Attila, né peut-être vers 395-400[Note 1] dans les plaines duDanube et mort en dans la région de laTisza dans l'Est de laHongrie actuelle, fréquemment appeléAttila le Hun, est le souverain desHuns de 434 jusqu'à sa mort en mars 453. Il est aussi l'empereur d'unempire composé deHuns, d'Ostrogoths et d'Alains entre autres, sur le territoire de l'Europe centrale etorientale.
Il franchit ensuite lesAlpes, entre enItalie, dévastant une partie de laplaine du Pô, dont la ville d'Aquilée, mais doit rebrousser chemin, certainement à la suite du déclenchement d'une épidémie qui ravage ses troupes. Il projette cependant de nouvelles campagnes contre les Romains quand il meurt en mars 453. Après sa mort, son proche conseillerArdaric desGépides mène une révolte germanique contre la domination des Huns, et l'Empire hunniques'effondre rapidement.
La culture hunnique et la personnalité d'Attila ont fasciné ses contemporains. L'historiographie chrétienne a une vision négative du personnage, mais d'autres traditions, scandinaves et germaniques, l'ont érigé en figure positive. Ces mythes divergents se retrouvent dans les nombreuses représentations artistiques d'Attila, de l'Antiquité à nos jours. LesHongrois le célèbrent comme un héros fondateur.
L'historiographie d'Attila se heurte à une difficulté majeure : elle ne dispose que de sources écrites engrec et enlatin par les ennemis desHuns. Ses contemporains laissent de nombreux témoignages à son sujet, mais il n'en reste que des fragments[1].
L'archéologie fournit des détails sur le mode de vie, l'art et les techniques guerrières des Huns. Il reste quelques traces de batailles ou de sièges mais aujourd'hui encore la tombe d'Attila et l'emplacement de sa capitale n'ont toujours pas été localisés[6].
Le nom sous lequel Attila est connu aujourd'hui vient des Germains, qui l'ont transmis aux Romains qui l'ont à leur tour transcrit en grec et en latin. Dans sa propre langue, le hunnique, son nom devait être proche phonétiquement mais avoir un sens qui nous échappe[7]. Attila est un diminutif dugotique𐌰𐍄𐍄𐌰 /atta signifiant« père »[8]. Pour les Goths, voisins, vassaux ou esclaves des Huns, Attila est donc le« Petit père ». Ils reproduisent ainsi dans leur propre langue un son qui a une autre signification en hunnique. Celle-ci ne peut faire l'objet que d'hypothèses à partir deracines turques, commeat,« cheval », et son dérivéatliğ,« cavalier », ouat-,« flèche », qui donne le dérivéatliğ,« illustre »[9].
La date de naissance d'Attila n'est pas connue. Le journaliste et romancier Éric Deschodt et l'écrivain Hermann Schreiber avancent la date de 395[10],[11], mais l'historienIaroslav Lebedynsky et l'archéologue Katalin Escher s'accordent pour qualifier cette hypothèse« de pure fantaisie » et préfèrent situer la naissance d'Attila entre la dernière décennie duIVe siècle et la première duVe siècle[12].
Il est le fils deMoundzouk[13]. Ce dernier est le frère des roisOctar etRuga, qui ont régné conjointement sur les Huns. Ladiarchie est récurrente chez ce peuple sans que les historiens sachent si c'était coutumier, institutionnel ou occasionnel[14]. Sa famille est donc de lignage noble mais les historiens ne savent pas si elle constitue unedynastie royale. Même s'ils sont en voie desédentarisation depuis leur arrivée en Europe, les Huns forment une société de« pasteurs guerriers »[15] se nourrissant essentiellement de viande et de lait, produits de leurs élevages de bétail et de chevaux. Attila reçoit donc une éducation decavalier et d'archer[16]. Comme d'autres enfants de son peuple, sa tête est très tôt enserrée par des bandages de façon à obtenir unedéformation volontaire du crâne, pratique esthétique ou spirituelle[17],[18]. Il parle sa langue maternelle, le hunnique, apparenté à unelangue turque, mais comme il fait partie de la classe dirigeante, il apprend aussi lelangage des Goths[17].
Il grandit dans un monde en mutation dans lequel les Huns, son peuple, sont des nomades installés depuis peu en Europe[19]. Après avoir traversé laVolga dans les années 370 et annexé le territoire desAlains, ils s'attaquent auxroyaumes goths jusqu'auxCarpates et aux rives duDanube. Ils sont très mobiles, leursarchers à cheval ont acquis une réputation d'invincibilité et les peuples germaniques semblent impuissants face à ces nouvelles tactiques[20]. De vastes mouvements de population perturbent le monde romain installé à l'ouest et au sud et dont les frontières sont délimitées par leRhin et le Danube. En 376, les Goths passent le Danube, se soumettent aux taxes romaines dans un premier temps, puis se rebellent contre l'empereurValens, qu'ils tuent lors de labataille d'Andrinople en 378[21]. Le 31 décembre 406, pour fuir les Huns, lesVandales, des Alains, desSuèves et desBurgondes franchissent le Rhin gelé et pénètrent en Gaule romaine[22]. En 418, lesWisigoths obtiennent un territoire enAquitaine seconde avec un statut théorique de« fédérés » romains mais restent, dans les faits, insoumis voire hostiles. En 429, lesVandales fondent unroyaume indépendant en Afrique du Nord. Pour mieux faire face à ces invasions, l'Empire romain est géré depuis 395 par deux gouvernements administratifs et militaires distincts : l'un àRavenne dirige l'Ouest, l'autre àConstantinople s'occupe de l'Est. Du vivant d'Attila, malgré quelques querelles de pouvoir, l'Empire romain reste uni et dirigé par la même famille, lesThéodosiens[23].
