Auguste Rodin (René François Auguste Rodin), né àParis le et mort àMeudon le[3], est l'un des plus importantssculpteursfrançais de la seconde moitié duXIXe siècle, considéré comme un des pères de la sculpture moderne.
Lavirilité de l'artiste, surnommé en son temps le « Bouc sacré »[4], provoqua des drames semi-publics ou privés et est au centre d'une expression plastique de lasensualité, de l'érotisme, mais aussi de ladouleur. Il fut le compagnon, une partie de sa vie, de la sculptriceCamille Claudel.
Par sa capacité de travail et d'organisation, Rodin laisse une œuvre hors norme, dont seul lemusée Rodin de Paris détient ledroit moral etinaliénable du sculpteur[5],[6].
Auguste Rodin naît dans une famille sans problèmes financiers sans être bourgeoise[Note 1], le auno 3,rue de l'Arbalète, dans le5e arrondissement de Paris[7],[8]. Son père, Jean-Baptiste, né àYvetot en 1803, s'est installé à Paris en 1830 comme garçon de bureau à lapréfecture de police. Sa mère, Marie Cheffer (1807-1871) est la fille d'un tisserand lorrain en activité à Landroff[9], qui s'installe en 1832 à Paris, où Marie épouse Jean-Baptiste en 1836. Auguste a une sœur aînée, Maria Louise (1837-1862)[10] et une sœur benjamine, Anna Olympe (1844-1848)[11]. Du premier mariage de son père en 1829 avec Gabrielle Cateneau (1809-1836), il a une demi-sœur, Clothilde (née en 1832), dont on ne sait rien après le second mariage de Jean-Baptiste en 1836[12],[13].
Ses parents forment un ménage uni où apparaissent les solides vertus d'une éducation provinciale et religieuse qu'ils transmettent à leurs enfants, surtout de la part de la mère, femme au foyer[14]. Après l'école primaire des frères de la doctrine chrétienne entre 1848 et 1849, il est envoyé àBeauvais de 1851 à 1853 dans la pension que tient son oncle Jean-Hyppolite Rodin (1802-1855)[15] où il s'ennuie, mais où il découvre lacathédrale et l'art gothique.
Auguste Rodin
Auguste Rodin vers 1862, photographie deCharles Aubry.
Le Père Eymard (1863), buste en bronze enhermès,Paris,musée Rodin. L'ecclésiastique porte un rouleau avec l'inscription« Audes ac grati […] imo devinissimo […] sac », interrompue par l'enroulement[Note 2].
En partie à cause de sa fortemyopie non détectée, il mène des études médiocres, et il gardera assez longtemps le handicap d'une faible maîtrise du français. Étant donné qu'il préfère griffonner des dessins sur ses cahiers, ses parents l'inscrivent gratuitement en 1854, à 14 ans, à l'École spéciale de dessin et de mathématiques à Paris, dite la Petite École (devenueÉcole nationale supérieure des arts décoratifs), où il suit les cours du talentueuxHorace Lecoq de Boisbaudran, dont la méthode consiste à préserver la sensibilité de chaque élève en lui enseignant à utiliser sa vue et sa mémoire visuelle, et du peintreBelloc. C'est là qu'il fait la connaissance d'Alphonse Legros.
Sa vocation se révèle lorsqu'il pousse la porte d'une salle de cours où les élèves sont en train de pétrir laglaise[16]. En 1855, il découvre lasculpture avecAntoine-Louis Barye, puisAlbert-Ernest Carrier-Belleuse. Il se rend alors régulièrement aumusée du Louvre pour dessiner d'après l'antique, aucabinet des estampes de la Bibliothèque impériale, et au cours de dessin de laManufacture des Gobelins, où il travaille le nu[17]. En 1857, il quitte la Petite École et, fort d'un talent reconnu par ses professeurs, suivant l'avis du sculpteurHippolyte Maindron, il tente le concours d'entrée à l'École des beaux-arts, dont il réussira l'épreuve de dessin, mais il échouera trois fois de suite à celle de la sculpture, son manque de culture humaniste lui faisant préjudice et son style n'étant pas conforme aux traditionsnéo-classiques qui y régnaient. Il est alors contraint de travailler pour se nourrir et s'engage comme artisan-praticien dans des ateliers de divers sculpteurs,staffeurs ornemanistes et décorateurs, tels que Garnier, Blanche ouMichel-Victor Cruchet. C'est chez l'un d'eux que débute son amitié avecJules Dalou[18].
L'activité de cette époque est particulièrement stimulée par les travaux d'urbanisme du préfet de Paris, lebaron Haussmann, comme par le développement du goût de l'époque pour l'ornementation. Le, fortement touché par le décès de sa sœur Maria, Rodin traverse une crisemystique et entre aunoviciat de laCongrégation du Très-Saint Sacrement. Se rendant compte que le frère Augustin est peu doué pour la vie monastique, lePère Eymard — dont il a eu le temps de faire le buste — le convainc de poursuivre dans la voie artistique. Rodin quitte ainsi la congrégation en[19].
Collaboration avec Carrier-Belleuse et Van Rasbourgh
En 1864, il rencontreRose Beuret, fille d'un cultivateur de Haute-Marne. Cette ouvrière couturière, illettrée[21], âgée de 20 ans, lui servira demodèle et deviendra sa compagne. Il l'épouse le, à la fin de leur vie, alors qu'il eut de nombreuses liaisons (Camille Claudel,Gwen John, laduchesse de Choiseul Claire Coudert (1864-1919), de 1907 à 1912[22],[23]). En 1866, il aura d'elle un fils, Auguste Eugène Beuret (1866-1934)[Note 3], qu'il ne reconnaîtra jamais. Rose fut plusieurs fois le modèle de Rodin, témoignant de son évolution stylistique, deJeune fille au chapeau fleuri en 1865, encore influencé par Carrier-Belleuse, en passant parMignon en 1869, puisBellone, exécutée en 1878 après son retour de Belgique.
SonHomme au nez cassé est refusé auSalon de Paris de 1865, mais le marbre (dont la pratique est de Léon Fourquet) sera finalement exposé en 1875[24]. C'est dans la période de 1865-1870 qu'il entame sa collaboration avecAlbert-Ernest Carrier-Belleuse, sculpteur renommé duSecond Empire, formé lui aussi à la Petite École. Carrier-Belleuse porte la sculpture vers la production en série, stimulé par la forte demande de la haute bourgeoisie de l'époque. Rodin travailla dans l'atelier de Carrier-Belleuse, qui produisit de nombreuses ornementations de qualité pour les décors architecturaux de grands chantiers à Paris, tels que l'Opéra Garnier, l'hôtel de la Païva sur lesChamps-Élysées, ou lethéâtre des Gobelins.
