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Augustin d'Hippone

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Saint Augustin

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Augustin d'Hippone
Naissance
Décès
(à 75 ans)
Hippone, province romaine d'Afrique, actuelleAnnaba,Algérie
Sépulture
École/tradition
Principaux intérêts
Idées remarquables
Théorie du temps et de la mémoire / péché originel/foi et raison/illumination et connaissance / Théorie de la Trinité / Cité de Dieu
Œuvres principales
Influencé par
A influencé
Père
Patricius(d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Fratrie
Perpétue d'Hippone
Navigus d'Hippone(d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant

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Saint Augustin
Image illustrative de l’article Augustin d'Hippone
Saint Augustin parPhilippe de Champaigne,musée d'Art du comté de Los Angeles.
Père latin de l'Église d'Occident,
Docteur de l'Église
Docteur de l'Église1298
parBonifaceVIII
Fête, pour les Églises latines ;, pour les Églises d’Orient ;, fête de la conversion de St Augustin (baptême la nuit de Pâques 387 par St Ambroise de Milan)
Attributscrosse,mitre, cœur enflammé,colombe,plume
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Augustin d'Hippone ousaint Augustin, dont le nom latin estAurelius Augustinus, né le àThagaste (aujourd'huiSouk Ahras enAlgérie) et mort le àHippone (aujourd'huiAnnaba enAlgérie), est unphilosophe etthéologien chrétien romain originaire d'Afrique romaine qui, après une carrière derhéteur, occupe la fonction d'évêque àHippone.Canonisé en 1298, il est avecAmbroise de Milan,Jérôme de Stridon etGrégoire le Grand, l'un des quatre premiersPères de l'Égliselatine à se voir conférer le titre honorifique dedocteur de l'Église.

La formation qu'il reçoit àCarthage est celle des lettrés romains de l'époque, même si ses écrits laissent apparaître une sensibilité et des traits liés à sa région de naissance. S'il est un maître de lalangue et de laculture latines, il ne maîtrise jamais réellement legrec, ce qui a pour effet deromaniser lechristianisme occidental et de lui donner une tonalité différente duchristianisme oriental, plus proche des auteurs grecs.

Né d'unemèreamazighe[1]chrétienne profondémentpieuse et d'un père romainpaïen, il se passionne d'abord pour laphilosophie, vue alors littéralement comme un « amour de lasagesse », avant de devenirmanichéen. Il abandonne le manichéisme pour seconvertir au christianisme assez tard, en 386, à 32 ans, après sa rencontre avecAmbroise de Milan. Après sa conversion, il devientévêque d'Hippone et s'engage dans une série de controverses, d'abord contre les manichéens, puis contre lesdonatistes, et enfin contre lepélagianisme. Ces controverses alimentent une œuvre considérable tant en quantité qu'en qualité dans laquelle trois ouvrages particulièrement connus se détachent :Les Confessions,La Cité de Dieu etDe la Trinité.

Augustin est un des penseurs qui ont permis au christianisme d'intégrer une partie de l'héritage grec et romain, en généralisant une lectureallégorique desÉcritures suivant le modèle préconisé par Ambroise de Milan et lenéoplatonisme. Toujours à la suite d'Ambroise, un ancien haut fonctionnaire romain, il incorpore au christianisme une tendance au recours à la force héritée de laRépublique romaine. Il est le penseur le plus influent du monde occidental jusqu'àThomas d'Aquin qui, huit siècles plus tard, donnera un tour plusaristotélicien au christianisme. Malgré tout, sa pensée conserve une grande influence auXVIIe siècle, où elle est l'une des sources de lalittérature classique française et inspire lesthéodicées deMalebranche et deLeibniz.

Augustin est un penseur exigeant dans tous les sens du terme. Homme clé de l'émergence dumoi en Occident, il joue également un rôle de premier plan dans l'évolution de la notion dejustice. De son passémanichéen, il garde une forte distinction entre leBien et leMal. Toutefois, lenéoplatonisme — qui a fortement influencé sa conversion — l'a amené à une conception d'unDieu fort qui, à l'inverse du Dieu faible des manichéens, assure qu'à la fin le Bien l'emporte. En Occident, il est le théologien qui insiste le plus sur latranscendance divine, c'est-à-dire que pour lui, les pensées de Dieu ne sont pas, de près ou de loin, les pensées des hommes. Selon lui, la croyance inverse constitue précisément lepéché originel.

Le Dieu d'Augustin est à la fois au-dessus des êtres humains et au plus profond d'eux-mêmes. Il en résulte un accent mis sur ce qu'il nomme la « trinité intérieure » : lamémoire, l'intelligence et lavolonté. Si la mémoire est importante, l'idée de commencement, de renouveau, est également très présente. La volonté permet de se diriger vers le Bien, mais n'est pas suffisante ; il faut aussi lagrâce. Augustin met malgré tout l'accent sur la capacité que confère laraison à l’homme de s'approcher de la vérité des choses — la vérité absolue n'étant pas de ce monde —, dans une perspective qui intègre une dimension spirituelle certaine. En règle générale, la pensée augustinienne est animée d'un double mouvement : d'une part depuis l'extérieur (le monde) vers l'intérieur, qui est le domaine de Dieu, lumière intérieure (« je serai moi-même avec toi parce que, si je suis, c’est toi-même qui me l’as donné » (Confessions I, 20, 31)) ; de l'inférieur (les plaisirs faciles) au supérieur (la vraie réalisation de soi).

Dans sathéologie, le poids et l'habitude dupéché sont tels que, sans lagrâce divine, l'homme ne peut pas se sauver : c'est le sens de la lutte contre lepélagianisme, qui soutient l'inverse. AuxXVIe et XVIIe siècles, leprotestantisme et lejansénisme, qui reprennent ses thèses, s'adressent, comme Augustin en son temps, plutôt aux classes moyennes actives qu'à l'aristocratie usuellement plus pélagienne. En lien avec sa théologie, Augustin distingue fortement le monde (lié à l'amour de soi), de laCité de Dieu (liée à l'amour de Dieu). Lorsqu’à la fin duXIXe siècle, aprèsVaticanI, l’Église catholique veut se rapprocher du monde, elle tend à privilégier la pensée deThomas d'Aquin plutôt que celle d'Augustin, estimant que ce dernier est trop préoccupé par lavie éternelle. À la suite de ce concile, le courantnéothomiste relativise la portée de l’œuvre augustinienne, estimant qu'Augustin n'a qu’une connaissance partielle des valeurs humaines.

L’approche du politique chez Augustin est marquée par leréalisme. S’il reconnaît la nécessité du gouvernement, il ne lui accorde qu’une place seconde face à lamorale, estimant qu’il faut éviter de choisir les gouvernants parmi les êtreségocentriques etirrationnels. Pour l’évêque d’Hippone, les dirigeants restent toujours responsables de leurs actes. Enfin, chez lui, lebonheur ne relève pas du domaine du politique ou du gouvernement, il est apolitique. Selon lui, ni l’Église ni l’État n’ont vocation à établir une Cité de Dieu terrestre. L’accusation d’avoir favorisé lathéocratie de l’Église sera essentiellement portée contre lui au début duXXe siècle dans le cadre de ce que certains ont appelé l’augustinisme politique. De nos jours, Augustin est plutôt considéré comme un des pères de l’individualisme moderne, voire dulibéralisme.

S'il a contribué fortement à mettre au premier plan le concept d'amour dans le christianisme, il est aussi accusé d'avoir transmis à l'Occident une forte méfiance envers la chair. À proprement parler, chez lui, lasexualité n’est pas mauvaise puisqu’elle assure la descendance ; le problème vient selon Augustin du fait que depuis lepéché originel, les êtres humains ne contrôlent plus leur sexualité. Il aurait, sur la notion depéché de chair, une position plus modérée queJérôme de Stridon etGrégoire de Nysse, en partie reprise aux platoniciens et aux néoplatoniciens.

Biographie

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Enfance et jeunesse (354 à 371)

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Gravure. Un homme à l’école.
Augustin à l'école deThagaste parBenozzo Gozzoli.

Né àThagasthe (actuelleSouk Ahras en Algérie[2]) dans laprovince romaine d'Afrique,Aurelius Augustinus[n 1] est issu d'une famillepunique de la classe aisée, mais« en voie de prolétarisation »[3] et qui rêve de voir son enfant devenir avocat ou membre de l'administration impériale[4].

Les origines d'Augustin — qui se considérait comme « punique »[n 2] avec une « vive conscience de son africanité »[5] — sont probablement à l'image des populations locales, un mélange dephéniciens,berbères etlatins[6],[7], une mixité culturelle « romano-punique »[5] commune dans l'Afrique antique[8]. Le père d'Augustin est unpaïenromanisé du nom dePatricius, avec rang dedécurion et membre du conseil municipal de la cité. D'origine modeste, il n'a pas fait d'études[3].Monique, la mère d’Augustin, femme de tête obstinée et résolue[9], est une ferventechrétienne dont le prénom laisse entrevoir des originesberbères[n 3], ce qui a conduit certains auteurs à attribuer à Augustin une origine ethnique exclusivement berbère[n 4], un sujet qui, influencé par le renouveau culturel berbère[10], reste débattu[n 5]. Le couple connaît des tensions liées à la fois auxinfidélités du mari et au fait que l'épouse le trouve intellectuellement limité[11].

Augustin a un frère, Navigius, et une sœur[n 6] qui deviendra supérieure dumonastère d'Hippone (nom antique d'Annaba, ville du nord-est de l'Algérie[2]), une cité de laprovince romaine d'Afrique qui relève de laprovince ecclésiastique deNumidie[n 7]. Sa culture est foncièrement latine[n 8]. Élève doué mais indocile, il déteste l'école et craint le châtiment de ses maîtres[12].

Le père d'Augustin, petit propriétaire foncier[13], réussit à épargner suffisamment pour que ses fils puissent bénéficier d'une éducation classique. Augustin commence son instruction àThagaste puis, quand il a environ quatorze ans[14], part étudier dans la petite « ville-universitaire »[15] voisine deMadaure[16], dont les écoles bénéficient d'une renommée[17]« au-dessus du statut modeste de la cité »[18] et où lui sont enseignées lagrammaire latine et larhétorique[14]. Plus tard, dans lesConfessions (livreI)[n 9], il se montre critique envers l'enseignement élémentaire, qu'il estime trop centré sur l’éloquence et lamémoire, mais apprécie l'enseignement dugrammaticus[19].

Le manque d'argent le contraint à revenir à la maison familiale à seize ans. À cette époque, il commet de menus larcins, tels que le célèbrevol des poires[20], non par besoin, mais par plaisir de latransgression. Il se le reproche plus tard et écrit dans son livre lesConfessions :

« Dans le voisinage de nos vignes était un poirier chargé de fruits qui n'avaient aucun attrait de saveur ou de beauté. Nous allâmes, une troupe de jeunes vauriens, secouer et dépouiller cet arbre, vers le milieu de la nuit, ayant prolongé nos jeux jusqu'à cette heure, selon notre détestable habitude, et nous en rapportâmes de grandes charges, non pour en faire régal, si toutefois nous y goûtâmes, mais ne fût-ce que pour les jeter aux pourceaux : simple plaisir de faire ce qui était défendu[n 10]. »

Étudiant et professeur à Carthage

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Article connexe :Site archéologique de Carthage.
Gravure. Un écolier assis.
Le Jeune Cicéron lisant, fresque deVincenzo Foppa (vers 1464),Collection Wallace,Londres.

Lorsque Augustin va vers ses dix-sept ans, son père — grâce à lalibéralité d'un ami plus riche — acquiert les moyens d’envoyer son fils reprendre ses études àCarthage[21]. Dans lesConfessions, Augustin décrit le climat d'extrême sensualité de cette ville d'Afrique du Nord,« la friture des amours infâmes », les plaisirs de l’amour et duthéâtre :

« Je vins à Carthage, partout autour de moi bouillonnait à grand fracas la chaudière des amours honteuses[22]. »

Là, il connaît une sorte decrise d'adolescence. Dans un latin flamboyant et un style apprécié desRomains d'Afrique[11] où abondent les jeux de mots et leschiasmes, il avoue :« Je n’aimais pas encore, mais j’aimais aimer et, par un besoin secret, je m’en voulais de ne pas en avoir encore assez besoin[n 11]. »

Patricius meurt prématurément en 370 ou 371[23]. L'année suivante, à Carthage, Augustin fait très vite la connaissance d'une femme dont il a un fils,Adéodat, et dont il partage la vie durant quinze ans, dans les liens duconcubinage romain[24]. On ne sait toutefois pas grand-chose de cette compagne.

La lecture de l’Hortensius deCicéron, ouvrage aujourd'hui disparu, le conduit à se passionner pour laphilosophie[25],[26], qui est alors comprise comme« l'amour de la Sagesse ». Si à Carthage leChrist n'est pas vu comme le« Sauveur souffrant » mais comme la Sagesse de Dieu, la façon extrêmement légaliste dont l'Église d'Afrique interprèteles Écritures amènera Augustin à devenir, neuf ans durant, un adepte dumanichéisme[27].

Tandis qu'il se convertit au manichéisme et alors qu'il est devenu chef de famille, Augustin doit trouver un métier[28] : abandonnant le projet que son père et son protecteur Romanianus avaient pour lui — devenir avocat ou fonctionnaire impérial — il se fait enseignant[29]. Aussi, en375, retourne-t-il àThagaste pour y ouvrir une école et enseigner lagrammaire[30].

Néanmoins, Augustin revient assez rapidement à Carthage où il reste jusque vers 382[31]. Il y occupe lachaire municipale de rhétorique[30]. Un prix depoésie lui permet de devenir un familier duproconsul de Carthage, Vindicius, qui, s’apercevant de la passion d’Augustin pour l’astrologie, parvient à l’en détourner en lui montrant que le succès de quelques prédictions n’est que le fruit duhasard. Ce lien avec un personnage influent lui donne l'opportunité de nouer des relations qui lui permettent d'envisager un départ de Carthage pourRome[31]. Il est d'autant plus enclin à quitter Carthage qu'il veut faire carrière et qu'il trouve ses étudiants indisciplinés.

Séjour en Italie et conversion d'Augustin

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Tableau. Baptême présidé par un évêque en grande tenue.
Le baptême d'Augustin, toile deBenozzo Gozzoli,XVe siècle.

Son année à Rome se passe mal. Il tombe malade, se sent coupable d'avoir menti à sa mère pour éviter qu'elle ne le suive, et pour finir, les étudiants s'avèrent aussi décevants qu'à Carthage et « oublient » de payer leur professeur[32]. Heureusement, à l'automne 384, le sénateurQuintus Aurelius Symmaque, dont il est le protégé[n 12], l'envoie comme professeur derhétorique àMilan, sur recommandation desmanichéens[33].

« On demanda de Milan au préfet de Rome un maître de rhétorique pour cette ville, qui s'engageait même à faire les frais du voyage, et je sollicitais cet emploi par des amis infatués de toutes les erreurs manichéennes, dont, à leur insu comme au mien, mon départ allait me délivrer. Un sujet proposé fit goûter mon éloquence au préfet Symmaque, qui m'envoya. (Les Confessions,livreV,chap. 13, 23) »

À Milan, il fréquente unesociété composée depoètes et dephilosophes, particulièrement desplatoniciens. Il rencontre aussiAmbroise de Milan, l'évêque chrétien de la ville dont il suit leshomélies avec assiduité. Sous son influence, il décide de rompre avec lemanichéisme.Ambroise lui apprend également la lecturesymbolique de laBible, ce qui lui permet de dépasser ses préventions face à un texte qui le rebutait tant par sa forme que par son contenu[34].

Sa mère, qui a fini par le rejoindre, lui arrange une union avec un riche parti, mais la jeune fille n'étant pas encore en âge de se marier, il doit patienter deux ans. Il renvoie, sur les conseils de sa mère selon certains, la concubine avec laquelle il vivait depuis quinze ans. Puis, ne pouvant rester seul, il prend une nouvelle maîtresse[35].

Fin, Ponticianus, un de ses compatriotes fonctionnaire àTrèves, en visite à Milan, lui fait le récit de laconversion au christianisme de deux de ses collègues du corps des agents secrets. Ce récit provoque chez Augustin un tel bouleversement qu'il se convertit à son tour[36].

Après sa conversion, Augustin abandonne le métier derhéteur et fait une retraite culturelle (Otium Liberale), comme c'est la mode à la fin duIVe siècle, dans une villa qu'un ami a mise à sa disposition près de Milan àCassiciacum (aujourd'huiCassago Brianza). Durant ce séjour, il est accompagné de sa mère, qui fait office de maîtresse de maison, de son fils Adéodat, de son frère aîné Navigius, et de quelques-uns de ses amis, notamment Licentius, un jeune poète avec qui il débat du scepticisme de la Nouvelle Académie[37]. Ce séjour permet aussi à Augustin de se déprendre de la vie difficile qu'il a eue au début de son séjour en Italie. C'est de ce séjour que datent leContre les Académiciens,De l'ordre, leTraité de la vie bienheureuse, lesSoliloques[38].

Le séjour d'Augustin àCassiciacum dure de jusqu'au[39]. Augustin revient alors à Milan et se prépare aubaptême[40]. Durant cette période, il écrit leDe musica ainsi que plusieurs traités sur lesarts libéraux :grammaire,dialectique,rhétorique,géométrie,arithmétique etphilosophie, aujourd'hui perdus[41],[42]. Dans la nuit du 24 au, àPâques, il est enfin baptisé parAmbroise, évêque de Milan, en même temps que son fils Adéodat et son amiAlypius[43].

« Combien j'étais ému ! Que de larmes s'échappaient de mes yeux, lorsque j'entendais retentir dans votre église le chœur mélodieux des hymnes et des cantiques qu'elle élève sans cesse vers vous ! Tandis que ces célestes paroles pénétraient dans mes oreilles, votre vérité entrait par elles doucement dans mon cœur ; l'ardeur de ma piété semblait en devenir plus vive ; mes larmes coulaient toujours, et j'éprouvais du plaisir à les répandre. (Les Confessions,livreIX) »

Sur le chemin du retour, en raison d'un blocus du port d'Ostie imposé par le co-empereurMagnus Maximus, Augustin, ses amis et sa mère sont obligés de demeurer quelque temps dans cette ville[44].

Évêque d'Hippone

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Carte de la Numidie.
Carte deNumidie, avecThagaste (Souk Ahras) etHippone (Annaba).

Vers la fin de 388, il est de retour en Afrique après cinq ans d’absence[45]. Il décide de vivre en communauté non loin deThagaste (l'actuelleSouk Ahras enAlgérie) avec ses amis, parmi lesquels se trouveAlypius, qui devient vite évêque du lieu[46]. Les tensions entrecatholiques et manichéens se faisant très vives, Augustin écritDe la vraie religion afin de dissuader ceux qui seraient tentés par le manichéisme. Il termine également avec son fils AdéodatDe la Grandeur de l’âme, ouvrage qu’il avait commencé à écrire àRome[47].

La mort de son fils à l’âge de17 ans, et celle de Nebridius, un ami qu'il connaît depuis Carthage, provoquent chez lui un immense vide et lui donnent envie de quitter une vie purement contemplative. Aussi, en 391, il accepte d’aller à Hippone (l'actuelleAnnaba enAlgérie) rendre visite à un ami, membre de lapolice secrète, qui désire se retirer du monde, tout en sachant bien qu’on lui demandera de devenir prêtre[48]. En effet, lesévêques et les prêtres sont à cette époque choisis par les fidèles[49].

Au moment de son arrivée à Hippone, l'Église catholique est minoritaire face à la puissante Églisedonatiste, tandis que les manichéens sont très actifs. Leur chef Fortunatus est une ancienne connaissance d'Augustin. L'évêque catholique d’Hippone d’alors,Valerius, est un Grec qui parle mal le latin et ne comprend pas lalangue punique[50]. Aussi, lorsque ce dernier explique à ses fidèles le besoin de prêtres pour son église, ceux-ci saisissent Augustin pour l'ordonner prêtre sur-le-champ. Valerius fait tout pour conserver Augustin à Hippone et l'autorise à fonder unmonastère dans le jardin de la principale église[51]. Ce monastère fournira par la suite de nombreux évêques à l'Église d'Afrique, en recrutant de nombreux anciens membres de l'administration impériale, notamment de la police secrète[52].

Augustin se montre extrêmement actif pour renforcer la position de l'Église catholique. Le, lors d'un débat, il fait si bien qu'il réduit le chef des manichéens Fortunatus au silence et le force à quitter la ville[38]. Instruits par l'expérience, lesdonatistes évitent le débat ; pour les affronter, Augustin écrit en 394 lePsalmus contra partem donati, destiné à les combattre sur leur propre terrain, celui descantiques populaires[53].

En 395, Augustin est nommé évêque d'Hippone[54] et le restera jusqu'à sa mort en 430. En399, lestemplespaïens carthaginois sont fermés. À cette occasion, il rédige laCatéchèse des Débutants[55].

C'est à Hippone (l'actuelleAnnaba enAlgérie) qu'il écrit les grandes œuvres de la maturité :Les Confessions (397 à 400)[56] ;De la Trinité (410-416) ;La Cité de Dieu (410 à 426)[57]. C'est aussi depuis Hippone qu'il mène l'essentiel de ses combats contre lesmanichéens (environ de 387 à 400), contre lesdonatistes (environ de 400 à 412) et contre lespélagiens, de 412 à 430[58].

Augustin impose à sonclergé un mode de vie très modeste, à son exemple[59]. Toutefois, il est confronté à certaines dérives, et le lien entre les nouveaux clercs et les anciens — très unis et aux tendances autoritaires — est difficile[60]. Comme l'Église d'Afrique en général, il se montre peumissionnaire et n'essaie guère d'évangéliser hors de la frontière romaine et de la zone littorale d'Afrique du Nord[61].

Durant cette période, Augustin est le conseiller spirituel d'une certaine Pauline, dont on sait peu de choses, sinon qu'il pourrait s'agir d'une noble romaine. De la correspondance qu'ils échangent, il reste lalettre 147, connue sous le titre deLa Vision de Dieu[62].

Il passe les dernières années de sa vie à établir une chronologie de ses écrits, à les relire et à les évaluer, ce qu'il fait dans lesRétractations[63]. Il meurt à Hippone en430, pendant lesiège de la ville parGenséric, roi desVandales. Il laisse derrière lui une œuvre considérable. Il passe ses derniers jours volontairement seul, de peur d'être distrait, se concentrant sur la lecture despsaumes deDavid affichés au mur de sa cellule[64].

Dépouille et reliques

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Photographie. Grand tombeau dans une église.
Giovanni di Balduccio, tombe de saint Augustin (1362-1365) à labasilique San Pietro in Ciel d'Oro àPavie.

Selon son biographePossidius de Calama, Augustin est enterré le jour même de sa mort, probablement dans l'enceinte de l'église cathédrale d'Hippone, la cité étant toujours assiégée[65]. Après l'installation des Vandales ariens en Afrique du Nord, un grand nombre de clercs catholiques s'exilent enSardaigne, notamment au cours de deux vagues vers 508 et 518, ainsi qu'en témoigne laVita consacrée àFulgence de Ruspe[66].

Contrairement à la tradition populaire qui veut que ce soitEugène de Carthage et Fulgence qui aient organisé la translation du corps de l'évêque d'Hippone àCalaris, il faut attendre encore près de deux siècles avant que les restes de l'évêque d'Hippone n’arrivent sur l'île[66], alors sous domination Byzantine[65] : il semble en effet établi que le corps d'Augustin n'a été transporté d'Afrique du Nord à Calaris par des réfugiés fuyant l'Afrique du Nord à la fin duVIIe siècle[67]. Toutefois, certains chercheurs considèrent que les restes de l'évêque, ainsi que sa bibliothèque, ont pu être emportés par les Romains battant en retraite dès après la prise d'Hippone par les Vandales, peu avant 435[65].

D'aprèsBède le Vénérable, qui écrit vers 725, les restes d'Augustin sont ensuite transférés àPavie vers 721-725 à l'initiative du roi lombardLiutprand qui les acquiert[68] en échange d'une somme considérable dont on ignore si elle est versée aux musulmans[67], qui se livrent alors à des raids côtiers menaçant la Sardaigne[n 13], aux chrétiens locaux ou aux dirigeants byzantins de l'île[65]. Quoi qu'il en soit, les reliques sont alors transportées par bateau jusqu'àGênes puis portées en procession vers Pavie, où elles sont déposées un par Pierre,évêque du lieu et oncle du souverain lombard, en labasilique San Pietro in Ciel d'Oro où se trouve déjà la dépouille deBoèce[65].

La tombe de saint Augustin devient l'objet de vénération. La garde du corps est confiée à une communauté monastique mentionnée pour la première fois dans un texte duXe siècle comme appartenant à l'ordre bénédictin[65]. Certains éléments de la dépouille sont disséminés comme reliques : au début du onzièmeXIe siècle, le bras gauche est vendu ou donné à un évêque anglais qui l'emmène àCoventry, une vertèbre est envoyée àRaguse, un doigt àParme[65]

En, le papeJeanXXII, par labulleVeneranda Sanctorum Patrum, fait desaugustins les gardiens de la tombe[69] aux côtés deschanoines réguliers deMortara qui ont remplacé les bénédictins depuis 1220[65]. Les reliques sont déplacées ou dissimulées avant leXIVe siècle, si bien qu'il n'y a plus de certitude quant à leur localisation, ce qui ouvre à de vives polémiques sur l'authenticité des ossements trouvés par des ouvriers à l'occasion de travaux effectués dans la basilique en 1695, mais également un regain de ferveur populaire[65]. Après moult péripéties au cours des siècles qui suivent, les reliques d’Augustin sont transférées en 1900 duDuomo à la basilique San Pietro, qui vient d'être reconsacrée : elles y sont placées sur lemaître-autel dans un coffret en argent où elles font toujours l'objet de vénération[65].

