].
En cas d'activité magnétique solaire intense, l'arc auroral s'étend et commence à envahir des zones beaucoup plus proches de l'équateur.
Illustration d'une aurore polaire au cours d'une expédition scientifique en Scandinavie vers le milieu duXIXe siècle.Aurore photographiée par le satellite DMSP au-dessus du nord de l'Europe.
Les auroresboréales ont été observées depuis toujours et ont probablement beaucoup impressionné les Anciens ; dans l'Antiquité, aussi bien en Occident qu'en Chine, les aurores étaient ainsi considérées comme des serpents ou des dragons dans le ciel[4].
Pline l'Ancien écrit :« On a vu pendant la nuit, sous le consulat de C. Caecilius et de Cn. Papirius (an de Rome 641), et d'autres fois encore, une lumière se répandre dans le ciel, de sorte qu'une espèce de jour remplaçait les ténèbres[5]. »
Les aurores polaires sont associées à de nombreux mythes et légendes. L'anglais et l'allemand les désignent sous le nom de « lumières du nord » ou « lumières du sud ».
Le finnois utilise le terme derevontulet, qu’on peut traduire par « queue de renard rouge » ou « feux du renard » : certains peuplesSamis racontent en effet que lerenard polaire, en parcourant rapidement les vastes étendues enneigées, éjecte de la poussière avec sa queue dans le ciel, ce qui crée ainsi les aurores boréales le long de son passage[6].
LesInuits duGroenland surnomment les auroresaqsarniit, croyant que les âmes des morts jouent à la balle avec des crânes de morses.
Une tribu duNunavut pense à l'inverse que ce sont les morses qui jouent à la balle avec des crânes humains.
Leur teinte rouge, associée au sang, est responsable du fait que les Inuits de l'Est du Groenland croient que les aurores polaires sont les âmes des enfants mort-nés[7].
D'autresmythologies nordiques évoquent lebifröst, la danse des esprits de certains animaux, particulièrement les saumons, les rennes, les phoques et les bélugas ; le souffle des baleines de l'océan Arctique ; le reflet du Soleil ou de la Lune sur les armures desValkyries quand elles traversent le ciel ; des torches allumées par les esprits des morts pour accueillir au paradis les nouveaux arrivants[4].
En Europe auMoyen Âge, les aurores polaires qui prennent des teintes rouges sont associées au sang et à la guerre.
Les aurores boréales présagent une catastrophe ou sont vues comme le souffle des guerriers célestes qui racontent leurs combats dans le ciel[8].
Elles n'ont été étudiées scientifiquement qu'à partir duXVIIe siècle.
En 1621, l'astronome françaisPierre Gassendi décrit ce phénomène observé jusque dans le sud de la France et lui donne le nom d'aurore boréale[9].
AuXVIIIe siècle, l'astronome britanniqueEdmond Halley soupçonne le champ magnétique terrestre de jouer un rôle dans la formation des aurores boréales.
Henry Cavendish, en1768, parvient à évaluer l'altitude à laquelle se produit le phénomène, mais il faudra attendre1896 pour que celui-ci soit reproduit en laboratoire parBirkeland.
Les travaux deCarl Størmer sur les mouvements desparticules électrisées dans unchamp magnétique ont facilité la compréhension du mécanisme de formation des aurores boréales.
À partir de 1957, l'exploration spatiale a permis non seulement une meilleure connaissance des aurores polaires terrestres mais aussi l'observation de phénomènes auroraux sur les grossesplanètes commeJupiter ouSaturne.
En1975, le programme franco-russeARAKS parvient à créer une aurore boréale artificielle.
En 2008, le chercheurJean Lilensten a mis au point une expérience, reprenant laterrella de Birkeland, appelée laPlaneterrella. Celle-ci permet de simuler les aurores polaires[10].
En 2023, une étude confirme un lien récemment mis en évidence, entre le nombre d'aurores polaires, la température de la troposphère et de la stratosphère dans la zone circumpolaire[11],[12] et la consommation hivernale d’électricité en Finlande : Les flux de particules énergétiques apportées par le vent solaire dans l’atmosphère polaire[13] peuvent significativement influencer levortex polaire stratosphérique[14],[15], et donc secondairement la température de la troposphère en hiver austral, notamment en Finlande où l’activité géomagnétique (indicatrice de la précipitation énergétique des particules solaires) fait baisser la température moyenne, ce qui se traduit par un besoin accru de chauffage et une hausse de la consommation d’électricité.
Ceci se produit quand les vents stratosphériques équatoriaux dominants (dits vents QBO) sont orientés vers l’est.
Les prévisionnistes de l'énergie sont invités à tenir compte de cette météo spatiale, sachant que les aurores boréales sont aujourd'hui prévisibles, grâce notamment aux travaux de l'observatoire Kjell Henriksen avec le Centre universitaire du Svalbard, et à leur programme informatique SvaltrackII disponible au grand public[16].
Des particules électrisées à haute énergie peuvent alors être captées et canalisées par les lignes duchamp magnétique terrestre du côté nuit de la magnétosphère (la queue) et aboutir dans une zone appeléeovale auroral.