En 1870, Rodin accompagne le sculpteur belgeAntoine-Joseph Van Rasbourgh(nl) àBruxelles, où il participe aux travaux de décoration de laBourse du Commerce. Il est mobilisé commecaporal dans laGarde nationale au moment de laguerre franco-prussienne de 1870, puis réformé pourmyopie. En, il retourne alors enBelgique avec Carrier-Belleuse, avec lequel il collaborera jusqu'en 1872. Il réalise deux sculptures colossales,L'Asie etL'Afrique, et descariatides. Il s'associe par contrat à Van Rasbourgh entre1871 et1876, avec lequel il participe entre autres au décor dupalais des Académies àBruxelles. Il collabore aussi avecJules Pecher à la réalisation duMonument àJean François Loos àAnvers (1876), aujourd'hui démonté[25]. À cette époque, Rodin vit en couple avec Rose Beuret, qu'il peint enFleur des champs[26]. C'est également à cette époque qu'il met au point sa démarche de présenter trois fois la même sculpture dans des expositions différentes en trois techniques différentes : terre cuite[Note 4], plâtre[Note 5] et marbre[Note 6].
En 1875, il réalise un de ses grands rêves en faisant sonGrand Tour. Il voyage en Italie pour découvrir les trésors artistiques deTurin,Gênes,Pise,Venise,Florence,Rome,Naples,« découvrir les secrets » deDonatello, et surtout, deMichel-Ange dont« les allusions et emprunts à son art sont perceptibles dans son œuvre aussi bien dans les attitudes des corps sculptés que dans le travail du marbre, jouant du contraste entre les surfaces polies et celles à peine dégrossies »[27], en usant de la technique et de l'esthétique dunon finito. À son retour en France, il visite lescathédrales françaises. En 1876, il expose pour la première fois aux États-Unis à l'Exposition internationale et universelle dePhiladelphie[28].
En 1877, âgé de 37 ans, de retour àParis, il réalise sa première grande œuvre,L'Âge d'airain, la statue en grandeur nature en plâtre d'un jeune soldat bruxellois, Augustin Neyt, qu'il expose au Cercle artistique et littéraire de Bruxelles et au Salon des artistes français de Paris[29]. Sa statue donne une telle impression de vie qu'on l'accuse d'avoir effectué un moulage sur le vif. Ce succès retentissant au parfum de scandale amorce sa fortune et ses quarante ans de carrière. Les commandes officielles abondent et Rodin devient un portraitiste de la haute société. L'Âge d'airain sera fondu en bronze par Thièbaut frères.
En 1878 et 1882, Rodin réalise des modèles d'ornements figuratifs, exécutés ensuite en bois par d'autres artistes, pour deux meubles réalisés par l'ébéniste parisienMathias Ginsbach[34].
En 1881, l'État achète sa sculptureSaint Jean Baptiste. Il part en voyage enAngleterre où il apprend lagravure àLondres avecAlphonse Legros, un ancien condisciple de la Petite École. À son retour en France, il réalise notamment les figures sculptées d’Adam, d’Ève etLe Penseur en 1882. En 1883, il réalise leBuste de Victor Hugo. Son père meurt cette année-là.
En 1882, Rodin remplace Alfred Boucher comme professeur d'un groupe de jeunes sculptrices, dontCamille Claudel. Il remarque les dons de celle-ci, qui a alors dix-neuf ans. En 1884, elle entre comme praticienne[Note 7] et sert de modèle pourTorse de femme etMon frère pour Rodin[36]. En 1885, elle est le modèle deL'Aurore[37]. Dans son atelier, elle participa activement à la création du groupe desBourgeois de Calais, commandé en 1885 par la municipalité deCalais, à la mémoire d'Eustache de Saint Pierre, dont la légende veut qu'elle ait modelé les mains de Pierre de Wissant, alors queJessie Lipscomb fut chargée de la robe. Rodin et Camille Claudel entretinrent une relation artistique et amoureuse passionnée et tumultueuse, devenue légendaire[38], qui dura de dix à quinze ans, connue de tous à l'époque.
En1884, il réalise la sculptureL'Éternel Printemps, probablement inspirée de cette passion pour Camille Claudel, tout commeL'Adieu en 1892, où Rodin assemble un portrait de Camille Claudel et les mains de Pierre de Wissant, dont il confie la pratique du marbre àJean-Marie Mengue, et celle deLa Convalescente àÉmile Matruchot en 1902. En dépit d'une promesse faite par lettre, Rodin refusa les demandes de mariage de Camille Claudel - lui qui ne se maria avec Rose que lorsqu'elle fut mourante - ; Claudel finit par s'éloigner pour développer son art seule.
Rodin aurait eu plusieurs enfants avec elle, sans doute deux[Note 8], qu'il n'a pas reconnus[Note 9].
En 1895, il achète lavilla des Brillants, à Meudon[Note 10], qui devient son atelier avec ses assistants, ouvriers et praticiens, et où il commence à constituer sa collection d'antiques et de peintures. Lemonument aux Bourgeois de Calais en bronze est inauguré àCalais. En 1896, lemusée Rath enSuisse présente pour la première fois ses photographies accompagnant ses sculptures, et des œuvres dePierre Puvis de Chavannes et d'Eugène Carrière. En 1897, par la publication de l’Album Goupil (du nom de l'éditeur-imprimeur) contenant 142 dessins, il divulgue ses techniques de travail novatrices. Il présente sonMonument à Victor Hugo au Salon de laSociété nationale des beaux-arts. En 1898, laSociété des gens de lettres refuse sa statue de Balzac présentée au Salon de laSociété nationale des beaux-arts. De 1898 à 1905, il entretient une liaison avec Sophie Postolska (1868-1942), une de ses élèves, jeune aristocrate polonaise[42]. En 1899, il obtient la commande duMonument à Puvis de Chavannes. La grandeÈve est présentée au Salon de la Société nationale des beaux-arts. Il tient ses premières expositions personnelles à Bruxelles, Amsterdam, Rotterdam, La Haye.
En 1900, Rodin a 60 ans. À ses frais il organise une rétrospective dite « de l'Alma » de son œuvre dans un pavillon sur laplace de l'Alma en marge de l'Exposition universelle de Paris, ce qui lui vaut une consécration internationale. Il est nomméchevalier de l'ordre de Léopold de Belgique. Cette même année, il fait la connaissance deHelene von Nostitz, nièce du futur maréchal et président du Reich,Paul von Hindenburg, qui épousa, en 1904, Alfred von Nostitz. Rodin se rend en Italie avec elle, reprenant ainsi contact avec les chefs-d'œuvre sculptés de Pise, Lucques, Florence et Rome. Le portrait d'Hélène von Beneckendorff qu'il exécuta en marbre fut envoyé à Berlin et à Vienne, où il fut admiré et loué par les artistes du mouvement de laSécession.
