L'Aurignacien a été défini parHenri Breuil etÉmile Cartailhac en 1906 à partir de l'industrie lithique de lagrotte d'Aurignac (Haute-Garonne), fouillée parÉdouard Lartet en 1860. Sa position stratigraphique au sein des industries du Paléolithique supérieur fit l'objet d'une polémique. Il revient àHenri Breuil d'avoir démontré en 1906 que l'Aurignacien était immédiatement postérieur auMoustérien et antérieur auSolutréen. Ce chercheur définit trois étapes successives : Aurignacien ancien, moyen et supérieur.
En 1933,Denis Peyrony restreignit l'emploi du terme Aurignacien à la phase moyenne, dénommant l'Aurignacien ancien le Périgordien ancien (aujourd'hui devenu leChâtelperronien), et l'Aurignacien supérieur le Périgordien récent (aujourd'hui devenu leGravettien).
On parle aussi, depuisGeorges Laplace (1966[2]), deProtoaurignacien (41 000 à 36 000 ansAP). Toutefois, si le Protoaurignacien précède l'Aurignacien en Europe du Sud, ce n'est pas le cas en Europe centrale et du Nord où le Protoaurignacien est quasi-absent (sauf àKrems-Hundssteig en Autriche) et où l'Aurignacien ancien succède directement à un Moustérien tardif ou auJerzmanowicien[3].
Des sites avec de l'Aurignacien ancien et sans Protoaurignacien, commeGeißenklösterle dans leJura souabe enAllemagne, etWillendorf II(pl) près duDanube, seraient datés de 42 000 à 43 000 ansAP[4], et seraient ainsi plus vieux que le Protoaurignacien. Toutefois, ces datations sont remises en cause et ne seraient pas antérieures à 40 000 ans[5], ce qui fait que l'Aurignacien ancien reste contemporain ou postérieur auProtoaurignacien, mais pas antérieur. Dans les sites où les deux cultures sont présentes dans les niveaux stratigraphiques, l'Aurignacien ancien est toujours au-dessus du Protoaurignacien, c'est-à-dire postérieur à ce dernier.
L'Aurignacien pourrait trouver son origine dans l'Ahmarien ancien[6].
L'Aurignacien apparait en Europe occidentale vers 43 000 ansAP, d'après certainesdatations au carbone 14[7]. Le site deGeißenklösterle, dans leJura souabe, a ainsi été daté entre 42 et 43 000 ans AP. L'Aurignacien cesse d'être caractéristique entre 33 000 et 31 000 ans AP en Europe occidentale.
Étendue de la culture aurignacienne ou d'influence aurignacienne
Dans lesmonts Zagros, enIran, l'Aurignacien est connu sous le nom deBaradostien, alors que dans leLevant il devient plutôt l'Antélien. Les régions de l'Altaï (Anuy et Ust-Karakol) ont également livré des sites aurignaciens.
La diffusion de l'Homme moderne en Europe est bien documentée par rapport à d'autres régions. Les données actuelles soutiennent une dispersion est-ouest commençant vers 48 000 ansAP. On relève notamment une présence précoce enBulgarie, dans lagrotte de Bacho Kiro, et enAllemagne, dans lagrotte d'Ilsen, àRanis. Le processus a probablement été une mosaïque incluant une dispersion dans des espaces vides et une certaine interaction avec les populations indigènes de Néandertal[8].
L'Aurignacien archaïque (43 000 à 36 000 ansAP) est présent de manière assez uniforme en Europe méridionale, de la Roumanie au Sud de la France et à l'Espagne en passant par l'Italie.
L'Aurignacien ancien (36 000 à 33 000 ans AP) est connu en Europe centrale (vallée du Danube, Jura souabe), dans le Sud-Ouest de la France, dans les Asturies et en Italie centrale.
L'Aurignacien récent (33 000 à 31 000 ans AP) est également présent en Allemagne, dans le Sud de l'Angleterre et en France.
Le début de l'Aurignacien se situe durant lestade isotopique 3, un stade un peu moins glacial que les stades précédent (SIO 4) et suivant (SIO 2). Durant le stadeSIO 3, les oscillations climatiques vont néanmoins se succéder, passant du froid au frais et inversement à plusieurs reprises sur la période. Ainsi, on peut voir àArcy-sur-Cure le passage d'une forêt claire de feuillus et de conifères vers 36 000 ans AP devenir progressivement un paysage de bosquet de pins et de bouleaux dans la vallée alors que le plateau devient steppique. La faune est alors composée d'herbivores :mammouths, rhinocéros laineux, rennes, chevaux, bœufs, marmottes... et de carnivores : ours, grands félins, loups, hyènes...
