Athanase d'Alexandrie (engrec ancien :Ἀθανάσιος), né vers 296/298 et mort le, ditle Grand, estévêque (patriarche) d'Alexandrie[note 1] du à sa mort. Sa personne est au cœur des controverses entre Orient et Occident. Né sous la dernièrepersécution dite « Grande persécution », Athanase vit le moment historique du passage d’un christianisme minoritaire à un christianisme de masse dans cette partie de l’Orient ; l’époque voit aussi l’émergence d’une Église égyptienne solidement structurée, capable de résister durablement aux adversaires de l’orthodoxie nicéenne.
Il est surnomméAthanasius contra mundum (« Athanase contre le monde ») en raison du combat qu'il a mené sa vie durant pour expliquer et imposer la divinité du Christ lorsque le monde entier semblait abandonner l’orthodoxie nicéenne.
Saint Athanase est une figure majeure du christianisme antique : l'Église copte orthodoxe l'appelle l'« Apostolique », le « Phare de l'Orient » et la « Colonne de la foi ». Les Églisesorthodoxes le fêtent le et le comptent parmi les quatre grands Docteurs de l'Église. L'Église catholique (qui le fête le) le compte au nombre de sesDocteurs et de sesPères de l'Église[1]. Au cours de ses 45 ans d'épiscopat, il connaîtra cinq fois l'exil.
Athanase naît àDamanhour, près d'Alexandrie, enÉgypte, en 298. Il est issu d'une famillepaïenne[2] et est attiré par le christianisme en raison des bonnes manières qu’avaient les chrétiens qu’il côtoyait[3]. Il estbaptisé par l'évêqueAlexandre qui l’ordonnediacre et le prend comme disciple.
Il reçoit une instruction profane très solide, notamment littéraire et philosophique, dans les écoles de la métropole, comme il ressort évidemment de l'ensemble de son œuvre. Sa culture est d'ailleurs purement grecque, sans qu'on n’y perçoive jamais d'héritage égyptien. Il entre très jeune dans leclergé chrétien d'Alexandrie, et il y estlecteur pendant six ans.
Il s'impose très vite par ses qualités comme secrétaire et homme de confiance de l'évêqueAlexandre : il est le probable rédacteur du mémorandum envoyé en 322 parAlexandre à ses collègues évêques pour expliquer et justifier lesynode d'Alexandrie de 321 qui a déposé le prêtreArius et les membres de sa faction ; c'est un de ses premiers textes connus. Il participe en qualité dediacre et secrétaire de l'évêqueAlexandre aupremier concile de Nicée (fin mai -).Alexandre le désigne comme son successeur avant de mourir (). Athanase est intronisé évêque d'Alexandrie le suivant, âgé de seulement trente ans.
La première période de son épiscopat, jusqu'à son premier départ pour l'exil le, est mal connue dans le détail. À l'automne 329, il entreprend une longue tournée qui le mène enHaute-Égypte jusqu'àSyène, et il fait étape au monastère deTabennèse où il procède à l'ordination comme prêtre de l'abbé Pacôme.
En 330,Eusèbe de Nicomédie envoie un message à Athanase lui demandant de réadmettreArius et son groupe dans l'Église d'Alexandrie ; le refus d'Athanase entraîne l'émission d'une lettre officielle de l'empereur allant dans le même sens. Cependant, une délégation d'évêques mélétiens au palais impérial deNicomédie se plaint d'exactions financières illégales de la part d'Athanase. Celui-ci est convoqué parConstantin fin 330 ; la visite tourne bien pour Athanase, mais il tombe malade et n'est de retour àAlexandrie qu'au printemps 332.
Mais leparti arien ne lâche pas prise : un dossier est monté contre Athanase (sous la supervision notamment d'Eusèbe de Nicomédie), l'accusant d'une gestion tyrannique, voire criminelle, de l'Église égyptienne : l'un de ses adjoints, Macaire, aurait exercé des violences sacrilèges contre le prêtre de village Ischyras (tenant d'un autreschisme, anti-arien radical, celui de Colluthus), renversant l'autel et jetant le calice au sol ; surtout, Athanase aurait fait assassiner Arsène,évêque mélétien d'Hypsélé, et couper une de ses mains pour l'utiliser dans des rituels magiques (pratique dont Athanase est par ailleurs accusé).
D'autres cas sont allégués, certains dénoncés comme des complots (ainsi, l'évêque Arsène, qui se cachait, est finalement retrouvé vivant avec ses deux mains). L'empereurConstantin envoie son demi-frèreFlavius Dalmatius, alors en poste àAntioche, enquêter sur les accusations ; informé de l'imposture d'Arsène, il expédie d'ailleurs un courrier à Athanase pour lui exprimer l’indignation que lui inspire ce complot. En 334, l'évêque d'Alexandrie est toutefois invité à venir s'expliquer devant unsynode qui se tiendrait àCésarée maritime, sous la présidence de l'évêque de cette ville,Eusèbe de Césarée ; mais celui-ci étant plutôt pro-arien, Athanase refuse de comparaître.
Finalement, il est décidé qu'une assemblée d'évêques se réunira àTyr pendant l'été 335, alors que tous les dignitaires convergeront versJérusalem où la grande église duSaint-Sépulcre doit être inaugurée. Environ cent cinquante évêques seront présents sous la présidence d'Eusèbe de Césarée et en présence d'un représentant de l'empereur, le comte Denys. Athanase est très fermement invité à ne pas se dérober.
À ceconcile de Tyr, lesariens sont présents en force, autour d'Eusèbe de Nicomédie lui-même. Les débats sont très violents et pleins de rebondissements, les accusations les plus graves fusent de toutes parts. Finalement une commission est nommée pour aller effectuer un supplément d'enquête enÉgypte, mais elle est largement dominée par desariens, et peut compter pour ses investigations sur l'appui deFlavius Philagrius,préfet d'Égypte nouvellement nommé et sympathisant arien notoire.