À la clôture de l'exposition, en 1901, le pavillon est démonté et transféré dans sa propriété de Meudon (la villa des Brillants) et devient son atelier. En 1902, le jeune poète autrichienRainer Maria Rilke le rencontre, écrit un essaiSur Rodin et devient son secrétaire, de 1905 à 1906. Rodin devient membre de laSociété astronomique de France en 1902[43]. Le 22 octobre 1902, il est présent au Panthéon, quandCamille Flammarion reproduit l'expérience de Foucault[44]. En 1903, il est faitcommandeur de la Légion d'honneur.
En 1904, Rodin devient l'amant de la peintre et femme de lettres[Note 11] britannique,Gwendolen Mary John (sœur du peintreAuguste John), qui lui servira de modèle pour laMuse Whistler etIris, puis il rencontre la duchesse de Choiseul (née Claire Coudert, issue d'une très riche famille américaine), dont il devient l'amant jusqu'en 1912. Claire de Choiseul le mettra en contact avec de nombreux Américains fortunés et aura une certaine influence sur lui.
Le Penseur, version en plâtre, est présenté à Londres puis en bronze à Paris. En 1906,Le Penseur est placé devant lePanthéon de Paris. À l'occasion de l'Exposition coloniale de Marseille, Rodin exécute une série d'aquarelles d’après les danseuses cambodgiennes. Il réalise leMasque de Hanako, un portrait de l'actrice japonaiseHanako. L'exposition de ses dessins en Allemagne àWeimar crée le scandale. En 1907, à Paris, lagalerie Bernheim organise une exposition de ses dessins. La sculptureL'Homme qui marche est présente au Salon. Marcelle Tirel devient son dernier secrétaire.
Dans son atelier, il reçoit les visites de nombreux artistes et célébrités (le roi d'Angleterre Édouard VII lui rendra visite le 6 mars 1908[Note 12]).
En 1914, il voyage à nouveau en Angleterre avec Rose Beuret. En 1915, il commence le buste du papeBenoît XV, lors d'un voyage àRome, au cours duquel il croiseAlbert Besnard (qui doit également honorer la commande d'un portrait du pape), mais en désaccord avec le souverain pontife sur les temps de pose, Rodin part sans achever l'œuvre[48]. Il publieLes Cathédrales de France, ouvrage reproduisant 100 dessins en fac-similé. Sa santé se dégrade. La sculptriceJeanne Bardey devient une intime.
Il est victime d'une attaque fin, suivie d'unecongestion cérébrale en juillet. Il fait en septembre troisdonations successives de son hôtel particulier, de son atelier et de ses collections d'art à l'État, dans la perspective de la création d'unmusée Rodin. LaChambre des députés et leSénat votent l'établissement du musée Rodin à l'hôtel Biron, aboutissement de la démarche deJudith Cladel, future biographe du sculpteur. Il reçoit une commande pour un monument à la mémoire descombattants de Verdun.
« Et c'est la fin dérisoire et solitaire des deux vieillards dans la maison mal chauffée »[49] (en pleineguerre de 1914-1918, il n'y a plus de charbon[50]) que représente la photographie d'A. de Combettes, publiée dansL'Illustration, montrant à cette époque un Rodin, debout et massif, dans le parc de la villa, tenant la main de sa vieille compagne au regard perdu.
Le, âgé de 77 ans, alors que les facultés mentales du sculpteur sont altérées[51], et« poussé parLoïe Fuller[52] », il épouse Rose Beuret à Meudon, après cinquante-trois ans de vie commune[53]. Elle est très affaiblie et meurt d'une pneumonie le, à 73 ans, suivie le par Rodin[54], qui est inhumé à ses côtés à Meudon, le. Leur sépulture est surplombée parLe Penseur.
L'œuvre d'Auguste Rodin se compose d'environ 7 000 sculptures, 10 000 dessins, 1 000 gravures et 10 000 photographies[55]. Pour les sculptures, les techniques utilisées sont le modelage en argile, le plâtre direct, le bronze, la pâte de verre, la céramique et le marbre. Son sujet principal est le corps humain masculin ou féminin, dont le portrait. Face à l'ampleur de son œuvre, en nombre et par son imagination, face à sa réception universelle de son œuvre, on ne peut seulement commenter qu'une part de celle-ci.
Les sculptures de Rodin sont présentées dans des techniques très variées, plâtre, bronze, marbre mais aussi céramique, pâte de verre. Grâce à l'invention d’Henri Lebossé, qui devient un de ses praticiens les plus importants, il peut augmenter ou réduire la taille de ses sculptures à volonté. Cela lui permet de faire des œuvres originales à une taille donnée d'une part, et de faire une suite de reproductions à petite échelle et à petit prix d'autre part, ce que Rodin appelait« ses bibelots[Note 14] ».
Rodin a réalisé de très nombreux portraits, modelé d'après le modèle entre 1863 avec leBuste du père Eymard,D'Alembert (1880),Carrier-Belleuse (1882),Jules Dalou (1883),Roger-Marx (1899),Gustave Mahler (1909),Clemenceau (1911-1912) etLady Sackville-West (1914-1916).
L'œuvre de 1877, qui a rendu célèbre Rodin, est tellement réaliste que Rodin a été suspecté de moulage sur nature. Plusieurs années ont été nécessaires pour qu'il soit totalement disculpé, en présentant le modèle.
Il a révolutionné la sculpture par une liberté de forme inconnue jusque-là. Il sculpte un danseur (Mouvement de danse H[Note 15]) sans tête, et dont les membres forment des lignes s'élançant vers le haut, exprimant ainsi l'oubli de soi et la libération du corps dans la danse. Son célèbrePenseur[Note 16] est tout en déséquilibre, composé de cinq triangles dans un arrangement précaire, exprimant ainsi la nature du cours de la pensée et son lien au corps.
Revisitant le maniérisme tout en l'associant à un travail de la matière, il exprime avec des sculptures, commeLe Baiser, une sensualité qui choque parfois le public de l'époque. Contrairement aux traditions académiques, ses sculptures sont souvent sans socle ou sur un socle surélevé. On reconnaît souvent ses œuvres à une forme achevée, qui reste partiellement prise dans un bloc plus rustique et partiellement dégrossi, ce qui est directement inspiré dunon finito deMichel-Ange. Le résultat toujours frappant est un équilibre entre un modèle englué dans la masse brute et un élan donné à l'œuvre qui semble ainsi prête à s'en échapper.
Rodin, à l'avant-garde de son art, a laissé les moules de ses sculptures à la disposition de l'établissement public, son musée, pour que celui-ci, garant de son droit de reproduction et de son droit moral, puisse continuer à défendre son œuvre. Il avait aussi préparé des copies de sa signature. Une manière pour lui de laisser d'autres prolonger son œuvre après son décès.