Les Huns dominent un vaste territoire aux frontières floues déterminées par l'assujettissement d'une constellation de peuples plus ou moins autonomes. Certains sont assimilés, beaucoup conservent leurs rois, d'autres sonttributaires ou reconnaissent la suzeraineté théorique du roi des Huns mais restent indépendants[24]. Bien que les Huns soient indirectement la source des problèmes des Romains, les rapports entre les deux empires sont cordiaux : les seconds utilisent les premiers commemercenaires contre lesGermains et même dans leurs guerres civiles. Ainsi, l'usurpateur romainJean en recrute des milliers en 425[Note 2]. Ils échangent desambassades et des otages (comme Ætius qui devient ami du jeune Attila aux alentours de 411-414). Cette alliance dure de 401 à 450 et permet aux Romains de remporter de nombreux succès militaires[25]. Les Huns considèrent que les Romains leur versent des tributs tandis que ceux-ci préfèrent considérer qu'ils leur octroient des subsides contre des services rendus. Lorsque Attila devient adulte sous le règne de son oncle Ruga, les Huns sont devenus une grande puissance au point que l'ancien patriarche de ConstantinopleNestorius en vient à déplorer la situation en ces termes :« Ils sont devenus les maîtres et les Romains les esclaves »[26].
En 434,Ruga meurt et ses neveuxBleda et Attila deviennent rois. La succession n'est peut-être pas évidente car des Huns s'enfuient à Constantinople, dont deux membres de la famille royale (Mamas et Atakam), peut-être d'autres neveux ou même les fils de Ruga[26]. L'historien hongrois contemporainIstván Bóna estime probable que le père de Bleda et d'Attila, Moundzouk, a régné avant Ruga[27] mais aucune source ne l'atteste[12].
De 435 à 440, le règne de Bleda est marqué par le triomphe des Huns face à l'Empire romain d'Orient. Ce triomphe est avant tout diplomatique. Letraité de Margus, ville située non loin dulimes, prévoit un doublement du tribut annuel versé par Constantinople, soit 700livres d'or[Note 3], la promesse de ne plus accueillir d'opposants en exil, de ne pas chercher à retourner les alliés des Huns contre eux et l'ouverture d'un marché frontalier[28]. Durant cette période, les Huns étendent leur empire jusqu'auxAlpes, auRhin et à laVistule[29].
Pourtant, dès 440, lors de l'invasion de l'Arménie romaine par lesPerses sassanides, qui détourne momentanément des Huns l'attention de Constantinople, Bleda attaque l'Empire romain d'Orient. À ce moment, Attila, ayant entamé de son côté des pourparlers avec un représentant de Constantinople, n'aide son frère qu'en dernier recours au moment du siège de Sirmium, en 441. Il ne le fait sans doute que pour éviter d'être lésé dans le partage du butin. La politique séparée d'Attila, lors de la guerre de 441-442, s'explique peut-être aussi par sa volonté de négocier avec les Romains la remise des princes héritiers hunniques réfugiés dans l'Empire à la mort de Ruga et qui auraient pu prétendre à la succession en cas de décès de son frère[30].
Entre la fin 444 et le début 445, Attila attire Bleda dans un piège et l'assassine, sans que l'on sache de quelle façon, l'événement étant signalé par ses contemporains, mais non commenté[31]. Le roi desSkires,Edecon, et le roi desGépides,Ardaric, participent avec leurs forces auxiliaires à la prise de pouvoir. Attila a aussi à la cour le soutien des partisans de la guerre comme les deux frèresOnégèse et Scottas, desbarbareshellénisés de larégion du Pont ou encore Elsa, le lieutenant deRuga, et Eskam, grand propriétaire dans les plaines méridionales. Parmi les ralliés, il y a aussi des Romains, comme lePannonienConstantiolus et l'affranchi deMésie Primus Rusticus, qui se partagent le secrétariat d'Attila. Un certain Berichus, d'origine inconnue, Aïbars, l'oncle d'Attila, et Laudarik, certainement roi d'un peuple germanique allié, sont placés aux plus hauts rangs. Le reste des fidèles de Bleda périt en fuyant, comme un dignitaire qui enterre à Szikánes un trésor de 1 440 pièces d’or[Note 4] provenant sans doute du traité de 443[32].
Les sources anciennes ne parlent d'Attila que lorsqu'il devient roi : c'est donc seulement à partir de ce moment que l'on peut brosser son portrait[12].
« Sa taille était courte, sa poitrine large, sa tête trop grosse. De petits yeux, la barbe clairsemée, les cheveux blancs par endroits, le nez aplati, le teint brunâtre (canis aspersus, simo naso, teter colore)[33], il reproduisait ainsi les caractéristiques de ses origines. »
Cette description, très probablement inspirée dePriscus (lequel est nommé comme sa source immédiatement après le passage cité), permet de se faire une idée assez précise d'Attila ; elle est d'autant plus précieuse que l'Antiquité tardive ne nous a légué aucun portrait figuré du personnage. Les représentations d'Attila dans les peintures, gravures ou monnaies datent duMoyen Âge ou de laRenaissance et sont fantaisistes[34].
Certains chercheurs ont jugé typiquement est-asiatique le physique décrit ; ils y reconnaissent, combinées, toutes les caractéristiques qui correspondent à la morphologie des hommes de l'Asie de l'Est, d'où les ancêtres d'Attila pourraient provenir[35],[36]. D'autres historiens croyaient aussi que les mêmes traits étaient également attestés chez certainsScythes[37],[38].