Saint et docteur de l'Église

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Augustin estcanonisé en 1298 et reconnu commedocteur de l'Église la même année par le papeBonifaceVIII[70]. Il est fêté par les catholiques le, jour de sa mort. Augustin est considéré comme lesaint patron des brasseurs, des imprimeurs et des théologiens. L'Église orthodoxe le considère également comme un saint et le célèbre le[71].

L'homme Augustin

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Une formation de rhéteur et non de philosophe

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Tableau. Homme parlant en faisant de grands gestes dans un lieu désert.
Démosthène s'exerçant à la parole : un des rhéteurs de l'Antiquité les plus connus avecCicéron.

L'éducation d'Augustin est entièrement tournée vers« la maîtrise de la parole » que les étudiants acquièrent alors par l'étude de quelques grands anciens (Virgile,Cicéron,Salluste) qu'ils apprennent quasiment par cœur[72]. Augustin, élève précoce et doué, aime les classiques latins[73]. Sa formation marque son approche des Écritures, son art d'écrire et son choix des mots. Elle lui donne aussi les clés pour comprendre et être compris des lettrés du monde romain. En revanche, cette méthode d'enseignement est peu adaptée à l'apprentissage des langues et Augustin, à la fin de ses études, ne connaît pas le grec. Augustin est ainsi quasiment le seul philosophe latin de l'Antiquité à ne pas réellement maîtriser le grec, même si dans sa maturité il s'efforce de remédier en partie à cette lacune[27].

Augustin est par formation et par son talent naturel un redoutable rhéteur et polémiste qui, à la fin de sa vie, selonPeter Brown, sait« trop bien mettre en branle la rude machine de la controverse ecclésiastique »[74], notamment à l'égard deJulien d'Éclane. Une part importante de son œuvre est liée à ses controverses avec lesmanichéens, avec lesdonatistes qui dominaient alors l'Église chrétienne d'Afrique, avec les lettrés romains païens, et enfin avec lepélagianisme, d'abord celui dePélage puis celui deJulien d'Éclane. Dans ses polémiques, il adopte parfois des positions dures, comme en témoigne sa devise durant sa campagne contre les donatistes :« couvre-leur la face d'ignominie ». La polémique terminée, il n'hésite pas à utiliser l'administration impériale pour faire appliquer les décisions adéquates[75].

La période manichéenne d'Augustin

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Article connexe :Manichéisme (religion).

La lecture de l’Hortensius de Cicéron pousse Augustin vers l'étude de la Sagesse. Comme le christianisme en Afrique du Nord se voulait le représentant de la Sagesse véritable[76], Augustin aurait pu être attiré par ce dernier dès le début, mais l'Église africaine est très pragmatique et offre peu d’attrait pour un intellectuel comme Augustin. Au contraire, lemanichéisme, alors en pleine expansion, donne à ses membres le sentiment de figurer parmi les Élus — nom que la secte confère d'ailleurs à ses chefs. Le mystère dont ils s’entourent, leur vie ascétique, les liens forts qui les unissent, constituent également d'autres raisons de l'attrait d'Augustin pour les manichéens. Enfin, les manichéens se présentent comme de vrais disciples du Christ, vu avant tout comme« Jésus souffrant »[77]. Cette vision s'inscrit parfaitement dans la perspective d’une doctrine où le Bien est sans défense et passif face au Mal, et où Dieu est privé de sa toute-puissance[78].

Carte montrant l’expansion du manichéisme.
La diffusion du manichéisme entre 300 et 500 de notre ère. Le manichéisme s'est étendu de l'Orient à l'Occident, un certain nombre des écrits les plus importants que l'on possède sont écrits en chinois.

Plus tard, Augustin considère cette approche de Dieu comme le principal point faible du manichéisme[77]. Toutefois, sur le moment, le manichéisme permet à Augustin de ne pas attribuer le mal à Dieu[79]. Un autre avantage de cette doctrine est que ce n'est pas l'Homme qui pèche mais quelque chose dans sa nature, ce qui permet d'évacuer la responsabilité des êtres humains. Dans lesConfessions, Augustin avoue avoir été longtemps sensible à ce point[80]. Par ailleurs, le manichéisme lui permet d'échapper à l'image de Dieu le Père héritée de l'Ancien Testament que les manichéens rejettent. De même, le manichéisme propose une vision très négative despatriarches (dont le comportement est vu comme trop humain, voire immoral[81]), ce qui n'est pas sans écho chez Augustin. Mais ce dernier n'adhère pas seul au manichéisme : il entraîne dans son aventure un groupe d'amis lettrés qu'il va avoir plus tard le plus grand mal à faire retourner dans le giron de l'Église[82].

Même si Augustin est durant neuf ans un « auditeur », c'est-à-dire un fidèle du manichéisme[83], très vite, il se sent à l'étroit dans ce mouvement et ce pour plusieurs raisons. D’abord la majeure partie des convertis au manichéisme sont des commerçants qui se posent moins de questions qu'Augustin. Ensuite, quand ce dernier finit par rencontrer le responsable des manichéens pour l'Empire romain,Fauste de Milève, celui-ci le déçoit par son manque de culture classique[84]. Augustin quitte alors le manichéisme car il estime qu'il ne lui permet plus de progresser. Il ne croit pas, à la différence des manichéens, que l'on puisse se« dispenser des exigences exaltantes qu'implique dans la philosophie classique la recherche de la vérité »[84]. Après avoir quitté le manichéisme, il fait un bref retour à Cicéron et auscepticisme, se reprochant d'avoir adhéré à une secte trop rapidement, sans avoir pris le temps du jugement[85].

Augustin et les femmes

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Tableau. Homme avec sa mère.
Saint Augustin et sa mère sainte Monique (1846), parAry Scheffer.

Deux femmes ont beaucoup compté pour Augustin : sa mère,Monique, et une concubine — dont nous ignorons le nom — avec laquelle il a vécu pendant treize ans et dont il a eu un fils,Adéodat.

Sa mère lui est si attachée quePeter Brown la qualifie de« mère abusive »[86]. Augustin lui-même estime que l'amour qu'elle lui porte est à certains égards« trop charnel »[87]. Malgré tout, Monique, chrétienne ardente, sait se montrer ferme avec son fils. Ainsi, lorsqu'il devient manichéen, elle le chasse de la maison tout en restant proche de lui. Elle veut également à toute force le suivre à Rome, obligeant Augustin, qui désire être seul, à mentir, mensonge qu'il se reproche et qui assombrit son séjour à Rome. Elle réussit malgré tout à le rejoindre et le suit à Milan et à Cassiacum où il passe plusieurs mois de retraite philosophique avec certains de ses amis et relations. Elle y fait office de maîtresse de maison tout en participant aux discussions. Monique meurt à Ostie sur le chemin de retour en Afrique durant l'été 387. Augustin, dansLes Confessions, évoque cette disparition et les moments qui ont précédé en ces termes :

« À peu de distance de ce jour où ma mère devait sortir de cette vie, jour que vous connaissiez, mais que nous ignorions, il était arrivé, par un effet de vos vues secrètes, comme je le crois, qu’elle et moi, nous nous trouvions seuls appuyés à une fenêtre, donnant sur le jardin de la maison qui était notre demeure à Ostie, à l’embouchure du Tibre, […] vous savez, Seigneur, que ce jour-là, durant ce discours, le monde et tous ses plaisirs nous paraissaient bien vils. Alors ma mère dit : « Mon fils, pour ce qui me regarde, plus rien ne me charme en cette vie. J’ignore ce que je dois faire encore ici, et pourquoi j’y suis, après que mon espérance de ce siècle a été accomplie. Il n’y avait qu’une seule chose pour laquelle je désirasse rester un peu dans cette vie, c’était de te voir chrétien catholique avant de mourir. Mon Dieu m’a accordé cela au-delà de mes vœux ; je te vois son serviteur, non content d’avoir méprisé les terrestres félicités ; que fais-je donc ici ? (IX,§ 10) »

De la femme qui a partagé sa vie durant treize ans, nous ignorons tout jusqu'au nom. Il la quitte lorsqu'il envisage de réaliser un « riche mariage », pratique courante à l'époque où le statut social pouvait être un obstacle à l'accession au« matrimonium »[88]. Mais le fait qu'il oublie de la nommer ne signifie pas qu'elle n'ait pas compté pour lui. C'est la thèse que soutient Mendelson, qui relève qu'Augustin utilise, pour évoquer cette séparation, les motscœur (« cor »),était attaché (« adhaerebat »), etblessé (« conscium et vulneratum »), employés dans lesConfessions seulement dans deux autres situations : pour parler de la mort de sa mère et de celle d'un de ses amis. Le passage desConfessions qui traite de cette séparation peut être analysé comme sous-tendu par la philosophienéoplatonicienne du désespoir d'une âme, lorsqu'elle doit aller plus loin que les attachements terrestres pour chercher l'unité avec l'Un[89].

La conversion d'Augustin

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Tableau montrant trois hommes dans une pièce.
La conversion d'Augustin parNicolo di Pietro.

Si Augustin n'est pas baptisé, il est malgré tout avant sa conversion uncatéchumène. Selon une pratique courante de l'époque, sa mère l'avait fait« marquer du signe de la croix et purifier par le sel » comme tel dès sa naissance[90]. Il conserve ce statut en partie par intérêt car l'Empire est alors chrétien[91]. La conversion qui le mène aubaptême résulte d'un long cheminement étalé sur quatorze ans et qui comporte trois grandes étapes. La première phase a lieu lors de sa lecture de l’Hortensius de Cicéron, qui constitue une« conversion à la sagesse »[92].

Survient alors la deuxième phase, queMarie-Anne Vannier nomme l’épistrophé (conversion métaphysique)[93]. Celle-ci a lieu à la suite de sa rencontre à Milan avecAmbroise qui le séduit autant par sa personnalité d'ancien haut fonctionnaire devenu évêque et l'un des hommes forts de l'Empire, que par ses sermons fortement imprégnés de néoplatonisme[94]. Pour Ambroise, l'âme prime sur le corps, et l'Ancien Testament est lu à travers un prisme néoplatonicien, où« sous la lettre opaque et rebutante de l'Ancien Testament, son sens caché,« l'Esprit », appelle l'âme à prendre son essor et à s'envoler vers un autre monde »[34], ce qui est attirant pour Augustin, dont les réticences envers le christianisme sont pour une large partie liées à ce qu'il considérait comme une certaine pauvreté intellectuelle[34].

Sous l'influence d'Ambroise et à la suite de la lecture d'ouvrages néoplatoniciens, il se convertit de façon formelle au christianisme tel qu'il est conçu à Milan. Mais il ne s'agit pas encore d'une conversion en profondeur (métanoïa), celle qui engage toute sa vie[92]. Celle-ci n'a lieu qu'un peu plus tard dans le jardin d'une villa de Milan, comme il le relate dansLes Confessions (VIII, 12) :

« Et voici que j’entends une voix venue de la maison voisine, celle d'un garçon ou d'une fille, je ne sais, qui, sur un air de chanson disait et répétait à plusieurs reprises : « Prends, lis ! Prends, lis ! ». Et aussitôt, changeant de visage, je me mis à réfléchir intensément, en me demandant si dans un jeu une telle ritournelle était habituellement en usage chez les enfants. Mais, il ne me revenait pas de l’avoir entendue quelque part. Et, refoulant l’assaut de mes larmes, je me levai, ne voyant d’autre interprétation à cet ordre divin que l’injonction d’ouvrir le livre et de lire le premier chapitre sur lequel je tomberais.

Je venais, en effet, d'apprendre qu'Antoine avait tiré de la lecture de l'Évangile pendant laquelle il était survenu par hasard un avertissement personnel comme si c'était pour lui qu’était dit ce qu’on lisait :« Va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux. Viens, suis-moi », et qu’un tel oracle l'avait aussitôt converti à Toi.

Je me hâtais donc de revenir à l'endroit oùAlypius était assis ; car c’est là que j’avais posé lelivre de l'Apôtre quand je m'étais levé. Je le saisis, je l'ouvris, et je lus en silence le premier chapitre sur lequel tombèrent mes yeux : « Point de ripailles ni de beuveries ; point de coucheries ni de débauches ; point de querelles ni de jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne vous faites pas les pourvoyeurs de la chair dans ses convoitises.

Je ne voulus pas en lire davantage : je n’en avais plus besoin. Ce verset à peine achevé, à l’instant même se répandit dans mon cœur une lumière apaisante et toutes les ténèbres du doute se dissipèrent. »

Il convient de souligner que tant pour lui que pour les chrétiens qui le suivront, sa conversion a un caractèreapologétique et que nous avons affaire à unrhéteur habile. Aussi un auteur comme Mendelson conseille-t-il de lire ce récit avec un certain recul[95].

Athènes, Jérusalem et Rome dans la pensée d'Augustin

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Augustin est considéré comme l'un des principaux artisans de la synthèse réalisée par lesPères de l'Église entre lenéoplatonisme, lejudéo-christianisme, lesÉcritures, et — comme le montre son livre laCité de Dieu — la culture classique latine[96]. À ce titre, il a longtemps influencé la partie de l'Occident marquée par les christianismes catholique etprotestant. Si lestoïcisme a aussi influencé Augustin qui cite souventZénon etChrysippe[97], cette influence est malgré tout plus discrète que celle des courants philosophiques ci-dessous.

Augustin : les Écritures et la littérature gréco-romaine

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photo montrant un livre ouvert.
In evangelium Ioannis, 1050-1100 ca.,Bibliothèque Laurentienne (Biblioteca Medicea Laurenziana),Florence.

Augustin découvre laBible à travers laVetus Africana, une traduction sommaire et mal écrite[98] qui déroute un homme habitué aux écrits deCicéron et des grands auteurs latins. En plus, le fond lui-même, avec ses« généalogies bancales, ses épisodes tirés par les cheveux, et les histoires pénibles voire salées », lui déplaît. Cette réaction n'est pas propre à Augustin. On la trouve aussi chez d'autres chrétiens commeLactance et desnéoplatoniciens commePorphyre.

Sa rencontre avecAmbroise de Milan lui fait découvrir une nouvelle façon de lire la Bible. Au lieu de se contenter d’unelecture littérale, il s’agit de recourir à l’allégorie de façon à percevoir le sens caché. Cette méthode, d'abord utilisée par les Grecs auVIe siècle avant notre ère pour interpréterHomère a été utilisée plus tard parPhilon d'Alexandrie pour la Bible, puis popularisée parClément d'Alexandrie auIIe siècle[99]. À leur suite, Augustin distingue deux niveaux de lecture des Écritures : le mode simple et le mode figuré. Il écrit dans laMorale de l'Église :

« Bien des choses y sont exprimées sur un mode plutôt simple, accommodé aux âmes qui se traînent à terre, afin que les réalités humaines leur permettent de se dresser vers les divines ; bien des choses y sont exprimées sur le mode figuré, afin que l'esprit studieux s'y exerce plus utilement dans sa recherche et s'y réjouisse davantage dans sa découverte[100]. »

Sur ce point, sonDe Doctrina christiana (396-426) est considéré comme un« grand traité d'exégèse biblique »[101].

Il y a chez Augustin une tension entre le mystère sans fond des Écritures, la capacité de l'intelligence humaine, un don divin,« à y trouver le maximum de lumière compatible avec sa nature fatalement limitée »[102]. Dans leDe Consensu evangelistarum (399-400) et dansLa Vision de Dieu, il s'interroge sur les passages apparemment contradictoires desÉvangiles et en conclut que, puisque les Évangiles ne peuvent se contredire, il faut essayer d'en comprendre le sens qui nous échappe.

Tableau représentant un homme.
Philon d'Alexandrie.

La méthode allégorique etapologétique d'interprétation des Écrits bibliques conduit lesapologistes chrétiens à« présenter le christianisme sous une forme compréhensible au monde gréco-latin », en s'appuyant non seulement surPhilon d'Alexandrie, qui a tissé des liens entre lejudaïsme et la pensée grecque, mais également sur le prologue de l'Évangile selon Jean :« Au commencement était le Logos, et le Logos était près de Dieu et le Logos était Dieu »[103]. Le recours auLogos, concept central de laphilosophie grecque, permet d'interpréter les Évangiles dans les termes de la philosophie grecque comme l'avait vuAmélius, un disciple dePlotin[104]. De sorte qu'Augustin est l'un des fers de lance d'un christianisme vu comme une philosophie, voire comme la philosophie[105].

Augustin hiérarchise les écrits fondateurs en mettant d'abord les Écritures bibliques reconnues par l'Église puis les textes des grands auteurs chrétiens. Il écrit à sa correspondante Pauline dansLa Vision de Dieu :

« En effet, tu ne m'accordes pas le même crédit qu'à Ambroise et aux témoignages de poids tirés de son œuvre ; ou, si tu penses qu'il faut nous croire tous deux d'une manière égale, iras-tu nous comparer à l'Évangile ou mettre sur le même plan nos écrits et les Écritures canoniques ? Assurément, à juger sagement les choses, tu vois que leur autorité passe loin devant la nôtre[106]. »

La culture gréco-latine imprègne son grand ouvrage laCité de Dieu, dans lequel il oppose constamment« nos écritures » auxauteurs latins« votreVirgile »[107]. Le titre même de l’ouvrage, non pasLe Royaume de Dieu maisLa Cité de Dieu[108], témoigne de cette influence. Ce livre a contribué à faire connaître à des générations de lecteurs laculture romaine, notamment lareligion romaine ancienne et les écrits deVarron et d'autres auteurs.

Augustin et le néoplatonisme

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Articles connexes :Platonisme (doctrine philosophique),néoplatonisme,Plotin etPorphyre de Tyr.
Peinture représentant une assemblée d'une cinquantaine de personnes sous la voûte d'un bâtiment richement décoré.
L'École d'Athènes parRaphaël.

Depuis leIIe siècle, des auteurs chrétiens telsClément d'Alexandrie ouOrigène cherchent à acculturer le christianisme au monde gréco-latin en s'appuyant sur leplatonisme. Lorsque Augustin arrive à Milan auIVe siècle, lenéoplatonisme dePlotin — un Grec d'Égypte dontLes Ennéades ont été publiés par son disciplePorphyre — connaît une très grande faveur, tant auprès des païens que des chrétiens[109].

Les écrits des néoplatoniciens traduits en latin par un chrétien,Marius Victorinus, exercent une forte influence surAmbroise de Milan, le grand homme du christianisme de l'époque pour qui« les disciples de Platon représentent l'aristocratie de la pensée »[110]. Pendant ses années en Italie du Nord, Augustin s'imprègne des écrits de ces auteurs et, d'une certaine façon, les fait siens.Peter Brown estime que« Plotin et Porphyre sont en quelque sorte greffés de façon presque imperceptible dans ses écrits et forment comme la base toujours présente de sa pensée »[111].

Plusieurs éléments attirent alors les chrétiens vers les néoplatoniciens : le Royaume du Christ n'est pas de ce monde et celui des platoniciens non plus puisqu'il est dans le royaume des idées[110] ; pour les platoniciens l'intellect est un médiateur entre l'Un et le monde extérieur, une idée que les chrétiens rapprochent de l'Évangile de Jean, où il est question du « Verbe »[112]. Mais, pour Augustin, Plotin a un autre mérite. Il lui permet de surmonter la tentation dualiste et manichéenne qu'il a éprouvée dans sa jeunesse. En effet, chez Plotin l'Un est actif et modèle le monde sans être souillé, alors que dans le manichéisme le Bien est passif face au Mal[113].

Une architectonique inspirée par celle du néoplatonisme

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Sculpture représentant la tête d’un homme.
Tête sculptée, probablement une représentation dePlotin.

Pour Mendelson,« ce qui met l'ontologie néoplatonicienne à part […] c'est à la fois la fermeté de sa promesse et la grandeur de l'architectonique qui complète le monde des apparences visibles »[n 14]. Si lenéoplatonisme se fonde sur une opposition monde sensible/monde physique et raison/spirituel, sonarchitectonique est fondamentalement basée sur l'Un. En écho, dans l'architectonique augustienne,« Dieu est l'ultime source et point d'origine pour ce qui est dessous »[95].

Chez Augustin et les néoplatoniciens, la pluralité et la diversité viennent de l'Un ou de Dieu dans un mouvement descendant. Le monde sensible est celui du privé, des choses qui passent, tandis que le monde intelligible, celui du public, est formé des réalités éternelles. Le monde intelligible cherche l'unité avec Dieu, avec la source, tandis que le monde sensible se laisse piéger par les choses matérielles et n'est donc capable que d'accéder à une petite portion du réel[114].

Au contraire, le monde intelligible et laraison, importante tant chez Augustin que chez les néoplatoniciens, permet d'orienter la sensibilité humaine vers le haut, vers Dieu[115]. Pour Augustin, le mal moral réside dans le fait de s'en tenir aux biens inférieurs et par là de se détourner de Dieu[95].

Les points de désaccord entre Augustin et les néoplatoniciens

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Pour Mendelson, Augustin se démarque des néoplatoniciens sur deux points. Tout d'abord, Augustin insiste sur la« relation de l'âme à Dieu », semblant trouver que Plotin établit une trop grande distance entre l'Un et les âmes. D'autre part, il ne fait pas sienne l'idée néoplatonicienne selon laquelle le lien entre Dieu — ou Un — et les hommes, se fait par un processus d'émanation venant du haut. Augustin met au contraire l'accent sur la volonté de Dieu. En effet, ici, il doit rapprocher la conception néoplatonicienne à la conception biblique de Dieu et combiner« les attributs divins les plus prisés de la tradition grecque (c'est-à-dire nécessité, immutabilité et éternité atemporelle) avec les attributs personnels (c'est-à-dire volonté, justice et but temporel) du Dieu d'Abraham, d'Isaac et deJacob »[95] et deJésus-Christ.

Pour Augustin, le christianisme ne vise pas le même public que le platonisme et le néoplatonisme et c'est là selon lui l'une des différences fondamentales. Leplatonisme s'adresse à une élite, et n'arrive pas à convaincre le plus grand nombre de se« détourner des choses terrestres pour les orienter vers les choses spirituelles » et transformer ainsi le monde[104]. De sorte que pourPierre Hadot« Nietzsche aurait pu s'appuyer sur Augustin pour justifier sa formule « le christianisme est un platonisme pour le peuple » »[116].

Augustin et la Nouvelle Académie

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Article détaillé :Nouvelle Académie.
Manuscrit illustré.
L'assassinat de Cicéron illustré dansDe casibus virorum illustrium (France,XVe siècle).

La lecture deCicéron — qui appartient à laNouvelle Académie, une version sceptique de l'Académie de Platon —, conduit Augustin, alors dans sa dix-huitième année, à la philosophie et à l'étude de la sagesse. Plus tard, àCassiciacum, il écrit un livre critique à l’égard de ce courant philosophique intitulé précisémentContra Academicos, où il s'oppose auscepticisme de l'Académie quant à la connaissance qu'on peut avoir de soi. PréfigurantDescartes, il écrit, contre ceux qui doutent qu'on puisse se connaître :« En effet, si je me trompe, je suis… Et de la même manière que je connais que je suis, je sais aussi que je me connais »[117]. Malgré tout, comme il l'écrit dans laVie Heureuse, durant la période qui va de sa découverte de la philosophie à laconversion au christianisme,« ce furent les Académiciens qui prirent en main le gouvernail, me maintenant au milieu des flots, luttant contre tous les vents »[118].

Le Divin

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Dieu et les dieux occupent une grande place dans l'œuvre d'Augustin, comme en témoignent les cinquante-cinq mille occurrences des termesdeus,dei etc. (soit en moyenne une fois tous les cent mots)[119]. Le fait que le mot « athée » ne soit employé qu'une seule fois pour désignerProtagoras, montre que le but d’Augustin n'est pas de convaincre de l'existence de Dieu, mais bien de montrer quel Dieu honorer[120].

PourGoulven Madec, le Dieu d'Augustin est à la fois le Dieu des philosophes, le Dieu comme être pur et le Dieu de la Bible, le Dieu pour les hommes, celui d'Abraham, deMoïse et deJacob. C'estBlaise Pascal dans sonMémorial qui instaure une césure entre le Dieu des philosophes et le Dieu de la Bible en écrivant :« Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants »[121]. Dans leSermon 7,7, Augustin écrit :« Je suis Dieu et je suis ton Dieu. Comment suis-je Dieu ? Comme il a été dit à Moïse, « je suis Celui qui est ». Comment suis-je ton Dieu ? « Je suis le Dieu d'Abraham et le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. » »[122].

Un Dieu un et trine

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Gros plan sur un mot grec ancien de 5 lettres sur un papyrus.
Le mot grecἄθεοι /átheoi, « [ceux qui sont] sans Dieu » tel qu'il apparaît dans lalettre aux Éphésiens (2,12) attribuée àPaul de TarsePapyrus 46 du début duIIIe siècle[123].

Dieu est simple au sens où« sa volonté et sa puissance ne sont autres que Lui-même ». Plus généralement, il n'est pas le sujet de ses attributs maisest ses attributs.« Il n'est pas permis de dire que Dieu se tienne sous sa bonté […] et que cette bonté ne soit pas sa substance ou plutôt son essence, et que Dieu ne soit pas cette bonté, mais qu'elle soit en Lui comme en un sujet »[124]. Cette simplicité est liée au fait que Dieu pour Augustin est essence et Être pur ; et laTrinité (Père, Fils (Jésus-Christ) etSaint-Esprit) est un Dieu, un et trine : une essence, trois personnes.

Si cette formule ne lui convient que partiellement, tant le mystère lui paraît grand, il l'adopte parce que le termepersonne évoque« l'être-en-relation »[125].« L'Esprit Saint est ainsi désigné proprement dans sa relation au Père et au Fils, parce qu'il estleur Esprit saint. Mais, selon la substance, le Père est aussi esprit, ainsi que le Fils et l'Esprit Saint lui-même, non pas trois esprits, mais un seul esprit, comme ce ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu. Dieu un et trine est tout ce qu'il a »[126].