Commandée à la fin duXIXe siècle par laSociété des gens de lettres, la statue pour leMonument àBalzac, à la fois majestueuse et fantomatique, donna lieu à une vive polémique. Elle fit scandale pour son apparence et sa préparation interminable, et laSociété des gens de lettres, commanditaire de l'œuvre, la refusa. Ils demandèrent aussitôt un autre monument àAlexandre Falguière et la statue de Rodin ne fut exposée que longtemps après sa première présentation. On lui reprochait de n'avoir conservé de Balzac que l'aspect « moribond ».Émile Zola, grand admirateur de Balzac et de Rodin, fut un ardent défenseur de cette œuvre. On peut en voir aujourd'hui des exemplaires à Paris, dans le jardin dumusée Rodin,rue de Varenne, ainsi que sur un des quais de lastation demétroVarenne de laligne 13 du métro.
Rodin utilisa des photographies d'un conducteur de voitures à cheval de Tours[57] et un modèle italien nommé Nardone, qui posa bien plus tard, alors octogénaire, pourGermaine Richier, en 1947[58].
Rodin fit porter la sculpture« debout comme un menhir à masque humain » (selon Bernard Champigneulle) dans sa villa deMeudon et c’est là que le photographe américainEdward Steichen en découvrit la beauté et fit naître un mouvement d'opinion pour lui rendre sa juste place dans le monde de l'art[réf. nécessaire].
Le modèle en plâtre et des maquettes parurent, entre autres, en 1908 lors de l'inauguration du musée de lamaison de Balzac,rue Berton à Paris. Georges Clemenceau aurait usé de son influence pour l'imposer à Paris et, en 1926, Georges Grappe, conservateur du musée Rodin, en fit fondre deux épreuves en bronze, mais ce n'est que le qu'un exemplaire en bronze, érigé à l'angle duboulevard Raspail et duboulevard du Montparnasse, fut dévoilé par deux de ses familiers, Maillol et Despiau.
Rodin écrivait en 1908 :« Cette œuvre dont on a ri, qu’on a pris soin de bafouer parce qu’on ne pouvait pas la détruire, est la résultante de toute ma vie, le pivot de mon esthétique[59]. »
Commencée en 1880, jamais achevée, toujours reprise,La Porte de l'Enfer est la synthèse de l'art de Rodin. Il y combine toutes ses sculptures assemblées en une porte monumentale.
C'est une sorte de compilation de nombreuses œuvres. Rodin est blessé et meurtri qu'on ait pu le suspecter de moulage pourL'Âge d'airain. Même disculpé, il en eut toujours un ressentiment.La Porte de l'Enfer, dont son chantre,Octave Mirbeau, nous a laissé, en février 1885, la seule description complète, sera une sorte d'exutoire où il veut montrer qu'il est capable de reproduire ses œuvres en miniature, dans tous leurs détails et par là même, que les grandes réalisations sont authentiquement faites de sa main.La Porte de l'Enfer est une sorte depoint d'orgue de l'ensemble de sonœuvre.« Elle restera très vraisemblablement inachevée », notaitGustave Coquiot, l'un de ses secrétaires, dansLe Vrai Rodin (1913). Rodin avait pensé faire de la porte de l'enfer l’entrée de laTour du travail, autre projet inachevé[60].
En1957-1958, le photographeCarol-Marc Lavrillier photographie pendant un an, juché sur des échafaudages,La Porte de l'enfer, dans les moindres détails, en s'attachant à comprendre l'œuvre et le désir de l'artiste. Ces photographies, qui sont conservées à Paris dans les collections dumusée national d'art moderne, ont fait l'objet de nombreuses expositions[61],[Note 17].
La Tentation de saint Antoine est une statue enronde-bosse du sculpteur français Auguste Rodin. Elle est inspirée de la nouvelleLa Tentation de saint Antoine, publiée parGustave Flaubert et pour laquelle Rodin avait une grande admiration. Elle représente une femme nue, allongée sur le dos d'un moine prostré au sol.
Rodin travaille également par une suite de fragmentations et d'assemblages, reprenant des éléments de sculptures variées, mais également d'objets qu'il assemble en de nouvelles sculptures par collage.
LeMonument àPuvis de Chavannes est un exemple d'assemblage avec un moulage de colonne sur lequel est posé un buste du peintre auquel est associé un moulage de tronc d'arbre. C'est aussi le cas deJe suis belle, réalisée, vers 1882, à partir de deux autres plâtres :L'Homme qui tombe etFemme accroupie[62].
Rodin réalise de très nombreuses études de main qui donnent naissance à des marbres très fameux, commeLa Cathédrale,Mains jointes,La Main de Dieu, ouLa Création.
"A peine si, par les hublots et les fenetres eclairees, je pus voir..."MET DP865322
Quand Rodin ne sculpte pas, il dessine.« C'est bien simple, mes dessins sont la clef de mon œuvre, ma sculpture n'est que du dessin sous toutes les dimensions », écrit-il dans ses carnets. Au-delà du simple travail préparatoire, le dessin est pour Rodin une autre pratique, un autre champ de réflexion artistique qu'il découvre avant même la sculpture, à l'âge de dix ans. Inventeur du premier jet, Rodin prend l'habitude de laisser le modèle évoluer devant lui sans lui indiquer de pose artificielle, pour capter ainsi sur la feuille le naturel des mouvements[64].
Rodin pratique la photographie et en use abondamment. Il a une équipe de photographes, tels que Gaudanzio Marconi, Karl Bodmer, Victor Pannelier et Freuler qui photographient les modèles, les sculptures finalisées ou en cours de travail. Ces photographies servent d'ébauches, mais aussi pour des corrections, Rodin soulignant ou retouchant telle ou telle partie au crayon, à la plume, au pinceau ou au lavis, sur les tirages photographiques de ses sculpture. Elles servent à dialoguer avec les praticiens comme on peut le lire dans la correspondance avec Bourdelle[67] ou à corriger les tirages.
Elles sont aussi un moyen de communication étant donné que les photographies de ses œuvres sont exposées de son vivant ou publiés dans des albums.
De plus, Rodin collectionne aussi la photographie avec un fonds documentaire de près de 7 000 clichés. Il était également intéressé par le regard de photographespictorialistes commeEdward Steichen,Alvin Langdon Coburn,Gertrude Käsebier,Stephen Haweis ouHenry Coles qui figurent dans sa collection[68]. Au total, le musée Rodin conserve environ 11 000 photographies dans son fonds.
Rodin, sans doute aidé[69] par son secrétaire, l'écrivain et poète autrichienRainer Maria Rilke, a participé à plusieurs textes de théorie de l'art dontL'Art (1911), des entretiens recueillis parPaul Gsell.
Rodin est un sculpteur-modeleur qui modèle de l'argile pour en faire une sculpture destinée à être moulée en plâtre, puis fondue en bronze ou/et taillée dans le marbre. À chaque étape, un collaborateur intervient.
Les ouvriers collaborateurs de Rodin vivent parfois avec femmes et enfants dans des baraquements aujourd'hui disparus sur le site dumusée Rodin de Meudon, où se trouve encore aujourd'hui l'atelier de Rodin.