L'ambassadeur romainPriscus, dont Jordanès cite le rapport, fut surpris de l'apparence simple d'Attila, qui ne portait ni bijoux ni vêtements de luxe. Le roi hun mange dans de la vaisselle de bois alors que ses invités sont servis dans de la vaisselle d'or[39]. Cette simplicité est aux antipodes du cérémonial à la cour de Rome ou de Constantinople où l'empereur vit dans un luxe ostentatoire et fait l'objet d'unevénération. Cette austérité dans l'apparence est probablement calculée de façon à impressionner ses visiteurs par un effet de contraste[18].
Attila possède de nombreuses épouses et utilise le mariage pour nouer des alliances dynastiques et diplomatiques[40]. La plus importante estÊrekan, que Jordanès nomme Kreka, mère d'Ellac, son fils aîné et successeur désigné, et de deux autres fils[34]. Elle dispose d'une suite nombreuse, son statut particulier lui confère un rôle protocolaire et elle reçoit les ambassadeurs byzantins[41]. La plus connue estIldico, la femme auprès de qui Attila meurt lors de sa nuit de noces[40]. La transcription de ces deux noms étant incertaine, les historiens ne savent pas s'il s'agissait de femmes hunniques ou germaines. Les épouses sont relativement libres, ont une indépendance matérielle et possèdent leurs propres résidences[34].Honoria, sœur de l'empereurValentinien III, lui aurait proposé de l'épouser, mais, lorsqu'Attila fait valoir cette proposition, il est poliment éconduit. Attila aurait eu de nombreux autres fils mais seuls trois d'entre eux sont connus avec certitude : Ellac,Dengitzic etErnakh, son préféré d'après Priscus[39].Hormidac, un chef hun qui attaqua l'Empire romain en 466/467, n'est connu que parSidoine Apollinaire qui le présente comme un fils d'Attila[42],[43]. Il est peut-être le beau-père de son alliéArdaric, roi des Gépides[44].
Une fois adulte, le fils aîné Ellac participe à la gestion de l'Empire aux côtés de son père, qui lui confie la charge de la partie orientale[40]. Lorsque des banquets officiels sont organisés, ses fils y participent, Ellac devant« fixer ses yeux sur le sol par respect pour son père »[39].
Sous le règne d'Attila, l'Empire hunnique ne connaît pas d'expansion territoriale importante et durable ; la nouveauté réside surtout dans la concentration des pouvoirs dans les mains d'un seul homme du fait du meurtre de Bleda et de la disparition de la diarchie[45]. Les historiens ignorent le titre et la fonction exacte qu'il occupe au sein de son peuple ; les Romains le désignent simplement comme« le roi ».
À l'inverse des empereurs romains, ce qui surprend leurs ambassadeurs, Attila vit au milieu de son peuple et en partage les mœurs[46]. Les Huns sont des éleveurs nomades, mais il semble que sous le règne d'Attila commence une certainesédentarisation, en particulier avec la construction d'une capitale dont l'emplacement exact est inconnu, mais qui est située entre les rivièresTisza etTimiș. Elle est constituée de nombreuses maisons de bois dont certaines sont pourvues dethermes à la romaine. Également en bois, le vaste palais royal orné de portiques fastueux fait impression sur les ambassadeurs romains en 449. Attila possède plusieurs autres résidences de taille plus modeste, relais de son pouvoir à travers son vaste territoire[46].
Pour régner sur une confédération de peuples nomades et sédentaires très différents, il ne dispose pas d'une administration organisée. Sa puissance repose sur des élites dominant une structure souple de fidélités variées[47]. Le premier cercle dirigeant appartient à une souche princière hunnique mais nombre de personnages importants sont d'une ethnie différente. Son bras droitOnégèse est un Hun, son secrétaireOreste est un Romain dePannonie[48], les peuples soumis ou alliés aux Huns conservent souvent leurs propres rois commeEdecon, roi desSkires,Ardaric, roi desGépides, Candac, roi desAlains, etValamir, roi desOstrogoths. Ces derniers sont engagés dans un rapport de pouvoir personnel avec Attila, ils lui doivent leurs places et l'ont soutenu lors de son putsch contre Bleda. Ils lui sont donc fidèles, mais cette qualité ne persiste pas nécessairement après la disparition du souverain[47].
Une des priorités d'Attila est d'empêcher que certains Huns soient tentés de passer du côté romain pour servir comme mercenaires. Lorsqu'il contraint Rome ou Constantinople au tribut ou lors des négociations de paix, il exige toujours que lui soient remis ceux qu'il considère comme des traîtres et des déserteurs. Cette politique porte ses fruits et le phénomène des transfuges reste anecdotique[49].
Les croyances ont une place importante dans le monde des Huns mais la religion d'Attila est mal connue[50]. Beaucoup de ses sujets germains sont deschrétiensariens mais il semble que les Huns et Attila pratiquent une religion traditionnellepolythéiste etanimiste avec deschamans d'une grande importance sociale. Ces chamans pratiquent la divination parscapulomancie, pratique typique des éleveurs nomadesturco-mongols. Lesdevins ont joué un grand rôle dans la vie d'Attila, dans sa vie de famille en lui prédisant sur lequel de ses fils il pouvait compter, et aussi au moment des batailles en influant sur ses décisions[51].
Chaudron hunnique
Concernant ses convictions et les rites qu'il pratiquait, les historiens actuels divergent sur plusieurs points importants :Michel Rouche pense qu'Attila se voyait comme un dieu lui-même[52]. Rouche déduit des grands chaudrons hunniques de bronze retrouvés par les archéologues qu'Attila pratiquait un« cannibalisme sacré » en faisant dessacrifices humains et en buvant du sang humain[53].Bozoky rejette totalement les affirmations de Rouche sur des pratiques pour lesquelles, selon elle, il n'existe aucun témoignage ni aucune trace matérielle et qui, à ses yeux, reposent sur des comparaisons anachroniques avec d'autres peuples[54]. Quant à l'idée que le roi des Huns ait pu prétendre être un dieu, Katalin Escher etIaroslav Lebedynsky pensent plutôt qu'il croyait à sondestin providentiel d'Élu divin et à son charisme surnaturel comme« tant d'autres chefs militaires »[55].