DansDe la Trinité, Augustin insiste pour montrer que Dieu est hors des catégories humaines et que la formulation trinitaire« une essence trois personnes », queGoulven Madec tient pour être« la formule la plus dogmatique qui soit », est un pis-aller[127]. La reconnaissance de cettetranscendance ne s'accompagne pas d'un refus de savoir, d'utiliser son intelligence ; elle est au contraire une reconnaissance de lafinitude humaine face à l'infini. Comme il l'écrit,« cherchons comme si nous devions trouver et trouvons pour nous disposer à chercher encore »[128].

Un Dieu créateur

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Dans lathéodicée augustinienne, Dieu crée le monde et le Bien :« Pour Toi, il n'y a absolument pas de mal : mais pour l'ensemble de ta création non plus, parce qu'il n'y a rien au-dehors qui puisse faire irruption et causer la corruption de l'ordre que tu lui as imposé »[129]. Pour Augustin, Dieu ne crée pas nosvices mais en prend acte, et traite les pécheurs comme il convient[130].

Augustin écrit :« Dieu étant Créateur et Gouverneur de l'univers, toutes choses sont belles ; et la beauté de l'ensemble est irréprochable, tant par la condamnation des pécheurs, que par l'épreuve des justes et la perfection des bienheureux »[130]. La providence divine« en partie naturelle, en partie volontaire […] gère la création, les mouvements des astres, la naissance, la croissance, le vieillissement des végétaux et des animaux […] les actions des hommes « qui échangent des signes, enseignent et s'instruisent, cultivent les champs administrent les sociétés, s'adonnent aux arts », etc. »[131].

Pour Augustin« Dieu crée à la fois le monde spirituel ses anges et le monde visible, incluant les âmes incarnées à partir de rien (ex nihilo) ». Par là, l'évêque d'Hippone se démarque duTimée dePlaton où ledémiurge crée le monde à partir d’une matière pré-cosmique[132]. Non seulement Dieu crée toutes choses mais à travers lesraisons séminales qui leur sont inhérentes, il permet l'évolution du monde. Il s'ensuit que pour Augustin, si Dieu est immuable, la création ne l'est pas car elle est formée deformes et de matière corporelle et spirituelle[133].

Cela conduit Augustin à envisager trois types d'interventions divines : la création initiale du monde, la préservation du monde, et enfin laprovidence[133]. Pour Augustin, le Fils, verbe de Dieu, qui est à l'image et à la ressemblance du Père, est le siège des modèles de tous les êtres finis qui sont des imitations partielles de l'être le plus élevé. Les idées, quant à elles sont des modèles de ressemblances mineurs qui rendent possibles les mutations du monde[132].

Un Dieu non anthropomorphe

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La lecture de l’Hortensius deCicéron change profondément la conception qu'il se fait de Dieu. Avant cette période, il a une conceptionanthropomorphique de Dieu. Dans lesConfessions, il écrit :« Je ne te concevais pas ô Dieu, sous la forme d'un corps humain, depuis que j'avais commencé à entendre parler quelque peu de la sagesse »[134]. Mais, c'est l'œuvre des néoplatoniciens qui lui permet de s'extraire de la vision manichéenne et lui apprend« une méthode d’accès à Dieu par l'intériorité »[135]. Toutefois, alors que le Dieu des platoniciens, l'Un, est éternel ou sans commencement, le Dieu d'Augustin et de la Bible dit au contraire : « au commencement »« bereshit, en archè, in principio »[136].

Un Dieu transcendant et immanent

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Icône représentant un homme.
Icône mosaïque deGrégoire de Nysse datant duXIe siècle.

De l'héritage platonicien, outre l'architectonique, Augustin retient également unetranscendance forte qui le rapproche des pèrescappadociens tels queGrégoire de Nysse ouGrégoire de Nazianze et l'éloigne des théologiens de l'Église d'Occident. En effet ces derniers tenteront selon l'expression deLucien Jerphagnon de« donner de Dieu et de ses volontés l'idée claire et distincte s'imposant à tout le monde »[137].

Au contraire, Augustin insiste sur lemystère de Dieu, sur la part insondable pour les hommes de la dimension divine. Une pensée résumée dans son dialogue philosophiqueL'Ordre par la formule« Dieu tout-puissant, qui est mieux connu en ne l'étant pas »[138]. Chez lesnéoplatoniciens, il y a un Dieu impersonnel, chez Augustin et dans lesÉvangiles, c'est unDieu incarné, un Dieu de lumière intérieure qui nous travaille du plus intime de notre être[139].

PourAdolf von Harnack« le Dieu qui s'est adressé à Augustin en lui criant :« Je suis Celui qui est là », n'était pas seulement le Dieu de Platon, dont l'expérience couronne l'ascension de l'âme, mais aussi le Dieu vivant, dont ont témoigné les chants des Psaumes, chants qu'il connaissait »[140]. La transcendance est associée à l'immanence chez Augustin, elle est à la fois intérieure et extérieure, selon la formule desConfessionsIII.6, 11« Tu autem eras interior intimo meo et superior sumno meo » (« Mais Toi, tu étais plus profond que le tréfonds de moi et plus haut que le tréhaut de moi »)[141].

Ton Dieu : l'économie du salut

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« Tu ne peux pas saisir […] Celui qui est […] Retiens ce qu'est devenu pour toi Celui que tu ne pourras pas saisir ; retiens la chair du Christ en laquelle, malade, laissé à demi-mort sous les coups des brigands, en laquelle tu étais recueilli, pour être mené à l'hôtellerie et là être guéri […] Ne désespère pas parce que j'ai dit :« Je suis Celui qui est » […] Je descends puisque tu ne peux venir à moi. Je suis le Dieu d'Abraham et le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. Espère quelque chose dans la lignée d'Abraham, afin que tu puisses être raffermi pour voir Celui qui est venu à toi dans la lignée d'Abraham »[142].

Selon Augustin, c'est pour sauver l'homme dupéché que leChrist est descendu sur terre pour sauver le genre humain déchu à cause de l'orgueil d'Adam[122]. Dieu a également mis en place la« dispensio temporalis », queGoulven Madec traduit par« l'économie du salut »[143]. Mais, chez Augustin, larédemption n'est pas purement mécanique car elle est déterminée par lemystère de lagrâce. Reprenant le thèmepaulinien selon lequel les hommes sont le temple de Dieu, il dit que Dieu construit« sa Maison, régit sa Famille, rassemble son Peuple, prépare son Royaume, pour l'avènement de la Paix définitive en sa Cité, par laquelle s'accomplira sa promesse : « Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple »[144],[145].

Le Christ comme « Lumière intérieure » et « médiateur »

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Pour Augustin, leChrist est homme intérieur ou lumière intérieure qui au-delà des mots peut nous conduire à laVérité. Il écrit dansLe Maître :

« Mais, pour tout ce que nous saisissons par l'intelligence, ce n'est pas une voix qui résonne au-dehors en parlant, mais une vérité qui dirige l'esprit de l'intérieur que nous consultons, avertis peut-être par les mots pour le faire. Or celui qui est consulté enseigne le Christ dont il est dit qu'il habite dans l'homme intérieur[146], c'est-à-dire la Vertu immuable de Dieu et sa Sagesse éternelle[147] que toute âme raisonnable consulte, mais qui ne se manifeste à chacun qu'autant qu'il peut la saisir selon sa propre volonté, mauvaise ou bonne[148]. »

Ici, Augustin reprend le« connais-toi toi-même » de lasagesse grecque en lui donnant une tonalité chrétienne où la connaissance de soi dépend de Dieu et nous permet d'entrer dans l'intime de nous-même[149].

Le Christ est aussi lemédiateur entre le monde divin et ce monde imparfait. Il écrit dansLa Cité de Dieu :

« Et comme il n'est aucun rapport entre l'immortelle pureté qui règne au ciel et la bassesse qui rampe un jour sur la terre, il faut un médiateur ; mais un médiateur qui ne tienne pas à l'ordre supérieur par l'immortalité corporelle et à l'ordre inférieur par l'infirmité maladive d'une âme semblable à la nôtre, infirmité qui porterait à envier notre guérison plutôt qu'à y concourir ; il faut un médiateur qui, s'unissant à notre bassesse par la mortalité du corps, demeure par l'immortelle justice de l'esprit dans la gloire de la divinité[150]. »

Théologie

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Articles connexes :Péché,Conscience,Grâce (christianisme) etPrédestination.

La théologie d'Augustin est très marquée par trois notions : unDieu créateur, lepéché originel et lagrâce.

Le monde, le créateur, la créature, l’être humain

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Tableau représentant deux hommes dans les airs.
Fresque deMichel-Ange sur la voûte de lachapelle Sixtine duVatican àRome (Dieu et lacréation d'Adam).

« On appelle « monde » en effet, non seulement cette création de Dieu, le ciel et la terre […] mais également tous les habitants du monde sont appelés « monde » […] tous ceux qui aiment le monde sont donc nommés « monde »[151]. »

Il ressort de cette citation qu'il existe pour Augustin deux façons de comprendre lemonde : le monde entendu comme ciel et terre, qui est la« fabrica Dei » et le monde considéré comme« ce qui advient par notre volonté »[152]. Augustin ne nie pas du tout qu'il faille participer au monde, mais il ne faut pas oublier le Créateur, lui fermer sa porte.« Ne place pas ton amour dans la création mais habite le Créateur », rappelle lepsaume[153].

Pour comprendre la pensée d'Augustin, il convient de se souvenir que, pour lui, lefaire de l’Homme est limité par le fait de se trouver déjà là (invenire), d'avoir été créé et donc de ne pas posséder le pouvoir de création du Créateur, qui Lui, est incréé. Il en découle que« Contrairement aufabricare de Dieu, qui a en lui le monde qu'il a créé (mundo infusus fabricat) et possède donc un lien originaire à ce qu'il a créé, l’homme qui n'existe que comme création de Dieu reste étranger à sa propre fabrication (fabricatum). » En un mot, la création humaine est à la fois limitée par l'effet même de sa création, et demeure toujours incluse et dominée par lacréation divine[154].

Pour Augustin, le lien entre créature et être est complexe. D'une certaine façon, la créature ne devient un être qu'à partir d'une réflexion sur la mort, car celle-ci lui offre l'occasion de s'orienter vers son être et vers Dieu. La vie est donc vue comme untendre vers l’être (tendere esse) éternel, ce qui suppose un détachement par rapport au siècle entendu comme monde mondain, et une recherche de l’ante, de l’avant : du Créateur[155]. C'est la condition pour que la fin de la vie ne soit pas la fin de l'être, le néant, comme c'est le cas pour la créature qui durant la vie n'a pas accédé à l’être[156].Arendt note :« la vie perd son être dans la mort lorsqu'elle s'est éloignée de l'origine de son être. Le danger que court l'homme est de ne pas voir ce nécessaire tendre vers le non être (tendere non esse), de ne pas actualiser son rapport rétrospectif et de succomber ainsi à la mort, à l'éloignement (alienatio) de Dieu, absolu et éternel[157]. »

Le péché originel et la loi du péché (l'habitude)

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Article connexe :Péché originel.
tableau représentant le péché originel
Lepéché originel, église de Ghisonaccia, par N. Giannakakis (1983).

Pour Augustin, le monde est bon si on le contemple dans la perspective de Dieu, mais l'Homme tombe dans lepéché quand il le voit dans la perspective des hommes[158]. L'amour du monde rend les hommes sensibles à laconcupiscence et les entraîne dans l'amour du monde en tant que création de la créature. C'est là le péché véritable, fruit de l'orgueil (superbia) qui veut que l'Homme soit l'égal de Dieu[159], qu'il soit aussi créateur que Dieu, de sorte qu'il déforme (perversitas)« le sens originel de son être créé, qui était justement de le renvoyer par-delà le monde à sa véritable origine »[160].

Augustin commence à développer ses idées sur lepéché originel et la nécessité de laGrâce dans son livreAd Simplicianum de 396. C'est l'orgueil qui a détournéAdam[122] et a provoqué le péché originel — compris non comme unpéché remontant aux origines, mais comme un péché qui fausse la perception de la nature originelle de la créature[160].

L'habitude (consuetudo) attache au passé, au péché. Elle résulte d'une volonté insuffisante et n'a été instaurée que pour faire oublier la mort[161]. Elle est« la loi du péché (lex peccati) », celle qui empêche une renaissance[160]. Plusieurs critiques deNietzsche à l'égard du péché originel, terme qu'il emploie d'ailleurs peu, semblent surtout viser la position augustinienne à l’égard de la transmission du péché originel[162]. Nietzsche critique ce qu'il considère comme une« hostilité du christianisme à l’égard de la science »[163]. Il rejette« toute appréciation pessimiste de l’existence humaine » et critique l'idée que« le péché originel se transmettait par l’acte de procréation »[162].

Loi, conscience et péché

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Lecommandement« tu ne convoiteras point » demande un détachement du créé et, dans une perspectivepaulinienne, donne à la créature la connaissance du péché. Pour Augustin, l'humiliation que provoque la connaissance du péché rend à nouveau la créature capable de se tourner vers le Créateur[164]. Chez lui, comme chezCicéron, il y a un lien entre les loistranscendantes et laconscience. Toutefois, si la créature peut échapper à laloi, il n'en est pas de même de sa conscience, car« la conscience mauvaise ne se fuit pas elle-même, elle n'a nulle part où aller, elle marche à sa propre suite »[165]. De sorte que pour lui, ce qui commande dans la loi, c'est la conscience, qui est aussivolonté, mais cela ne suffit pas, en général, pour sortir du péché[164].

Selon l'enseignement de Paul, Augustin exhorte les jeunes chrétiens à utiliser leur conscience : « Je te conseillerais, autant que le permettrait le salut de l'État, de quitter la profession des armes et de vivre dans la société des saints, dans cette vie que tu voulais embrasser, où les soldats du Christ combattent dans le silence, non pour tuer des hommes, mais "pour résister aux principautés, aux puissances et aux esprits du mal (Eph. VI,12)[166].

Sortir du péché : la grâce et la prédestination

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tableau représentant un saint.
Conversion desaint Paul parMichel-Ange (1475-1564).

Pour Augustin, si la loi et la conscience ne permettent pas toujours de sortir du péché, ce n'est pas à cause d'une défaillance de la volonté mais parce que chez la créature, il y a une faiblesse dans la relation entre vouloir et pouvoir, qui ne coïncident pas, contrairement à la situation du Créateur[164]. Aussi la créature a-t-elle besoin d'une aide extérieure : la grâce de Dieu qui va lui donner le pouvoir nécessaire. Mais, recevoir la grâce exige d'une part de la vouloir et d'autre part de reconnaître son incapacité à vaincre par soi-même le péché, c'est-à-dire faire un retour à Dieu[167]. Par la grâce, le Créateur accueille à nouveau la créature qui« est recréée puisque libérée de sa nature pécheresse »[168].

Le problème est alors de savoir si tous les hommes peuvent recevoir la grâce, ou si elle est réservée à un nombre restreint d'individus. Dans laPrédestination des Saints, il écrit :« la prédestination c'est la grâce ; la grâce est l'effet de la prédestination »[169]. Qu'advient-il alors des autres ? Pour Augustin Dieu peut donner« l'amour de vivre en chrétien »[169] sans donner la persévérance nécessaire à la grâce. À la question du pourquoi, Augustin répond :« je ne sais pas »[169], et cite par deux fois l’apôtrePaul pour montrer la petitesse de la créature face au Créateur :« Homme, qui es-tu pour discuter avec Dieu (Rm 9,20) »[169] et« Ô profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont inscrutables et ses voies impénétrables (Rm 11,33) »[169].

Les moines d'Hadrumète ayant lu une lettre d'Augustin sur la prédestination se mirent à ne plus rien faire, car ils estimaient qu'il n'y avait plus qu'à attendre qu’arrive ce à quoi ils étaientprédestinés[170], ce qui n'est pas la manière dont Augustin conçoit la prédestination. PourPeter Brown,« [l]a prédestination était développée par Augustin surtout comme une doctrine selon laquelle tout événement était chargé d'une signification précise, comme acte délibéré de Dieu »[171]. La prédestination ne saurait donc être séparée de l'action et de la persévérance. Cependant, la prédestination puise aussi dans le sentiment populaire des chrétiens d'Afrique qui voyaient leurs héros comme prédestinés[172].

L'accent mis sur la prédestination à la fin de sa vie est lié à deux éléments selon Mendelson. Tout d'abord, il devient de plus en plus familier desÉcritures. D'autre part, sa controverse avecPélage l'a amené à se radicaliser, de sorte qu'il se voit parfois opposer ses premiers écrits. À la fin de sa vie, il considère que le péché a entraîné une telleignorance qu'il devient impossible, sauf par la grâce imméritée accordée à quelques élus, de surmonter ces obstacles[173].

Théologie sacramentelle

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Vitrail représentant un évêque.
Augustin, vitrail deLouis Comfort Tiffany, St. Augustine History Museum, Floride.

Augustin développe une distinction entre lessacrements irréguliers et les sacrements valides. Les sacrements réguliers sont conférés par l'Église chrétienne tandis que les sacrements irréguliers le sont par desschismatiques. Néanmoins, la validité du sacrement pour Augustin ne dépend pas de lasainteté du prêtre qui le donne, de sorte que des sacrements irréguliers sont valides s'ils sont donnés au nom du Christ dans la forme prescrite par l'Église :ex opere operato. Sur ce point, il se démarque des enseignements deCyprien selon qui ceux qui quittent un mouvementschismatique pour l'Église chrétienne doivent être rebaptisés[174].

Pour Augustin comme pour lespremiers chrétiens — et de nos jours encore chez les chrétiens arméniens, catholiques et maronites —, il y aprésence réelle du Christ dans l'eucharistie puisque Jésus a dit« Ceci est mon corps » en parlant du pain qu'il tenait dans sa main[175],[176]. Aussi les chrétiens doivent-ils croire que le pain et le vin présentés au cours de lamesse sont le corps et le sang du Christ[177].

Contre lespélagiens, Augustin insiste sur l'importance dubaptême à la naissance. Toutefois, il ne précise pas clairement si le baptême est une nécessité absolue pour être sauvé et aller auparadis. En effet, bien qu'il dise dans unsermon que seuls les baptisés seront sauvés[178], une croyance partagée par les premiers chrétiens, un passage de laCité de Dieu semble indiquer qu'il croit que le cas des enfants nés de parents chrétiens fait exception à cette règle[179].

Marie chez Augustin

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Les chercheurs sont partagés sur la question de savoir si Augustin exclut simplement Marie de toutpéché personnel ou également du péché originel, une majorité d'entre eux étant néanmoins en faveur de la première position[180].

Anthropologie

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L’anthropologie d’Augustin repose sur une conception de la nature humaine comme profondément pervertie par lepéché, ce qui a occasionné certaines de ses plus grandes controverses. Autre point important, sa tripartition de l'amour encupiditas ou amour du monde,caritas ou amour qui aspire à l’éternité, etdilectio ou amour de l’homme présent dans le monde et qui cherche à atteindre l’éternité.

Une nature humaine profondément pervertie par le péché : Augustin contre Pélage

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Articles connexes :Pélagianisme etPélage (hérésiarque).
Hommes en discussion.
Augustin en controverse avec des hérétiques.

L'opposition entre Augustin etPélage peut se comprendre en partie en rappelant son contexte social et politique. Pélage s’adresse à un public de richesRomains convertis par mariage ou par conformisme social, c'est pourquoi il considère l'Église comme un groupe qui doit donner le bon exemple de façon à convertir les autres par leur modèle[181]. Il s'agit là d'idées proches de celles desdonatistes qu'Augustin vient de « mettre au pas » en Afrique en approuvant pleinement les mesurescoercitives et violentes prises par l'Empereur[182]. Augustin affirme ainsi :« Le devoir du pasteur n'est-il pas de ramener à la bergerie du maître, non-seulement les brebis violemment arrachées, mais même celles que des mains douces et caressantes ont enlevées au troupeau, et, si elles viennent à résister, ne doit-il pas employer les coups et même les douleurs ? »[183].

Pour Pélage et ses partisans, la nature humaine est immuable et la corruption par le péché assez légère, de sorte que la maîtrise de soi et la volonté peuvent suffire. Il s'agit d'une conception de la nature humaine marquée par lestoïcisme romain. Au contraire, pour Augustin la nature humaine est profondément pervertie. Autre point de divergence, alors que, chez Pélage l'Homme est vu comme isolé, pour Augustin, l'Homme est en relation avec les autres, il est« toujours sur le point d'être entraîné dans de vastes et mystérieuses solidarités »[184].

Ces différences quant à la conception de la nature humaine conduisent Augustin et Pélage à des façons différentes de penser l'action juste et la liberté. Chez les pélagiens, pour se sauver il faut suivre les règles et à cette fin, ils insistent sur la peur liée auJugement dernier. Augustin, au contraire, dans un livre intituléDe l'esprit et de la lettre, insiste sur l'évolution intérieure, sur l'impuissance de l'homme et sur le rôle de Dieu qui seul peut« donner l'esprit qui fait vivre, c'est-à-dire aimer le bien pour lui-même ». De même, alors que chez les pélagiens les hommes sont libres de leur choix, chez Augustin la volonté libre ne peut à elle seule nous faire choisir le bien, il faut d'abord que l'homme soit guéri de son péché, c'est-à-dire qu'il lui faut« acquérir tout ce que Pélage avait pensé qu'il possédait dès le départ »[185].

Nature divine, justice et souffrance : Augustin contre Julien d'Éclane

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Article connexe :Julien d'Éclane.
Portrait d’un homme avec moustache.
Mani.

La controverse avec l'évêqueJulien d'Éclane est la dernière que mène Augustin, que la mort surprend avant qu'il ait terminé un écrit consacré à ce sujet[186]. Julien est pélagien et comme tel s'oppose à Augustin sur la nature humaine. En particulier, Julien qui a été un évêque marié n'a pas la même prévention qu'Augustin sur la sexualité[187]. Toutefois, le centre de leur controverse ne porte pas sur ce point, mais sur la nature divine, la justice et la souffrance[188].

Pour Julien, Dieu est d'abord juste. Il ne peut donc pas envoyer en enfer les bébés non baptisés comme le prétend Augustin. Pour Augustin, Dieu est tellement au-dessus de nous que sa justice nous est insondable et que son œil peut voir plus en profondeur que nous le péché inscrit dans l'Homme. Dans sa controverse, l'évêque pélagien tente de faire passer Augustin pour unmanichéen[189].

En fait, la conception d'un Dieu tout-puissant d'essencenéoplatonicienne s'oppose, comme le lui rappelle Augustin, au Dieu faible deMani. Mais, pourPeter Brown, Augustin et le manichéisme ont en commun de se focaliser sur la souffrance, et sa perception du monde comme un« enfer en miniature » peut être vue« comme un écho sinon des grands mythes de Mani lui-même, du moins des sombres homélies de l'Élu manichéen »[190].

Les diverses formes d'amour

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Amour-cupiditas

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Il y a deux formes d'amour désir (appetitus). Le premier, l'amour« convoitise (cupiditas) » revient à aimer le monde, c'est-à-dire quelque chose de fuyant qui nous amène à nous disperser et qui, en nous rendant dépendant de quelque chose d'extérieur, lemonde, nous prive duse quærere, c'est-à-dire de la recherche de nous-même. Augustin souligne dans son livreDu libre arbitre que ce type d'amour nous fait perdre également notre autonomie. Il s'agit donc d'un faux amour qu'il appelle« convoitise (cupiditas) »[191].

Amour-caritas

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En opposition, Augustin dresse l'amour-caritas :« l'amour juste qui aspire à l'éternité et à l'avenir absolu ». Dans ce type d'amour, le désir est dirigé vers l'éternité, vers quelque chose de stable en lien avec un Dieu autonome« qui ne dépend pas d'un monde, d'un dehors qui lui serait par principe extérieur »[192]. Aussi, si« la charité fait le lien entre l'homme et Dieu, comme la convoitise entre l'homme et le monde », elle le fait sans nous faire entrer en dépendance de Dieu, mais en nous permettant de nous abstraire du monde, et de réaliser pleinement notre être intérieur. Comme le noteHannah Arendt, pour Augustin, l'« amour de Dieu et amour de soi vont de pair et ne se contredisent pas. Dans l'amour de Dieu, l'homme s'aime lui-même »[193].« Augustin écrit à ce propos : Lorsque j'aime mon Dieu, c'est la lumière, la voix, l'odeur […] de mon être intérieur que j'aime. Là où resplendit la partie de mon âme que ne circonscrit pas le lieu, où résonne celle que le temps n'emporte pas […] et où se fixe celle que le contentement ne disperse pas. Voilà ce que j'aime lorsque j'aime mon Dieu »[194].

Amourdilectio

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L'amourdilectio n'est guidé ni par le désir (appetitus) ni par l'objet, mais n'est que« l'attitude objective préassignée de l'homme qui, toujours là dans le monde, vit dans l'avenir absolu »[195]. Il existe une hiérarchie de ce qu'il faut aimer : d'abord ce qui est au-dessus de nous (supra nos), puis nous et ce qui est à côté (iuxta nos), le prochain (proximus), et ce qui est en dessous de nous (infra nos), le corps venant en dernier. L'amourdilectio accomplit les commandements, les lois dans une perfection qui est fonction de la grâce de Dieu et qui donc ne dépend pas que de l'être humain[196].

L'amour du prochain (dilectio proximi) est un amour-renoncement où après être entré dans un amour-charité avec Dieu et l'éternité, on a renoncé à soi, ce qui pour Arendt signifie qu'on« aime tous les hommes sans la moindre différence »[197]. Ce qui frappe Arendt dans l'amour du prochain chez Augustin, c'est justement que les individus restent isolés, car dans ce type d'amour, on aime l'amour :« Peut-il aimer son frère sans aimer l'amour ? Nécessairement il aime l'amour. En aimant l'amour, il aime Dieu[n 15]. » Cette solitude interroge Arendt, qui lie cette forme d'amour à laCité de Dieu, où les hommes sont également tenus de s'aimer mais où ce n'est plus le genre humain qui compte, mais les êtres particuliers, et où« toute relation à l'autre devient un simple passage vers la relation directe à Dieu »[198].