Les chefs d'atelier sont :Antoine Bourdelle, Bertrand-Jacques Barthélemy etVictor Peter[Note 18]. Les fonderies sont extérieures à l'atelier Rodin proprement dit.
Il a eu, au cours de sa vie artistique, de nombreux élèves et une cinquantaine de praticiens[70], dont sa collaboratrice la plus fameuse,Camille Claudel, qui fut chargée de réaliser les mains desBourgeois de Calais. Tout à la fois assistante, muse et maîtresse, elle lui servira aussi de modèle, lui inspirant des œuvres commeLa Convalescente,La France ouLa Pensée… En 1913, Claudel est internée à l'hôpital de Ville-Évrard, puis à l'hôpital deMontfavet où elle mourra trente ans plus tard, le, malheureuse, misérable, rejetée de tous, après avoir sombré dans ladémence. Elle ne dirigera jamais l'atelier[67].
Un débat fait rage entre « rodiniens » et « claudeliens » quant à la possible réalisation de certaines œuvres — jusque-là attribuées à Rodin — par Camille Claudel. Les recherches les plus récentes menées à l'occasion de l'exposition itinérante « Camille Claudel et Rodin, rencontre de deux destins[71] », montrent la grande complexité des rapports entre les deux sculpteurs travaillant ensemble, dans le même atelier, aux mêmes sujets. Tous deux ont vécu une passion stimulante mais orageuse, relatée de manière romanesque dans le filmCamille Claudel.
La femme de Rodin, Rose Beuret (1844-1917), fut son modèle puis sa compagne dès 1867, et dont il eut un fils. Il l'épousa en 1917. Elle était surnommée « la mère » par les ouvriers, elle entretenait les sculptures[72] et faisait la cuisine pour l'atelier. Celle que Camille Claudel surnomme « la chienne », est au dire d'Octave Mirbeau :« Une petite blanchisseuse, pas le moins du monde en communication avec lui[72]. » Rose Beuret appelle Rodin « Rodin » ou « le maître ». Son portrait par Rodin fut taillé dans le marbre parAntoine Bourdelle, qui appelle Rose Beuret dans toutes ses lettres « madame Rodin », en 1895, tout comme les parents de Camille Claudel.
De 1898 à 1905, il a comme élève, puis maîtresse, la jeune aristocrate polonaise, Sophie Postolska, qui mourut misérable à Nice, en 1942[73].Hilda Flodin fut son élève et sa maîtresse également[74]. Cette dernière présentaGwen John à Rodin[74]. John était une artiste anglaise venue vivre à Meudon qui sera modèle et également praticienne et maîtresse de Rodin de 1904 à 1914.
Les modèles masculins sont des Italiens desAbruzzes, dont François Abruzzesi (pour la sculptureL'homme qui marche), Pignatelli (Saint Jean-Baptiste), Fanelli. Il y a aussi les modèles de l'École des beaux-arts de Paris : Poirée, Valentin et Corsi. Auguste Neyt a posé pourL'Âge d'airain. La tête duBalzac est faite d'après la photographie d'un conducteur ou d'un facteur de Tours. Il fait également poser son fils pour lePierre de Wissant.
Rodin utilise la photographie pour travailler, il fait photographier ses modèles et ses sculptures[75].
Rodin travaillait avec de nombreux assistants, praticiens et mouleurs, tailleurs de marbre, photographes, etc. qui l'assistaient dans son atelier de Meudon, la villa des Brillants, aujourd'hui musée, où il est enterré. Ainsi,Les Trois Ombres,Ugolin,Iris,Le Penseur, ou encoreLa Porte de l'enfer, ont été agrandis (ou réduits) en plâtre parHenri Lebossé, son principal sculpteur-mouleur depuis 1894. En 1904, il demanda à un jeune sculpteur tchèque,Josef Mařatka, de pratiquer le marbre deLa Main[76].Ève au rocher fut taillée dans le marbre parAntoine Bourdelle, et le marbre duBaiser fut taillé parJean Turcan.
Entre 1884 et 1900,Jean Escoula exécute les marbres d’Ève,Éternelle idole,MadameAlfred Roll (vers 1887, en collaboration avecLouis Cornu),Madame Vicuna (en 1888, avec le praticien Louis Cornu),Danaïde (vers1889), ainsi que les chevaux duMonument deClaude Gellée (en 1892, en collaboration avecVictor Peter)[77]. En 1890,François Pompon entre dans l'atelier de Rodin, où il travaille comme praticien au dépôt des marbres,rue de l'Université. Il y dirige l'atelier dès 1893, transmettant les comptes, payant les marbres et supervisant le travail.
Les metteurs au point sont payés 10 à 12,5 francs par jour ; les praticiens, 20 francs. Les assistants de Rodin travaillent dix heures par jour, un peu moins le dimanche[78].
La méthode de travail suivait trois étapes : la fragmentation, l’assemblage et la démultiplication. Rodindessinait puismodelait de sa main une sculpture en terre crue à une échelle donnée. La sculpture était ensuite moulée par ses assistants ouvriers mouleurs et plâtriers, puis tirée en plâtre, avant d'être reproduite par les techniques d'Henri Lebossé, à une échelle différente (démultiplication). Rodin procédait alors parfois à desassemblages inattendus de morceaux par fragmentation des plâtres précédents qui, s'ils lui convenaient, donnaient jour à un original en plâtre, lui-même ensuite moulé et tiré en bronze en nombre limité, mais à différentes échelles. Enfin, elle pouvait être sculptée en marbre par un praticien.
Rodin est entouré de5 à 26 sculpteurs-assistants, suivant les périodes de son activité. Certains ne font qu'un travail. D'autres resteront plus longtemps, telsAntoine Bourdelle qui travaillera pendant dix ans pour Rodin ;Jean Escoula, douze ans ; le metteur aux points Ganier, douze ans ; Bertrand-Jacques Barthélemy, dix-huit ans ; Louis Mathet, vingt et un ans etVictor Peter, vingt-trois ans[80].
La mise aux points à l'aide d'unpantographe ou d'un compas à trois pointes est une technique de reproduction d'un modèle original en plâtre pour le sculpter en marbre. Elle est opérée avec différents instruments de mesure tels qu'équerres, compas, châssis, qui prennent leurs repères de proportion à partir de points dits « justes » inscrits au crayon sur l'original et repérés à l'identique sur le marbre[81].
Les points justes au crayon pour l'exécution du marbre, sur les genoux du plâtre original duBaiser.Meudon,musée Rodin.
Détail des jambes du plâtre original duGénie du repos éternel, avec traces aux crayons de points justes et clous de fixation du pantographe du praticienCharles Despiau.Meudon,musée Rodin.
Pierre Puvis de Chavannes (1891)[82], plâtre original, avec points de basement (clous et repères) pour fixer un pantographe.Paris,musée Rodin.