Il est en revanche certain qu'il utilise aussi cette religion à des fins de politique intérieure. Ainsi au cours de son règne, Attila affirme avoir reçu une épée sacrée du dieu de la guerre, légitimation suprême et présage fédérateur précieux pour un règne qui met son peuple en état de guerre permanent[56],[51].
Selon l'historienOtto John Maenchen-Helfen, les Huns vivent en pasteurs guerriers de l'élevage de chevaux et de moutons puis quand ils deviennent« les maîtres de populations paysannes, comme les Germains et lesSarmates, ils trouvent plus simple et agréable de les rançonner que de travailler eux-mêmes »[57]. Ainsi, l'historien Michel Rouche les qualifie de« société de prédateurs »[58]. Pour maintenir leur niveau de vie mais aussi la fidélité de leurs alliés, les Huns, de plus en plus puissants, commencent à exiger des tributs de leurs riches voisins romains et perses. Si ces derniers ne paient pas, ils lancent desrazzias qui rapportent autant de butin, si ce n'est plus. Galvanisés par leurs succès, les aristocrates huns deviennent de plus en plus avides. Pour légitimer son pouvoir et accroître sa richesse, Attila doit donc impérativement maintenir les États voisins sous pression. Il saisit ainsi tous les prétextes pour accroître ses intimidations, sommations et revendications[59].
Le, un tremblement de terre détruit une grande partie de lamuraille théodosienne deConstantinople dont cinquante-sept tours s'effondrent, et dévaste de nombreuses villes et villages de laprovince de Thrace[60]. La destruction des silos entraîne une famine importante. Attila profite de l'occasion pour mobiliser toutes ses troupes : il franchit lelimes et pénètre enDacie aurélienne. Les troupes romaines stationnées àMarcianopolis tentent de lui couper la route mais sont écrasées à labataille de l'Utus, leur généralArnegiscle est tué.
Les Huns pillent ensuite les provinces deMésie, deMacédoine et de Thrace[61]. L'empereur d'Orient,Théodose II, se concentre sur la défense de sa capitale mais Attila n'attaque pas Constantinople et se retire avec un immense butin[62].
D'âpres négociations de paix commencent, Attila est en position de force et place haut ses exigences : en plus d'une augmentation du tribut, il réclame la cession d'une zone de cinq jours de marche située au sud du Danube. Déplacer ainsi la frontière, en plus de la valeur symbolique, donnerait un avantage tactique aux Huns[62]. Et dans des circonstances mal connues,Aetius, probablement sous la contrainte, lui accorde laPannonie Savia tandis que le souverain Hun se voit même conférer le titre et le salaire demagister militum de l'empire d'Occident[63].
En 449, Théodose met au point un plan : il envoie une ambassade[Note 5] officiellement pour finaliser le traité de paix mais avec l'objectif secret d'organiser l'assassinat d'Attila. Cinquante livres d'or sont versées àEdecon, mais celui-ci dévoile le plan au roi, qui met fin au complot pour la plus grande humiliation des Romains[64].
Malgré cet échec, Théodose a l'habileté de faire traîner les négociations tout en renforçant ses troupes pour rééquilibrer le rapport de force. En 450, le traité de paix prévoit un retour à la situation territoriale d'avant 447 et la restitution des prisonniers romains en échange du paiement d'un tribut dont le montant n'est pas connu[65]. C'est un succès diplomatique relatif pour Théodose mais il irrite les militaires romains exaspérés par l'arrogance d'Attila dont les ambassadeurs leur parlent désormais comme à des sujets[66].
Mais le, l'empereurThéodose II meurt dans un accident de cheval et le« parti des bleus » (parti des sénateurs et des aristocrates), triomphe avec l'avènement deMarcien. Le nouvel empereur a un tempérament belliqueux et rejette vigoureusement l'idée d'acheter la paix avec les Barbares. Le ministre de Théodose,Chrysaphios, est exécuté ; comme celui-ci avait été avait tenté de faire assassiner Attila, l'événement dut réjouir ce dernier. Malgré sa victoire initiale, Attila laisse Constantinople se relever : il vise à présent l'empire d'Occident[67].
Le roi des Huns s'oppose de plus en plus à l'Empire romain d'Occident. En 448, Attila accepte de recevoir à sa cour le chef d'unebagaude en fuite qui veut le pousser à la guerre enGaule[69]. En 449, il s'oppose à Rome dans une querelle de succession chez lesFrancs. Enfin en 450,Honoria fait directement appel à lui. Honoria, sœur de l'empereur Valentinien III, est« Augusta » et donc officiellement porteuse d'une partie du pouvoir impérial. Son frère cadet Valentinien III décide de l'en écarter et de la marier contre sa volonté à un vieux sénateur. Pour se venger, Honoria envoie sonanneau sigillaire à Attila en lui demandant son aide et en lui promettant le mariage. Le roi hun trouve là le prétexte à une intervention « légitime » en Occident lui permettant d'assouvir ses grandes ambitions. Les historiens ne savent pas si c'est un coup de bluff ou une visée réelle mais il réclame, en plus de la main d'Honoria, que la Gaule lui soit remise endot[70],[71]. Valentinien refuse toute négociation, Marcien l'encourage à rester ferme et lui promet son aide[72]. Attila lance alors des préparatifs militaires et cherche à s'allier auxVandales et aux Wisigoths. Ces derniers refusent car ils craignent trop sapolitique expansionniste[73].
Itinéraires et pillages supposés des Huns en Gaule.