Pendant ce temps Athanase, accompagné de quatre évêques égyptiens, s'embarque pourConstantinople où il arrive le. Ils abordent directement l'empereur qui fait une promenade à cheval ; celui-ci, ennuyé par leur présence, refuse d'abord tout entretien, mais devant leur insistance accepte de les recevoir, et finalement écrit àJérusalem pour convoquer dans la capitale tous les évêques qui étaient présents auconcile de Tyr.
Pendant ce temps, la commission étant revenue àTyr, le concile a adopté une résolution déposant Athanase de son siège. Ensuite les évêques se rendent àJérusalem pour la dédicace duSaint-Sépulcre ;Arius et certains de ses proches, présents, y sont d'ailleurs admis à la communion. Quand arrive la convocation impériale, il est décidé que la plupart des évêques rentreront tranquillement chez eux, et que six seulement (dontEusèbe de Césarée, président du concile, etEusèbe de Nicomédie) iront s'expliquer devantConstantin.
Ils lancent contre Athanase une accusation très grave (délaissant d'ailleurs les autres) : il aurait menacé de faire interrompre les livraisons annuelles de grain égyptien àConstantinople. Athanase répond qu'il serait bien en peine de le faire, qu'il n'en a pas le pouvoir, mais rien n'y fait : le, il doit prendre le chemin de l'exil àTrèves, ville du nord de l'empire sur laMoselle, mesure d'ailleurs très clémente au regard de l'énormité de l'accusation :Constantin, sans trop y croire, a sans doute surtout voulu se débarrasser d'un problème.
Athanase séjourne àTrèves pendant un peu plus d'un an (printemps 336 -). Il y a des compagnons égyptiens et y est bien reçu par l'évêque de la ville,Maximin. Réside également à Trèves lecésarConstantin, fils aîné de l'empereur, qui devient le protecteur d'Athanase. L'empereurConstantin Ier meurt àNicomédie le, et la nouvelle parvient àTrèves dans les premiers jours de juin. Le 17 de ce mois, lecésarConstantin envoie une lettre au peuple et au clergé d'Alexandrie : il y affirme que l'intention de son père était de rétablir Athanase sur son siège, et que lui-même va exécuter cette volonté.
Les trois fils de l'empereur mort se rencontrent àViminacium où ils se partagent l'Empire et se proclament conjointementAugustes (). Athanase a accompagnéConstantin II, et àViminacium rencontre pour la première fois son futur persécuteurConstance II. Ensuite il se rend àConstantinople, puis rencontre une nouvelle foisConstance II àCésarée de Cappadoce, enfin arrive le àAlexandrie, où il est accueilli en triomphe par ses partisans, mais où ses ennemis provoquent aussi des tumultes.
Le retour d'Athanase est très controversé. Ses adversaires prétendent que le fameuxermite Antoine est de leur côté. Les partisans de l'évêque le font alors venir àAlexandrie, où il reste deux jours (-), déplaçant des foules aussi bien chrétiennes quepaïennes, et où il se prononce clairement pour Athanase.
CependantConstance II, dont la part d'Empire comprend l'Égypte, se range de plus en plus clairement dans le camp desariens :Eusèbe de Nicomédie est promu au siège épiscopal deConstantinople, la capitale officielle ; lui et ses partisans insistent auprès de l'empereur sur le fait que la restauration d'Athanase, imposée sous la pression deConstantin II, est inacceptable, bafouant le décret duconcile de Tyr ; ils se plaignent que le nouveaupréfet d'Égypte Théodore, marionnette d'Athanase, réprime durement lesariens.Constance II rétablit alors comme préfet Philagrius, arien militant, qui est accueilli triomphalement àAlexandrie par les membres du parti.
Lesariens, sûrs de leur droit, consacrent même un évêque d'Alexandrie concurrent d'Athanase, Pistus (un prêtre qui faisait partie du premier groupe des partisans d'Arius, vingt ans auparavant), mais il ne parvient pas, semble-t-il, à s'imposer.
Lesariens envoient une délégation àRome (composée du prêtre Macaire et de deuxdiacres, Martyrius et Hésychius) pour obtenir du papeJules Ier la reconnaissance de Pistus. L'apprenant, Athanase réunit fin 338 unsynode des évêques égyptiens, puis dépêche deux prêtres àRome pour éclairer le pape sur les antécédents de Pistus.Jules Ier propose l'organisation àRome, l'été suivant, d'un concile pour régler la question.
Les deux prêtres qu'il envoie àConstantinople avec cette proposition (Elpidius et Philoxène) y sont retenus jusqu'en, et donc aucune réponse n'est donnée. Au lieu de cela, lesariens ont réuni dès le début 339 un concile àAntioche, où séjourne l'empereurConstance II, et ils y procèdent au remplacement officiel d'Athanase : considérant apparemment que Pistus ne fait pas l'affaire, ils proposent d'abord le poste àEusèbe d'Édesse (futur évêque d'Émèse), qui refuse, puis àGrégoire de Cappadoce, qui est consacré et signe déjà les actes de ce concile comme « évêque d'Alexandrie ».
Pendant ce temps, la situation est très troublée àAlexandrie, où le préfet Philagrius soutient ouvertement lesariens. Le dimanche, procédant à des baptêmes dans l'église Saint-Théonas, Athanase est recherché par une troupe armée. Il parvient à s'échapper le lendemain matin. Le, le nouvel évêqueGrégoire de Cappadoce fait son entrée dans la ville sous escorte militaire. Athanase demeure àAlexandrie encore quatre semaines, puis il s'embarque à destination deRome le, lundi de Pâques. Sa deuxième période d'épiscopat effectif n'a duré qu'un an, quatre mois et vingt-quatre jours.