C'est en qu'une explication cohérente de ce phénomène a été fournie par laNASA grâce à la mission américaineTHEMIS. Les scientifiques ont en effet localisé la source de ces phénomènes dans des explosions d'énergiemagnétique se produisant à un tiers de la distance qui sépare laTerre de laLune. Ils sont ainsi provoqués par des « reconnexions » entre les « cordes magnétiques géantes » reliant laTerre auSoleil qui stockent l'énergie desvents solaires.
Les phénomènes auroraux prennent plusieurs teintes différentes, passant du vert au rose, au rouge et à l'indigo violet.
L'étudespectrographique de la lumière émise montre la présence de l'oxygène atomique (raie verte à557,7nm entre120 et 180km d'altitude et doublet rouge à630 et 636,4nm au-dessus de150km d'altitude), de l'azote et de ses composés et de l'hydrogène (656,3 nm) lors desaurores à protons.
Aux plus basses altitudes, la couleur observée le plus fréquemment est le pourpre (altitudes de90 à 100km).
L'excitation des molécules, atomes et ions d'azote et d'oxygène sont à l'origine des principales couleurs.
L'oxygène émet principalement du vert et du rouge, tandis que l'azote émet du bleu, du rouge et du violet.
Certaines des molécules de diazote excitées interagissent aussi avec l'oxygène, causant une émission additionnelle de vert, ce qui contribue également à la dominance de la couleur verte.
L'hélium et l'hydrogène produisent des aurores boréales mauves ou bleues[19]. Enfin, l'énergie du vent solaire joue aussi un rôle dans les couleurs observées[20].
Aurore polaire de type« dune » photographiée en Finlande en octobre 2018 depuisLaitila (direction nord-ouest) et depuisRuovesi (direction ouest).
Les premiers scientifiques qui se sont intéressés aux phénomènes auroraux ont tout d'abord instauré des classifications de ceux-ci en tenant compte de la forme, de l'étendue et de l'intensité des émissions, ce qui permet une approche objective et quantitative du phénomène[18]. Ainsi en sont-ils venus à deux types d'aurores : les formes discrètes et les formes diffuses.
Les formes discrètes ont comme caractéristique de se former en longs arcs ou en bandes. Les arcs « ondulent » de seconde en seconde, comme certains nuages changent d'apparence sous l'effet du vent. Elles prennent ainsi la forme de lamagnétosphère, ce qui leur donne les apparences d'une largeur plutôt mince (de1 à 10km), mais d'une longueur courbée presque infinie.
Accéléré d'aurores boréales en Suède et en Finlande.
Les aurores boréales ou polaires recouvrent le ciel de draperiesluminescentes pouvant furtivement reproduire sur leur bord toutes les couleurs du spectre. Il faut que le ciel soit clair, dégagé de préférence sans lune et dépourvu de lumières parasites.
Le spectacle est très changeant et peut débuter par la formation d'un arc (arc auroral) perpendiculaire auméridien magnétique du lieu, puis s'accompagner de rayons parfois animés d'une pulsation plus ou moins rapide (0,05 à 15hertz) ou se déplacer plus ou moins rapidement. On observe parfois des lueurs ressemblant à un rideau ou une draperie agitée par la brise.
La luminosité peut considérablement varier, de sorte que le phénomène peut durer de quelques minutes à plusieurs heures.
Les ovales auroraux sont centrés autour des pôles magnétiques et se forment le plus souvent à une latitude géomagnétique[22] d'environ 60° à 75°[23].
Les aurores polaires peuvent être observées toute l'année, de nuit par ciel dégagé.Les aurores boréales sont plus aisément observées entre fin août et début avril. Les pays où elles sont visibles sont leGroenland, l'Alaska, l'Antarctique, le nord duCanada, l'Islande, laScandinavie, laFinlande, laRussie, ainsi que lesîles Shetland au nord du Royaume-Uni et lesîles Féroé.
Dans l'hémisphère sud, les aurores australes sont plus aisément observées en hiver, d'avril à septembre. Elles sont visibles à partir de l'indice Kp 4 en Australie et en Nouvelle Zélande. À l'indice Kp 9, elles deviennent visibles en Argentine et en Afrique du Sud[24].
Il est très rare d'observer des aurores à des latitudes magnétiques inférieures à 50 degrés. Cela se produit seulement pendant la période d'activité solaire maximale ducycle de 11 ans, lors des éruptions solaires les plus importantes.
L'intensité des tempêtes géomagnétiques est estimée avec l'indice Kp (0 à 9) de perturbation géomagnétique planétaire, une mesure physique associée à une échelle G (de 1 à 5) des impacts provoqués par les tempêtes géomagnétiques.
Lorsqu'une forte activité géomagnétique touche la terre, la magnétosphère est comprimée et les aurores descendent en latitude.Lorsque le Kp se situe entre 0 et 2, les aurores boréales touchent les régions les plus septentrionales, entre 3 et 5, les aurores sont visibles plus au Sud mais se montrent également plus brillantes près des pôles.