Attila se lance au printemps 451 dans une campagne contre laGaule à la tête d'une armée réunissant les Huns et leurs vassaux germaniques,Gépides,Ostrogoths,Skires,Suèves,Alamans,Hérules,Thuringiens,Francs ripuaires (lesFrancs saliens étant alliés aux Romains),Alains etSarmates. Les effectifs sont impossibles à évaluer, mais il est certain qu'ils sont très nombreux au regard des critères de l'époque et que l'armée se déplace lentement[74]. La Gaule est alors secouée par des révoltes. Attila espère également que lefœdus unissant les Romains et les Wisigoths ne sera pas respecté et qu'il pourra affronter ses ennemis séparément ou convaincre l'un des deux de se rallier à lui[74]. Attila se montre devantDivodurum Mediomatricorum, l'actuelleMetz, qui refuse de se rendre. Le, alors qu'il désespère de s'en emparer, la muraille sud de la ville s'effondre. Les Huns s'élancent par la brèche, massacrent la population, pillent la ville et l'incendient[75].
Une anecdotehagiographique restée dans les mémoires chrétiennes concernesainte Geneviève qui par ses prières aurait obtenu qu'Attila épargne Paris[76]. Le roi des Huns marche directement surOrléans, mais la ville résiste et l'assaillant doit faire un siège de plusieurs semaines[77]. Ce délai permet aux Romains, commandés par lepatriceÆtius, et aux Wisigoths du roiThéodoric de rassembler les forces nécessaires à un affrontement[78]. Attila lève le siège et affronte Ætius à labataille des champs Catalauniques, aux environs deTroyes. L'affrontement fait de nombreux morts, dont Théodoric ; Attila échappe de peu à ses ennemis. La victoire est du côté des Romains, mais, comme les Wisigoths se replient surToulouse pour régler la succession de Théodoric entre ses fils, Attila peut retirer ses troupes sans être poursuivi. Il passe alors par Troyes où, à la manière de sainte Geneviève à Paris, l'intercession desaint Loup de Troyes (évêque de la cité) lui fait épargner la ville. Malgré quelques succès mineurs, cette campagne est un échec : Attila n'a pu trouver aucun allié sur place et, une fois unis, ses adversaires sont les plus forts[79]. Ses pertes sont élevées et, dans sa retraite, il abandonne une partie du butin qu'il a amassé[80]. Pour maintenir son autorité à l'intérieur et son prestige à l'extérieur, Attila doit agir, c'est pourquoi il organise une autre campagne dès l'année suivante[81].
Au printemps 452, Attila passe lesAlpes et prendAquilée après un long siège puis avec moins de difficulté s'empare dePadoue,Vérone,Milan etPavie[81]. La situation semble désespérée pour Rome et Valentinien III décide de négocier. Le il envoie une délégation composée du papeLéon Ier, d'un ancien consul et d'un ancien préfet duprétoire[81]. Attila accepte un traité car son armée est victime d'uneépidémie et surtout son empire est attaqué à l'est par les troupes deMarcien décidé à porter secours à Rome[82]. Attila se retire victorieux avec un butin immense. Bien que son armée soit un peu affaiblie, il menace les ambassadeurs de revenir l'année suivante si Honoria et sa dot ne lui sont pas remises. Cependant, comme en 451, Attila doit céder devant ses adversaires unis et les deux gouvernements romains solidaires[82].
Au début de l'an 453, Attila meurt d'une manière soudaine et inattendue, dans son sommeil, étouffé par unsaignement de nez durant lanuit de noces avec la GermaineIldico, qui est retrouvée au matin, prostrée près du cadavre. Dans saChronique, leComte Marcellin ne mentionne l'hémorragie qu'en second lieu, comme la version « de certains » (quidam) ; sa première explication est l'assassinat nocturne d'Attila par son épouse[83]. Le chroniqueur byzantinMalalas, de son côté, parle d'un assassinat commandé parAetius[84]. L'historien Michael Babcock trouve vraisemblable l'hypothèse d'un assassinat et avance queMarcien aurait pu organiser une machination, commeThéodose II avant lui l'avait essayé[85] ; cependant les historiensMichel Rouche,Edina Bozoky, Katalin Escher etIaroslav Lebedynsky n'y croient guère et, pour ces derniers,« on ne peut ni balayer cette idée d'assassinat, compte tenu de l'ancienneté des soupçons, ni prouver quoi que ce soit »[86].
Attila est enterré secrètement dans un triple cercueil d'or, d'argent et de fer[87], et les esclaves qui creusent sa tombe sont égorgés afin qu'elle ne soit jamais découverte et profanée[65]. Son emplacement est encore inconnu auXXIe siècle[88].
Sa succession dégénère en conflit entre ses fils, dont les principaux sontEllac,Dengitzic etErnakh. Ancien allié d'Attila, le roiArdaric et sesGépides soulèvent les peuples fédérés et vainquent les Huns à labataille de la Nedao, au cours de laquelle Ellac trouve la mort, entraînant la dislocation de l'Empire hunnique[47]. Les tribus hunniques se désunissent et reprennent pour chefs des membres de leurs aristocraties, tandis que les différents peuples fédérés par Attila se dispersent. Dengitzic tente une dernière incursion au sud duDanube en 469 et une chronique byzantine, leChronicon Paschale, nous rapporte sa fin :« Dengitzic, fils d'Attila, fut tué par Anagastes,magister militum de Thrace. Sa tête fut apportée à Constantinople tandis que des courses de chars avaient lieu ; elle fut promenée en procession le long de la Mésè, transportée au Cirque de Bois (Ξυλόκερκον) et plantée sur un pieu. Toute la ville vint la voir pendant bon nombre de jours »[89]. Avec sa mort disparaît toute possibilité de restaurer l'Empire hunnique[90].