Arrivé àRome en, accompagné de membres de son clergé, Athanase y est rejoint dans les trois mois suivants par d'autres évêques orientaux déposés par le parti d'Eusèbe de Constantinople soutenu parConstance II :Paul de Constantinople (remplacé sur son siège par Eusèbe lui-même),Marcel d'Ancyre,Asclépas de Gaza. Son homme de confiance en Égypte, avec lequel il correspond, est l'évêqueSérapion de Thmuis, qu'il charge d'annoncer aux fidèles le calendrier liturgique.Grégoire de Cappadoce envoie àRome un certain Carponès (lui-même militant arien des origines), qui confirme tout ce qui a été allégué contre Pistus en tentant de convaincre le pape que Grégoire est tout différent, mais il échoue.
En mars ou, les envoyés du papeJules Ier àConstantinople sont enfin de retour, porteur d'une réponse au ton aigre qui est un refus de la proposition de concile. Le pape, gardant secrète la réponse, attend encore un peu pour voir s'il ne peut faire venir quelques Orientaux à un concile, mais perdant espoir il organise un concile purement italien d'une vingtaine d'évêques, qui examine le cas des évêques exilés àRome et finit par les juger tous innocents des charges accumulées contre eux, et par juger leurs dépositions nulles et non avenues (hiver 340-341). Le pape rédige alors une lettre aux évêques orientaux déclarant que le siège deRome ne reconnaît pas les remplacements qui ont été effectués.
La lettre du pape est examinée par le « concile de la Dédicace », réuni àAntioche en 341 à l'occasion de la dédicace de la somptueuse « église d'or » dont la construction avait été décidée parConstantin Ier.Eusèbe de Constantinople et toutes les grandes figures duparti arien sont présents. Ce concile examine de nouvelles formules deCredo susceptibles de convenir à tous (remettant d'ailleurs en cause celui deNicée), mais en tout cas, sur la question de la déposition des évêques exilés àRome, il oppose une fin de non-recevoir au pape.
Jules Ier s'adresse alors àConstant Ier, empereur d'Occident, qui se fait le champion de l'Église romaine, mais aussi d'Athanase, dont il est un admirateur. Au printemps 342, il écrit à son frèreConstance II pour lui signifier qu'un concile général lui paraît la seule façon de régler la querelle, et sans doute en mai il convoque Athanase àMilan pour lui annoncer cette initiative. Ensuite l'empereur part pour la Gaule, où il doit mener une campagne contre lesFrancs, tandis que l'évêque reste àMilan (après trois ans passés àRome). À l'automne, après la fin de la campagne, Athanase est appelé àTrèves, où l'empereur se trouve avecHosius de Cordoue et d'autres évêques : le lieu du concile a été fixé à Sardique (ouSerdica, l'actuelleSofia), sur le territoire deConstant Ier mais à la limite de celui deConstance II.
Leconcile de Sardique se réunit très probablement à l'été 343, avec environ quatre-vingt-quinze évêques occidentaux et un nombre moindre d'évêques orientaux, qui viennent avec suspicion, protégés par des hommes d'armes, entre autres l'ancien préfetFlavius Philagrius (Eusèbe de Constantinople, le grand adversaire de la période 329-341, est mort). La querelle s'élève tout de suite sur le point de savoir si les évêques exilés, dont Athanase, doivent siéger, les Orientaux le refusant, les Occidentaux considérant qu'avant une décision du concile général leur déposition est suspendue. S'ensuit un long dialogue de sourds, et finalement les Orientaux (sauf deux) prennent prétexte de l'annonce d'une victoire deConstance II sur lesPerses pour quitter la ville de nuit, laissant un prêtre de l'endroit, Eustathe, les excuser le lendemain.
En fait, une fois passés sur le territoire deConstance II, ils s'arrêtent àPhilippopolis où ils improvisent un contre-concile qui excommunieJules Ier,Hosius de Cordoue et Athanase. Les évêques occidentaux restés à Sardique proclament l'innocence et la légitimité des évêques exilés, prononcent la déposition des évêques intrus en Orient, et légifèrent notamment sur le fait que désormais tout évêque s'estimant injustement déposé pourra en appeler au pape deRome, successeur de saint Pierre. Une lettre à la chrétienté tout entière est rédigée.
La réaction deConstance II est d'abord très négative : prenant fait et cause pour les évêques orientaux (de tendancearienne), il intensifie sur son territoire la répression contre le parti adverse. Athanase passe l'hiver, puis le printemps 344 àNaissus. Pendant l'été, il prend la direction d'Aquilée, où l'attendConstant Ier. Celui-ci a embrassé pleinement la cause duconcile de Sardique : au début de l'année il a envoyé deux évêques (Vincent de Capoue et Euphrate de Cologne) à son frère pour le presser de restaurer les exilés sur leurs sièges, et il lui a fait savoir clairement qu'un refus serait considéré par lui comme uncasus belli.
La mission des deux évêques àAntioche a tourné à la grossière confusion duparti arien : l'évêque de la ville,Étienne (l'un des Orientaux présents àSardique, puis àPhilippopolis) essaie de les discréditer en faisant introduire une prostituée dans leurs chambres ; le scandale est énorme, mais le pot aux roses est finalement découvert,Étienne déposé, et l'empereur d'Orient momentanément furieux contre leparti arien.