Entre 6 et 7, les aurores sont brillantes et vives dans les hautes latitudes et visibles jusque dans le Nord de l'Europe.Avec un Kp entre 8 et 9, la visibilité s'étend vers le Sud de l'Europe[25].
De grandes aurores polaires de basses latitudes sont observées dans toute l'Asie de l'Est du 16 au. Elles sont attestées par111 documents historiques qui suggèrent une durée et une intensité hors norme. Notamment, des dessins révèlent que lestaches solaires étaient deux fois plus grandes que celles observées lors des aurores de 1859[28].
Dans la nuit du 10 au, un orage magnétique extrême de classe G5, soit le niveau maximum sur l’échelle utilisée, a provoqué des aurores boréales observables à des latitudes inhabituelles dans le continent américain[32], en Europe du Nord et en Russie[33],[34]. Cesorages magnétiques de mai 2024(en) correspondent à des pics d'activité ducycle solaire 25[35].
Avant l'ère des communications par satellites, le meilleur moyen de communication dans les régions vastes et étendues comme celle du Canada était la communication par les ondes radio. Lors d'orages solaires intenses, les communications se voyaient interrompues puisque ces ondes voyagent par le biais de la haute atmosphère[36].
Le nuage ionisé que constitue l'aurore polaire réfléchit lesondes électromagnétiques dans le domaine des très hautes fréquences (VHF et au-delà). Lesradioamateurs utilisent ce phénomène pour réaliser des liaisons expérimentales à grande distance. Lesondes radio sont en fait diffusées plus que réfléchies ce qui produit une forte déformation de la modulation. La télégraphie morse est pratiquement le seul mode de transmission utilisable. Un effet néfaste de ce phénomène est la perturbation des communications sur ces fréquences.
Les aurores polaires ne sont pas un phénomène spécifique à laTerre. Il est possible d'en trouver sur n'importe quelle planète possédant unchamp magnétique. Elles sont observables, entre autres, grâce aux photographies prises en ultraviolet par letélescope Hubble[37].
Les aurores polaires vues sur les planètes autres que la Terre peuvent être générées par d'autres phénomènes physiques que ceux provoquant les aurores terrestres. SurJupiter, par exemple, l'ovale auroral principal est une conséquence de la « rupture de co-rotation » du plasma : le champ magnétique de la planète entraîne normalement le plasma avec lui, mais, à partir d'une certaine distance, la vitesse à communiquer au plasma devient trop grande et celui-ci ne suit plus. Cela crée uncourant électrique à l'origine de l'ovale auroral.
Sur Jupiter, les satellites de la planète créent un courant électrique en se déplaçant par rapport au champ magnétique (même phénomène que pour unedynamo). Ces courants créent des « spots auroraux », vus pour la première fois eninfrarouge[38], puis en ultraviolet[39]. On peut voir ces spots sur l'image ci-contre, en dehors de l'ovale principal : le spot le plus brillant correspond àIo (à gauche), ceux d'Europe etGanymède sont visibles au premier plan.
Toujours sur Jupiter, un groupe de chercheurs du Laboratoire dephysique atmosphérique et planétaire de l'ULg a observé des phénomènes auroraux sur lagéante gazeuse par le biais dutélescope Hubble[40], dont en particulier ceux dus aux satellitesIo,Europe etGanymède. Leur travail révèle le détail des spots ultraviolets et permet une meilleure compréhension des phénomènes les engendrant.
Des aurores polaires ont également été photographiées par Hubble surSaturne[41] et d'autres parMars Express sur laplanète Mars grâce à l'instrumentSPICAM[42],[43]. Mars ne possédant pas de champ magnétique global, ces aurores sont localisées dans des zones où subsiste un champ magnétique local[44],[45]. Mars présente aussi des aurores boréales d'une nature différentes de celles connues sur Terre : des aurores diffuses, plus faibles mais qui peuvent concerner toute la planète et durer plusieurs jours, des aurores deprotons sur la face éclairée de la planète, dues à des protons solaires qui captent unélectron et se transforment en atomes neutres extrêmement énergétiques qui ne sont pas déviés par le champ magnétique, et des aurores formant des taches discontinues[46].
Le, des chercheurs annoncent avoir très probablement détecté pour la première fois des aurores sur desexoplanètes, grâce auLow-Frequency Array radio telescope situé auxPays-Bas[48].
↑AnttiSalminen, TimoAsikainen, VilleMaliniemi et KaleviMursula, « Comparing the effects of solar-related and terrestrial drivers on the northern polar vortex »,Journal of Space Weather and Space Climate,vol. 10,,p. 56(ISSN2115-7251,DOI10.1051/swsc/2020058,lire en ligne, consulté le)
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Pierre-Noël Mayaud, « Guillaume Le Nautonier, un précurseur dans l'histoire du géomagnétisme »,Revue d'histoire des sciences, 2004, volume 57, numéro 57-1, p. 161-173[lire en ligne]
Christian Kempf, Pierre Taverniers et Christophe Pérez,Le Monde Polaire Arctique : L'ours blanc. La banquise. Les aurores boréales, Escargot Savant,, 350 p.(ISBN978-2918299370)