Anthropologie philosophique

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Pour Augustin, l'Homme est composé d'un corps et d'une âme, laquelle, conformément au dogmenéoplatonicien, est destinée à commander au corps[95]. Dans laVie heureuse, il ressort d'une discussion où intervient sa mère que les nourritures de l'âme ou de l'esprit sont la science et les arts libéraux[199]. Une des questions que se pose Augustin est de savoir d'où vient l'âme. DansDu libre arbitre (De Libero arbitrio), écrit vers 395, il émet quatre hypothèses, dont les deux premières supposent la préexistence de l'âme :

  1. l'âme est envoyée par Dieu ;
  2. l'âme vient de sa propre initiative habiter le corps (c'est l'hypothèse volontariste) ;
  3. toutes les âmes viennent de celle d'Adam à travers un processus généalogique similaire à celui des corps (c'est l'hypothèse ditetraducianiste qui vient deTertullien) ;
  4. Dieu crée une âme pour chaque corps (hypothèse créationniste)[95].

Dans ses écrits de 419-420, tout se passe comme s'il ne retenait que les deux dernières hypothèses, en montrant de façon de plus en plus claire qu'il préfère l'hypothèse créationniste[200]. DansLa Cité de Dieu, il avance une cinquième hypothèse : les âmes sont similaires à celle d'Adam. Cela lui permet de mieux rendre compte dupéché originel que dans l'hypothèse créationniste. En fait, Augustin ne tranche jamais clairement entre les hypothèses même quand, peu de temps avant sa mort, il relit toute son œuvre et écrit lesRétractations[201].

Théorie de la connaissance

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Dans son livreDe Trinitate, Augustin voit la mémoire, l'intelligence et la volonté presque aussi unies que le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Par analogie, il va donc les considérer comme formant une trinité intérieure[202].

Trinité intérieure

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Mémoire

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représentation symbolique des septs arts libéraux.
Les sept arts libéraux dans l’Hortus deliciarum d'Herrade de Landsberg, 1180.

Pour Augustin, la mémoire participe à la vie de l'esprit. C'est elle qui instaure de la durée, de la profondeur de champ, qui permet de donner sens aux expériences[203]. Dans ses premières œuvres, Augustin est très marqué par la théorie platonicienne de la réminiscence, puis il s'en éloigne assez complètement dans ses œuvres de maturité que sontLes Confessions etDe Trinitate. Dans lesRétractations (document écrit juste avant sa mort et où il commente tous ses écrits qu'il vient de relire), il note que lathéorie platonicienne de la réminiscence selon laquelle nous avons eu accès à la vérité des Idées dans une vie antérieure mais les avons ensuite oubliées avant de les redécouvrir, est moins crédible que la thèse de l'illumination au moyen de laquelle la raison découvre les vérités immuables[204].

Pour l’évêque d’Hippone, la mémoire est une« chambre intérieure vaste et illimitée » où sont conservées nos actions passées, les images de ce que nous avons vu et perçu mais aussi ce que nous avons appris desarts libéraux ainsi que les affections de l'esprit : joie, tristesse, désir et peur[205]. Dans cette optique,Les Confessions peuvent être vues comme une œuvre de mémoire augustinienne où se déploient les trois fonctions de la mémoire :« la mémoire du passé (livres 1 à 9), l'intuition du présent (livre 10) et l'espérance du futur (livres 11-13) »[206].

La mémoire, qui permet de se projeter dans le futur à partir du passé, est ainsi analogue au Père, tandis que l'intelligence qui procède de la mémoire l'est du Fils :« l'analogie avec le Père illustre la primauté de la mémoire dans le récit de la cognition humaine »[207].

Intelligence et foi

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Tableau représentant deux hommes.
Les apôtres Pierre et Paul, deux des sources d'inspiration d'Augustin, parLe Greco.

Croire chez Augustin, et dans le christianisme en général, est lié non pas à l'opinion mais à lafoi (fides) vue comme recherche fidèle de la vérité dans un monde marqué par« la versatilité et l'inconstance de l'âme humaine »[208]. PourMaxence Caron, la foi n'est pas« l'autosuggestion d'une âme prise au jeu de ses inquiétudes » mais« au contraire l'esprit de résistance d'une âme qui, lucide sur ses faiblesses de constitution […] lutte contre la conjuration d'événements quotidiens dont l'inessentielle séduction tente constamment de la détourner de sa quête »[209]. La foi ne commence pas où l'intelligence finit mais au contraire la précède. En effet, pour Augustin, il faut croire pour penser. C'est le sens de l'injonction« Crois afin de comprendre, comprends afin de croire (crede ut intellegas, intellege ut credas) »[210].

Concernant le lien entre la foi, l'intelligence et Dieu, le raisonnement d'Augustin peut être schématisé ainsi : toute pensée cherche la vérité et traduit une volonté de vérité, or Dieu est vérité donc l'homme désire Dieu. Mais l'essentiel n'est pas là puisque pour Augustin Dieu se révèle parce qu'il a mis en l'homme ce désir de vérité, parce qu'Il l'appelle. Maxence Caron note :« Dieu ne peut être pensé par l'homme que parce qu'il a voulu se manifester à lui »[211]. Chez Augustin, la foi incite à tenter de comprendre le mystère de Dieu et du monde en même temps qu'elle pose une distance, un recul tant par rapport à ce mystère que par rapport à soi-même[212].

La volonté

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La philosophie grecque est marquée par l'intellectualisme, c'est-à-dire que la raison est à la fois un instrument qui permet de théoriser et quelque chose qui nous dicte la conduite à suivre dans un monde bien ordonné[213]. Pour Augustin, l'intervention d'éléments non rationnels empêche cedictamen et« l'intellect lui-même a besoin de la volonté pour le pousser à l'activité »[214], d'où l'importance accordée à la volonté et à la responsabilité des hommes[215]. Cet accent ira croissant avec l'âge sous l'influence de trois facteurs:

  1. Augustin, en partie sous l'influence de sa controverse avec les pélagiens, insiste de plus en plus sur l'ignorance et le péché inhérents à la nature humaine[216].
  2. Il met l'accent sur les éléments non rationnels de la volonté, liés notamment aux habitudes[216].
  3. Plus il lit les Écritures, plus il met l'accent sur la notion de communauté, sur l'autorité des anciens et l'obéissance à des normes sanctionnées par Dieu[217].

La foi devient première. C'est elle qui guide la volonté, qui elle-même précède la réflexion raisonnée, qui de façon rétrospective fournit une justification rationnelle[218].

Plus Augustin étudie les Écritures, notamment l'apôtre Paul, et plus il met l'accent sur la notion depéché originel et sur lagrâce, qui permet à certains d'avoir une volonté assez bien orientée pour ne pas pécher. Cette idée fonde sa théorie de la prédestination[201]. PourAlasdair MacIntyre, la conception augustinienne de la volonté est radicalement nouvelle, même si on en trouve les prémices chezPhilon d'Alexandrie et chezSénèque. Elle lui permet d'interpréter les écrits de l'apôtre Paul (notamment l'Épître aux Romains)« en utilisant un vocabulaire dont saint Paul lui-même ne pouvait disposer »[219]. L'importance qu'Augustin accorde à la volonté entraine le problème de faire coexister liberté de la volonté humaine et prescience divine[216], un problème« complexe et parfois excessivement obscur »[220]. Néanmoins le but recherché est clair : montrer, contre les manichéens et Cicéron, que la liberté de la volonté humaine et la prescience divine ne sont pas incompatibles, car Dieu a la prescience de notre volonté[221].

Scepticisme et vérité

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Dans un de ses premiers écrits, leContre les académiciens, Augustin se dresse contre le scepticisme de laNouvelle Académie dontCicéron est un des plus illustres représentants. Contrairement aux arguments des anti-sceptiques modernes, Augustin ne cherche pas à justifier nos croyances et nos pratiques : il vise surtout à réfuter l'idée développée par laNouvelle Académie selon laquelle l'homme sage ne peut jamais être certain de connaître la vérité sur une question[222]. Son but est de montrer l'existence de certaines formes de connaissances vraies, car même si nos sens ne peuvent pas nous permettre de connaître entièrement le monde extérieur, ils peuvent néanmoins nous amener à quelques idées certaines de ce qu'il est[223]. Comme chez Descartes, qu'il a probablement inspiré, la reconnaissance de la réalité de notre propre existence ouvre la voie à une certaine vérité. Mais il n'y a pas dans lecogito ergo sum (je pense donc je suis) d'Augustin le commencement d'une philosophie aussi systématique que chez Descartes mais plutôt le point de départ d'une vision de Dieu comme vérité immuable et sagesse éternelle[224]. La recherche de la vérité et le refus du probable de la Nouvelle Académie ont aussi chez Augustin une dimension morale, voire politique, comme l'atteste le passage suivant :

« Ce qui est capital, ce qui est effrayant, ce que doivent redouter tous les honnêtes gens, c’est que, si ce système est probable, pour peu qu’un individu ait cru réaliser le probable et du moment qu’il ne donne son assentiment à rien comme une vérité, il ne commette n’importe quel acte horrible sans qu’on lui reproche non seulement un crime, mais même une erreur[225]. »

Connaissance et illumination

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Sculpture représentant le buste d’un homme.
Buste d'Aristote. Augustin développe une théorie de la connaissance différente de celle d'Aristote.

Contre les sceptiques de l'Académie, Augustin soutient qu'il existe des connaissances réelles qu'il classe en trois groupes :« les vérités logiques (par exemple,« il y a un monde ou il n'y en a pas »), les vérités mathématiques (« trois fois trois neuf »), et les comptes rendus de l'expérience immédiate (« ces saveurs me sont agréables ») »[226]. Aux sceptiques qui lui demandent comment il sait qu'il existe un monde hors de son esprit, il répond : je sais qu'il y a un monde qui nous nourrit qui nous entoure. Annonçant le « je pense donc je suis » (cogito ergo sum) de Descartes, il écrit :« si je suis trompé, je suis » (si fallor, sum)[226].

Pour Matthews, le fait de savoir que l'on est vivant ne se limite pas chez Augustin à la vie biologique. Dans leDe Trinitate, le termevie doit être entendu au sens platonicien où l'âme, même quand elle a cessé d'animer le corps, reste vivante dans l'au-delà[226]. Dans la recherche de la connaissance, Augustin s'interroge sur le lien entre les mots et l'objet qu'ils désignent. AuXXe siècleLudwig Wittgenstein dans son livreInvestigations Philosophiques écrit qu'Augustin d'Hippone n'analyse pas tout le langage mais seulement un système de communication[227]. Mais lui-même présente un travers similaire dans son œuvre majeure leTractatus Logico-philosophicus dans la mesure où il ne s'intéresse qu'au langage applicable aux sciences formelles de type logico-mathématique[228]. Toutefois selon Danvers et Saint-Fleur[229] le dernier Wittgenstein adopte comme Augustin un processus d'apprentissage du langage« fondé sur le modèle de l'ostentation » (ou de la monstration)[229].

Pour Augustin, l'esprit est une substance non corporelle qui vit, se rappelle, comprend, veut, sait et juge ; elle s'auto-justifie. Dans son ouvrageDe la trinité (10.120.14), il souligne :

« Car qui douterait qu'il vit, se rappelle, veut, pense, sait et juge ? Car même s'il doute, il vit ; s'il doute, il se rappelle pourquoi il doute ; s'il doute, il comprend qu'il doute ; s'il doute, il veut être certain ; s'il doute, il sait qu'il ne sait pas ; s'il doute, il juge qu'il ne devrait pas accepter sans réflexion[230]. »

Tondo doré sur céramique noire représentant un homme barbu allongée sur une banquette qui écoute un joueur de flute debout.
Scène de banquet, évocatrice du« festin spirituel » auquel Socrate et ses amis sont conviés au début duTimée.Coupe attique à figures rouges, vers 480av. J.-C. Musée du Louvre.

Augustin, qui a connaissance par sa lecture de Cicéron de la théorie de la réminiscence de Platon, propose, selonGareth Matthews, une version christianisée de lathéorie des formes de Platon. Dans leDe diversis quæstionibus octoginta tribus, il soutient que les formes peuvent être comprises de trois façons : commeformæ (formes),species (espèces) ourationes (raisons). Par ailleurs, elles ne peuvent être qu'en Dieu car selon lui, le créateur ne peut consulter quelque chose d'extérieur à lui comme c'est le cas pour ledémiurge dans leTimée dePlaton[231]. C'est à travers les formes que l'âme, illuminée par une lumière intérieure divine, peut avoir accès à la vérité, grâce à une théorie active de la perception.

Augustin écrit dansDe Genesi ad litteram libri duodecim« ce n'est pas le corps qui perçoit, mais l'âme à travers le corps qui transmet la perception telle quelle ; l'âme utilise alors ce qui vient de l'extérieur pour former en elle-même la vraie chose[n 16]. »

Selon la théorie de l'illumination, c'est la lumière de Dieu ou Dieu lui-même qui nous permet non seulement d'arriver à des véritésa priori mais également à tout le savoir humain, et non l'âme qui n'est qu'une créature faite à l'image de Dieu. Si Augustin rejette l'acquisition du savoir par abstraction, comme chez Aristote, c'est que pour lui, cette méthode ne permet pas de résoudre la question du savoir apparent, c'est-à-dire d'être certain qu'il y a un lien réel entre le mot et la chose qu'il désigne[231].

Il convient de souligner les limites qu'Augustin porte à notre capacité de connaître. Tout d'abord, pour lui, il n'est pas possible de prouver la nécessité de l'existence de Dieu par la raison ; il n'est possible d'atteindre une connaissance directe de Dieu que par l'expérience mystique : il en résulte que tout ce qu'on peut savoir de Dieu par la raison, c'est qu'il excède nos capacités de compréhension[232]. Il a une attitude semblable à l'égard de la philosophie : elle ne peut nous permettre d'atteindre la vérité absolue, mais elle conduit l'esprit à réduire en quelque sorte le doute, à se faire une idée des choses. Matthews note que quand Augustin pose comme il le fait souvent la question« [c]omment est-il possible que [la proposition]p [soit vraie] […] quelquefois, quoique pas toujours, la réflexion le mène à une connaissance philosophique de la chose, à montrer que ce qu'il connait, ou croit fermement connaître, peut en fait être »[233]. Comme la philosophie s'enracine dans un différentiel fort entre Dieu et les hommes, pour Augustin, elle ne peut mener à la vérité absolue, si elle n'est pas éclairée par les textes sacrés[234].

Éthique

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Tout comme pour les philosophes de son temps, la philosophie est pour lui une discipline pratique dont le but principal est la recherche du bonheur et où l'éthique domine lalogique et lamétaphysique. Sa pensée morale se rapproche davantage de l'éthique de la vertu et de l'eudémonisme de la tradition occidentale classique que de l'éthique du devoir et du droit (déontologisme) associées au christianisme à l'époque moderne[235]. Si Augustin tend à unifier les vertus autour de l'amour de Dieu, il recourt malgré tout parfois auconséquentialisme. Cela tient pour Chappell à ce que la classification standard des éthiques des philosophes modernes n'est pas adaptée à l‘éthique d'Augustin qui a donc« quelque chose à offrir aux éthiciens de toutes ces catégories »[236].

Une éthique fondée sur le dialogue avec Dieu

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Tableau représentant un homme de profil à perruque blanche, tenant un bâton et un bouquet. Au second plan, un pavillon.
Rousseauherborisant.

Deux ouvrages importants portent le titreConfessions, le premier écrit par Augustin et le second parJean-Jacques Rousseau[237]. Si la recherche de la vérité est un élément central dans ces deux ouvrages, les auteurs l'abordent de façon très différente. Ainsi, Thimothy Chappell note :« Le son de la vérité chez Rousseau estje, je, je, le son de la vérité chez Augustin esttu, tu, tu[n 17] »

Atteindre la vérité chez Rousseau exige d'être vrai et libre. Au contraire, chez Augustin, la« première étape du progrès moral consiste à s'éloigner de ce qui est trop personnel et du domaine privé au profit de ce qui est commun; et ce qui est le plus commun, c'est la vérité et Dieu »[238].

Pour l’évêque d’Hippone, être « sincère », authentique, ne peut conduire qu'au désastre[238]. Pour lui, Dieu est une personne avec qui il parle. Dieu n'est pas un autre, ce n’est pas « lui », c'est « tu », c’est-à-dire quelqu'un d'intime avec lequel on est en relation. Ce qui conduit Augustin dans le domaine moral est donc« une relation à la seconde personne » avec Dieu, qui ne se fait pas selon un principe d'autorité ou de code moral, mais est affaire de confiance, d'amour entre Dieu et l‘Homme[239].

Bonheur et immortalité

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Dans leslivresVIII etXIX deLa Cité de Dieu, Augustin voit l'éthique ou laphilosophie morale (la formulation latine pour l'éthique) comme l'identification du bien suprême ainsi que des moyens de l'atteindre[240]. Le vrai bonheur (Augustin utilise le terme latinbeatitudo) se confond pour lui avec le bien suprême (Summum Bonum). Sur ce point, il ne se différencie pas des philosophes qui, pour cette raison, voient« les intellectuels chrétiens comme des rivaux philosophiques »[241]. Son livreDe Beata vita montre, selonBonnie Kent, l'importance qu'Augustin attache au bonheur, qui pour lui ne se confond pas avec la possibilité de faire ce qu'on veut. En effet, pour Augustin, comme pour Cicéron, nous sommes plus près du bonheur en échouant à faire ce que nous désirons qu'en voulant une chose non appropriée[242].

Tableau représentant des humains et des bêtes.
Adam etÈve au paradis dans un tableau deLucas Cranach.

Selon Augustin« l'immortalité est un des plus grands prérequis pour atteindre le vrai bonheur »[243]. Cela le rapproche des platoniciens qui insistent sur l'immortalité de l'âme et l’éloigne des épicuriens et les stoïciens qui voient le bonheur comme la liberté face à la souffrance et à l'anxiété. Malgré cela, Augustin se différencie du platonisme en ce que, pour lui, il n'y a pas seulement immortalité de l'âme mais résurrection des corps, quelque chose qui avait déjà choqué les Athéniens quand l'apôtre Paul avait prêché chez eux[244]. Augustin met les stoïciens plus haut que les épicuriens, car ils« enseignent que le bonheur ne vient pas du plaisir du corps mais de la vertu de l'esprit »[245]. Toutefois, il leur reproche de trop compter sur la vertu et pas assez sur Dieu, ce qui les conduit à une certaine arrogance[245].

Malgré l'accent mis sur l'immortalité et la vie après la mort, Augustin ne réduit jamais la vie présente à une simple épreuve en vue duParadis. Il insiste non seulement sur l'importance d'accomplir ici-bas les talents que Dieu nous a donnés mais également sur les plaisirs esthétiques qui ne servent aucune autre fin que le bonheur. Il s’ensuit que« les visions sécularisées ou puritaines d'un Dieu austère teneur de livre céleste, obsédé à tenir les comptes de nos mérites et démérites, ne peuvent se réclamer de l'autorité d'Augustin. Le Dieu d'Augustin est davantage l'amoureux ou l'artiste que le teneur de livres ou le juge »[246].

Éthique et religion : orgueil et peur de l'enfer

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tableau représentant le jugement dernier
Le Jugement dernier, parMichel-Ange,chapelle Sixtine.

Augustin n'a rien contre l'amour de soi tant que celui-ci reste dans une certaine limite[247]. Il n'en est pas de même de l'orgueil, qu’il considère comme« une forme perverse et hautement spécifique de l'amour de soi », responsable du péché originel. C'est lui qui anime les anges rebelles et conduitCaïn à tuer son frère. C'est aussi l'orgueil qui conduit les hommes à vouloir« s'arroger la place qui appartient à Dieu seul »[247].

Comme la peur de la punition peut être une étape dans l'éducation morale, elle n'est pas totalement inutile. Toutefois, à la différence dePélage, il faut éviter d'exploiter la peur dujugement dernier pour préserver du péché. Dans l'épitre 145, il écrit à ce propos :

« Est alors un ennemi de la justice celui qui s'abstient du péché uniquement par peur de la punition ; mais il deviendra un ami de la justice, si c'est par amour d'elle qu'il évite le péché. Alors, il craindra vraiment le péché. Car les personnes qui ont seulement peur des flammes de l'enfer n'ont pas peur de pécher mais de brûler… »[n 18]

L'éthique duDe Mendacio (Du mensonge)

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Dans son livreDe Mendacio, Augustin distingue huit types de mensonges : le mensonge capital qui consiste à mentir sur les dogmes religieux, le mensonge qui tend à porter injustement tort à quelqu'un, le mensonge destiné à servir l'un au détriment de l'autre, le mensonge dicté par le désir de mentir et de tromper, le mensonge provoqué par le désir de plaire, le mensonge qui ne nuit à personne mais profite à quelqu'un, le mensonge qui sert à ne pas trahir, les cas où on ment pour ne pas envoyer quelqu'un à la mort[248].

Sa condamnation du mensonge repose sur trois raisons : mentir divise la volonté en deux ; mentir ne permet pas d'atteindre la vérité et rend l'idée même de vérité improbable ; mentir est condamné par les Écritures. Concernant le premier point, la division de la volonté en deux parties qui se combattent mène à la désintégration mentale qu'il voit également à l'œuvre dans le désordre sexuel[249] :

« Ment donc qui a une chose dans l'esprit, et en avance une autre… Aussi, dit-on également que sa pensée est double car elle embrasse ce qu'il sait être vrai et ne dit pas, et, en même temps, ce qu'il avance à sa place tout en sachant ou en pensant que c'est faux[250]. »

Concernant le second point, mentir rend la vérité improbable. Cela conduit Augustin à anticiper l'argumentation attribuée à David Hodgson selon qui la recherche des bénéfices d’une action par l'utilitarisme le rend peu sensible à celle de vérité[251]. Augustin écrit à cet effet :« Comment croire en effet un homme selon qui il faut mentir à l'occasion, et qui peut-être alors ment au moment où il vous enjoint de le croire ? »[252]. Concernant le troisième point, à savoir l’argument fondé sur les Écritures, l'évêque d'Hippone s'appuie principalement sur leneuvième commandement qui enjoint de ne pas porter de faux témoignage. Il s'appuie aussi sur leLivre de la Sagesse et sur lePsaume 5 verset 7[249]. Des commentateurs ont remarqué qu'Augustin utilisait lesÉcritures de façon plus stricte pour condamner le mensonge que pour le fait de tuer. Cela tient à ce que pour lui, la« Vérité (Veritas) est le nom de Dieu lui-même »[249], ce qui touche au cœur même de sa pensée. Il ne s'agit donc pas, comme pour les philosophes modernes, de faits sans valeur intrinsèque[249].

La justice

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Photo représentant le buste d’un homme.
Alasdair MacIntyre a étudié le concept de justice chez Augustin.

Pour les Grecs, la notion de justice est liée aux lois de la cité ou de lapolis. Lesstoïciens ont étendu la notion de justice au reste de l'humanité de façon duale : selon que l'on est citoyen d'unepolis ou en tant que citoyen du monde[253]. ChezCicéron, la justice ou l'injustice sont liées à la loi non écrite, qu'il assimile à la raison droite. Toutefois, l'égalité devant la justice ne s'en déduit pas car le monde est hiérarchisé et la justice envers les étrangers passe en dernier[254].

SelonAlasdair MacIntyre, l'idée d'une justice applicable à tous trouve d'abord sa source dans leDeutéronome et lesDix Commandements où Yahvé« s'exprime non seulement en tant que Dieu d'Israël, mais aussi en tant que Dieu créateur de toutes les nations et des territoires de tous les peuples »[255]. Mais, là encore, dans certains cas, il y a une différence de traitement entre le peuple d'Israël et les étrangers. Pour les chrétiens qui s'adressent au monde entier, le problème d'une justice applicable à tous devient crucial. L'apôtre Paul dans sonÉpître aux Romains lie loi divine et raison, de sorte que le monde entier, même les non-chrétiens, peuvent en bénéficier. C'est là une formulation très proche de celle de Cicéron. Les premiers chrétiens en ont bien conscience, et voient« dans les conceptions stoïciennes (et plus particulièrement cicéroniennes) de la loi à laquelle la nature et la raison exigent que l'on obéisse, une preuve de cette connaissance de la loi de Dieu à laquelle Paul avait fait référence »[256]. Malgré tout, harmoniser les deux sources sera une tâche complexe, dont les Pères de l'Église n'ont réellement perçu toute l'ampleur« qu'avec la réussite du plus grand d'entre eux : saint Augustin »[256].

La conception de la justice chez Augustin emprunte à la fois aux platoniciens, à Cicéron et à saint Paul. Aux platoniciens et à Cicéron, il reprend l'idée que« la justice consiste à donner à chacun ce qui lui est dû »[256]. Si la justice qui s'inscrit dans le cadre deLa Cité de Dieu est universelle comme chez les stoïciens, chez Augustin elle inclut des devoirs bien plus importants envers les pauvres et les opprimés[257]. À saint Paul, il reprend l'idée selon laquelle il faut être juste« de façon à n'avoir aucune dette envers qui que ce soit, sinon de nous aimer les uns les autres (De TrinitateVIII,VI ;Romains 13,8) » : l'action juste ne peut venir que de l'amour tourné vers Dieu, qui permet de bien orienter la volonté. Or, depuis Adam, notre volonté est tournée vers l'amour de soi et donc vers l'injustice. Chez Augustin, cette différence est centrale dans la distinction entre la Cité des hommes, dont l'exemple est Rome dominée par l'orgueil, et la Cité de Dieu, où« le don de la grâce […] permet à la volonté de choisir librement ce qui en fait mène au vrai bonheur »[258].

Augustin et l'idée de guerre juste

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Tableau représentant deux hommes.
Thomas d'Aquin et le papeUrbainIV, deLorenzo Lotto,1508. (Recanati).