Le climat étant à l'apaisement,Constance II adresse en une lettre publique àAlexandrie, par laquelle il ordonne de mettre fin aux persécutions contre les partisans d'Athanase. L'évêque intrusGrégoire de Cappadoce, malade depuis longtemps, est au plus mal, ce qui ouvre la voie à un arrangement en douceur. Il meurt le, mais déjà auparavant l'empereur d'Orient a pris contact avec Athanase pour négocier sa restauration. Athanase hésite beaucoup et se fait prier ; il reste àAquilée jusqu'au début 346, recevant une nouvelle invitation très pressante à rentrer. Il se rend àRome pour prendre congé du papeJules Ier, puis àTrèves où se trouve l'empereurConstant Ier.
Ensuite il voyage directement jusqu'àHadrianopolis,Constantinople, puisAntioche, où il est reçu cordialement parConstance II, qui lui souhaite bonne chance, et lui demande seulement d'autoriser une églisearienne àAlexandrie ; Athanase répond qu'il le fera si les « eustathiens » (partisans d'Eustathe, déposé en 330) ont une église àAntioche. ÀJérusalem, il est retenu un moment par unsynode convoqué en son honneur par l'évêque Maxime. Enfin, il est accueilli triomphalement àAlexandrie par ses fidèles le.
La décennie qui suit est la période la plus faste de la carrière d'Athanase. Sa position devient très forte enÉgypte, ce qui lui permettra ensuite de passer des années dans la clandestinité sans jamais être appréhendé. Le fondement principal de cette puissance est le très grand développement à cette époque dumonachisme égyptien, sous l'impulsion initiale dePacôme de Tabennèse (mort le). La majorité de ce monde monastique se range derrière l'archevêque : peu après son retour, Athanase reçoit une délégation du monastère deTabennèse, qui lui souhaite la bienvenue, et qui est porteuse d'un message du très prestigieuxermite Antoine.
Athanase contrôle aussi de plus en plus entièrement l'épiscopat officiel du pays : dès son retour, presque tous les évêques contresignent la lettre duconcile de Sardique ; ensuite, une décennie entière àAlexandrie lui permet de pourvoir lui-même à plusieurs vacances épiscopales, en choisissant d'ailleurs assez souvent les nouveaux titulaires parmi les moines. Son bras droit, l'évêqueSérapion de Thmuis, est très proche du monde monastique. Quant à l'opposition, les « ariens » ne sont guère présents qu'àAlexandrie ; dans le reste du pays, leschisme mélétien a quelques positions dans le monde monastique.
C'est à cette époque qu'il faut probablement situer l'épisode de l'ordination deFrumence d'Aksoum par Athanase (bien queRufin d'Aquilée le place au début de l'épiscopat d'Athanase, donc peu après 328[4], mais les termes de la lettre deConstance II au roi d'AksoumÉzana, reproduite par Athanase lui-même dans sonApologie de 356, rendent plus vraisemblable une datation plus récente de cette ordination). Cet événement fonde les liens entre les Églises égyptienne et éthiopienne, conservés jusqu'à nos jours.
En,Constant Ier est assassiné enGaule par les partisans de l'usurpateurpaïenMagnence. Celui-ci, tentant de profiter des dissensions entre chrétiens, fait une démarche auprès d'Athanase (parallèlement à son ambassade auprès deConstance II, il envoie deux messagers àAlexandrie, Clementius et Valens, qui passent par laLibye) ; l'archevêque, selon sonApologie, aurait opposé une fin de non-recevoir et organisé des prières pourConstance II, mais il est accusé par ses ennemis d'avoir prêté une oreille complaisante à la délégation.Constance II prend d'ailleurs la peine d'écrire à Athanase que rien n'est changé du fait de la mort de son frère.
Le, l'empereur d'Orient défait les troupes deMagnence à labataille de Mursa ; il entre enGaule en, et l'usurpateur se suicide àLyon le.Constance II, désormais maître de tout l'Empire, s'installe àArles, où il fait célébrer magnifiquement sesvicennalia pendant l'hiver 353-354. Dès l'automne 353, unconcile réuni à Arles avec des évêques gaulois et des légats du papeLibère (Jules Ier est mort le) juge et condamne Athanase en exécutant docilement la volonté de l'empereur présent ; l'évêquePaulin de Trèves et mêmeHosius de Cordoue, qui résistent, sont bannis.
Mais le papeLibère, n'avalisant pas la signature de ses légats, dépêche auprès du souverainLucifer de Cagliari, avec une lettre réclamant unconcile œcuménique. Celui-ci, différé du fait d'une campagne militaire de l'empereur sur leRhin, se réunit auconcile de Milan en 355, dans le palais impérial, le souverain assistant aux débats derrière un rideau. Le décret de déposition d'Athanase est présenté à chaque évêque, un à un, et tout refus est sanctionné immédiatement par un bannissement.
Dès le printemps 353, Athanase a tenté de prendre contact avecConstance II, alors àMilan, et il lui a dépêché une nombreuse délégation, dirigée parSérapion de Thmuis, qui s'est embarquée le. Mais le 23 de ce mois, Montanus, un officier du palais impérial, arrive àAlexandrie : pas de délégation, dit-il, l'empereur accepte la requête d'Athanase et va le recevoir personnellement enItalie. Comme il n'a déposé aucune requête de cette sorte, Athanase soupçonne un piège destiné à le faire sortir de sa place forte et à le livrer pieds et poings liés à ses ennemis.
Comme la lettre de l'empereur ne comporte pas expressément de convocation impérative, il répond poliment qu'il viendra lui-même s'il en reçoit l'ordre formel, mais en attendant ne bouge pas d'Alexandrie. Pendant l'été 355, Diogène, secrétaire de l'empereur, arrive avec l'ordre clair de s'emparer de la personne d'Athanase ; le, il fait forcer militairement l'entrée d'une église, et fait ainsi plusieurs tentatives pendant plusieurs mois, mais le clergé, les fidèles, et même les fonctionnaires protègent l'archevêque. Diogène repart bredouille le.