Relations entre événements climatiques et cultures
de grandes lames retouchées épaisses, les lames aurignaciennes. Ces lames sont retouchées bilatéralement et sont parfois munies d'encoches de chaque côté qui donnent le nom de « lame étranglée » à ces outils.
de nombreuses pièces carénées (grattoirs carénés, burins carénés et burins busqués) qui présentent des enlèvements lamellaires réguliers et convergents.
Il est désormais établi que ces pièces carénées, considérées comme destypes (donc traitées en tant que telles, comme n'importe quel autre type lithique, par latypologie), ont servi denucléus pour la production de lamelles, très nombreuses durant tout le Paléolithique supérieur. Ce statut technologique de nucléus, désormais reconnu à ces pièces carénées, n'exclut en rien leur utilisation en tant qu'outil[9].
Une lamelle retouchée est spécifique de l'Aurignacien : la « lamelle Dufour ». Ces lamelles sont retouchées finement et marginalement sur une ou deux faces.
L'industrie en matière dure animale est caractérisée par l'apparition de pointes desagaies à base fendue enivoire ou enbois derenne mais ces matériaux peuvent aussi servir à la confection des premiers bâtons percés et d'un outillage plus classique : poinçons, baguettes, lissoirs.
Les baguettes aurignaciennes sur bois de renne sont obtenues uniquement par refend[10], alors qu'au Gravettien elles sont généralement (sauf quelques exceptions) obtenues par le procédé de double rainurage longitudinal[11].
La culture aurignacienne occupe une place remarquable dans l'Histoire de l'art car elle est la première culture humaine à avoir laissé les traces d'une représentation figurative aussi accomplie. Des créations antérieures (duMoustérien, notamment) existent mais on n'en connaît pas ayant atteint le même degré de développement artistique.
Les Aurignaciens vont diversifier la parure, connue dès lePaléolithique moyen en Afrique : dents animales perforées, coquillages fossiles ou contemporains, ivoire, bois de cervidé. Les coquillages peuvent provenir de gisements très éloignés du site dans lesquels ils furent découverts. Ainsi, on trouve enPérigord des coquillages méditerranéens témoignant d'échanges à grande distance.
Pour ce qui est des créations artistiques, l'Aurignacien va marquer une rupture avec les cultures précédentes. Les plus anciens vestiges de cet art sont les statuettes deVogelherd, deGeißenklösterle et deHohlenstein-Stadel. Ce sont des figures en ronde bosse représentant desmammouths, desfélins, desours, deschevaux et des hommes. Elles ont été sculptées dans l'ivoire de mammouth. Moins spectaculaires, des plaques de roches dures gravées ont été également retrouvées. Les peintures sont rares mais parfois spectaculaires : il faut citer en premier lieu lagrotte Chauvet et labaume Latrone en Languedoc, mais aussi les œuvres des abrisCastanet, Blanchard, deLa Ferrassie et d'autres sites en Dordogne, lagrotte de Pair-non-Pair en Gironde, ainsi que de la grotte de Fumane en Italie du Nord. Enfin, on a découvert uneflûte en os sur le site deGeißenklösterle[4] et à lagrotte de Pair-non-Pair.
Ladomestication du chien a peut-être commencé au cours de l'Aurignacien. Ainsi, un crâne decanidé desgrottes de Goyet, enBelgique, daté de 31 700 ansAP, est clairement différent des loups récents, ressemblant plus étroitement aux chiens préhistoriques[12].
Les données génétiques montrent que les Européens actuels sont issus de la branche eurasienne de l'Ouest d'Homo sapiens[13],[14]. Les Aurignaciens ont cependant été en grande partie supplantés il y a entre 33 000 et 31 000 ans par un autre groupe d'humains arrivés en Europe, lesGravettiens. Néanmoins, bien qu'ils portent des signatures génétiques distinctes, les Gravettiens et les Aurignaciens sont les descendants de la même branche européenne d'Homo sapiens[15].
Lasignature génétique des Aurignaciens a disparu d'Europe centrale et orientale lorsque les Gravettiens sont arrivés. Mais, elle a subsisté en Europe de l'Ouest jusqu'à la fin duMagdalénien. La « dame rouge » de lagrotte El Mirón, dans le Nord de l'Espagne, est par exemple rattachée auMagdalénien, qui a connu une expansion vers le nord après ledernier maximum glaciaire[15].