Le musée Rodin possède une liste d'élèves de 200 noms, autant de femmes que d'hommes. Il y a de nombreux élèves anglaises et américaines. Selon Judith Cladel, Rodin affirmait :« Ce sont les femmes qui me comprennent le mieux. Elles sont très attentives, très soumises[89]. »
Plâtres originaux exposés aumusée Rodin deMeudon, ancien atelier de l'artiste.
C'est sur les hauteurs deMeudon que Rodin achète, en1895, un terrain de plusieurs hectares avec un pavillon destyle Louis XIII. Il vient s'y installer en1897 avec Rose Beuret. En 1900, il y fait réinstaller le pavillon de l'Exposition universelle auquel il adjoint un portique récupéré du château d'Issy détruit en 1871. Il y a journellement 50 ouvriers, praticiens, mouleurs, staffeurs qui y travaillent et y vivent avec leurs familles dans des baraquements non loin. Rodin y donne le travail tous les matins. Il y installe son secrétaire,Rainer Maria Rilke, en 1905. Transformé en musée en 1950, puis restauré en 1997, Lavilla des Brillants présente des sculptures originales, essentiellement des plâtres, qui sont autant d'esquisses, d'études, de variantes dans des états successifs. Au centre du jardin, la tombe de Rose et Auguste Rodin est surmontée duPenseur[91]. La villa des Brillants était l'atelier. Les marbres étaient taillés audépôt des marbres à Paris jusqu'en 1901. L'hôtel Biron, actuel musée Rodin à Paris, était un lieu de présentation que Rodin découvrit en 1908[92].
Pour remplacer parfois l'argile qui s'effrite en séchant si elle n'est pas cuite, Rodin utilisait de laplasticine, composée d'un corps gras, qu'il combine à l'occasion au plâtre et même à l'argile pour des reprises ou des ajustements. Ainsi, la sculptureLe Sommeil (1894) est composée de terre cuite, plâtre, cire, plasticine, papier journal, filasse et clous[93].
En 2015, des études menées à l'European Synchrotron Radiation Facility deGrenoble ont permis d’analyser la composition de la pâte à modeler utilisée par Rodin pour les portraits d'Hanako et de Clemenceau. Des échantillons millimétriques de deux de ses œuvres dégradées par le temps, datant de 1912 pour Hanako, et 1913 pour Clemenceau, ont été étudiés auxrayons X ultra brillants permettant de comprendre qu'il utilisait deux types de matériaux modernes de modelage, proches de la pâte à modeler. Des protocoles de nettoyage et conservation ont ainsi été mis au point comme l'utilisation d'un nettoyage au laser en cas de salissure légère ou moyenne, ou d'utilisation decarboxyméthylcellulose sur papier absorbant dans les autres cas[94],[95].
En 1989, une analyse radiographique duPenseur et desBourgeois de Calais a permis de montrer la différence d'épaisseur du bronze — plus épais, plus lourd et plus solide au pied des sculptures et moins épais au sommet, lequel est plus fragile mais plus léger — et la présence d'armatures de consolidation à l'intérieur des sculptures[100], technique rendue possible par les nouveaux alliages.
Plusieurs œuvres de Rodin ont été fondues en bronze par Thiébaut frères : Saint Jean Baptiste, L’Âge d'airain; Jeunesse triomphante ou La Parque et la Convalescente.
Dès la mort de Rodin[101],[102], la question de l'authenticité des bronzes se pose[103], Rodin lui-même qualifiant ses bronzes de« reproduction de ses originaux en argile[104] », il avait donné autorisation au fondeur Barbedienne de reproduire contre redevance son œuvre à échelle plus réduite, sans limite de nombre.
Après la mort de Rodin, les caricaturistes se moquèrent autant de la production pléthorique de l'artiste que des faux que son succès engendrèrent. Dans un numéro deLa Baïonnette d',Marcel Capy conclut une satire en écrivant :« Moi Rodin, épicier, sain de corps et d'esprit, n'ai jamais sculpté ! Tous les Rodins sont faux[105] ! »
Étant donné sa célébrité de son vivant, les faussaires se sont en effet très rapidement intéressés à l’œuvre de Rodin[106], en particulier, l'AllemandErnest Durig(en) (1894-1962) qui s'était fait une spécialité dans les faux dessins, qui sont pour certains aujourd'hui conservés àNew York auMuseum of Modern Art. Il prétendait avoir terminé et fait en marbre le portrait du pape Benoît XV[107].
Jusqu'en 1968, les tirages des bronzes ne sont pas limités par la loi française, aussi le musée Rodin, ayant-droit du sculpteur peut-il continuer à produire des bronzes posthumes originaux sans restriction après la mort de Rodin en 1917. Des plâtres dupliqués par la fonderie Georges Rudier, fournisseur du musée Rodin de 1952 à 1982, ont été détournés et utilisés pour exécuter des épreuves illégitimes dès les années 1960 jusqu'au début des années 1990[Note 53]. De plus, le marché de l'art a connu un scandale important au cours desannées 1990, avec la découverte de réseaux de faussaires — dontGuy Hain et Gary Snell — condamnés par la justice française en 2001, mais dont l'activité a inondé le marché de milliers de contrefaçons.
Selon Béatrice de Rochebouet, qui cite Jérôme Le Blay, le directeur du comité Rodin créé en 2005, il existe au moins 26 exemplaires originaux deLa Danaïde, par exemple[108]. Elle a été éditée du vivant de Rodin à dix exemplaires entre 1887 et 1917, par les fondeurs François et Alexis Rudier, puis à sept exemplaires par le musée Rodin (ayants droit) entre 1921 et 1942, fondus par Alexis Rudier, puis à neuf exemplaires, de 1961 à 1971, fondus par Georges Rudier. Il y aurait environ 8 000 bronzes répertoriés chez des collectionneurs privés dont un tiers serait des faux[108].
De plus, depuis que l'œuvre de Rodin est entré dans ledomaine public en 1982,Le Penseur, par exemple, été édité à 25 exemplaires en Corée en 2000[108] ainsi que par la fonderie Valsuani-Airaindor à Chevreuse depuis 1998. Ces bronzes sont considérés comme des reproductions non originales.
Si l'œuvre de l'artiste est aujourd'hui dans le domaine public, ledroit moral d'Auguste Rodin, perpétuel, imprescriptible et inaliénable, est détenu par son légataire, le musée Rodin à Paris. Celui-ci a déposé les marques suivantes : « R », « RODIN », « AUGUSTE RODIN » et « musée RODIN », qui sont la propriété exclusive du musée[109].
Il existe plusieurs projets de catalogues raisonnés des œuvres du sculpteur, menés par le musée Rodin et par le comité Auguste-Rodin à Paris.
Photographies de gauche : « L'affaire des faux Rodin » fait « la une » de la presse nationale et internationale en 1919. La comédienneAmélie Diéterle est impliquée malgré elle dans cette escroquerie à grande échelle, ainsi que le riche collectionneurPaul Gallimard, père de l'éditeurGaston Gallimard. La presse américaine titre :Comment les escrocs ont inondé le monde des Arts avec de fausses statues Rodin. Pour plus de détails, voir :L'affaire des faux Rodin.