Des exilés d'Occident commencent à arriver àAlexandrie et annoncent que le papeLibère lui-même a été banni. Le, leDux Syrianus débarque et ordonne que des effectifs militaires très importants venant de toute l'Égypte et de Libye convergent versAlexandrie. La ville est sous tension, et Athanase demande à Syrianus s'il est porteur d'ordres spéciaux de l'empereur, en lui montrant les lettres envoyées parConstance II après la mort de son frèreConstant ; l'officier répond publiquement qu'il n'en est rien, et que « par la vie de César » il n'accomplira rien sans en référer préalablement au souverain.
La tension retombe quelque peu. Le jeudi au soir (suivant le dimanche de laSeptuagésime), Athanase préside dans l'église Saint-Théonas un office préparatoire à la communion du lendemain ; le bâtiment est brusquement encerclé par une troupe de cinq mille soldats, les portes sont forcées, et peu après minuit leDux fait irruption accompagné du notaire Hilaire. L'archevêque, assis sur son trône dans l'abside, reste parfaitement serein et ordonne audiacre d'entonner avec les fidèles le psaume 135. Les soldats se groupant de plus en plus nombreux près duchancel, le clergé supplie Athanase de fuir, mais il refuse de bouger tant que la foule des fidèles n'est pas en sécurité.
Les prières continuent ainsi un long moment, jusqu'à ce qu'une grande troupe de moines et de membres du clergé entoure brusquement le trône, s'empare de la personne de l'archevêque et l'exfiltre du bâtiment au milieu de la plus grande confusion. Désormais, il n'apparaîtra plus en public pendant six ans et quatorze jours, jusqu'au.
Cette longue période de clandestinité et d'exclusion des affaires est la plus riche spirituellement et littérairement : plus de la moitié de son œuvre conservée date de ces six années. Pendant toute cette période, la police deConstance II le recherche inlassablement, fouillant les villes, villages, monastères et même les tombeaux, mais la cause d'Athanase bénéficie alors d'une si large adhésion dans la population égyptienne qu'on n'a pas conservé la moindre rumeur d'une trahison dont il aurait été victime au cours de ces six ans.
Après sa fuite de Saint-Théonas, Athanase passe semble-t-il quelques jours dans les environs d'Alexandrie (peut-être dans les cellules monastiques dudésert de Nitrie), puis se dirige vers laCyrénaïque, ayant apparemment l'intention de se rendre en Occident pour parlementer d'une façon ou d'une autre avecConstance II. Il a d'ailleurs commencé la rédaction de sonApologie à Constance destinée à l'empereur.
Mais une fois enLibye, il reçoit toute une série d'informations et de documents lui faisant mesurer l'intensité de la répression déclenchée par le souverain, et la résolution tyrannique qui l'anime. Il apprend notamment que le jour de Pâques les troupes se sont livrées à des violences abjectes contre ses fidèles àAlexandrie.
Il reçoit aussi copie de deux lettres de l'empereur, l'une adressée aux Alexandrins, le dénonçant avec virulence et annonçant l'arrivée d'un nouvel évêque appartenant à latendance arienne,Georges de Cappadoce, l'autre adressée au roi d'AksoumÉzana et à son frère Sézana pour leur demander de renvoyer le prêtreFrumence, ordonné par « le détestable Athanase », en Égypte pour qu'il reçoive une nouvelle instruction. Comprenant que toute tentative d'engager des pourparlers est inutile, Athanase rédige uneLettre aux évêques d'Égypte et de Libye, les mettant en garde contre lesformulaires ariens et les engageant à endurer la persécution, puis il retourne dans le désert égyptien où il achève la rédaction de sonApologie.
Le, un nouveaupréfet, Cataphronius, arrive àAlexandrie, accompagné par un comte Héraclius porteur d'une lettre de l'empereur auxpaïens les menaçant de très sévères mesures s'ils ne collaborent pas pleinement à la répression contre les partisans d'Athanase. La fonction deDux Ægypti est désormais assumée parSébastien (qu'Athanase appelle « Sébastien lemanichéen »), qui met un zèle particulièrement ardent à appliquer les ordres de persécution systématique et d'éjection de toutes les églises des Athanasiens.
Toutes les églises d'Alexandrie sont transférées auxariens le samedi ; au moins vingt-six évêques d'Égypte sont expulsés de leur siège au cours de cette période. L'arrivée du nouvel archevêque,Georges de Cappadoce, est très soigneusement préparée, et elle n'a lieu, sous escorte militaire, que le vendredi, un an après la fuite d'Athanase.
Le nouvel archevêque, dont leDux Sébastien est le bras armé, se rend rapidement odieux tant par sa tyrannie que par sa cupidité (son caractère abject et ses crimes sont confirmés par l'historienpaïenAmmien Marcellin, ainsi que par l'empereurJulien, comme d'ailleurs par le sort que lui réserve la population aussitôt après l'annonce de la mort deConstance II). Il dirige ses persécutions et ses exactions aussi bien contre lespaïens que contre les chrétiens athanasiens.
Pendant ce temps, Athanase se déplace constamment à travers l'Égypte, et il fait même apparemment des séjours clandestins àAlexandrie même (en 357/358, puis en 360), sans jamais être dénoncé par personne et encore moins repéré par la police. Le,Georges de Cappadoce est expulsé de la ville par une émeute, et les Athanasiens reprennent possession des églises de la ville du au, jusqu'au retour duDux Sébastien avec ses troupes.
Pendant l'essentiel de cette période, Athanase se cache dans les cellules monastiques dudésert de Nitrie ou deHaute-Égypte, voire dans d'anciens tombeaux ou citernes qui servent alors souvent de refuges (selonRufin d'Aquilée il aurait passé six ans caché dans une citerne désaffectée, mais il s'agit d'une simplification caricaturale de la réalité).