À la suite de son maîtreAmbroise de Milan, Augustin est un des premiers chrétiens à s'intéresser au concept deguerre juste. Avant lui, on trouve des traces de cette notion dansLa République dePlaton, dans laPolitique d'Aristote, chezThucydide et chezCicéron[259].

Si Augustin traite de la thématique de la guerre juste, il n’en dresse pas une théorie comme le feront plus tard les juristes dudroit canon etThomas d'Aquin[259] dont il inspire les deuxième et troisième critères duIus ad bellum (droit de la guerre). L'un de ces critères exige que la guerre ait pour but de promouvoir ce qui est bon ou de punir ce qui est mauvais. L'autre exige que la guerre soit déclarée par une autorité légitime[259]. Contrairement àHobbes, Augustin soutient que les hommes aiment la paix et ne se font la guerre que lorsqu'ils y sont contraints par d'autres. Par ailleurs, il ne pense pas que la guerre soit un mal parce que les gens meurent, mais parce qu'elle déchaîne des passions mauvaises[260].

Augustin et la sexualité

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Augustin considère que le plaisir sexuel n'est pas mauvais en soi puisqu'il permet la reproduction[261], mais qu’il est un mal parce que depuis laChute, l'homme ne contrôle pas directement ses organes sexuels. La sexualité n'est pas un « appétit » ou un « désir » normal car elle possède une forte capacité de corruption, de désintégration de l'ordre des choses, outrepassant notre volonté et notre rationalité[262]. La question de la sexualité est d'autant plus cruciale pour Augustin que, comme de nombreux philosophes jusqu'àLocke, il considère que le corps d'une personne est la personne elle-même. Il est même, suivant l'évangile de Jean, Dieu, puisque le Verbe (Dieu) s'est fait chair[236]. Il s'ensuit une contradiction. Si la chair est Dieu, elle est aussi des organes sexuels dotés d'une vie propre. Aussi Timothy Chappell estime-t-il qu'Augustin, tout comme« ses contemporains chrétiens et païens, est indubitablement manichéen dans son attitude envers la sexualité humaine »[236].

Chez Augustin, le péché ne trouve pas son origine dans la découverte de la sexualité comme chezGrégoire de Nysse, mais dans le passage d'une sexualité parfaite à une sexualité où l'harmonie entre la chair et l'esprit s'en est allée[263], de sorte qu’il y a chez Augustin une« discordia », entre la chair et l'esprit[264]. Le désir, surtout le désir sexuel, qui touche Augustin personnellement, est perçu comme une force qui se heurte constamment à la raison et qui tire la nature humaine vers le bas. La vie de couple est assimilée au« regnum uxorium » (« royaume conjugal ») et les pratiques sexuelles afférentes sont jugées asservissantes[265]. Toutefois, pourPeter Brown comme pourGoulven Madec, si l’évêque d’Hippone développe une vision sombre de la sexualité, il se montre toutefois relativement modéré par rapport à certains de ses contemporains, telsJérôme de Stridon etGrégoire de Nysse[266].

Temps : du commencement à la vie éternelle

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Chez Augustin, temps et politique ne sont pas sans lien car notre passage ici-bas n’est que la fin de la vie terrestre laquelle s’inscrit dans une perspective d’éternité. Cela change la perception des choses par rapport à une vie limitée à l’espace-temps terrestre. En outre, contrairement à la position des platoniciens et d'Aristote, le temps commence chez lui avec laCréation.

Temps et commencement

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Article détaillé :Temps.
graphe représentant une échelle du temps
Image représentant la vision du temps duChronos.

Augustin est connu pour sa maxime figurant aulivreXI desConfessions :« Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus ». Pour lui, c'est à partir du présent que nous envisageons le passé, le présent et le futur :

« C'est donc une impropriété que de dire : il y a trois temps, le passé, le présent et le futur. Il serait sans doute plus juste de dire : il y a trois temps : le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur […] Le présent du passé, c'est la mémoire ; le présent du présent, c'est l'intuition ; le présent de l'avenir, c'est l'attente[267]. »

Comme le présent est fugace, il s’ensuit que les hommes sont comme en pèlerinage dans ce monde[268]. Dans ses développements, selonSimo Knuuttila, Augustin s'inspire beaucoup d'Aristote, qui insistait déjà sur la centralité du présent[269]. Comme le stagirite et lesstoïciens à sa suite, il suppose que« le temps est un continuum infiniment divisible »[270]. Toutefois, trois points l’opposent à Aristote.

  1. Pour Augustin, le temps dépend du mouvement et donc commence avec la Création[271]. Sur cette question, il se démarque aussi des platoniciens pour qui le monde est sans début ni fin, et des tenants des théories de cycles ou de l'éternel recommencement du monde[272]. Plus tard, il influenceraLeibniz dans sa critique du temps absolu deNewton[273].
  2. Augustin adopte l'idée platonicienne dutout à coup. Alors que, pour Aristote, avant la mort, les gens sont mourants et la mort est la limite de la période où l'âme n'a pas encore quitté le corps, pour Augustin« l'instant de la mort relève du tout à coup platonicien auquel leprincipe du tiers exclu ne s'applique pas[n 19]. »
  3. Si Augustin comme Aristote accepte l'idée que la mesure du temps possède un aspect objectif intéressant, il développe néanmoins une conception psychologique du temps qui l'amène à se demander jusqu'à quel point on peut dire que le temps est long ou court. Il note que le présent n'a pas de durée et n'est donc ni long ni court (Confessions, 11,15.18-20). Sa démarche est ici proche de la notion de temps phénoménologique que développeraHusserl[274].

Millénarisme et chronologie de l’histoire

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Manuscrit enluminé.
Lactance,Institutiones divinae, Bibliothèque nationale de France, Ms Lat. 1671- fol. 93v. Enluminure duMaître de la Chronique scandaleuse.

D'abordmillénariste à la suite deLactance, Augustin se détachera de cette conception après sa conversion, concluant que l'établissement du paradis est incompatible avec les imperfections de la vie terrestre, et ira même jusqu'à combattre cette doctrine dansLa Cité de Dieu :

« Il faut donc donner un sens spirituel (et métaphorique) à l’Apocalypse de saint Jean : le règne de mille ans sur la terre est celui de l’Église, de la Cité de Dieu enfouie dans celle des hommes (il écrit : « les mille ans de paix ont commencé avec Constantin ») mais qui ne sera vraiment accompli qu’au Ciel, à la fin des temps[275]. »

Reprenant l'équivalence temporelle de l'Ancien Testament, selon laquelle une durée de mille ans correspond à un jour dans la Bible, Augustin voit la durée de l'Histoire comme une réponse aux six jours de la création, soit six mille ans, le dernier millénaire étant celui du repos, mais il ne propose pas la date habituelle de fin de l'Histoire[n 20]. Estimant que l'humanité ne peut pas savoir quand viendra la fin des temps, il exclut une intervention surnaturelle imminente dans le cours de l'histoire, vu que celle-ci se déroule à la fois dans la Cité divine et la Cité terrestre. Cette conception d'un millénarisme purement allégorique deviendra la doctrine officielle de l'Église, forçant la ferveur apocalyptique à se réfugier dans des courants souterrains[278].

Résurrection des corps et vie éternelle

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Articles détaillés :Résurrection etVie éternelle.
tableau représentant le christ.
Résurrection deJésus-Christ parGermain Pilon.

Le dogme de la résurrection, un élément central de la foi chrétienne, occupe une place de choix dans l’œuvre d’Augustin[279]. Cette thématique est présente aussi bien dans leslivresXII,XX etXXII de laCité de Dieu, que dans les écrits et discours consacrés aux fidèles, notamment à ceux qui vont recevoir le baptême[280]. Ce dogme de la résurrection des corps a été un de ceux que le christianisme a eu le plus de mal à imposer. En effet, il heurtait autant la pensée populaire de l’empire romain que les philosophes stoïciens et épicuriens du temps de l’apôtre Paul ou que les néoplatoniciens du temps d’Augustin d’Hippone[281]. Cette incompréhension conduit Augustin à devoir répondre à des questions de bon sens comme : que se passe-t-il au moment de la résurrection de la chair pour les hommes dévorés par les requins ? Ce à quoi il répond en s’inspirant de la réponse de saintJean Chrysostome : au moment de la résurrection, les corps seront comme des statues qu’on aurait refondu[282].

En réalité, la question de la résurrection ou non des corps dépend de la place relative accordée au corps et à l’âme. Chez les néoplatoniciens, comme chezVirgile, le corps est la prison de l’âme ou de l’esprit. Comme l’écrivent Marrou et La Bollardière, l’homme est« [u]ne étincelle divine, une parcelle de la substance de Dieu, momentanément et regrettablement insérée dans la gangue matérielle des corps »[283]. Pour Augustin au contraire l’origine du mal n’est pas dans le corps mais dans l’âme et l’esprit, car le péché vient du libre-arbitre de l’homme[284]. De là une différence notable sur la notion de résurrection entre les deux parties en présence. Pour les néoplatoniciens, la résurrection est un« redressement spirituel » au sens où elle doit nous affranchir de tout ce qui vient du corps. Au contraire, pour Augustin la chair n’est pas mauvaise, elle l’est d’autant moins que le Christ s’est fait chair, s’est faitvrai homme et vrai Dieu. De sorte qu’à la fin des temps, selon lui, c’est l’homme en tant que corps et âme qui doit être transfiguré et renouvelé en mieux. Marrou en conclut que, concernant la fin des temps, l’eschatologie chrétienne est plus une consommation qu’une destruction[285].

Après les conciles, à une époque où le catholicisme veut dialoguer avec le monde, la place des valeurs proprement humaines est un problème important[286]. Pour Augustin les valeurs humaines sont surtout spirituelles et permettent de s’approcher de la vie éternelle par la louange et le retour sur soi, anticipant ici-bas ce que sera la vie éternelle conçue par Augustin comme un grand sabbat (maximum sabbatum) et non comme un repos (Augustin évite précisément l’emploi du mototium). La vie bonne accordée par Dieu aux saints est donc pour lui d’essence intérieure etliturgique[287].

Politique

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Augustin et la philosophie politique

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Les philosophes politiques contemporains ne considèrent pas Augustin comme un des leurs ; ce refus a plusieurs justifications. Taylor fait d’abord remarquer que l’évêque d’Hippone n'a produit ni une théorie de l'État, ni une réflexion sur les diverses formes de gouvernement[288]. De plus, concevant l'État comme moralement neutre, Augustin introduit une désacralisation de la politique et annonce de ce point de vueMachiavel etHobbes[289]. Enfin, l'importance qu'il accorde aux Écritures, ainsi que soneschatologie, notamment la place qu’il donne à l'après-vie, le situent nettement hors du champ de la philosophie politique actuelle[290].

Malgré tout, Augustin est considéré parReinhold Niebuhr comme le premier grandréaliste en politique du monde occidental[291]. Michaël Loriaux estime que si Augustin partage avec les réalistes en politique moderne un même scepticisme quant à la possibilité d'un progrès moral et politique, la justification n'est pas la même. En effet, alors que les derniers s'appuient sur une psychologie simplifiée reposant sur desfaits stylisés, la psychologie d'Augustin est fouillée, presque individualisée[291]. Par ailleurs, alors que les réalistes modernes essaient d'analyser les relations internationales en utilisant des jeux stratégiques, ce qui laisse peu de place à la morale, chez Augustin la responsabilité morale des gouvernants est toujours engagée par leurs actes même quand ceux-ci sont dictés par la nécessité[292]. LelivreXIX de laCité de Dieu reprend un passage des Psaumes :« Délivre-moi de mes nécessités »[293].

Politique dans les lettres et sermons

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Dans les lettres et sermons, Augustin traite des questions qui se posent à un évêque dans un Empire romain devenu chrétien depuis la conversion deConstantin. La question de la violence en politique y occupe une place de choix. S'appuyant sur l’épître de Paul aux Romains, il admet que les personnes exerçant des fonctions spécifiques (gouverneurs, juges, soldats, etc.) puissent ordonner l’usage de la force si le bien-être physique ou moral du peuple l’exige. Toutefois, il précise que ceux qui recourent à la force demeurent responsables de leurs actes envers les autres hommes et envers Dieu ; ils doivent donc s'en confesser et être capables de repentir[294].

De façon générale, les idées politiques d’Augustin ne sont pas statiques mais pragmatiques. Au lieu de fournir des règles fixes, lesÉcritures sont porteuses d’un idéal qui donne un cadre pour juger des actions humaines. Dans ce contexte, le recours à la force doit être aussi pacifique que possible et celui qui l’ordonne doit faire preuve d’humilité et de miséricorde[295].

Dimension politique des écrits de Cassiciacum

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Statue d‘un homme.
Statue de Sénèque.

Michael Foley note que les écrits rédigés àCassiciacum — à savoir leContra Academicos, leDe beata vita, leDe ordine et leSoliloquia — se présentent sous forme de dialogues philosophiques. Ces thématiques témoignent non seulement d’un intérêt pour la philosophie pure mais également de l’influence de la philosophie politique deCicéron[296]. Si ces ouvrages portent surtout sur la poursuite de la vérité, ils traitent aussi de la notion de bonheur, un thème central dans la philosophie politique deCicéron et deSénèque (également auteur d’un livre intituléDe vita beata). Chez Augustin, la notion de bonheur est apolitique, c'est-dire extérieure à lapolis et au jeu politique[297].

Selon Foley, Augustin poursuit trois objectifs dans ces écrits : le premier est la lutte contre un patriotisme exacerbé et contre les vertus politiques qui relèvent des opinions et des apparences, associées à des désirs désordonnés et traduisant une rébellion de l'âme contre le bien[298] ; le second est le rappel que l'important pour l'homme est la sagesse, l'amour de la vérité et l'amour de Dieu[299] ; le troisième est l'affirmation que l'on doit s’occuper sérieusement de la politique et, en particulier, éviter qu'elle ne tombe entre les mains de personnes guidées par des motifs égocentriques ou irrationnels. Dans cette optique, il estime que ceux qui désirent quelque chose de plus grand que simplement gouverner sont les plus aptes à la politique[300]. Si l’évêque d’Hippone tend à subordonner la vie politique à la philosophie, il ne défend cependant pas la thèse selon laquelle les chrétiens pourraient réaliser le Royaume de Dieu sur cette terre[301].

Politique et religion dansLa Cité de Dieu

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Selon Peter J. Burnell, l'interprétation politique dominante en 1992 de la pensée d’Augustin est la suivante :

« […] Comme les institutions civiles sont une réponse nécessaire au péché, elles ne sont pas quelque chose de pleinement naturel. De sorte que la société civile est théologiquement neutre et sert des fins éphémères. Elle constitue un espace d'indétermination entre la cité de Dieu et la cité de ce monde. L'État est intrinsèquement coercitif dans ses méthodes et implique la domination d'un être humain sur un autre, de sorte qu'il n'aurait jamais pu exister dans leJardin d'Eden. Une telle institution est regrettable, mais acceptable dans les circonstances présentes. Cela implique qu'il n'y a aucune part de la loi naturelle qui soit intrinsèquement politique; la politique est une matière technique qui n'engage pas notre humanité entière[n 21]. »

tableau représentant la chute de l’homme.
La Chute de l'homme parLucas Cranach, illustration duXVIe siècle.

Burnell se démarque de cette interprétation : selon lui, pour Augustin, il est naturel pour les êtres humains de s’engager en politique dans la mesure où ce n’est pas seulement l'âme mais aussi l'homme civil qui entre dans la cité de Dieu[302]. Par ailleurs, comme la qualité des institutions compte, l’important pour Augustin est que le gouvernement n’empêche pas les chrétiens de suivre leur foi :

« Quant à cette vie mortelle dont la durée est si rapide et le terme si prochain, qu'importe sous quelle puissance vive l'homme qui doit mourir, pourvu que les dépositaires de la puissance ne l'entraînent point à des actes d'injustice et d'impiété (La Cité de Dieu,p. 233). »

Enfin à la différence de Cicéron, Augustin place la préoccupation des actions honorables au-dessus de celle de l'État. Il s’ensuit, selon Burnell, que l'État ne saurait être une expression terrestre de la Cité de Dieu[303].

Louis Dumont, quant à lui, insiste sur le fait que, par rapport aux autres philosophes de l'Antiquité, Augustin restreint la portée des lois de la nature et étend le champ de la providence et de la volonté de Dieu. Il en découle une plus faible portée donnée à la cité, à la république, et un plus grand rôle donné à l'Église[304].

Influence sur la théologie occidentale

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Article détaillé :Influence d'Augustin sur le monde occidental.

Augustin a exercé une très forte influence sur la théologie occidentale jusqu'à l'arrivée duthomisme auXIIIe siècle. Après cette date, son influence décline dans le catholicisme mais reste forte principalement auprès des protestants et des jansénistes.

Augustin et le passage de la culture antique au Moyen Âge

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Articles connexes :Antiquité etMoyen Âge.
Photo montrant une vue aérienne d’un monastère.
Abbaye de Lérins vue depuis la forteresse.

Au Moyen Âge, deux civilisations chrétiennes dont l'aire d'influence recouvre celle de deux grandes langues — le latin et le grec — et de leurs dérivés, se partagent l'Europe, une séparation linguistique qui débute dès leBas-Empire. Augustin, un maître de la langue latine et qui ne lit pas couramment le grec[305], est donc le Père de l'Occident, tout commeOrigène l’est pour le christianisme oriental (grec, et russe en particulier)[306].

Du vivant même d'Augustin, son œuvre circule à travers un réseau de disciples telsPaulin de Nole ouProsper d'Aquitaine, un des secrétaires du papeLéonIer. À sa mort, ses disciples luttent contre lesemi-pélagianisme deJean Cassien qui sera condamné en 529[307]. Après lui, à l'exception deGrégoire le Grand, il n'y aura plus de personnalité intellectuelle de sa stature.Isidore de Séville voit en lui le premier de tous lesPères de l'Église, tandis que l'œuvre deCésaire d'Arles est profondément marquée par Augustin d'Hippone[308]. AvecAmbroise de Milan,Jérôme de Stridon etGrégoire le Grand, Augustin figure au nombre des Pères de l'Église latine auxquels le papeBoniface VIII confère en 1295 le titre honorifique de « docteurs de l'Église » latine[309].

Larègle de saint Augustin régit encore actuellement de nombreux ordres ou congrégations religieuses et constitue un des deux grands courants monachiques de l'Occident, avec celui inspiré parJean Cassien. S'il subsiste des doutes sur le rédacteur originel de la règle de Saint Augustin, l'inspiration augustinienne est indéniable[n 22].

Augustin et le christianisme jusqu'à la Renaissance duXIIe siècle

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Articles détaillés :Moyen Âge etRenaissance duXIIe siècle.
tableau représentant un homme.
Jean Scot Érigène, Paris, Bibliothèque nationale, Lat. 6734.

Durant cette période, Augustin vient juste après les apôtres dans l'Occident chrétien. Son ouvrageLa Cité de Dieu, qui n'est pas toujours bien compris, sert de creuset à l'ordre politique et social qui se met en place. Son aura est telle durant cette période que toute œuvre anonyme de qualité lui est attribuée par les copistes, de sorte que son œuvre déjà volumineuse s'accroît encore. Par exemple, on lui attribue lesMéditations dont on découvrira plus tard qu'elles sont l'œuvre deJean de Fécamp[310].

Boèce (480-526) reprend des thèmes augustiniens en leur donnant un tour plus technique, plus fondé sur la logique aristotélicienne qui sous-tend la tradition platonique deProclus (410-485) et d'Ammonios. Plus tard, lePeriphyseon, appelé aussiDe divisione nature, et leDe prædestione deJean Scot Érigène (810-870), sont également marqués par la pensée d'Augustin[311].

Saint Augustin remettant la Règle de son ordre. Bibliothèque du Patrimoine Clermont Auvergne Métropole, MS 158 f. 1,en ligne surOvernia.

Au milieu duXIe siècle, Augustin inspire non seulementAnselme de Cantorbéry etAbélard mais aussi leurs adversaires :Pierre Damien etBernard de Clairvaux. Toutefois, selonHenri-Irénée Marrou, c'est l'école de l'abbaye de Saint-Victor autour deGuillaume de Champeaux qui auXIIe siècle s'est la plus« intimement inspirée de l'augustinisme ». Si des communautés de chanoines réguliers continuent de suivre la règle d'Augustin — qui inspire auXIIIe siècle la règle desdominicains —, la règle bénédictine deBenoît d'Aniane et deBernard de Clairvaux s'impose dans les monastères[310].

Durant la période suivante, la pensée d'Augustin demeurera très présente grâce auLivres des sentences dePierre Lombard (1095-1160), qui servent de base à l'apprentissage de la théologie jusqu'à la fin duXIIIe siècle[312].

Photo représentant un moine.
Moine de la famille franciscaine. AuxXIIIe et XIVe siècles, lesfranciscains sont plus marqués par Augustin que lesdominicains, proches de l'aristotélicianisme et du thomisme.

Déclin de l'influence d'Augustin face à Aristote et au thomisme

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Articles détaillés :Bonaventure de Bagnoregio,Thomas d'Aquin,Jean Duns Scot etAugustinisme.

Jusqu'à la fin duXIIe siècle, l'Occident n'a accès qu'au corpus logique d'Aristote. Après cette date, l'œuvre entière devient accessible aux lettrés occidentaux grâce à des traductions réalisées à partir de l'arabe et du grec. Les conséquences en sont doubles : les belles-lettres — un des points forts d'Augustin — reculent au bénéfice de la philosophie pure ; la pensée d'Augustin, qui jusque-là a régné en maître, décline etAristote devient« le Philosophe » tandis que le platonisme et le néoplatonisme qui ont tant imprégné la pensée d'Augustin perdent de leur influence[313].

L'œuvre deThomas d'Aquin, très marquée par la pensée d'Aristote, tend à devenir la référence du christianisme occidental. L'opposition est réelle mais doit être nuancée. En effet, selonHenri-Irénée Marrou, Thomas d'Aquin incorpore dans son« aristotélicisme systématique et en quelque sorte radical […] des pans entiers d'augustinisme », combattant surtout un« augustinismeavicenisant » et un« aristotélismeaverroïste »[314].

Quoi qu'il en soit, de vives controverses opposent augustiniens et thomistes auXIIIe siècle. Du côté thomiste, on trouve lesdominicains, tandis que le côté augustinien regroupe lesfranciscains autour deBonaventure et deJean Duns Scot ainsi que lesgrands augustins autour deGilles de Rome et deGrégoire de Rimini[315]. C'est la controverse de laCorrectia, qui met au jour au moins deux points de divergence notables entre les camps opposés. Les franciscains acceptent avec des aménagements les« enseignements d'Augustin concernant l'illumination divine, le pouvoir de l'âme et la raison séminale »[n 23] ainsi que sonvolontarisme, que les thomistes récusent[316]. Par « illumination », les franciscains entendent que l'esprit humain a besoin de la présence de règles et de raisons divines. Par l'idée de raison séminale qui vient dustoïcisme, ils soulignent que« Augustin enseigne que Dieu a infusé dans la matière, au moment de la création, des normes intelligibles qui peuvent être actualisées »[n 24], tout comme une semence permet de produire une nouvelle plante. Sur la question du volontarisme, pour W.F. Stone, il n'y a pas entre les protagonistes de véritable différence concernant la psychologie morale, mais des divergences sur l'importance du volontarisme (Stone 2001,p. 258).

Augustin et les mouvements chrétiens réformateurs (protestantisme et jansénisme desXVIe au XVIIe siècle)

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Durant cette période, Augustin est surtout influent dans les mouvements réformateurs — que Rome n'hésite pas à qualifier d'hérétiques. Ce fait est dû en partie à la montée en puissance du thomisme et de l'aristotélisme. Mais pourJean Delumeau, cela tient aussi aux grandes difficultés de l'époque — guerre de Cent Ans,peste noire,Grand Schisme, menace turque, etc. — qui créent en Europe une mauvaise conscience et un sentiment que« seul le péché pouvait expliquer tous ces malheurs »[317]. Ce besoin peut expliquer le succès ducalvinisme et duluthéranisme qui, comme Augustin, ont une vision de l'Homme réaliste, voire sombre ou pessimiste. PourJean Delumeau, ce trait fait que leshumanistes — Nicolas de Cues,Marsile Ficin,Jean Pic de la Mirandole,Thomas More, etc. — qui ont une conception assez optimiste de l'homme et qui n'insistent pas sur la notion du péché, satisfont moins bien aux besoins de renouveau de l'époque[318].

Augustin et le protestantisme

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Article détaillé :protestantisme.

La publication de la première édition critique de l'œuvre d'Augustin parJohann Amerbach en 1506 permet aux réformés d'avoir un accès direct à sa pensée. Toutefois son influence réelle est discutée ; W.F. Stone estime que s'ils font grand cas des théories d'Augustin sur l'élection et la réprobation ainsi que sur la justification et la volonté,« les éléments les plus positifs de son anthropologie et de sa théorie de la grâce sont négligés ou sous-estimés »[319].

Martin Luther
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Tableau représentant le portrait d’un homme.
Martin Luther parLucas Cranach l'Ancien (1633).
Article détaillé :Martin Luther.

Luther, lui-même moineaugustinien au début de sa carrière, est influencé à la fois par le travail deJohann von Staupitz, un néo-augustinien, et par Augustin lui-même. Dans ses commentaires bibliques, Luther fait référence 270 fois à l'œuvre d'Augustin[320]. Toutefois, si Luther s'inspire d'Augustin, il apporte également sa propre touche. La proximité des deux hommes est particulièrement notable dans la théorie de lagrâce. Pour Luther, si la grâce peut être accordée à tous ceux qui ont la foi, l'Homme n'est pas relevé de ses péchés, mais ceux-ci ne sont plus portés à son passif[321].