Plus de cinquante œuvres de Rodin se trouvaient dans leWorld Trade Center àNew York et ont été détruites lors desattentats du 11 septembre 2001[110]. Lors des fouilles qui ont eu lieu après les attentats, trois bronzes ont été retrouvés dans les décombres, sérieusement endommagés dontLe Buste de Jean d'Aire (travail préparatoire auxBourgeois de Calais),Les Trois Ombres et un exemplaire en bronze duPenseur, petit modèle. Ce bronze fut quelques semaines après, volé dans les locaux du commissariat de police où il était entreposé[111].
1878,Saint Jean Baptiste. L'œuvre est sculptée plus grande que nature pour prouver qu'il n'a pas eu recours au moulage sur le vif.
1879,La Défense ouL'Appel aux armes, deviendra le monument commémoratif à Verdun en 1919.
La Porte de l'enfer, œuvre commandée en 1880, jamais achevée. La première fonte est post-mortem en 1928 avec accord de Rodin en 1917.
1882,Le Penseur, bronze, Paris, musée Rodin. Un des exemplaires en bronze se trouve dans le cimetière Bruxellois deLaeken (à l'arrière de l'église Notre-Dame et de la crypte royale). Un autre orne la tombe de Rodin et de son épouse dans le jardin de lavilla des Brillants à Meudon, fonte par Alexis Rudier, 1904 (180 × 98 × 145 cm), œuvre affectée au musée Rodin en 1922 (no inv. : S.1295).
1887-1888,Les Sirènes, bronze et marbre, 18 exemplaires au total dont quatre en marbre[112].Trois sirènes enlacées chantent, plâtre (exposition Monet-Rodin à la galerie Georges-Petit à Paris, en 1889). Don d'un exemplaire en marbre de la famille Huntly Redpath Drummond aumusée des beaux-arts de Montréal.
Vers 1880,La Force et la Ruse, plume, encre, lavis et gouache sur papier collé sur un support contrecollé sur carton (15,5 × 19,2 cm), Paris, musée Rodin (no inv. : D.5087).
Les Cathédrales de France, cent dessins de Rodin reproduits en fac-similé parAuguste Clot, Éditions Armand Colin, 1914[120],[121].
Aleister Crowley,Rodin in Rime (Londres : S.P.R.T., 1907), recueil de poèmes consacrés à l'art d'Auguste Rodin, illustré de 7 lithographies effectuées par Clot à partir d'aquarelles érotiques du maître. Traduction française de Philippe Pissier sous le titreLe Dit de Rodin, ouvrage complet des 10 lithographies que Rodin offrit à son ami Crowley (Le Vigan : L'arachnoïde, 2018)(ISBN978-2-919030-23-1).
Éclairs de pensée. Écrits et entretiens, édition établie par Augustin de Butler, Éditions du Sandre, 2008.
Rodin-Bourdelle. Correspondance (1893-1912), édité par Colin Lemoine et Véronique Mattiussi, Gallimard, coll. « Arts et artistes », 2013, 416 p.(ISBN978-2-07-014009-1).
2001 : « Rodin en 1900. Le Pavillon de l’Alma », Paris,musée du Luxembourg. Reconstitution de l'exposition organisée par Rodin en 1900[Note 56].
2006, de à : exposition d'une soixantaine de sculptures, bronzes, moulages et dessins originaux de l'artiste à lagalerie Brame & Lorenceau à Paris[126].
Le prix Auguste-Rodin est un prix décerné par laSociété nationale des beaux-arts récompensant des sculpteurs. Il ne faut le confondre ni avec le Grand prix Rodin de sculpture monumentale[131], ni avec le prix Rodin de l'Académie française[132].
↑Réalisé par des praticiens comme Bernard, Bourdelle, Desbois, Despiau, Escoula, Peter, Pompon, Soudbidine… ([PDF]musee-rodin.fr).
↑Rodin s’entoure alors de praticiens afin de se constituer un atelier, que Camille Claudel intègre vers 1884. L’incertitude demeure quant à la nature exactes des travaux dont elle est chargée, mais il semble qu’elle exécute surtout des morceaux difficiles, comme les mains et les pieds des figures destinées aux sculptures monumentales (en particulierLa Porte de l’Enfer). Il s’agit pour Claudel d’une période de formation sous la direction de Rodin : elle assimile la théorie des profils et comprend l’importance de l’expression (musee-rodin.fr).
↑Selon Reine-Marie Paris, un assistant payait les pensions, in Reine-Marie Paris,Camille Claudel, Paris, Gallimard, 1984,p. 67.
↑Devenue depuis 1919 une annexe du musée Rodin de la rue de Varenne.
↑Le Musée Rodin conserve 900 lettres d'amour de la peintre à Rodin.
↑« Après avoir travaillé jusqu'à onze heures avec son secrétaire dans ses appartements de l'hôtel Bristol, Édouard VII est monté en automobile et s'est rendu chez le sculpteur Rodin, à Meudon. L'ambassadeur d'Angleterre l'accompagnait. Le roi a visité l'atelier du maître et l'a interrogé sur l'état de ses travaux. Il eût désiré voir le buste d'une grande dame anglaise, exécuté par Rodin, mais cette pièce était au moulage. » — « Edouard VII chez M. Fallières »,Le Petit Parisien,no 11452, 7 mars 1908,p. 2.
↑Le fondeur Ferdinand Barbedienne avait un contrat d'édition duBaiser en petite dimension. Dossier documentaireRodin. La chair, le marbre, musée Rodin.
↑Né en 1845, Jacques Barthélemy, émigra en 1892 pour les États-Unis, in David Karel,Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord : peintres…,p. 43.
↑Bourdelle fut l'assistant de Rodin pendant quinze ans, de 1893 à 1912. Il fut en particulier le metteur au point de la sculptureÈve de Rodin, qu'il sculpte sur pierre, et du portrait de Rose Beuret. Colin Lemoine et Véronique Mattiussi, Rodin-Bourdelle. Correspondance (1893-1912),op. cit.
↑Élève, modèle, praticienne, modelage pour les mains dePierre de Wissant.
↑Praticien du marbre duBuste de Madame Vicuhna, 1888, Paris,musée d'Orsay.
↑Anne Rivière, Bruno Godichon et Danielle Ghanassia,Camille Claudel. Bibliographie. Catalogue raisonné, Paris, Adam Biro, 1996,p. 215.
↑Il entre dans l'atelier de Rodin en 1908, puis après la mort de Rodin devient chef-mouleur du musée Rodin jusqu'en 1940. C'est à lui que l'on doit le moule et la version définitive de la porte de l'Enfer.([1]). Sa collection personnelle est donnée à la Ville d'Issy-les-Moulineaux en 1966 après sa mort. On lui doit "Moulage de la main d'Auguste Rodin tenant un torse féminin" (1917) dans la collection du musée Rodin ([2]).