Le,Constance II meurt d'une fièvre enCilicie, âgé de quarante-quatre ans. La nouvelle est annoncée àAlexandrie par le préfet Gérontius le, avec celle de l'avènement deJulien. C'est une explosion de joie, etGeorges de Cappadoce et plusieurs de ses proches sont molestés et conduits en prison ; le, lui et deux autres en sont extraits et massacrés par une foule. Le, un édit deJulien, qui s'est déclarépaïen, est publié àAlexandrie, qui autorise le retour des évêques bannis par son prédécesseur. Le, Athanase est de retour àAlexandrie.
L'un de ses premiers actes après son retour est de réunir unsynode où se retrouvent notamment plusieurs évêques qui ont été persécutés sous le règne précédent, y compris des évêques non-égyptiens commeEusèbe de Verceil etAstérios de Pétra, et des représentants deLucifer de Cagliari, de Paulin le Prêtre qui est le chef des « eustathiens » d'Antioche, d'Apollinaire de Laodicée. Il aboutit à la rédaction d'uneLettre synodale d'une haute inspiration, œuvre de l'archevêque lui-même, qui le pose en véritable chef de la chrétienté d'Orient : réaffirmation dusymbole de Nicée, modération et appel à la réconciliation vis-à-vis des personnes compromises dans l'arianisme[note 2].
Apparemment dès le printemps 362, et avant lesynode, l'empereurJulien écrit dans une lettre publique aux Alexandrins (lettre 26) qu'il a autorisé les évêques bannis à rentrer dans leur ville, pas à reprendre leurs fonctions, et qu'Athanase particulièrement, objet de plusieurs mesures de bannissement dans le passé, aurait dû attendre une permission impériale pour regagner la ville et reprendre ses activités, ce qu'il n'a pas fait au grand déplaisir du « peuple religieux » (c'est-à-dire despaïens) de la cité ; en conséquence il ordonne à l'archevêque de quitterAlexandrie dès réception de l'avis, sous menace de sanctions sévères.
Mais une démarche est semble-t-il tentée auprès de l'empereur, et dans l'attente Athanase reste dans sa métropole. Vers le mois d'octobre,Julien adresse un message irrité aupréfet d'Égypte Ecdicius où il le menace d'une amende si Athanase, « cet ennemi des dieux », n'a pas quittéAlexandrie, et même l'Égypte, avant le ; dans unpost-scriptum ajouté de sa main, il évoque avec colère le récent baptême de « femmes grecques distinguées » par l'archevêque. Une autre lettre de l'empereur aux Alexandrins (lettre 51) rejette semble-t-il la démarche faite auprès de lui pour qu'il revienne sur sa décision et confirme le bannissement de l'« intrigant et impie Athanase » de toute l'Égypte.
L'archevêque quitteAlexandrie le et remonte leNil en bateau vers laHaute-Égypte, mais apprenant qu'il est poursuivi par des officiers impériaux il rebrousse chemin, croise d'ailleurs l'embarcation de ses poursuivants qui ne se doutent de rien, et se cache un temps à Chæreu, une localité proche d'Alexandrie (sur la route qui part vers l'est). Ensuite, une fois assuré de l'abandon des poursuites, il reprend le chemin de laHaute-Égypte : il séjourne notamment àHermopolis Magna, où il est reçu par les évêques et moines de laThébaïde, àAntinoupolis, où il se trouve au début de l'été 363 et où on le prévient qu'il est à nouveau recherché, puis au monastère deTabennèse. Il y apprend queJulien est mort enMésopotamie le, et qu'un chrétien,Jovien, l'a remplacé.
Athanase regagne alors secrètementAlexandrie, puis part immédiatement pour laSyrie avec d'autres évêques égyptiens rencontrerJovien, qu'il trouve àÉdesse vers la mi-septembre, et qu'il accompagne ensuite àAntioche (début octobre). Lesariens aussi assiègent le nouvel empereur, et demandent un évêque pourAlexandrie, mais Athanase a le dessus et obtient tous les documents impériaux souhaités.
Il séjourne àAntioche jusqu'à l'hiver, et il s'y mêle des affaires très épineuses de l'Église de cette ville, où les « eustathiens » sont ses alliés de toujours, mais où la consécration intempestive comme évêque de leur chef Paulin par l'anti-arien fanatiqueLucifer de Cagliari a seulement ajouté à la confusion.Jovien quitteAntioche le pour prendre la direction deConstantinople. Athanase, quant à lui, refait son entrée officielle àAlexandrie le, muni des lettres impériales, et il reprend possession de toutes les églises. C'est la fin de son quatrième exil ( -).
Dans la nuit du 16 au,Jovien meurt accidentellement à Dadastana, enBithynie.Valentinien est proclamé empereur àNicée le ; le, àConstantinople, il nomme son frèreValens coempereur pour l'Orient. Au début,Valens ne manifeste pas de penchant marqué entre les factions chrétiennes, mais très vite il tombe sous l'influence d'Eudoxe de Constantinople, unarien considéré comme radical, dont l'élection dans la capitale date du règne deConstance II. Dès la fin 364, le ralliement deValens au parti est acquis.
Le, un édit impérial est publié àAlexandrie : tous les évêques déposés sousConstance II et restaurés à la faveur du règne dupaïenJulien doivent être à nouveau expulsés de leur siège par les autorités civiles sous peine de fortes amendes pour celles-ci. Un débat s'engage pour savoir si les termes de ce décret s'appliquent exactement à Athanase (car il a été restauré officiellement, non pas parJulien, mais parJovien), et des tumultes populaires ont lieu. Au bout d'un mois, le préfet calme le jeu en annonçant qu'il va en référer à l'empereur pour éclaircissement.