Les Huns menés par Attila, déferlant sur l'Italie, vus parUlpiano Checa y Sanz (1887).
Dans la langue française, une longue tradition désigne Attila par l'expression« le fléau de Dieu ». Cette expression est la traduction, devenue trompeuse avec l'évolution sémantique du terme « fléau », des mots latinsflagellum Dei, qui signifient exactement « fouet de Dieu ». L'image du fouet que Dieu utilise pour punir les méchants ou son propre peuple quand il dévie, est d'origine biblique : elle se trouve principalement dans un passage d'Isaïe (10, 26) :« Et sur <Assour>, le Seigneur Dieu des armées lèvera son fouet... »[91]. On lit parfois quesaint Augustin appliqua cette expression àAlaric en 410 : or, si la locutionflagellum Dei figure bien dans laCité de Dieu[92], elle ne s'y rapporte pas précisément au roi des Goths, mais d'une manière générale aux malheurs qui frappent alors Rome. À la fin duVIe siècle,Grégoire de Tours considère que l'arrivée des Huns a été voulue par Dieu, mais il n'emploie à ce sujet aucune métaphore[93]. Au siècle suivant,Isidore de Séville se rapproche de l'image du fouet en citant implicitementIsaïe, 10, 5 :« Les Huns sont le bâton de la fureur de Dieu (uirga enim furoris Dei sunt). Chaque fois que la colère de Dieu s'abat sur les fidèles, c'est par eux qu'ils sont frappés »[94]. L'expressionflagellum Dei (« fouet de Dieu ») n'apparaît à propos d'Attila que dans l'hagiographie du Moyen Âge central, peut-être d'abord dans la secondeVie de saintGéminien de Modène, de date discutée (Xe siècle ouXIe siècle ?)[95], et plus tard dans la secondeVie desaint Loup de Troyes (à présent datée, non plus duXe siècle, mais de la fin duXIe siècle au plus tôt)[96], deux épisodes quasi identiques où le chef hun, à qui le saint évêque vient de se présenter comme le "serviteur de Dieu", répond du tac au tac :« Et moi je suis le fouet de Dieu ! ». Les chroniqueurs et les hagiographes poursuivent cette tradition et font d'Attila un véritable« antihéros »[97]. LesVies de saints médiévales lui prêtent maints crimes et lui imputent la mort de nombreux saints, parmi lesquels l'évêque deReimsNicaise et le diacre Memorius àSaint-Mesmin[97]. Une série de légendes hagiographiques met en scène des évêques protégeant leur cité contre Attila : Jean àRavenne,Géminien àModène,Alpin àChâlons,Auctor àMetz, etc.[98]. La légende desainte Ursule et des onze mille vierges martyrisées àCologne constitue à cet égard la fiction la plus impressionnante : couchée par écrit auXe siècle, elle reste populaire durant tout le Moyen Âge[99]. Certains récits vont même identifier lesJuifs aux Huns[100].
En Italie, à partir duXIVe siècle, Attila devient un héros littéraire[101]. Desépopées en vers ou en prose narrent ses aventures chevaleresques et lui prêtent une naissance extraordinaire : il serait le fils d'une princesse et d'unlévrier. Dans ces récits, par sa nature semi-bestiale et ses mauvaises actions, il est encore représenté comme l'ennemi du christianisme. L'un des plus populaires, l'Estoire d'Atile, est copié puis imprimé àVenise à travers les siècles ; la dernière édition daterait de1862[102].
Dans ces légendes, Attila est le frère deBrynhildr ouSigrdrífa, la première épouse deSigurd. Après la mort de celui-ci, il épouseGudrún (Kriemhild dans le domaine germanique). Par la ruse, il attire chez lui ses beaux-frèresGunnar etHögni dont il tente en vain d'obtenir le secret de l'emplacement de l'or du Rhin, puis les fait mettre à mort. Gudrún se venge en faisant périr Attila, selon une version, dans l'incendie de son palais ; selon une autre, par le poison, après lui avoir fait manger le cœur de leurs fils[108].
Le personnage de Gudrún, sœur du roi des Burgondes, serait issu de l'Ildico historique : la mort tragique d'Attila, les soupçons d'assassinat et d'implication de sa jeune épouse auraient donné naissance à une tradition littéraire dans laquelle le motif de la vengeance féminine tient une place majeure[109].
Dans l'ensemble de ces mythes, Attila est représenté de façon assez« sympathique », il est tolérant, loyal, généreux et chevaleresque. Ses démêlés tragiques sont dus à sa naïveté et à ses difficultés à comprendre les autres peuples[104].
Fête d'Attila, huile sur toile, par le peintre hongrois Mór Than (1870).
Lorsqu'auXe siècle lesHongrois, nomades venus de l'Est, s'installent dans lesCarpates et commencent à mener des razzias en Europe, les chrétiens les identifient immédiatement aux Huns[110]. Quand ils se convertissent et commencent à écrire leur propre histoire, ils adoptent cette idée, revendiquent la filiation avec Attila et le transforment en héros positif. Il devient ainsi l'ancêtre de la dynastieÁrpád dans laGesta Hungarorum rédigée vers 1210[111].
« Huns ! Je lève haut l'épée de Dieu, qu'elle propage jusqu'à la fin du monde, l'empire, le nom, la gloire de notre peuple ! »
Discours d'Attila dans le poème épique et nationaliste deJános Arany, 1863.
Le mythe d'Attila est aussi très utilisé dans la politique hongroise, particulièrement par l'extrême droite dans lesannées 1930. Certains développent unnéopaganisme prétendant retourner aux sources hunniques et construisent une tour à la mémoire d'Attila, d'Árpád et deKoppány[116]. Ces groupes connaissent une résurgence avec laTroisième République hongroise : une« Sainte Église des Huns » est fondée en1997 et une« Alliance hunnique » en2002. En2010, une statue équestre d'Attila est inaugurée àBudapest par le ministre de la DéfenseCsaba Hende. À cette occasion, des arbres sont plantés aux frontières historiques de la Hongrie, officiellement pour qu'ils prennent racine auprès d'Attila[116].