Autre point de convergence : la question de l'Homme intérieur. Sur ce point, à partir de 1520-1521, Luther, dansDe la liberté du chrétien, se rapproche, avec des nuances, de la pensée d'Augustin. Pour Augustin, l'Homme intérieur est créé à la fois à l'image et à la ressemblance de Dieu, tandis que l'Homme extérieur — le corps —,« possède une excellence et une prédisposition à la contemplation qui en font aussi, en un certain sens, une image de Dieu ». Pour Luther, une ascèse prudente permet à l'Homme extérieur de se régler sur l'Homme intérieur qui est« créé par Dieu »[322].

Enfin, Luther reprend l'opposition d'Augustin entre Cité de Dieu et Cité des hommes en la centrant sur la primauté du Christ. C'est ainsi qu'il distingue un Royaume de Dieu,« celui de la grâce, de la foi, de l'amour, de la parole de Dieu, des préceptes évangéliques », du royaume du monde,« celui du glaive temporel, de la loi, du décalogue »[323] : si les vrais chrétiens qui appartiennent au Royaume de Dieu n'ont pas besoin de lois parce qu'ils sont gouvernés par l'esprit, les autres, ceux du monde, doivent être encadrés par le droit ; de sorte que par ce biais Luther pose les principes de la légitimité du pouvoir temporel[324].

Jean Calvin
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Tableau représentant le portrait d’un homme.
Portrait de Jean Calvin.
Article détaillé :Jean Calvin.

Jean Calvin est lui aussi profondément imprégné de l'œuvre d'Augustin, notammentLa Cité de Dieu qu'il a étudié de à[325]. Dans son ouvrage majeur, l’Institution de la religion chrétienne, il cite 1 700 fois Augustin et y fait référence sans le citer 2 400 autres fois[326]. D'une façon générale, Augustin a une quadruple influence sur Calvin. Il est d’abord l'auteur qui l'a conduit vers la Réforme. Dans ce cheminement, Luchesius Smits insiste sur l'influence qu’a eue sur lui le livre d'Augustin intituléDe la lettre et de l'esprit (De spiritu et littera). Comme Augustin, Calvin perçoit le sacrement comme étant une« parole visible ». Il n'a pas une efficacité en lui-même, il est seulement« l'instrument de Dieu autorisant une communion spirituelle »[325].

Enfin, le théologien de Genève reprend à Augustin sa démarche exclusiviste voulant que les hérésies doivent être combattues.Denis Crouzet note que pour Calvin« Dieu a donné le glaive aux magistrats pour défendre la vérité de Dieu quand besoin sera, punissant les hérétiques qui la renversent »[325]. Calvin s'inspire aussi d'Augustin pour tout ce qui touche à la loi, la pénitence, le mérite et la prédestination, notions qui chez Augustin font système. Toutefois, Calvin développe une théorie de la grâce plus dure qu'Augustin en oubliant les possibilités de régénération présentes dans la pensée de l'évêque d'Hippone. Pour Luchesius Smits, cette différence d'appréciation tiendrait au fait que chez Augustin l'amour est positif — action vers — alors que chez Calvin il est passif, il est« condescendance de Dieu à notre égard »[326].

Les catholicismes augustiniens auXVIIe siècle

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Articles détaillés :Jansénisme etÉcole française de spiritualité.
tableau représentant Jean Duvergier de Hauranne.
Jean-Ambroise Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, parPhilippe de Champaigne.
L'École française de spiritualité
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Au début duXVIIe siècle, l'École française de spiritualité, essentiellement représentée par laSociété de l'oratoire de Jésus fondée en1611 par le cardinalPierre de Bérulle, un proche deSaint-Cyran, cherche à mettre en pratique la théologie augustinienne, sans toutefois se focaliser sur le problème de la grâce comme le feront plus tard les jansénistes. Il s'agit, par l'adoration duChrist sauveur, d'amener les âmes à un état d'humilité devant Dieu[327].

Le jansénisme
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Lejansénisme, à travers l’œuvre deSaint-Cyran, un de ses grands théologiens, reprend à l’augustinisme la nécessité pour le chrétien d'une véritable « conversion intérieure », seul moyen d'être en état de recevoir lessacrements depénitence et d'Eucharistie. Cette idée de conversion inspirée de saint Augustin repose sur la technique des« renouvellements », où, une fois l'état de conversion atteint, le pénitent doit faire fructifier les grâces qu'il a reçues, en menant une vie retirée[328]. Au contraire,Richelieu et les jésuites soutiennent la thèse de l'attrition : pour eux, seul suffit le« regret des péchés fondé sur la seule crainte de l'enfer »[329].

De son côté,Jansenius dans son ouvrage théologique l'Augustinus met l'accent sur la théorie augustinienne de la grâce et de la prédestination[330].Jansenius,Saint-Cyran etAntoine Arnauld, qui défend l'Augustinus, sont les véritables introducteurs et propagateurs du jansénisme en France[329].

Le néo-thomisme et la pensée d’Augustin

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Articles détaillés :Néothomisme etPremier concile œcuménique du Vatican.

AuxXVIIIe et XIXe siècles, avec des auteurs tels queHyacinthe-Sigismond Gerdil (1718-1855),Vincenzo Gioberti (1801-1852) etAntonio Rosmini (1797-1855), se développe un« augustinisme ontologique qui se nourrit d’une lecture malebranchiste d’Augustin »[331]. En condamnant l’idéalisme et l’ontologisme, leconcileVaticanI metde facto cet augustinisme à l’index, tandis qu’il fait du néo-thomisme la pensée officielle de l’Église. Ce concile est suivi de ce queGoulven Madec appelle laBelle Époque dunéoscholastisme où la pensée d’Augustin est examinée par l’orthodoxie de l’Église non en elle-même mais en référence à celle deThomas d'Aquin considérée comme « norme » intangible. La prééminence donnée à saint Thomas par rapport à saint Augustin tient à ce que les valeurs humaines qu’il développe semblent plus en phase avec une Église catholique qui veut dialoguer avec le monde — terme dePaulVI —, que celles défendues par Augustin d’Hippone, dont le tempérament religieux semble bien résumé par le verset« Cherchez le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné de surcroît » de l’Évangile selon Matthieu[286]. Les années 1920 et 1930 voient se développer des controverses entre les tenants d’Augustin regroupés en France autour de Fulbert Cayré (1884-1971), le fondateur de l’Institut d’études augustiniennes, et les néo-thomistes telsÉtienne Gilson, auteur d’une introduction à la pensée d’Augustin[332].

Ladisputatio entre augustiniens et néo-thomistes

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Sceau.
Sceau de l’Institut pontifical d'études médiévales fondé à Toronto parÉtienne Gilson.

En 1918,Prosper Alfaric publie un livre intituléL’évolution intellectuelle de Saint Augustin,I - Du manichéisme au néoplatonisme où il affirme concernant Augustin :« [m]oralement comme intellectuellement, c’est au néoplatonisme qu’il s’est converti plutôt qu’à l'Évangile », un jugement qui marquera l’époque. Ce livre est suivi en 1920 par celui de Charles Boyer intituléChristianisme et néoplatonisme dans la formation de Saint Augustin. En 1938, Paul Henry (1906-1984) cherche dans un livre de 1938 intituléLa vision d’Ostie dans l’œuvre de Saint Augustin à préciser la place du néoplatonisme chez Augustin[333]. Dans son ouvrage de référenceIntroduction à la pensée d’Augustin dont la première édition paraît en 1929,Étienne Gilson fait d’Augustin un néoplatonicien proche des idées dePlotin et soutient que« Saint Augustin a cru pouvoir donner à la doctrine de Plotin un sens chrétien sans lui faire subir les remaniements internes rendus nécessaires du fait qu’il y introduisait l’idée de création ». En fait des recherches ultérieures montreront que l’évêque d’Hippone est surtout influencé par un autre néoplatonicien,Porphyre de Tyr[334],[335],[336].

Dans les années 1920 et 1930, les auteurs se passionnent sur les rapports entreThomas d'Aquin et Augustin. En 1921, Boyer développe dans son livreL’Idée de vérité dans la philosophie de Saint Augustin, une lecture thomiste de l’évêque d’Hippone. En 1927, Fulber Cayré publieLa contemplation augustinienne. Principe de la spiritualité de Saint Augustin où il tente de montrer une certaine proximité entre l’exemplarisme d’Augustin (un concept mis en lumière en 1916 par l’universitaire allemand Johannes Hessen) et la théorie de la connaissance de Thomas d’Aquin, une thèse qui n’emporte pas la conviction d’Étienne Gilson[337]. La parution en 1943 de la deuxième édition du livreIntroduction à la pensée d’Augustin de Gilson va provoquer unedisputatio entre lui et Fulbert Cayré portant sur deux points principaux : premier point, pour Cayré, il est possible de soutenir qu’une synthèse philosophique augustinienne est possible, ce que récuse Gilson ; le second point porte sur la question de la hiérarchie à établir entre Thomas et Augustin que Lagouanère résume ainsi :« Le thomisme a-t-il épuisé l’augustinisme au point de vue proprement philosophique au point qu’il ait rendu caduque toute tentative de philosophie proprement augustinienne »[338].

PourGoulven Madec, qui a succédé à Cayré à la tête de l’Institut d’études augustiniennes, Gilson commet une erreur de méthodologie en mettant sur le même pied le rapport de saint Thomas àAristote et celui d’Augustin àPlotin. Par ailleurs il y a une différence d’approche fondamentale entre celle d’Augustin qui vise à« expliciter le contenu du dogme […] en utilisant des schèmes de pensée de son temps » et celle de Gilson qui veut qu’il ait« mené un débat scolastique entre le donné révélé et la raison ». Enfin pour Lagouanère, il n’y a pas chez Augustin comme on le trouve chez Gilson et dans le néothomisme« [u]ne articulation entre une philosophie et une théologie chrétienne », il y a au contraire une dialectique d’origine cicéronienne que l’on trouve notamment dans leDe ordine entre« auctoritas de la foi et les prétentions légitimes de la raison »[339].

Les enjeux de la notion d’augustinisme politique

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Article détaillé :Augustinisme politique.
Manuscrit enluminé.
La Cité de Dieu. Début d'un manuscrit en français du début duXVe siècle conservé à labibliothèque royale desPays-Bas.

L'expression a été forgée auXXe siècle parHenri-Xavier Arquillière dans un ouvrage intituléAugustinisme politique. Il s'agit pour Arquillière de s'opposer au philosophe allemand protestantErnst Bernheim (1850-1942), pour qui Augustin est un penseur de la théocratie[340]. Selon cette thèse, laCité de Dieu aurait servi à« justifier la primauté pontificale deGrégoireVII àBonifaceVIII » car l'augustinisme en général consisterait en une tendance« à fusionner l'ordre naturel et l'ordre surnaturel, à absorber le premier dans le second »[341]. AuXVIIe siècle, Bossuet avait déjà énoncé ces mêmes thèses en faveur de l'absolutisme royal. Pour l’évêque Arquillière, à la différence de la thèse de Bernheim, l’influence d’Augustin sur la pensée théocratique n’est qu’indirecte en ce sens qu’elle résulte d’un état d’esprit que sa pensée aurait permis de créer. Dit avec les mots d’Arquillière, elle ne traduit pas l’influence d’Augustin« comme le grand évêque aurait voulu qu’elle s’exerce » mais comme fait elle s’est réalisée de fait[340]. Aussi, sous le vocable d'augustinisme, on ne cherche pas à trouver ce qui pourrait être l'essence de la pensée d'Augustin, mais on y classe tous les développements auxquels la pensée d'Augustin a donné lieu en y incluant« les véritables contresens et caricatures que chaque époque a commis en relisant Augustin »[342]. En effet, chez Augustin, les deux cités ne sont pas l'Église temporelle et le pouvoir des États car, comme le noteÉtienne Gilson, elles« recrutent leurs citoyens par la seule loi de la prédestination divine. Tous les hommes font partie de l'une ou de l'autre, parce qu'ils sont prédestinés à la béatitude avec Dieu, ou à la misère avec le démon »[343].

En fait, à travers la notion d'augustinisme politique, Arquillière cherche surtout à placer toute la prétention théocratique de l’Église catholique dans un passé révolu allant duVIIe siècle auXIVe siècle à un moment où l’Église, aprèsVaticanI, se cherche un nouveau rôle plus axé sur la spiritualité. La pensée d'Arquillière s’inscrit dans une perspective néo-thomiste soutenue par le concile précité où l’opposition thomisme-augustinisme structure l’approche du monde médiéval. Pour Blaise Dufal[340] :

« L’augustinisme politique, relevant d’une vision thomaso-centriste de la théologie, peut être considéré comme une manière de contourner les problèmes de la théorie politique de saint Thomas. En effet, la tendance à unifier les deux hiérarchies, spirituelle et temporelle, attribuée à l’augustinisme politique, se retrouve chez Thomas d’Aquin alors qu’elle apparaît en contradiction avec la pensée aristotélicienne. Il s'agit de rejeter sur l'évêque d'Hippone les ambiguïtés et les confusions que les commentateurs modernes ont entrevues chez le « docteur angélique ». »

Influence au début duXXIe siècle

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Augustin, Nietzsche et le nihilisme postmoderne

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Articles détaillés :nihilisme,philosophie postmoderne etpostmodernité.

Selon Gavin Hyman[344], tant Augustin que Nietzsche ont étudié la notion de« nihil » (rien), une question qui a après avoir déjà hanté les prémodernes hante de nos jours les philosophes et théologiens postmodernes. Fait plus marquant encore : chez les deux hommes, les questions de Dieu et du« nihil » sont étroitement liées[345]. Si chez Augustin le rien paraît théologiquement domestiqué, il est malgré tout présent dans beaucoup de ses textes[345]. Cela fait dire à Hyman[346] que chez l'évêque d'Hippone

« loin d'être vaincu, éradiqué ou banni, le« nihil » est surmonté seulement aussi longtemps que Dieu poursuit son activité conservatrice. Dieu ne peut pas laisser les créatures à leur sort car dans ce cas, le« nihil » spontanément et immédiatement s'affirmerait à nouveau »[n 25].

Si aussi bien dans le nihilisme postmoderne que chez les philosophes postmodernes d'Europe continentale la référence à Nietzsche est très présente, celle d'Augustin est également présente chez les théologiens postmodernes[347].

Sur le christianisme

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À la fin duXXe siècle et au début duXXIe siècle, le christianisme semble s'intéresser de nouveau à Augustin, comme en témoignent deux écrits deBenoîtXVI[348],[349], ainsi que l'intérêt que lui portent des philosophes commeAlain de Libera etJean-Luc Marion, qui mènent une réflexion sur sa théologie dans le cadre d'une sortie de lamétaphysique[350].

Influence sur la philosophie

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Après leXVIIIe siècle, la théologie d'Augustin perd de son influence, mais sa philosophie demeure appréciée.

Augustin, Descartes, Malebranche et Leibniz

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Descartes

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Tableau représentant le portrait d’un homme.
LeJe pense donc je suis deRené Descartes a des résonances augustiniennes.

Augustin est le tout premier philosophe occidental à fonder sa pensée sur le « Je », il est à ce titre un précurseur de Descartes qui bâtira sa philosophie sur leCogito ergo sum (je pense donc je suis). Pour les deux hommes, l'esprit est« une chose qui doute, comprend, affirme, dénie, veut, ne veut pas, qui imagine, qui a des perceptions sensorielles »[351].

Toutefois une différence de taille les sépare : pour Augustin, vivre est une fonction de l'esprit, mais pas pour Descartes. Il s’ensuit que, quand Augustin se pose la question « comment sais-je que je ne rêve pas ? », il ne la traite que de façon rhétorique pour contredire lessceptiques, sans envisager réellement la possibilité du rêve. Au contraire, Descartes, qui veut reconstruire le savoir, se pose la question de savoir s'il existe un monde physique indépendant de l'esprit[352].

Pour Stephen Menn, lelivreIV desMéditations de Descartes peut être vu comme unethéodicée augustinienne fondée sur l'erreur de jugement[353]. Descartes reprend notamment l’« interdit augustinien » selon lequel on ne saurait « trouver une raison » des actes de Dieu[354].

Malebranche

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Nicolas Malebranche reconnaît l'influence d'Augustin non seulement sur sa pensée mais également sur son intention« de proposer une nouvelle philosophie des idées »[355]. Mais Malebranche revendique une divergence :« cependant nous ne proclamons pas, comme le fait saint Augustin, que nous voyons Dieu en voyant les vérités, mais en voyant les idées de ces vérités »[356]. Alors qu'Augustin ne se soucie pas du monde humain ni des corps corruptibles, Malebranche veut s'occuper du monde ici-bas à travers les essences de ces éléments qu'il voit comme éternelles, immuables et nécessaires. Il ajoute ainsi à la doctrine de l'illumination d'Augustin une seconde dimension :« une théorie de notre connaissance de la nature (pas de son existence), du monde matériel qui nous entoure »[357].

Leibniz

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Tableau portrait d’un homme.
Gottfried Wilhelm Leibniz est l'auteur d'unethéodicée d'inspiration augustinienne : laMonadologie.

Le philosophe allemandLeibniz reprend les trois idées clés de la réponse d'Augustin au problème du mal[358] :

  1. « le mal est une privation, un manque, un « rien » » ;
  2. « le mal naturel, bien qu'horrible en lui-même, fait partie d'un ordre, qui comme tout ordre est merveilleux » ;
  3. « le mal moral est le résultat du libre-arbitre, sans lequel il n'y aurait pas de bien moral ».

PourGareth Matthews, Leibniz est beaucoup plus« élégant » qu'Augustin dans la distinction qu'il pose entre nécessité hypothétique et nécessité absolue. L'idée est que Dieu a tout prévu, même ce qui ne se produit pas, de sorte qu'il faut distinguer ce qui est possible (nécessité hypothétique, par exemple quand quelqu'un dit qu'il écrira demain) et la nécessité absolue qui ne dépend pas du libre choix[359].

Leibniz s’écarte d’Augustin d’Hippone sur un point central, le refus de « l’interdit augustinien » que Descartes acceptait, avec pour conséquence que Dieu aurait pu créer un autre monde. Cette dernière hypothèse est intolérable pour Leibniz, selon qui Dieu a créé le meilleur des mondes possibles. Par ailleurs, pour lui, « la racine du mal est dans la finitude » et non dans l’orgueil de l’homme[360].

La phénoménologie

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Photo d’Edmund Husserl.
PourHusserl, Augustin est un précurseur de laphénoménologie.

La méthode philosophique d'Augustin telle qu'elle se déploie en particulier dans lesConfessions exerce une influence persistante tout au long duXXe siècle sur laphilosophie continentale, notamment dans la façon dont l'intentionnalité, la mémoire et le langage sont éprouvés à l'intérieur de la conscience du temps. En ce sens, Augustin a inspiré les points clés de laphénoménologie et de l'herméneutique[361].Husserl écrit à ce sujet :

« L'analyse de la conscience du temps est un vieux nœud classique de la psychologie descriptive et de la théorie de la connaissance. Le premier penseur à avoir été extrêmement sensible à ces immenses difficultés est Augustin, qui a travaillé quasi désespérément à ce problème[362]. »

Martin Heidegger se réfère à plusieurs reprises à la philosophie descriptive d'Augustin dans son livreÊtre et Temps. Par exemple, le thème du « comment-être-dans-le-monde » est exposé ainsi :« La nature particulière, alternative, du voir, a été remarquée notamment par Augustin, dans le cadre de son interprétation de la concupiscence. » Heidegger cite ensuite lesConfessions :« Voir est l'attribut des yeux, mais nous utilisons même ce mot « voir » dans d'autres sens quand nous parlons de la connaissance […] Nous ne disons pas seulementvoir comment ceci brille […] nous disons mêmevoir comment cela sonne »[363].

Hannah Arendt

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Photo d’une femme âgée.
Hannah Arendt en 1975.

Hannah Arendt a consacré sa thèse auconcept d'amour chez Augustin (1929). Dans cet ouvrage,« la jeune Arendt veut montrer que le fondement de la vie sociale chez Augustin peut être compris comme résidant dans un amour du prochain enraciné dans la compréhension de la commune origine de l'humanité »[364]. Il existe de profondes similitudes entre la conception du mal chez Augustin et celle d'Arendt :« Augustin ne voit pas le mal comme quelque chose de démoniaquement enchanteur mais plutôt comme l'absence du bien, comme quelque chose n'étant paradoxalement rien. Arendt […] envisage de même l'extrême mal qui a produit l'Holocauste comme simplement banal dans son livreEichmann à Jérusalem »[365].

Dans son livreLa Crise de la culture, Hannah Arendt voit en Augustin le seul philosophe que Rome n'ait jamais eu. Elle considère que le pivot de la philosophie augustinienne,« Sedes animi est in memoria (Le siège de l'esprit est dans la mémoire) », a permis au christianisme de répéter« la fondation de Rome […] dans la fondation de l'Église catholique » en reprenant sur un autre plan« la trinité romaine de la religion, de l'autorité et de la tradition »[366]. Pour elle, le fait de toucher à un des piliers de cette trinité affecte automatiquement les deux autres.Luther a commis l'erreur de penser que l'on pouvait toucher à l'autorité sans revoir les deux autres piliers.Hobbes a fait de même, mais en s'en prenant à la tradition. Quant auxhumanistes, ils ont commis l'erreur« de penser qu'il serait possible de demeurer à l'intérieur d'une tradition inentamée de la civilisation occidentale sans religion et sans autorité »[367].

D'une façon générale, Hannah Arendt considère qu'Augustin a permis à la pensée chrétienne de sortir de son antipolitisme des premiers temps. À cet égard, pour elle, ce qui est décisif, c'est l'idée de laCité de Dieu, car celle-ci implique l'existence d'une vie en communauté, et donc d'une sorte de politique dans l'au-delà[368].

Influence sur certains développements de la philosophie politique récente

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PourDeepak Lal, un économiste anglo-indien, les philosophes et les lumières auXVIIIe siècle ont transformé le Dieu chrétien en une chose abstraite, le grand horloger, et remplacé l'idée chrétienne de Paradis par celle de postérité, de« lendemains qui chantent ». AuXIXe siècle, après que Darwin a montré que Dieu était aveugle, Nietzsche a proclamé que Dieu était mort. Lal estime que les fondations morales de l'Occident sont en ruine[369]. Dans un texte qui s'adresse d’abord aux Indiens,Culture, Democracy and Development, il précise[369] :

« Mais la mort du dieu chrétien ne signe pas la fin des variations séculières sur le thème de laCité de Dieu d'Augustin. Lemarxisme, lefreudisme et le récent et bizarre éco-fondamentalisme sont des mutations séculières sur cette thématique augustinienne. Mais aucune d'elle n’a réussi à donner une assise morale à l'Occident[n 26]. »

Il reprend cette même argumentation dans un texte de 2002 intituléMorality and Capitalism : Learning from the past[370].

Toni Negri etMichael Hardt, dans leur livreEmpire, citent Augustin d'Hippone et ambitionnent de remplacer l'Empire non pas par une Cité de Dieu — il n'y a pas de transcendance chez eux — mais par« une cité universelle d'étrangers, vivant ensemble, coopérant, communicant »[371].

Influence culturelle

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La forte influence culturelle tant sur la religion que sur leXVIIe siècle français et sur la constitution du moi occidental a fait l’objet de vives critiques auXXe siècle.

Augustin et la constitution du« moi » occidental

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Tableau représentant deux hommes accompagnés de trois femmes et d'un chien dans la cour d’une maison.
Socrate rencontre Alcibiade dans la maison d'Aspasie, toile deJean-Léon Gérôme,1861.

Augustin est un des architectes de la pensée occidentale du« moi ». Certes,Platon avait déjà abordé ce thème dans l'Alcibiade, et les stoïciens ainsi que les néoplatoniciens avaient fait de même dans certains de leurs écrits ; du côté judéo-chrétien, on trouve des traces du« moi » dans leLivre des Psaumes, dans l'Évangile ainsi que dans les lettres dePaul. Pourtant, c'est Augustin qui, dans lesSoliloques et lesConfessions, lie ces divers éléments et leur donne une force et une cohérence qui dépassent ce qui existait auparavant[372].

Pour arriver au« moi », Augustin utilise le dialogue sur le mode de Platon. Mais, au dialogue extérieur entre personnes, il adjoint le dialogue intérieur, qu'il juge supérieur[373]. Dans la ligne de la philosophie grecque et de Socrate, Augustin estime que progresser dans la vie intérieure exige de la pratique.Pierre Hadot a particulièrement insisté sur le fait que la philosophie grecque n'était pas d'abord une technique mais surtout unexercice spirituel visant le perfectionnement du« soi ». Pour Augustin, l'exercice spirituel est lesoliloque, c'est-à-dire le dialogue avec soi-même[374].

Dans le christianisme, il y a une tension entre l'adhésion au Christ qui oblige à s'abandonner et l'exigence d'être davantage soi-même. À la différence des philosophes grecs pour lesquels l’homme peut s’améliorer de lui-même, pour les chrétiens, il doit se mettre à la suite du Christ, la conversion entraînant une rupture[375].

Brian Stock insiste sur trois traits fondamentaux de la pensée du« moi » chez Augustin : il veut prouver que le« moi » existe et réfuter les sceptiques ; il montre que le« moi » est étroitement lié à l’intention ; il insiste sur l'importance de la mémoire dans la constitution du« moi »[376].

Augustin et la littérature classique duXVIIe siècle

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LeXVIIe siècle débute quelques années après l'édition desŒuvres complètes d'Augustin par l'ancienne université de Louvain en 1577 et se clôt sur une autre édition complète, celle desbénédictins de Saint-Maur (en 1679-1700). Entre ces deux dates, les œuvres d'Augustin sont également traduites par des gens de lettres souvent membres de l'Académie française, telsGuillaume Colletet, traducteur deLa doctrine chrétienne (1636),Louis Giry, traducteur deLa Cité de Dieu (1665-1667) ou encore Philippe Goibaud du Bois, traducteur notamment desLettres (1684) et desSermons (1694). Ces hommes admirent le lyrisme et la qualité poétique de l'œuvre d'Augustin[377].