Le, la réponse est apparemment arrivée : pendant la nuit, le préfet et ledux se présentent à l'église Saint-Denys pour appréhender l'évêque. Mais celui-ci est parti un peu auparavant ; il a quitté la ville et s'est réfugié dans une maison de campagne lui appartenant (située en bordure de la « Nouvelle Rivière », qui sépareAlexandrie de sa banlieue occidentale).
Mais le, profitant de l'absence deValens qui se trouve enSyrie,Procope prend le contrôle deConstantinople et se proclame empereur ; en octobre et novembre, il parvient à s'emparer de laThrace et de laBithynie, etValens croit un temps la partie perdue. En tout cas, ce n'est pas le moment pour lui de se mettre à dos les Égyptiens : le, le notaire Brasidas annonce publiquement àAlexandrie le rappel d'Athanase sur ordre impérial. C'est la fin du cinquième exil ( -).
En 366, il se produit àAlexandrie une émeutepaïenne qui aboutit à l'incendie de l'église du Cæsareum, la plus grande de la ville (commencée sous l'épiscopat deGrégoire de Cappadoce grâce à la munificence deConstance II). Les incendiaires sont sévèrement punis et la reconstruction commence en. Le,Lucius, un « évêque d'Alexandrie » que lesariens ont élu àAntioche, entre de nuit dans la ville[5].
Quand la rumeur de sa présence se répand, un tumulte populaire a lieu, et l'évêque, repéré, ne doit son salut qu'à une intervention énergique de l'armée. Le, il est reconduit sous escorte militaire hors d'Égypte. Le, Athanase fête ses quarante ans d'épiscopat, et le est commencée dans le quartier de Mendidium la construction d'une église, inaugurée le, qui porte son propre nom.
À une époque où le dogme n'était pas fixé (il le sera progressivement par les différents conciles), le combat qu'il mène contre la position arienne (au subordinatianisme d'Arius qui fait du Christ une créature du Père, il oppose la doctrine de laconsubstantialité — le Fils est distinct mais consubstantiel au Père) est un des plus décisifs dans la mise en place de la doctrine orthodoxe de laTrinité.
Il lutte non seulement contre les Églises dissidentes, mais aussi contre le pouvoir civil des empereurs. Son charisme, sa ténacité, son caractère impérieux, parfois irascible, lui aliénèrent beaucoup de gens, mais aussi lui acquirent des soutiens indéfectibles aussi bien parmi les populations qu'auprès de ses pairs.
Dans ses écrits, Athanase cherche à convaincre en se plaçant dans la perspective dusalut :« l'homme ne serait pas sauvé si le Christ n'était pas pleinement Dieu ».
Athanase d'Alexandrie semble connaître dès sa jeunesse lemonachisme, qu'il défend dès le début de son épiscopat en cherchant à s'assurer le soutien du clergé, et en cherchant à intégrer le monachisme dans l'Église[6].
Parmi lesPères de l'Église antique, Athanase est surtout retenu comme un théologien passionné de l'incarnation du Logos, le Verbe de Dieu qui, comme l'exprime le Prologue duquatrième évangile, « s'est fait chair et a habité parmi nous » (Jn 1, 14).
Ainsi, Athanase fut aussi un tenace adversaire de l'arianisme qui défendait une perception du Christ comme une simple créature « intermédiaire » entre Dieu et l'homme[7].Antoine le Grand apporta un important soutien aux préceptes d'Athanase[8]. Rétabli définitivement sur son siège épiscopal, l'évêque d'Alexandrie put se consacrer à la pacification religieuse et à la réorganisation des communautés chrétiennes[9].
Lettres de l'évêqueSérapion de Thmuis, proche disciple de saint Antoine du désert, à propos de la mort de son maître, en qui l'Église reconnaît le père de la vie monastique. Version arménienne de cette lettre.
Lettre du saint Père Sérapion aux disciples de saint Antoine,Macaire et Amatas.[10]
Le Verbe de Dieu« s'est fait homme pour que nous devenions Dieu ; il s'est rendu visible dans le corps pour que nous ayons une idée du Père invisible, et il a lui-même supporté la violence des hommes pour que nous héritions de l'incorruptibilité ». Athanase d'Alexandrie,Sur l'incarnation du Verbe (54,3).
« Le synode de Nicée a mis correctement par écrit ce qu'il convenait de dire, c'est-à-dire que le Fils, engendré de la substance du Père, lui estconsubstantiel. Quant à nous, puisque nous l'avons appris nous aussi, cessons de combattre des fantômes, surtout quand nous savons que ceux qui l'ont mis par écrit ont confessé la foi[note 3], non en déviant de la vérité dans leur interprétation, mais en revendiquant la vérité et la piété envers le Christ. »
« À vous de demeurer sur le fondement des Apôtres(Ep 2, 20) et de conserver lestraditions des Pères, tout en priant pour que cessent dorénavant toute querelle et toute dispute, pour que les folles tentatives deshérétiques soient condamnées, ainsi que toute lutte de mots. Et puisse la meurtrière hérésie des ariens au nom abominable être éliminée, et la vérité resplendir dans tous les cœurs, de façon que tous, partout, disent la même chose et pensent la même chose(1 Co 1, 10). Et sans plus rien laisser subsister du blasphème arien, qu'on dise et confesse à travers toute l'Église :Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême(Ep 4, 5) dans le Christ Jésus notre Seigneur, par qui soient rendues au Père la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. »
Lettres festales (328 - 373) ; les « lettres festales » ou « pascales » étaient des lettres que les papes d'Alexandrie écrivaient chaque année pour annoncer la date de Pâques (et traiter en même temps des questions d'actualité), et qui étaient reproduites par leur chancellerie pour être envoyées à tous les évêques suffragants et aux grands monastères. Il y en avait donc une par an. Elles étaient écrites en grec et ensuite traduites encopte. Certaines ont été aussi traduites ensyriaque ;
Exposition de la foi ;
Encyclique aux évêques de l'Église catholique (339) ;
Athanase, évêque d'Alexandrie, se justifie ici d'avoir dû fuir son église, en racontant les événements survenus le, alors que l'hérésie arienne était dominante.