Les formules lapidaires concernant Attila, élaborées par l'historiographie romantique, sont propagées en France par l'école (laïque aussi bien que confessionnelle) dès la seconde moitié duXIXe siècle. On voit ainsi le roi hun qui, sur sa monture favorite Balamer, guidée par le vent, parvient jusqu'à l'épée deTengri et s'écrie alors :« Là où passe mon cheval, l'herbe ne repousse pas ! ». Cette phrase a longtemps été un lieu commun de l'enseignement primaire en France[119],[120]. L'inventeur n'en est autre queChateaubriand, dans un discours prononcé en 1826 :« L'herbe ne croît plus, dira-t-il, partout où le cheval d'Attila a passé »[121]. Remployée deux fois par Chateaubriand lui-même, qui fabriquait ainsi des formules historiques pour son propre usage, cette forte sentence orne encore lesMémoires d'outre-tombe, où elle est appliquée à Napoléon[122]. La première phrase de Chateaubriand fut répétée sept ans plus tard, presque mot pour mot, par Hippolyte Roux-Ferrand dans sonHistoire des progrès de la civilisation en Europe[123], et sans doute reproduite ensuite par bien d'autres, avant d'entrer dans les manuels scolaires, au plus tard en 1853[124]. Comme l'observe Anne-Sophie Morel, lesMémoires de Chateaubriand « superposent au récit des campagnes napoléoniennes les souvenirs des invasions barbares »[125], et servent au Vicomte à condamner les guerres de Napoléon, jugées aussi destructrices que les sanglantes expéditions d'Attila. LeGrand dictionnaire universel duXIXe siècle dePierre Larousse canonise l'invention de Chateaubriand en lui conférant le statut d'un mot historique qui va de soi et mérite de figurer en bonne place dans une définition : « Croître : (...) Naître et se développer :Le bouleau ne croît que dans les pays froids.Le blé croît presque partout.L'herbe ne croît plus où son cheval a passé (Attila). »[126].
Plus récemment, en 2011, le général serbeRatko Mladić est surnommé Attila aussi bien dans son propre pays qu'à l'étranger[129]. Despamphlétaires utilisent encore la figure négative d'Attila, comme Sandy Franks et Sara Nunnally qui le comparent avecWall Street[130].
À une moindre échelle qu'en Hongrie, le roi des Huns est resté populaire dans le reste de l'Europe, sa figure ayant sans cesse intéressé les artistes. Pour l'historienne Edina Bozoky, la richesse et la variété des œuvres sur Attila sont exceptionnelles dans l'histoire littéraire :« chaque pays, chaque époque se fabrique un Attila à son image »[131].
L'art chrétien a beaucoup représenté Attila :enluminures des ouvrages hagiographiques comme celles deLa Légende dorée deJacques de Voragine, statues,retables et vitraux des églises. Attila y est souvent un personnage secondaire visant à valoriser les saints, comme Alpin, Loup, Geneviève, Ursule et les vierges de Cologne. L'un des tableaux les plus renommés estLe Martyre de sainte Ursule peint parLe Caravage en 1610. Attila y est représenté avec un air sombre et un arc à la main tandis qu'une flèche transperce la poitrine de la martyre[132]. Les peintres, sculpteurs et graveurs hongrois de laRenaissance et de l'âgebaroque en réalisent des portraits en majesté dans l'art officiel[133].
Attila est une des dernièrestragédies deCorneille, en 1667. Il s'agit d'un drame amoureux dans lequel Attila doit choisir entre Honorie l'impératrice et Ildione la sœur du roi de France. Corneille considère que c'est sa meilleure pièce de théâtre, mais elle ne remportera pas un grand succès[134].Nicolas Boileau voit dansAttila la preuve du déclin du génie cornélien, et exprime sa consternation en 1667 dans une épigramme célèbre :« Après l'Agésilas, / hélas ! / Mais après l'Attila, / holà ! ». En montrant un Attila rongé par ses ambitions de conquêtes glorieuses et aux prises avec des amours tumultueuses, Corneille parle de la France du jeune et ambitieuxLouis XIV des années 1660[135].
Attila est très utilisé dans l'opéra. Dès1672,Pietro Andrea Ziani compose unAttila sur un livret deMatteo Noris. En1807 àHambourg, en1818 àPalerme, en1827 àParme et en1845 àVenise, des opéras intitulésAttila sont représentés avec des succès divers. Le plus connu reste celui deGiuseppe Verdi en1846.Zacharias Werner, écrivain autrichien, écritAttila, König der Hunnen (Attila, roi des Huns) sur les dernières années de sa vie et la fait publier en 1807. Il met en scène la campagne d'Italie et le pillage d'Aquilée. Attila y est clairement une métaphore de Napoléon. Celui-ci n'est pas dupe et ordonne de détruire toutes les copies de l'ouvrage en 1810[136]. Cette œuvre est à l'origine, en1846, de l'opéra de VerdiAttila, sur un livret deTemistocle Solera.
En 2002,Olivier Boreau compose une pièce pour orchestre d'harmonie sous le titre éponymeAttila.
Attila est également le nom utilisé par un groupe de deathcore américain originaire d'Atlanta et formé par Chris Fronzak en 2005.
Plus récemment, le nom Attila est parfois employé dans des morceaux de rap.Booba, en plus de l'évoquer dans plusieurs de ses morceaux, a nommé une de ses chansons d'après lui.