L'Aurignacien accompagne en Europe l'arrivée d'une vague d'Homo sapiens en provenance duProche-Orient. Les plus anciens fossiles d'Homo sapiens actuellement attestés enEurope sont datés de 48 000 ansAP enTchéquie et de 45 000 ans AP enBulgarie. L'Homme de Néandertal est encore présent lorsque se développe l'Aurignacien, mais il est alors caractérisé par la culturechâtelperronienne, qui commence dès 45 000 ans AP àArcy-sur-Cure, et dont l'industrie lithique et osseuse est différente. La sépulture néandertalienne deSaint-Césaire, fouillée au début des années 1980, a été découverte dans des niveaux attribués auChâtelperronien, et la dent d'Arcy-sur-Cure est attribuée à un Néandertalien.
↑[Tsanova 2006] Tsenka Tsanova,Les Débuts du Paléolithique supérieur dans l'Est des Balkans. Réflexion à partir de l'étude taphonomique et techno-économique des ensembles lithiques des sites de Bacho Kiro (couche 11), Temnata (couches VI et 4) et Kozarnika (niveau VII) (thèse de doctorat),université de Bordeaux 1,, 546 :(présentation en ligne,lire en ligne[PDF] surtel.archives-ouvertes.fr).
↑[Mellars 2006] Paul Mellars, « Archeology and the Dispersal of Modern Humans in Europe: Deconstructing the Aurignacian »,Evolutionary Anthropology,vol. 15,,p. 167–182.
↑[Flosset al. 2015] Harald Floss, Christian Thomas Hoyer, Claire Heckel et Élise Tartar, « L'Aurignacien en Bourgogne méridionale »,Palethnologie,no 7 « Aurignacian Genius »,(lire en ligne [surjournals.openedition.org], consulté en), paragr. 13.
↑[Germonpréet al. 2009] Mietje Germonpré, Mikhail V. Sablin, Rhiannon E. Stevens, Robert E.M. Hedges, Michael Hofreiter, Mathias Stiller et Viviane R. Després, « Fossil dogs and wolves from Palaeolithic sites in Belgium, the Ukraine and Russia: osteometry, ancient DNA and stable isotopes »,Journal of Archaeological Science,vol. 36,no 2,,p. 473-490(lire en ligne [suracademoa.edu], consulté en).
[Benazziet al. 2015] Stephano Benazzi, V. Slon, Sahra Talamo, Fabio Negrino, Marco Peresani, Shara E. Bailey, Susanna Sawyer, D. Panetta, G. Vicino, Elisabetta Starnini, Marcello Antonio Mannino, Piero A. Salvadori, Matthias Meyer,Svante Pääbo et Jean-Jacques Hublin, « The makers of the Protoaurignacian and implications for Neandertal extinction »,Science,,p. 793-796(lire en ligne [surresearchgate.net], consulté en).
[Delluc & Delluc 1978] Brigitte Delluc et Gilles Delluc, « Les manifestations graphiques aurignaciennes sur support rocheux des environs des Eyzies (Dordogne) »,Gallia Préhistoire,t. 21,no 1,,p. 213-332(lire en ligne [surpersee]).
[Delluc & Delluc 1978] Brigitte Delluc et Gilles Delluc, « Les manifestations graphiques aurignaciennes sur support rocheux des environs des Eyzies (Dordogne) (suite) »,Gallia Préhistoire,t. 21,no 2,,p. 333-438(lire en ligne [surpersee]).
[Flosset al. 2015] Harald Floss, Christian Thomas Hoyer, Claire Heckel et Élise Tartar, « L'Aurignacien en Bourgogne méridionale »,Palethnologie,no 7 « Aurignacian Genius »,(lire en ligne [surjournals.openedition.org], consulté en)
[Liolios 1999] Despina Liolios,Variabilité et caractéristiques du travail des matières osseuses au début de l'Aurignacien : approche technologique et économique (thèse de doctorat en Ethnologie, dir. Michèle Julien), université Paris 10,(résumé).
[Tartar 2015] Élise Tartar, « Origine et développement de la technologie osseuse aurignacienne en Europe occidentale : bilan des connaissances actuelles »,Palethnologie,no 7 « Aurignacian Genius »,(lire en ligne [surjournals.openedition.org], consulté en).
[Teyssandier 2007] Nicolas Teyssandier,En route vers l'Ouest : les débuts de l'Aurignacien en Europe, Oxford, British Archaeological Reports, int. ser. 1638,, 312 p.(résumé).