↑Il réalisa pour Rodin leMonument à Claude Lorrain.Rodin-Bourdelle. Correspondance (1893-1912),op. cit.
↑Emmanuel Dolivet réalisa, en 1902, la troisième version en marbre duBaiser, présenté à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague.
↑Praticien du marbre deLa Danaïde (1909), de la première version en marbre desBénédictions (1900), duBuste de Madame Vincuhna (1888).
↑Praticien du marbre deL'Homme au nez cassé (1875) d'après la sculpture éponyme de 1864.
↑Metteur aux points, permet la reproduction à différentes échelles.
↑Praticien deLa Main de Dieu ou la Création (1905).
↑Il réalise pour Rodin la première version en marbre duBaiser (Paris, musée Rodin).
↑Auteure deRodin intime ou L'envers d'une gloire, Éditions du Nouveau Monde, 1923, avec une préface du fils de Rodin, Auguste Beuret ; elle y défend Rose Beuret.
↑Élève écossaise de Rodin, qui a laissé des lettres et des souvenirs.
↑En effet, grâce aux moules réalisés par l'artiste, ses œuvres sont infiniment reproductibles[réf. nécessaire]. La loi française, détenant l'héritage de Rodin, autorise cette reproduction. Le modèle, issu du moule, est identique, simplement la date va différer. Le bronze permet cet héritage encore animé aujourd'hui. Cependant, l'œuvre doit porter la mention de l'Atelier de Rodin, ainsi que la date à laquelle elle a été réalisée. Le mot "reproduction" doit paraître sur la sculpture reproduite en question. à lireSerge Gérard,Rodin, l'homme d'airain, Cheminements,, 120 p.(lire en ligne),p. 10.
↑suivant de nombreux témoignages, plus ou moins affectueux, Rose Beuret est analphabète, ne sait ni lire ni écrire in Ruth Butler, Rodin, The shape of a genius, Yale University Press, 1993,p51
↑Michel Deveaux,Camille Claudel à Montdevergues, Éditions L'Harmattan,,p. 76.
↑Auguste Rodin et Valérie Pénicaut,Auguste Rodin. Les érotiques, Éditions Sauret,,p. 113.
↑ Technique qui consiste à démultiplier les moulages et tirages en plâtre, soit de sculptures entières, soit d'éléments de sculptures, puis à les réassembler avec d'autres sculptures ou parties de sculptures, voir note suivante
↑La Polonaise de Rodin, Paris, France-Empire, 1986, 294 p.(ISBN2704805040). Biographie de Sophie Postolska (1868-1942), aristocrate polonaise, élève et maîtresse d'Auguste Rodin dans la période 1898-1905, d'après son journal intime, des papiers de famille et des lettres échangées avec Rodin. Ces documents ont été trouvés après la mort de Sophie Postolska par Jean Dorizon, fils de sa sœur cadette Casimira et de son beau-frère Louis Dorizon, qui les mit dans un tiroir. François Dorizon, fils de Jean, les retrouva en 1970 et demanda en 1985 à Marc Toledano d'en tirer un ouvrage. Ruth Butler,Rodin: The Shape of Genius, Yale University Press, 1996,p. 346 et 544 (en ligne).
↑Sculpteur suisse (1879-1968), qui après avoir été l'assistant et l'élève de Bourdelle, devient assistant de Rodin, de 1904 à 1908.Rodin-Bourdelle. Correspondance 1893-1912,op. cit.
↑Rene Cheruy of Windsor, Rodin's Secretary, Tells of Life With Famous Sculptor, Hartford Courant, March 21, 1926.
↑« Un graveur genevois chez les symbolistes, par Philippe M. Monnier » [critique d'ouvrage], in: Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, tome XVII-3, 1982,p. 410.
↑ab etcBéatrice de Rochebouet, « Rodin ne laisse pas le marché de marbre »,Le Figaro, 9 avril 2015 :« “On recense donc au moins 26 exemplaires en bronze du petit modèle deLa Danaïde, toutes versions confondues”, explique l'expert Jérôme Le Blay, directeur du Comité Rodin, créé en 2005. […] “C'est un puits sans fond”, avoue ce conseiller qui affronte des successions difficiles où des héritiers ont préféré il y a trois générations, leur Rodin à leur maison. Alors que celui-ci est identifié comme faux. “Comment jeter la pierre à ceux qui ont vendu et acheté ces tirages illicites alors même que le musée Rodin a manqué de vigilance jusque dans les années 1980, en particulier avec la fonderie Rudier ?” conclut l'expert. Le particulier paye aujourd'hui cet aveuglement. »
↑Ce buste a été retrouvé par hasard en 2014 lors d'un inventaire réalisé dans la salle du conseil municipal de la ville deMadison (New-Jersey). L'expert parisien Jérôme Le Blay, auteur du catalogue raisonné de Rodin, s'est rendu à Madison en septembre 2015 pour l'authentifier. De plus, dans le fonds documentaire du Comité Auguste Rodin, une photographie montre le sculpteur posant avec le buste de Napoléon, que l'on croyait perdu. Il a été probablement réalisé entre 1907 et 1908, puis acheté en 1909, par un américain. Compte tenu de sa valeur (entre 4 et 12 millions de dollars), la ville, tout en révélant officiellement la découverte, indique que la fondation propriétaire de la sculpture, leHartley Dodge Memorial(en) de Madison, vient de la confier auPhiladelphia Museum of Art dePhiladelphie (cf.« Après avoir pris la poussière pendant 80 ans, une œuvre de Rodin vient d'être retrouvée par hasard », surhuffingtonpost.fr,(consulté le).
Chapitre artistique de la Butte Montmartre,Prix des quatre saisons, sculpture, Auguste Rodin,, 24 p.ric V.Grunfeld,Rodin, Paris, Fayard,, 760 p.(ISBN978-2-213-02256-7).
AlineMagnien et Maria LopezFernandez,Camille Claudel, 1864-1943 : Madrid, Fundación Mapfre, 7/XI/2007-13/I/2008 ; Paris, musée Rodin, 15/IV/2008-20/VII/2008, Paris Madrid, Gallimard Musée Rodin Fundación Mapfre,, 417 p.(ISBN978-2-07-012041-3).
AlineMagnien,Rodin. La fabrique du portrait, Paris, Skira/Flammarion/Musée Rodin,, 167 p.(ISBN978-2-08-122457-5).
FrançoisBlanchetière et WilliamSaadé (directeur),Rodin. Les arts décoratifs, Paris, Éditions du musée Rodin, Alternatives,, 272 p.(ISBN978-2-86227-599-4).
L'amour fou d'Auguste Rodin et Camille Claudel épisode deSecrets d'histoire diffusé le sur France 3 dans le rôle de Rodin Louis Bernard dans celui de Camille Claudel, Lou Gala