Le groupeAttila Jazz Quintet a été créé par Pierre Levy, musicien, écrivain et producteur de radio. Il s'est produit pendant huit ans, et a continué sous le nomPierre Levy Quintet pendant dix années à jouer un jazz inspiré par le jazz des années 50/60, surtout par Charles Mingus, Horace silver et Thelonious Monk.
Attila figure parmi les cinq personnages principaux du roman surréaliste de Pierre LevyRAGA EN CHAT BEMOL paru chez Kirographaires en 2012. Une partie du roman se situe à Budapest où se trouve le palais du Roi-Président Hunno-Hongrois, ainsi présenté dans le roman.
Attila est le personnage central du huitième épisode de la saga des Timour dessinée par Sirius dans le journalSpirou,Le Fléau de Dieu (1958), repris en album en 1960 sous le titreTimour contre Attila. Le chef hun n'y est pas présenté comme une brute ou un barbare : au fil de l'histoire, une estime réciproque naît entre les deux hommes. La bande dessinée historique deJean-Yves Mitton etFranck BonnetAttila mon amour sort en six volumes de1999 à2003.
En 2019, les éditionsGlénat et lesÉditions du Cerf publientLéon le grand, défier Attila (scénario deFrance Richemond, dessin deStefano Carloni, couleurs de Luca Merli) dans lequel on découvre comment le papeLéon le Grand aurait dissuadé Attila et sa horde de pillerRome en 452.Dab's a également crééLe Club des Huns, une bande dessinée humoristique centrée sur Attila, lequel, pour retrouver sa gloire passée, décide d'envahir la Gaule avec ses guerriers[144].
DansAge of Empires II : The Conquerors, unecampagne retrace toutes les grandes conquêtes d'Attila, de son accession au trône jusqu'à la chute de l'Empire romain d'Occident.
On désigne parfois par « matrice Attila » la matrice deMn(K) dont tous les coefficients sont des « 1 », du fait de son appellation « la matrice des uns ». Cette notation récente n'est pas universelle et conduit parfois à des erreurs avec des étudiants qui n'ont pas compris l'allusion sous-jacente[réf. nécessaire].
↑L'épithèteteter (classiquetaeter), que Jordanès rapporte au teint d'Attila, a pour premier sens « affreux », « hideux », « repoussant », et en vient, dans l'Antiquité tardive, à signifier « noirâtre, sombre ». Traduire ici par « foncé » ou « basané » ne serait pas faux, mais ferait perdre la connotation négative. Le terme « brunâtre » (trouvaille deMichel Rouche) a l'avantage de concilier le sens second (chromatique) et l'acception originelle, qui est très péjorative. On ignore quels mots grecs Jordanès lisait chez son modèle Priscus.
↑Marjeta S.Kos,« The Family of Romulus Augustulus », dans Peter Mauritsch (éd.),Antike Lebenswelten : Konstanz– Wandel – Wirkungsmacht : Festschrift f¨ur Ingomar Weiler zum 70. Geburtstag, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag,(ISBN978-3447057615),p. 439–449
↑Vita Geminiani Mutinensis episcopi (BHL 3297-3300), éd. P. Bortolotti 1886, p. 94 :Cui fertur Attila respondisse : "Si tu es, inquit, seruus Dei, et ego sum flagellum Dei".
↑Vita Lupi Trecensis episcopi (BHL 5089), IV, 45,AA.SS.,Iulii VII, p. 79 :Cui rex furiis scelerum agitatus : "Ego sum, ait Attila, flagellum Dei."
↑AugustinGuillemain et FrançoisLe Ster,Histoire de France, du cours moyen au certificat d'études, Paris, Les Éditions de l'École,,chap. 1475,p. 72.
↑PaulBernard et FranzRedon,Nouvelle histoire de la France et de la civilisation française : Cours moyen, Première année, Programme 1945, Paris,Nathan,,p. 18.
↑Chateaubriand,Discours servant d'introduction à l'histoire de France. Premier discours. Première partie (lue par M. de Ch. dans la séance publique du 9 février 1826). Chateaubriand reprit et remania légèrement cette phrase dans l'édition de 1831 de sesOeuvres complètes,Études ou discours historiques sur la chute de l'empire romain. Paris, Eugène et Victor Penaud, s.d. [1831], p. 447 : « L'herbe ne croît plus, disait encore cet exterminateur, partout où le cheval d'Attila a passé ». Cette version retouchée ne tarda pas à être reproduite à la lettre, notamment parAbel Hugo,France historique et monumentale. Histoire générale de France. I. Histoire de la Gaule de l'an 1000 avant J.-C. à l'an 483 après J.-C.. Paris, H.-L. Delloye, 1836, p. 365.
↑Mémoires d'Outre-Tombe par M. le Vicomte de Chateaubriand. Tome sixième. Paris, Eugène et Victor Penaud, 1849, p. 308 : « Qu'allait-on penser à l'aspect de l'invalide royal remplaçant le cavalier qui avait pu dire comme Attila : "L'herbe ne croît plus partout où mon cheval a passé" ? ». L'invalide royal est bien sûrLouis XVIII.
↑H. Roux-Ferrand,Histoire des progrès de la civilisation en Europe, tome II. Paris, 1833, p. 10 : « L'herbe ne croît plus, disaient-ils, partout où a passé le cheval d'Attila ».
↑Exemple : J.-A. Courgeon (Professeur agrégé d'histoire),Récits de l'histoire de France. Première période. La Gaule indépendante et la Gaule romaine. Paris, Hachette, 1853, p. 244 : « L'herbe ne croît plus, disait encore ce farouche exterminateur, partout où le cheval d'Attila a passé ».
↑Anne-Sophie Morel,Chateaubriand et la violence de l'histoire dans les «Mémoires d'outre-tombe ». Paris, H. Champion, 2014, p. 139.