« La nuit était déjà tombée, quelques fidèles veillaient dans l'attente de la célébration. Soudain, le général Syrianos se trouva là avec des soldats, plus de cinq mille en armes, les glaives tirés, des arcs, des flèches, des bâtons. Il fit encercler l'église, s'occupant lui-même de placer ses soldats tout près, pour que personne ne pût quitter l'église et s'en échapper. Pour moi, j'estimai indigne d'abandonner mon peuple en un moment si critique, au lieu de le protéger. Je pris place sur mon trône et donnai ordre au diacre de lire un psaume et au peuple d'y participer en répondant :Car éternelle est sa miséricorde (Ps 135, 1).
Là-dessus tout le monde devait partir et rentrer chez soi. Mais le général avait alors forcé l'entrée, et ses hommes encerclaient le chœur pour se saisir de nous. Les clercs présents et le peuple commençaient à crier, estimant déjà venu le moment de nous éloigner nous aussi. Pour moi, je répondais que je ne m'en irais pas avant que tous, jusqu'au dernier, ne fussent échappés.
La plupart étaient sortis et le reste suivait quand les moines nous entraînèrent. Et c'est ainsi - la Vérité m'en est témoin : une partie des soldats encerclait le chœur et l'autre patrouillait autour de l'église - que nous nous échappâmes. Le Seigneur nous guidait et nous gardait lui-même. »[15].
Évêque d'Alexandrie, Athanase n'eut qu'un objectif : défendre la foi en la divinité du Christ, qui avait été définie àNicée mais se trouvait battue en brèche de partout. Ni la pusillanimité des évêques, ni les tracasseries policières, ni cinq exils ne vinrent à bout de son caractère et surtout de son amour pour Jésus, Dieu fait homme[16].
Fidélité à un mode de vie
Grégoire de Nazianze fait l'éloge d'Athanase qui, pendant l'un des multiples exils qu'il a subis, a séjourné parmi lesmoines du désert, présentés ici comme les vrais « philosophes »[17].
« De la même manière que les dessinateurs insistent sur certains traits des figures représentées, Athanase fixa dans un seul type de vertu tous les traits épars : il surclassa les intellectuels par ses activités et les hommes d'action par sa science.
Tirant le meilleur parti de son bannissement, il se rend dans les monastères saints et vénérables des moines d’Égypte[18]. Au cours de son séjour dans ces milieux,Athanase le Grand y joua comme partout un rôle de médiateur et de conciliateur à l'exemple de celui qui apaisa les différents par son sang. Il concilie ainsi la vie ensolitaire et lavie en communauté, en montrant qu'il y a un sacerdoce qu'il est une sorte de « philosophie » et une « philosophie » qui a besoin aussi duministère sacerdotal[19]. Il harmonisa de cette manière les deux genres de vies et les associa sous forme d'activités compatibles avec la retraite, et de retraite compatible avec la vie active, de façon à convaincre tout le monde que l'essentiel de la profession monastique consiste dans la fidélité constante à un genre de vie plutôt que dans le fait matériel de vivre retiré du monde. »
↑« Tum vero Athanasius (nam is nuper sacerdotium susceperat) attentius et propensius Frumentii dicta gestaque considerans […] » (Histoire ecclésiastique,I, 9).
↑Lettres à Sérapion.Sur la divinité du Saint-Esprit, par Athanase d'Alexandrie, Cerf, 1947. Introduction et traduction de Joseph Lebon(EAN3260050184830).
↑AntoineGuillaumont, « J.-M. Szymusiak. Athanase d'Alexandrie. Apologie à l'empereur Constance. Apologie pour sa fuite »,Revue de l'histoire des religions,t. 157,no 2,,p. 245–245(lire en ligne, consulté le).
Charles Pietri, « La question d'Athanase vue de Rome (338-360) : Politique et théologie chez Athanase d'Alexandrie »,Christiana Respublica, Publications de l'École française de Rome,vol. 1,no 234,,p. 631-664(lire en ligne)
Mariette Canévet, « L'unicité de la foi comme fondement de la communion dans l'Église : Athanase et la controverse autour de Nicée »,Revue des Sciences Religieuses,t. 75,no 1,,p. 68-76(lire en ligne)
Louis Bouyer,L’Incarnation et l’Église-Corps du Christ dans la théologie d’Athanase, Cerf, 1943.
Charles Kannengiesser,Politique et Théologie chez Athanase d'Alexandrie, Actes du Colloque de Chantilly,-, Beauchesne, 1997(ISBN2701000610).
Christophe Boureux,Commencer dans la vie religieuse avec Saint Antoine : Suivi de laVie d'Antoine par Athanase d'Alexandrie, Chartres, CERF,, 270 p.(ISBN978-2-204-07269-4,BNF39099033).
Jean-Marie Leroux,Athanase d'Alexandrie, Les Éditions Ouvrières, 1956.
G.J.M. Bartelink,Athanase d'Alexandrie : Vie d'Antoine, Cerf, 2004(ISBN9782204076760).
Sr Pascale-Dominique Nau,Prier avec le Psautier : La lettre de saint Athanase d’Alexandrie à Marcellin sur les psaumes, Independently published,, 96 p.(ISBN978-1-7980-0561-3)