Toutefois, l'influence d'Augustin sur leXVIIe siècle français est restée longtemps inaperçue, jusqu'à la parution, notamment, de l'ouvrage dePierre CourcelleLes « Confessions » de saint Augustin dans la tradition littéraire (1963), suivi dePascal et Saint Augustin (1970) et deLa Rochefoucauld, Pascal et Saint Augustin de Jean Lafond. En 1982, la revue de laSociété d'étude duXVIIe siècle a consacré un numéro spécial à ce qu'elle appelle« [l]e siècle de Saint Augustin »[378].

Tableau représentant quatre personnages.
Lareine de Suède en conversation avecRené Descartes. La reine Christine a écrit une autobiographie à la façon de saint Augustin.

L'influence d'Augustin sur la littérature s'est fait sentir à plusieurs niveaux. Par son livreDoctrine chrétienne, Augustin a marqué profondément les grands prédicateurs du siècle deLouisXIV telBossuet, même si les influences deCicéron et deSénèque sont également perceptibles[379]. Dans la littérature profane, la pensée de Platon reprise par Augustin, faite d'hostilité à la fiction, a produit deux effets principaux : d'une part, elle conduit les augustiniens les plus durs, les jansénistes de Port-Royal, à critiquerPierre Corneille et à rejeter le théâtre et le roman ; d'autre part, de façon plus positive, elle pousse le classicisme français à exiger de l'art littéraire« le vrai, et un vrai-qui-est-bon, qui élève l'âme »[380]. Il s'agit ici de répondre à l'injonction d'Augustin dansDe Doctrina christina,IV, 28, selon laquelle l'être humain doit se rendre capable de faire face aux réalités[381].

PourPhilippe Sellier, la pensée d'Augustin irradie sept grands thèmes qu'on trouve fréquemment chez les écrivains classiques. Elle marque cinq d'entre eux de façon assez sombre tandis qu'elle éclaire et illumine les deux autres. Parmi les thèmes sombres, il y a d'abord ce queJean Rousset a qualifié d'« inconstance noire », c'est-à-dire le thème de l'instabilité du monde, qui s'inspire du poème en prose d'Augustin sur le psaume 136, intituléSur les fleuves de Babylone. Sur ce thème, Pascal, opposant Babylone et Sion, écrit :« Les fleuves de Babylone coulent et tombent, et entraînent / Ô saint Sion, où tout est stable, et où rien ne tombe ! »[382]. En deuxième lieu, le thème de la« démolition du héros » provient de la défiance d'Augustin envers les vertus héroïques de Rome[383]. Associé au précédent et également présent dansLa Cité de Dieu, un troisième thème souligne que la vertu peut n'être qu'un vice déguisé, comme on le voit dans les comédies deMolière[384]. La sombre vision qu'a Augustin de la nature humaine se manifeste aussi dans un quatrième thème qui est son regard désabusé sur le fonctionnement de la vie politique, un jugement qui se retrouve dans les œuvres politiques deThomas Hobbes et dePascal ainsi que chez les moralistesLa Rochefoucauld etPierre Nicole. Un cinquième thème est la façon dont Augustin réduit l'amour à la sensualité, thème que reprendrontPascal etBossuet. Au contraire, dansLa Princesse de Clèves,Madame de La Fayette laïcise l'amour qu'Augustin destine à Dieu[385]. Le siècle est aussi marqué par l'idée de retour sur soi — connais-toi toi-même — si forte chez Augustin, et en conséquence réfléchit beaucoup sur l'âme, tout comme il est imprégné par l'idée augustinienne d'un Dieu intérieur, qui« remplit l'âme et le cœur de ceux qu'il possède »[386].

Le mauvais génie de l'Occident ?

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En avant-propos de son livreLe Dieu d'Augustin,Goulven Madec répond àJacques Duquesne qui a repris des allégations souvent portées à l'encontre d'Augustin à la fin duXXe siècle et au début duXXIe siècle ; pour Madec, cette contestation de la pensée d'Augustin porte sur sept points principaux. Les deux premiers sont (1)« les frasques d'Augustin » et (2)« Augustin et les femmes »[387]. Par ailleurs, (3) les modernes reprochent à Augustin son mépris du monde. Mais pour Madec, Jésus dénonçait déjà« le prince de ce monde » dans l'Évangile de Jean[388]. De plus, (4)Jacques Duquesne reproche à Augustin d'être« le véritable inventeur du péché originel ». À quoi Madec répond que l'évêque d'Hippone a inventé la formule mais que l'idée était présente bien avant lui dans les textes évangéliques[389]. (5) Pour Augustin, le Christ est rédempteur, or l'idée du rachat dupéché originel paraît étrange à Duquesne et sur ce point, Madec constate que« la « rédemption » est, de nos jours, une métaphore éteinte, une « notion » ou un « concept » vidé de sens[390]. » (6) Le fait que, pour Augustin, les enfants non baptisés vont en enfer est jugé choquant ; pour Madec, Augustin interprète les textes en fonction de sensibilités différentes de celles des êtres humains occidentaux de la fin duXXe siècle à une époque où le« pluralisme théologique », c’est-à-dire l’acceptation de lectures diverses des écrits religieux, n’était pas couramment accepté. (7) Enfin, Augustin, contreOrigène et notre siècle, ne croit pas que tout le monde sera sauvé. C’est d’ailleurs en grande partie toute la problématique de lagrâce[391].

Influence sur l'individualisme moderne et le libéralisme

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Louis Dumont relève dans la philosophie politique d'Augustin plusieurs points qui annoncent l'individualisme moderne : d'une part, en plaçant la foi, c'est-à-dire« l'expérience religieuse, au fondement de la pensée rationnelle »[392], Augustin annonce l'ère moderne, que Dumont voit« comme un effort gigantesque pour réduire l'abîme initialement donné entre la raison et l'expérience »[393]. D'autre part, Augustin insiste sur l'égalité entre les hommes, avec des accents qui se retrouvent plus tard chezLocke[393].

Enfin, par rapport à Cicéron, on trouve chez Augustin une plus forte importance accordée à l'individualisme. Augustin insiste davantage sur le fait que la Cité, lares publica, l'État, est constitué d'individus et n'est pas un organisme. De même, sa conception de l'ordre et de la loi laisse une place plus importante à l'homme. Dumont note que lorsque Augustin écrit dans leContra Faustum :« La loi éternelle est la raison divine ou volonté de Dieu, qui commande de conserver l'ordre naturel et interdit de le troubler »[394], les mots« volonté » et« ordre naturel » signifient que les lois viennent certes de Dieu mais sont dans les mains des hommes[394].

Pour l'historien Somos, chez Augustin il existe un espace non politique individuel, espace qui a commencé à être sécularisé auxXIIe et XIIIe siècles[395]. Cet espace entre les sphères d’interactions d’individus autonomes et le politique officiel a été élargi parCalvin etMandeville quant à l’autre extrêmeThomas Hobbes etBodin l’ont politisé[396]. Quoi qu’il en soit, c’est dans cet espace queLocke place lasociété civile,Adam Smith lamain invisible,Montesquieu l’esprit des lois et plus près de nousJürgen Habermas, la sphère publique[396]. Cet espace entre une idéologie impériale (Reichstheologie) et un pur retrait du monde ouvre un espace où les penseurs libéraux peuvent « naviguer » et constitue un apport important à l’individualisme et au libéralisme. Mais pour Somos, les libéraux à la — différence d’Augustin — ne disposent pas d’un statut prophétique caché capable de faire contrepoids à leur attachement à une raison universelle et à leur goût du dialogue[397].

Relations avec le judaïsme

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Généralités

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Tableau représentant trois personnes.
Moïse et le buisson ardent, parDirk Bouts.
Article détaillé :Peuple témoin.

Aucune des œuvres de saint Augustin ne s'adresse directement aux Juifs, mais la discussion avec ces derniers est omniprésente dans ses ouvrages[n 27]. On peut d'ailleurs citer des textes où Augustin fait allusion à des rencontres de chrétiens avec des Juifs en Afrique romaine, où ceux-ci étaient nombreux, par exemple pour connaître le sens d'un mot hébreu[398].

L'image qu'Augustin s'est formée du judaïsme donne la vision traditionnelle du judaïsme en Occident, lathéologie de la substitution, selon laquelle le christianisme a remplacé lejudaïsme comme seule vraie religion. Augustin suivait en cela une doctrine déjà formulée notamment parJustin de Naplouse,Tertullien etJean Chrysostome[399]

Pour Augustin, l'enseignement contenu dans l'Ancien et le Nouveau Testament est identique (Novum in Vetere latet, Vetus in Novo patet)[400], mais le premier, écrit sur la pierre desTables de la Loi, est imposé du dehors, tandis que le second est implanté dans le for intérieur de l'Homme, inscrit dans son cœur[401]. C'est de cette théorie, qui insiste — à l'encontre desmanichéens — sur la continuité et la permanence, que naît la théologie de la nouvelle mission des Juifs : celle de rendre témoignage, par la garde de la Loi, aux prophéties qui se sont accomplies dans le Christ[402]

La pensée d’Augustin n’est pas inconnue des penseurs juifs du Moyen Âge. SelonBernhard Blumenkranz la doctrine augustinienne de l’Église se« laisse déceler dans la vision cabalistique de La Knesset Israel » tandis que l’évêque d’Hippone est cité par des penseurs juifs tels que Juda Romano (1292-1350),Isaac Abravanel (1437-1508) ou Hillel ben Samuel de Vérone[403]

La question du peuple déicide

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À la suite deJustin de Naplouse et deMéliton de Sardes, entre autres, Augustin considère les Juifs comme les« assassins du Christ », et donc de Dieu. C'est sous son influence et celle deJean Chrysostome que se propage la doctrine du « peuple déicide », doctrine qui n'est officiellement abandonnée par le catholicisme qu'après laShoah, lors duconcileVaticanII, quelque mille six cents ans plus tard[404]. Cette doctrine demeure intacte dans l'Église orthodoxe. Les accusations d'Augustin, récitées chaqueVendredi saint lors de la litanie desimpropères, furent historiquement l'un des plus puissants vecteurs de l'antijudaïsme et de l'antisémitisme[405].

Augustin écrit notamment dans sonCommentaire dupsaume 63 :

« Que les Juifs ne viennent pas dire : « Ce n'est pas nous qui avons mis le Christ à mort. » Car s'ils l'ont livré au tribunal de Pilate, c'est pour paraître innocents de sa mort. […] Mais pensaient-ils tromper le Juge souverain qui était Dieu ? Ce que Pilate a fait, dans la mesure où il l'a fait, l'a rendu pour une part leur complice. Mais si on le compare à eux, il est beaucoup moins coupable. […] Si c'est Pilate qui a prononcé la sentence et donné l'ordre de le crucifier, si c'est lui qui en quelque sorte l'a tué, vous aussi, Juifs, vous l'avez mis à mort. […] Lorsque vous avez crié : « En croix ! En croix ! »

Toutefois, ce « peuple déicide » ne doit pas être combattu, selon Augustin, car les Juifs sont à la fois les « témoins » de l'ancienne religion et l'objet d'une humiliation due à leur crime : par ladiaspora et la destruction duTemple de Jérusalem, événements quasiment contemporains de laCrucifixion, ils constituent la preuve vivante du châtiment divin. Ils n'ont donc pas à être tués puisque leur rabaissementtémoigne de ce crime[406].

« Si donc ce peuple n’a pas été détruit jusqu’à entière extinction, mais dispersé sur toute la surface de la terre, c’est pour nous être utile, en répandant les pages où les prophètes annoncent le bienfait que nous avons reçu, et qui sert à affermir lafoi chez les infidèles. […] Ils ne sont donc pas tués, en ce sens qu’ils n’ont pas oublié les Écritures qu’on lisait et qu’on entendait lire chez eux. Si en effet ils oubliaient tout à fait les saintes Écritures, qu’ils ne comprennent pas du reste, ils seraient mis à mort d’après le rite judaïque même ; parce que, ne connaissant plus la loi ni les prophètes, ils nous deviendraient inutiles. Ils n’ont donc pas été exterminés, mais dispersés ; afin que n’ayant pas la foi qui pourrait les sauver, ils nous fussent du moins utiles par leurs souvenirs. Nos ennemis par le cœur, ils sont par leurs livres, nos soutiens et nos témoins[407]. »

Par ailleurs, Augustin s'est vivement opposé àsaint Jérôme pour sa traduction en latin de l'ensemble de laBible, connue sous le nom de « Vulgate », car celui-ci avait coutume de demander conseil à desrabbins pour l'interprétation de certains termes duTanakh afin de rester le plus fidèle possible à la « vérité hébraïque », ce qu'Augustin lui reproche. Pour lui, en effet, le motrabbi veut dire maître, mais il n'y a pas d'autre maître que le Christ[408].

Augustin dans la culture et les arts

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Peintures et sculptures

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Au sein duchœur de labasilique Notre-Dame-des-Victoires de Paris, ancienne église des Augustins déchaussés, sont exposées six toiles monumentales deCharles André van Loo, constituant une série de fresques sur la vie de saint Augustin[409] :

  • L'Agonie de Saint Augustin, 1748.
  • La Translation des reliques de Saint Augustin, 1748.
  • La Dispute contre les Donatistes (Laconférence de Carthage), 1753.
  • Le Sacre de Saint Augustin, 1754.
  • Le Baptême de Saint Augustin, 1755.
  • La Prédication de Saint Augustin devant Valère, 1755.

Littérature et philosophie

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Jostein Gaarder a écrit une nouvelle philosophique,Vita Brevis (1996), qui se présente comme la traduction d'un manuscrit écrit par la concubine d'Augustin[410]. Augustin apparaît aussi dans le romanL'Archiviste de Dublin (The Dalkey Archive) deFlann O'Brien[411]. DansUn cantique pour Leibowitz, roman de science-fiction deWalter M. Miller, Jr., Augustin présente la première version d'une théorie de l'évolution[412].

Dans son romanDans l'ombre de la lumière (2013),Claude Pujade-Renaud brosse un portrait d'Augustin à travers les yeux et la plume de sa concubine, à laquelle elle donne le nom d'Elissa, et dont elle suppose qu'elle était la fille d'un ouvrier du port de Carthage[413].

Le Sermon sur la chute de Rome (prix Goncourt 2012), deJérôme Ferrari, fait référence à un sermon d'Augustin d'Hippone et insiste sur le fait que les hommes voient disparaître leurs idéaux, leurs mondes rêvés[414].

En philosophie,Albert Camus consacre un chapitre de son mémoire deDES de 1936[415] à une analyse de la pensée d'Augustin d'Hippone, intituléeMétaphysique chrétienne et Néoplatonisme[416].

Séries TV, théâtre

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Franco Nero a tenu le rôle d'Augustin dans la mini-série italienne due àChristian DuguayAugustine: The Decline of the Roman Empire en 2010[417], distribuée aux États-Unis sous le titreRestless Heart: The Confessions of Augustine en 2012[418]. Au théâtre,Gérard Depardieu a interprété en 2003 des extraits desConfessions[419].

Chansons, musique classique

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Bob Dylan a écrit et enregistré une chanson intitulée « I Dreamed I Saw St. Augustine » pour son8e album studioJohn Wesley Harding paru en décembre 1967[420]. Le chanteur popSting a écrit et enregistré la chansonSaint Augustine in Hell qui apparaît dans son4e album studioTen Summoner's Tales paru en mars 1993[421].

Pour St Augustin mourant H 419, pour 2 voix et basse continue est une histoire sacrée composée vers 1690 parMarc-Antoine Charpentier[422].

Pour St Augustin H 307, pour 2 voix et basse continue est un motet composé parMarc-Antoine Charpentier vers 1670[423].

Philatélie

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Un timbre à l'effigie de saint Augustin dessiné et gravé parAlbert Decaris est émis en 1954 enAlgérie pour célébrer le seizième centenaire de sa naissance[424].

Un timbre algérien d'unevaleur faciale de 5 DA représentant saint Augustin enfant d'après une statue trouvée à M'daourouch (Madaure) est émis en 2001[425].

L'œuvre

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Rue Saint-Augustin àLa Corogne,Galice, (Espagne).

La très prolifique et populaire œuvre de saint Augustin a survécu ausiège d'Hippone. À la fin de sa vie, Augustin en a relu l'essentiel et a exposé ce qu'il pensait de presque tous ses ouvrages dans un document paru en 427,Les Rétractations, demeurées inachevées. Il a classé ses traités mais n'a pu faire de même avec la correspondance. Cependant, son disciplePossidius, dans saVie d'Augustin, a rédigé en annexe unIndiculum recensant non seulement les traités d'Augustin mais également les sermons et les lettres, permettant de fixer le corpus à sa source[426]. Malgré tout, si l'on connait la plupart des écrits, le recensement des lettres et des sermons demeure aléatoire, ce qui a conduit à la découverte en 1975 et 1990 de nouvelles lettres et de nouveaux sermons[427],[428].

Ouvrages courts

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Les quatre premiers opus sont aussi connus sous le nom de dialogues de Cassaciacum[429]

Contre les Académiciens

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Cet ouvrage, comme les deux suivants, a été écrit pendant la retraite àCassiciacum qui précède son baptême. Dans ce livre, il s'en prend au scepticisme de laNouvelle Académie à partir de l’œuvre du stoïcienZénon de Kition. Pour Matthews, un des axes de la réfutation du scepticisme par Augustin repose sur le raisonnement suivant :« Une chose ne peut être connue que si elle ne semble pas fausse. À partir de ce critère, Augustin pose un dilemme aux sceptiques. Ou le critère de Zénon est reconnu comme vrai ou non. S'il est considéré vrai alors les sceptiques ont tort. S'il n'est pas vrai, alors les sceptiques ne nous ont pas fourni une base adéquate pour justifier leur scepticisme »[430]. Toutefois son argument principal est plus positif et repose sur l'idée d'une connaissance simple des choses à travers trois critères :« les vérités logiques (par exemple,« il y a un monde ou il n'y a en pas »), les vérités mathématiques (« trois fois trois égale neuf ») et les constantes de l'expérience immédiate (« ces goûts me plaisent ») (3.10.23-11.26) »[431].

La vie heureuse (De beata vita)

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Ce livre traite du lien entre la vérité et le bonheur humain et montre comment la philosophie peut nous amener au vrai bonheur. Chez Augustin, comme chezCicéron et Sénèque, qui a aussi écrit un livre intituléDe vita beata, le bonheur est apolitique, c'est-à-dire extérieur à lapolis[432].

De l'ordre

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Cet ouvrage, comme le précédent, s'intègre dans la partie de son œuvre écrite pendant la retraite qu'il fit avec quelques compagnons et sa mère àCassiciacum. Une des questions importantes de ce livre est de savoir s'il existe un ordre providentiel. Auprès de ses compagnons qui ne parviennent pas à traiter correctement ce point, il insiste sur les prérequis indispensables notamment en termes de métaphysique, et plus généralement sur la culture préalable nécessaire pour répondre à une telle question[433].

Soliloques dits du tome 1 ou de Cassaciacum

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« Je les écrivis selon mon goût et mon amour pour trouver la vérité sur les choses que je souhaitais le plus de connaître, m’interrogeant moi-même et me répondant, comme si nous fussions deux, la Raison et moi, quoique je fusse seul : de là le nom deSoliloques donné à cet ouvrage. (Rétractations). »

Dans la prière inaugurale desSoliloques, ouvrage également écrit àCassiciacum, il emploie cinquante-sept fois le termedeus (dieu) et montre déjà l'importance que revêt pour lui la grâce. Il écrit en effet :« Ordonne, je te prie, et commande tout ce que Tu veux ; mais guéris et ouvre mes oreilles, afin que j'entende ta voix »[434]. Les soliloques sont pour Augustin des dialogues intérieurs qui permettent de mieux se connaître et d'atteindre son moi intérieur[373].

Le Maître

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Le Maître commence par une réflexion sur le sens des mots qui n’est pas sans rappeler les interrogations de deux philosophes duXXe siècle,John Langshaw Austin etLudwig Wittgenstein. La question posée est celle de laconnaissance ostensive, c'est-à-dire de savoir si en montrant du doigt une chose on peut en saisir le sens véritable. La réponse pour Augustin est négative : la compréhension d'une chose ne vient pas de la voix qui nous explique ou du doigt qui pointe une chose mais d'une« vérité qui dirige l'esprit de l'intérieur » vérité qu'il identifie au Christ le Maître ; c'est la doctrine de l'illumination[435].

Tableau. Évêque sur un trône lisant un livre.
Isidore de Séville (560-636), un compilateur des œuvres antiques, peint parMurillo.

Du Libre arbitre

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Ce texte a été écrit en deux fois : en 387 pour lesLivresI etII, en 391 pour lesLivresII etIII. Ces différences de date sont importantes car entre-temps, sa pensée a évolué[216]. LelivreI se présente comme unethéodicée anti-manichéenne. Le mal est présent mais il n'est pas substantialisé et il ne trouve pas sa source dans l'activité divine. Dans ce livre, la volonté tient une place importante et c'est sur elle que repose la responsabilité humaine. Dans lelivreIII, il met l'accent sur l'ignorance des hommes et se demande s'il est possible de la surmonter. Certes, la volonté demeure importante et c'est sur elle que repose toujours la responsabilité des hommes, mais Dieu prend une place plus grande[216].

Pour Goulven Madec, ce livre« pourrait fort bien porter le titre de l'ouvrage deLeibniz :Essai dethéodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal »[436].Paul Ricœur porte un jugement extrêmement sévère sur cette partie de l'œuvre d'Augustin :« Ne faut-il pas dénoncer l'éternelle théodicée et son projet fou de justifier Dieu — alors que c'est lui qui nous justifie ? N'est-ce pas la ratiocination insensée des avocats de Dieu qui habite maintenant le grand saint Augustin ? »[437].

Doctrine chrétienne

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Comme son ouvrageDe l'ordre, le livreDoctrine chrétienne est très centré sur la question de la culture préalable que doit posséder un intellectuel chrétien pour aborder le christianisme. Mais, alors que le livreDe l'ordre est de tonalité hellénistique et insiste sur les disciplines rationnelles,Doctrine chrétienne insiste davantage sur l'érudition littéraire : il s'intéresse au minimum de connaissances nécessaires à une bonne compréhension du christianisme[438]. PourHenri-Irénée Marrou :« De Doctrina christina n'apparaît pas seulement comme la charte fondamentale de la culture chrétienne ; il est encore, par l'accent mis sur la limitation de l'étude, sur le rôle du manuel abrégé, un témoin très curieux de l'histoire de la décadence ; il est bien contemporain deMartianus Capella et il annonce les compilations futures deCassiodore et d'Isidore de Séville »[439].

Les Confessions

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Tableau. Portrait d’un homme d’âge mûr.
Robert Arnauld d'Andilly, unjanséniste, a traduit lesConfessions dans un français très classique.
Article détaillé :Les Confessions (Augustin d'Hippone).

Augustin écrit lesConfessions vers 397-400 au moment où il atteint l'âge mûr. Ce livre est pour lui une sorte de thérapie où il réfléchit sur lui-même et sur son passé[440].Peter Brown considère que lenéoplatonisme,« une théorie de la dynamique de l'âme », permet à Augustin de donner un sens à son expérience[441]. Dans ce livre, Dieu« est tellement au-dessus de l'esprit humain que le philosophe » ne peut le connaître qu'en« s'en remettant entièrement à lui »[440]. Augustin veut également unir le« Dieu des philosophes » et le« Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob » et définitivement renoncer aumanichéisme. Il attribue son refus premier de la confession chrétienne au fait que pour les manichéens le mal est extérieur à l’homme. Il écrit à cet égard :« Il plaisait à mon orgueil d'être en dehors de la faute et quand j'avais fait quelque chose de mal je ne voulais pas confesser que je l'avais fait et obtenir ainsi que tu guérisses mon âme »[442].

LesConfessions sont dédiées aux « servus dei » — c'est-à-dire des lettrés chrétiens qui abandonnent la perspective d'une brillante carrière pour servir Dieu —, et leur adresse le récit d'une« conversion éclatante » ainsi que des appels à laconversion destinés« aux austères manichéens et aux platoniciens païens »[443]. Le livre est imprégné de philosophie néoplatonicienne ; pour Augustin, comme pourPlotin, un homme doit d'abord se trouver avant de trouver Dieu. Mais alors que chez Plotin, la chute de l'âme est un élément philosophique, chez Augustin elle« revêt un aspect intensément personnel : il la voit comme un champ de bataille dans le cœur de chaque homme, une faiblesse torturante qui l'a forcé à se fuir lui-même »[444].

Un autre thème important est celui de lavolonté et des limites de laliberté humaine, car les actions passées forment des« chaînes d'habitudes » qui peuvent brider la volonté humaine et maintenir les hommes dans le péché[445]. Briser ces chaînes ne dépend pas seulement de la personne mais de Dieu. La conversion est un autre thème clé du livre ; dans lesConfessions, elle ne fait pas advenir brutalement un monde nouveau, comme il est fréquent dans les récits de convertis et comme il dit lui-même dans un premier temps à Cassiciacum. Dans lelivreX, il insiste sur les combats quotidiens, sur la faiblesse humaine, et se méfie des bonnes intentions :« Voici qu'en toi Ô vérité, je me vois […] Mais suis-je bien tel, je ne sais […] Je t'en conjure, mon Dieu, montre-moi ce que je suis réellement »[446].

PourGoulven Madec,Les Confessions« sont l'un des très grands ouvrages proprement « théologiques » d'Augustin » car elles montrent comment« la conversion restaure la Création, en réorientant l'esprit vers Dieu »[447]. Dans cet ouvrage parsemé de milliers de références bibliques, d'une certaine façon, Augustin« s'approprie le langage biblique […] : il s'assimile à l'Enfant prodigue et à Paul ; il est fils d'Adam, créé à l'image de Dieu, déchu par le péché, racheté par le Christ »[448]. LeTu auquel il s'adresse est perçu comme désignant plutôt le Père que le Fils (Jésus-Christ)[449].

La Cité de Dieu (Magnum opus et arduum)

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Article détaillé :La Cité de Dieu.
Tableau. Deux adolescents sur un chemin.
Tableau deJames Tissot montrant Caïn menant Abel à la mort.Caïn est considéré par Augustin comme le fondateur de la Cité terrestre qui« a un commencement et une fin terrestre »[450], alors qu'Abel est tourné vers la Cité de Dieu.

La Cité de Dieu a été écrit entre 410 et 427[451]. C'est l'ouvrage que les copistes ont le plus reproduit durant tout le Moyen Âge dans l'Occident chrétien[452]. Il veut répondre aux objections des lettrés de la haute fonction publique romaine arrivés en Afrique après lesac de Rome parAlaricIer, qu'Augustin désigne sous l'expression de« fléau de Dieu ». Pour ces hauts fonctionnaires, le christianisme, qui est depuis peu la religion de l'Empire romain, est responsable de la prise de Rome et leur paraît en rupture avec leur culture. En particulier, selon eux, la doctrine chrétienne, qui demande explicitement aux fidèles de ne pas rendre le mal pour le mal[453], de tendre l'autre joue[454] ou de donner son manteau en sus de sa tunique[455] n'est pas adaptée à la conduite d'une cité, d'une république ou d'un empire[456]. À ce titre, le christianisme leur est moins attrayant que lenéoplatonisme, qui peut leur fournir des éléments religieux et spirituels plus conformes à leur tradition[457]. Augustin hésite quelque temps avant de commencer cet ouvrage. Quand il se décide, il adopte les codes des lettrés, notamment l'érudition. C'est ainsi qu'il cite les auteurs latins illustres (Cicéron,Varron,Virgile…). SelonPeter Brown« Augustin pensait avec raison que c'est précisément par leurs bibliothèques qu'il pourrait le mieux atteindre les derniers païens »[458]. Mais, le livre débouche sur deux paradoxes. Tout imprégné de culture latine, comme en témoigne l'usage du terme Cité de Dieu au lieu de Royaume, l'ouvrage a contribué paradoxalement à faire connaître à des générations de lecteurs la culture romaine, notamment la religion romaine ancienne et les écrits deVarron. De même, il a conduit à intégrer dans l'Église romaine une part non négligeable« de l'idéologie politique impériale, dont il lui sera ensuite très difficile de se débarrasser »[459].

Par rapport auxnéoplatoniciens, qui voient l'humanité de façon relativement immuable[460], Augustin soutient que Dieu a implanté chez les êtres humains une« ratio seminalis », de sorte que les changements provoqués par les hommes se réalisent malgré tout suivant les plans de Dieu[461]. Ensuite, de façon assez platonicienne, il fait de l'opposition entre la Cité de Dieu (ou l'« amour de Dieu jusqu'au mépris de soi ») et la Cité des hommes (ou l'« amour de soi jusqu'au mépris de Dieu »[462]) le principe directeur de l'histoire depuis au moins Abel et Caïn[463].

Tableau représentant un homme.
GrégoireIer, le dernier des quatre Pères de l'Église, dictant unchant grégorien.

PourReinhart Koselleck, les deux cités ne s'inscrivent pas dans une perspective manichéenne car il s'agit d'un processus asymétrique dont l'issue, la victoire de la Cité de Dieu, est certaine[462]. La division entre les cités passe à l'intérieur des hommes qui à la fois doivent s'inscrire dans la vie de la cité terrestre — Augustin ne prône pas le retrait — tout en ne s'y enfermant pas comme Caïn, mais en restant ouverts. Pour qualifier cet état, il utilise le terme deperegrinatio, c'est-à-dire d'« étrangers domiciliés »[464]. D'une façon générale, chez Augustin, les hommes exercent leur liberté dans un environnement instable où les positions de chacun peuvent changer rapidement et où les ennemis de la Cité de Dieu peuvent devenir ses amis etvice-versa[465].

Pour Augustin, l'Église n'est pas une cité divine car elle comporte des éléments de la Cité terrestre. La Cité terrestre a quatre composantes : la famille, la cité ou la ville, l’univers et enfin la Cité des anges. En faisant de la cité des anges une partie de la cité terrestre, il veut suggérer que les païens avec leurs nombreux dieux n'ont été capables que de concevoir ce palier, sans pouvoir aller vers le Dieu unique[466], sans atteindre la Cité de Dieu[467].

Augustin doit également répondre aux accusations liant les défaites de Rome à l'abandon de l'ancienne religion romaine au profit du christianisme. Pour lui, si les Romains ont pu construire un empire, ce n'est pas grâce à leur religion mais à leur amour de la gloire[468].

De la Trinité

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Icône représentant trois hommes.
Icône dite de laTrinité d'Andreï Roublev (vers 1410). Il s'agit des trois hommes apparus à Abraham auchêne de Mambré (Gn 18), que Roublev, à la suite desPères de l'Église, interprète comme une figure du mystère de la Trinité indivisible.
Article détaillé :De la Trinité.

Cet ouvrage est son« chef-d'œuvre spéculatif »[469]. Augustin cherche à répondre aux critiques qu'a suscité leconcile de Nicée, qui a défini ce qu'était laTrinité. Pour cela, il veut d’abord convaincre les philosophes païens de la nécessité d'un médiateur divin. Ensuite,« il veut convaincre ses lecteurs que la rédemption et la croissance spirituelle dépendent de la capacité à se voir comme image d'un Dieu trine »[470]. Dans tout l'ouvrage, Augustin suit« la méthode de la foi cherchant à comprendre[n 29]. »

À la question« pourquoi seul le Fils s'est-il fait homme ? », Augustin répond que le Christ,Verbe de Dieu, s'est incarné pour communiquer avec les hommes et leur offrir un exemple à imiter. À la différence des néoplatoniciensPlotin etPorphyre, il soutient que les hommes ne connaissent pas Dieu par union directe avec lui. Pour le connaître, ils doivent passer par l'intermédiaire du médiateur qu'est le Christ dont le sacrifice défait le mal sans qu'il soit besoin de passer par les ritesthéurgiques des néoplatoniciens[471].

Autre différence qui le sépare dunéoplatonisme, pour Augustin le temps n'est pas un milieu immobile, immuable, siège du déploiement de la contingence et que les évènements n'altèrent en rien car il est éternellement semblable à lui-même. Au contraire, avec la mort et la résurrection du Christ, le christianisme entre dans l'histoire. C'est dans cette perspective qu'Augustin voit la rencontre d'Abraham sous lechêne de Mambré (GenèseXVIII) avec trois hommes, dont l'un lui promet qu'il aura un fils, comme une préfiguration de la Trinité[472].

Liste des œuvres

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  • 83 Questions
  • Contre les Académiciens (Contra Academicos)(lire en ligne)
  • Contre Adimantus (Contra Adimantum)(lire en ligne)
  • Contre un adversaire de la Loi et des Prophètes(lire en ligne)
  • Immortalité de l'âme (De immortalitate animae)(lire en ligne)
  • De la grandeur de l'âme(lire en ligne)
  • Âme et son origine (De natura et origine animae)(lire en ligne)
  • Des deux Âmes (De duabus animabus)(lire en ligne)
  • Doctrine des Ariens
  • Contre la doctrine des ariens
  • Avantages de la Viduité(lire en ligne)
  • Du Baptême contre les donatistes(lire en ligne)
  • Unité du Baptême(lire en ligne)
  • Du Cantique Nouveau
  • Traité du Catéchisme
  • Discours au peuple de l'Église de Césarée(lire en ligne)
  • Chant populaire contre les donatistes
  • La Cité de Dieu (De civitate dei)(lire en ligne)
  • Du combat chrétien (De agone christiano)(lire en ligne)
  • Les Confessions (Confessiones)(lire en ligne)
  • De la continence (De continentia)(lire en ligne)
  • De la correction et la Grâce(lire en ligne)
  • Contre Cresconius - Manichéen (Contra Cresconium)(lire en ligne)
  • Des Devoirs à rendre aux Morts (De cura pro mortuis gerenda)(lire en ligne)
  • De la Discipline Chrétienne(lire en ligne)
  • De la Divination des Démons (De divinatione daemonum)(lire en ligne)
  • De la Trinité (15 livres)(lire en ligne)
  • Doctrine chrétienne (De doctrina christiana)(lire en ligne)
  • Avertissement aux donatistes
  • Résumé d'une conférence avec les donatistes
  • Traité de l'Espérance, Foi et Charité
  • De l'Esprit et de la Lettre (De spiritu et littera)(lire en ligne)
  • De consensu evangelistarum(lire en ligne)
  • Questions sur les Évangiles(lire en ligne)
  • Traité sur l'Évangile de saint Jean - 124 traités(lire en ligne)
  • 17 Questions sur l'Évangile de saint Matthieu(lire en ligne)
  • Contre Fauste, manichéen (Contra Faustum Manichaeum)(lire en ligne)
  • Conférence avec le manichéen Félix (Contra Felicem Manichaeum)(lire en ligne)
  • De la foi contre les manichéens (De fide contra Manichaeos)
  • Foi aux choses qu'on ne voit pas (De la)(lire en ligne)
  • Foi et Œuvres (De la Foi et des Œuvres)(lire en ligne)
  • De la Foi et du Symbole (De fide et symbolo)(lire en ligne)
  • Fortunat (Conférence avec)(lire en ligne)
  • Epistula Secundini(lire en ligne)
  • Contre Fortunat le Manichéen (Contra Fortunatum Manichaeum)
  • Gaudentius (Réfutation de la Doctrine de)(lire en ligne)
  • Grâce de Jésus-Christ et Péché Originel(lire en ligne)
  • Grammaire (De la), perdu[n 30] mais subsiste un abrégé anonyme[n 31].
  • Genèse - commentaire contre les Manichéens (De Genesi contra Manichaeos)(lire en ligne)
  • Genèse - commentaire au sens littéral (De Genesi ad litteram)(lire en ligne)
  • Genèse – commentaire littéral inachevé (De Genesi ad litteram liber imperfectus)(lire en ligne)
  • Genèse - autre commentaire sur le début de la Genèse
  • Grâce et du Livre Arbitre (Traité de la)(lire en ligne)
  • Locutions sur l'Heptateuque (Locutiones in Heptateuchum)(lire en ligne)
  • Questions sur l'Heptateuque (Quaestiones in Heptateuchum)(lire en ligne)
  • Hérésies (Des)(lire en ligne)
  • Discours sur les Psaumes (Enarrationes in Psalmos)(lire en ligne)
  • Job - Annotations sur le livre de Job (Adnotationes in Iob)(lire en ligne)
  • Juifs (Contre les)(lire en ligne)
  • ContreJulien (Contra Iulianum opus imperfectum)(lire en ligne)
  • Julien (Contre la2e Réponse de - pélagien)(lire en ligne)
  • Lettres (Epistulae)(lire en ligne)
  • Réfutation de l'épître manichéenne. Lettre Fondamentale (Contra epistulam fundamenti)(lire en ligne)
  • Lettre aux Galates (Commentaire de)(lire en ligne)
  • Lettre aux Romains - explication de propositions
  • Lettres inédites (Epistolae ex duobus codicibus nuper in lucem prolatae)[n 32]
  • Epistula ad catholicos de secta Donatistarum
  • La Grâce et le libre arbitre (De gratia et libero arbitrio)(lire en ligne)
  • Traité du Libre Arbitre, en trois livres (De libero arbitrio libri tres)
  • Du Maître (De magistro)
  • Dialogue avec Evodius (Euodius)
  • Mariage (Les Biens du)(lire en ligne)
  • Mariage et Concupiscence (De nuptiis et concupiscentia)(lire en ligne)
  • Maximin (Conférence avec)
  • De l'adultère dans le mariage (De adulterinis coniugiis)(lire en ligne)
  • Mensonge (Du)(lire en ligne)[n 30]
  • Mensonge (Contre le)(lire en ligne)
  • Mérite, Rémission des Péchés, Baptême des Petits Enfants(lire en ligne)
  • Le Miroir Sacré (Speculum quis ignorat)
  • Des Mœurs de l'Église catholique et des Mœurs de Manichéens (De moribus ecclesiae catholicae et de moribus Manichaeorum libri duo)(lire en ligne)
  • Traité de la musique (De Musica)(lire en ligne)
  • De la Nature du Bien (De natura boni)(lire en ligne)
  • De la Nature et de la Grâce (De natura et gratia)(lire en ligne)
  • De l'Ordre (De ordine)(lire en ligne)[n 33]
  • Orose (à Orose sur les Priscillianistes et les Origénistes)(lire en ligne)
  • De la Patience (De patientia)
  • Parménien (Réfutation d’un écrit de)(lire en ligne)
  • Parthes (saint Jean) (Epitre aux)(lire en ligne)
  • Actes du Procès de Pélage (De gestis Pelagii)(lire en ligne)
  • Commentaire de l'Épître de saint Paul aux Romains (Expositio quarumdam propositionum ex epistula ad Romanos), ainsi qu'un commentaire inachevé(lire en ligne)
  • Commentaire sur l'Épître aux Galates de saint Paul (Epistulae ad Galatas expositio)(lire en ligne)
  • De la Perfection de la Justice de l'homme (De perfectione iustitiae hominis)(lire en ligne)
  • Persévérance (Du Don de la)(lire en ligne)
  • Contre les lettres dePétilien (Contra litteras Petiliani)(lire en ligne)
  • Prédestination des saints(lire en ligne)
  • Règle de saint Augustin (La)(lire en ligne)
  • Les Rétractations ou Les Révisions (Retractationes)(lire en ligne)
  • Ruine de Rome (La)(lire en ligne)
  • Rusticianus (Sur le sous-diacre)
  • Secundinus - Réfutation par Augustin (Contra Secundinum Manichaeum)(lire en ligne)
  • Sermons Détachés
  • Sermons sur l'Ancien Testament
  • Sermons sur l'évangile de saint Matthieu
  • Sermons sur l'évangile de saint Marc
  • Sermons sur l'évangile de saint Luc
  • Sermons sur l'évangile de saint Jean
  • Sermons sur les Actes des Apôtres
  • Sermons sur divers passages de l'Écriture sainte
  • Sermons pour les Solennités et Sermons Panégyriques
  • Sermons Inédits (201 sermons)
  • Sermons Dolbeau 1-10, Institut d'études augustiniennes, 2020
  • Sermon sur la Montagne (Explication du)(lire en ligne)
  • Les Soliloques - Connaissance de Dieu et de l’âme humaine (Soliloquiorum libri duo)(lire en ligne)
  • Symbole (Du)
  • Du Travail des Moines (De opere monachorum)(lire en ligne)
  • Unité de l'Église (Traité de l' - Contre les Donatistes)(lire en ligne)
  • Utilité de la Foi (De utilitate credendi)(lire en ligne)
  • Utilité du Jeûne(lire en ligne)
  • De la Vie bienheureuse (De beata vita)(lire en ligne)
  • Vraie Religion (De la)(lire en ligne)

Pour une classification des écrits, la Bibliothèque Augustinienne propose neuf séries : opuscules, Dieu et son œuvre, la Grâce, Traités anti-donatistes, La Cité de Dieu, Lettres, Exégèse, Enarrationes in Psalmos et les traités sur saint Jean[473].

Œuvres apocryphes

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Certains ouvrages sont ditsapocryphes oupseudépigraphes : ils ont été attribués à tort à Augustin. Les auteurs de ces ouvrages sont désignés comme les « Pseudo-Augustin ».

Éditions de l'œuvre

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Au fil des siècles, plusieurs éditions ont vu le jour, couvrant la plupart des œuvres d'Augustin, outre de nombreuses éditions d'œuvres individuelles.

Notes et références

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Notes

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  1. Le système à deux noms tend à devenir à cette époque la règle pour qui n'est pas de grande origine : comme la plupart des individus originaires d'Afrique romaine, Augustin est ainsi dépourvu dutria nomina (prénom, nom, surnom) qui caractérise notamment à Rome les personnalités descendants de grandes familles ou les personnages aux brillantes carrières ; cf.AndréMandouze,« Un génial ancêtre de l'Algérie : Augustin d'Hippone », dans Pierre-Yves Fux, Jean-Michel Roessli et Otto Wermelinger (éds.),Augustinus Afer : Saint Augustin, africanité et universalité, Saint-Paul,(ISBN 9782827109432),p. 548 etSergeLancel,Saint Augustin, Fayard,(ISBN 978-2-213-64233-8),chap. I (« Thagaste »)
  2. VoirEllingsen 2005,p. 10 :« Noli istum Poenum monentem vel admonentem terrena intlatus propagine spernere… »
  3. « Monica est le diminutif de Monna, un nom indigène lui-même bien attesté, qui est aussi celui d'une divinité locale dont le culte est mentionné sur une inscription de Thignica, dans la vallée de la Medjerda ». (Lancel,p. 20)
  4. Essentiellement dans la deuxième moitié duXXe siècle ; voir par exemple l'ouvrage deO’Meara.
  5. Voir par exempleBrown 2001,p. 10,André Mandouze,« Clôture de la session d'Alger », dansPierre-Yves Fux, Jean-Michel Roessli et Otto Wermelinger (éds.),Augustinus Afer : saint Augustin, africanité et universalité : actes du colloque international, Alger-Annaba, 1-7 avril 2001, Éditions Universitaires Fribourg,(ISBN 978-3402160985),p. 386 ou encoreGabriel Camps, « Les Numides et la civilisation punique »,Antiquités africaines,vol. 14,no 1,‎,p. 50-51. L'appellation « berbère » est en outre régulièrement qualifiée d'anachronique concernant cette période ;cf. par exemple(en) John KevinCoyle,« The Self-Identity of North African Christians in Augustine's Time », dans Pierre-Yves Fux, Jean-Michel Roessli et Otto Wermelinger (éds.),Augustinus Afer : saint Augustin, africanité et universalité : actes du colloque international, Alger-Annaba, 1-7 avril 2001, Éditions Universitaires Fribourg,(ISBN 978-3402160985),p. 62,(en) GarethSears,Late Roman African Urbanism : Continuity and Transformation in the City, British Archaeological Reports (no 1693),(ISBN 978-1-4073-0131-0),p. 14 ou encoreYves Modéran,Les Maures et l’Afrique romaineIVe – VIIe siècle, Publications de l’École française de Rome,(ISBN 978-2-7283-1003-6),p. 11 qui évoque en outre les « ambiguïtés idéologiques » du terme.
  6. Peut-être deux selonBrown 2001,p. 32.
  7. À partir du début duIVe siècle, l'organisation de l'Église se calque sur l'organisation administrative de l'Empire, mais avec parfois des différences ; ainsi Hippone relève administrativement de la province d'Afrique proconsulaire mais est intégrée dans laprovince ecclésiastique deNumidie ; cf.AntonioIbba etGiustoTraina,L'Afrique romaine : De l'Atlantique à la Tripolitaine (69-439 ap. J.-C.), Bréal,coll. « Amphi Histoire ancienne »,(ISBN 978-2-7495-0574-9),p. 163
  8. Augustin aura beaucoup de mal avec la langue grecque, qu'il ne maîtrise jamais, ce qui est pour lui un handicap, notamment pour l'accès aux ouvrages philosophiques et théologiques. Sur cette question de la maîtrise du grec par Augustin, voir l'analyse nuancée deMarrou 1958,p. 27
  9. Sur le type d'éducation reçue par Augustin et la place qu'y joue la mémorisation des auteurs latins, se reporter àMarrou 1958. L'ouvrage de Peter Brown (Brown 2001) contient aussi des références utiles et des détails précis sur ce genre d'éducation.
  10. « Arbor erat pirus in vicinia nostræ vineæ pomis onusta nec forma nec sapore illecebrosis. Ad hanc excutiendam atque asportandam nequissimi adulescentuli perreximus nocte intempesta, quousque ludum de pestilentiæ more in areis produxeramus, et abstulimus inde onera ingentia non ad nostras epulas, sed vel proicienda porcis, etiamsi aliquid inde comedimus, dum tamen fieret a nobis quod eo liberet, quo non liceret' »
  11. « Nondum amabam sed amare amabam et secretiore indigentia oderam me minus indigentem ». Cité dansBrown 2001,p. 46.
  12. Sur le sénateur Symmaque, voir G. Boissier,La Fin du paganisme. Paris, 1896, 2 volumes. Le second volume contient des développements sur Symmaque. Sur les liens d'Augustin avec le sénateur Symmaque, voirBrown 2001,p. 89 etMarrou 1958,p. 3
  13. Toutefois l'historien Mohamed Bazama rejette l'hypothèse selon laquelle « les musulmans auraient cherché à obtenir un quelconque profit matériel des reliques de saint Augustin ou de qui que ce soit d'autre » ; cf.Rowland 2001,p. 148.
  14. « What sets the Neoplatonic ontology apart, however, is both the resolutness of its promise and the architectonic grandeur with which it complements the world of visible appearances(Mendelson 2010,p. 12) ».
  15. « Numquid potest diligere fratrem et non diligere dilectionem ? Necesse est ut diligat dilectionem. Diligendo dilectionem, Deum diligit ». Cité dansArendt 1999,p. 126 et 146.
  16. « For it is not the body that perceives, but the soul through the body, which messenger, as it were, the soul uses to form in itself the very thing which is announced from the outside » (Matthews 2001,p. 75).
  17. (en)« The sound of Rousseau's truth isje, je, je, -I,I,I:the sound of Augustine's truth istu, tu, tu -Thou, thou, thou » (Chappell 2014,p. 204)
  18. « Inimicus ergo iustitiae est, qui poenae timore non peccat, amicus autem erit; si eius amore non peccat; tunc enim vere timebit peccare. Nam qui gehennas metuit, non peccare metuit sed ardere ». (Kent 2001,p. 231).
  19. the instant of death is the Platonic "suddenly" at which the law of the excluded middle is not in force.Knuuttila 2001,p. 112.
  20. Alors que la plupart des calculs de ses contemporains dataient le début de l'Histoire 5 500 ans avant la naissance de Jésus, ce qui plaçait le sac de Rome de 410 en 5910, Augustin rajeunit le monde de plusieurs centaines d'années, plaçant l'Incarnation en 5199, ce qui retarde l'année 6000 à l'an 801 (Landes)[276]. En 1501, dans leLivre des prophéties,Christophe Colomb se basait sur un autre calcul attribué à Augustin pour établir la fin du monde en 1656[277].
  21. (en)« that because civil institutions are a necessary response to sin, they are not something natural in the full sense; in the end civil society is theologically neutral and serves ephemeral ends; it constitutes 'an area of indeterminacy' between the City of God and the City of this world; The state is intrinsically coercive in its method, it involves to some degree domination of one human being, by another, so it could never have come to exist in the Garden of Eden. Such an institution is regrettable, but in the circumstances acceptable. This implies that there is no part of natural law that is intrinsically political; politics are a technical matter and do not engage our full humanity. (Burnell 1992,p. 13). »
  22. G. Bardy l'a attribuée àCésaire d'Arles dans laCatholic Encyclopedia. Voir l'étude systématique de Luc Verheijen,La Règle de Saint Augustin.I. Tradition manuscrite, etII. Recherches historiques, Paris, Études augustiniennes, 1967.
  23. « Augustine's teaching on divine illumination, the powers of the soul and seminal reasons ». (Stone 2001,p. 257).
  24. « Augustine to teach that God had infused into matter, at the moment of creation, intelligible pattern that could be actualize over time on divine illumination, the powers of the soul eand seminal reasons ». (Stone 2001,p. 258).
  25. « far from being conquered, eradicated or banished, the 'nihil' is overcome only in so far God continues with histoire ongoing conservative activity. God is unable to leave créatures to their own devices, because if he were to do so, the 'nihil' would immediately and spontaneously re-assert itself »
  26. (en)« But the death of the Christian god did not end secular variation on the theme of Augustine’s Heavenly City. Marxism, Freudiannism and the recent bizarre Eco-fundamentalism are secular mutation of Augustine. But none of them have succeed in providing a moral anchor to the west »
  27. À l'exception duDe Trinitate ; B. Blumenkranz, « Augustin et les Juifs, Augustin et le judaïsme »,Recherches augustiniennes, 1 (1958), 225-241,p. 235. La section qui suit est tirée de cet article.
  28. En, des ouvriers travaillant dans labasilique San Pietro in Ciel d'Oro découvrent une boîte en marbre contenant des ossements humains, notamment une partie de crâne. Alors que les chanoines de l'église étaient d'avis que ces restes étaient ceux d'Augustin, les membres de l'ordre des Augustins estimaient le contraire. L'évêque trancha en faveur de ces derniers. Chassés de Pavie en 1700, les Augustins trouvent refuge à Milan avec les reliques d'Augustin et l'arche. San Pietro a finalement été reconstruit à partir de 1870 et consacré à nouveau en 1896 lors de la réinstallation des reliques. En 1842, une partie du bras droit d'Augustin, le cubitus, qui se trouvait à Pavie, a été retourné à Annaba. Il se trouve maintenant à l'intérieur d'un tube de verre dans le bras d'une statue en marbre du saint.
  29. the method of faith seeking understanding.Clark 2001,p. 92.
  30. a etbOuvrage qu'il déclara avoir perdu, dans le premier livre desRévisions (§ 2, 6 et 27) et qui furent retrouvés postérieurement (source :Abrégé de la Grammaire de Saint Augustin, Les Belles Lettres Budé, 2013,p. XX)
  31. NomméArs breuiata,De grammatica liber ouDe Dialectica, Augustin parle de cet ouvrage dans lesRetractationes (I, 6), rédigé peu avant son baptême, dans le cadre d'une relecture des disciplines scolaires, ce qu'on peut rapproché deMusica, mais qu'il aurait égaré. Le traité fut notamment consulté parCassiodore. Il est ensuite perdu, mais fut découvert auVIIIe siècle un abrégé du texte. Il y eut de nombreux débats sur la paternité du texte mais la critique moderne s'accorde pour l'attribuer à Augustin. Voir l'édition Le Manuscrit en 2008 de Louis Doucet et l'édition Budé en 2013 de Emmanuel Bermon et Guillaume Bonnet.
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Voir aussi

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