La date du15 août serait celle de la consécration àJérusalem de la première église dédiée à Marie. Dans l'Église catholique, l'Assomption estcélébrée liturgiquement le15 août et s'accompagne fréquemment deprocessions. Pour les confessionsluthérienne etanglicane, le 15 août est resté la principalefête mariale, mais sans référence à l'Assomption. L'Église orthodoxe, quant à elle, célèbre laDormition de Marie, qui est différente de l'Assomption et n'a pas valeur de dogme. La Dormition est fêtée le 15 août dans les pays ayant adopté lecalendrier grégorien, ou le 28 août, dans les Églises orthodoxes continuant à appliquer lecalendrier julien.
Avant d'être undogme de l’Église catholique, l'Assomption de Marie était une croyance reposant sur latradition patristique et non sur des basesscripturaires reconnues aux premiers temps de l'Église. Aucun texte duNouveau Testament n'évoque la fin de Marie, et ce sont des textes patristiques, mais aussiapocryphes et des légendes qui ont comblé ce vide[1].
En Occident,Grégoire de Tours est le premier à en faire mention, à la fin duVIe siècle[4]. Il s'appuie apparemment sur un corpus de textes apocryphes appelé leTransitus Mariæ, généralement rattaché auVe siècle. Cet ensemble de textes est désigné parGélaseIer en 495-496 comme étant « à ne pas retenir » car apocryphe, jugement qui porte sur cette compilation et non sur la croyance en elle-même. Selon cette tradition, Marie rencontre sur lemont des Oliviers un ange qui lui remet une palme de l'arbre de vie et lui annonce sa mort prochaine. Marie rentre chez elle et fait part de la nouvelle à son entourage. Miraculeusement, les apôtres reviennent des différents endroits où ils sont partis prêcher, afin de l'entourer. Jésus apparaît entouré d'anges pour recevoir l'âme de sa mère, qu'il confie à l'archangeMichel. Les apôtres enterrent le corps au pied dumont des Oliviers. Quelques jours plus tard, Jésus apparaît de nouveau et emporte le corps auparadis, où l'âme et le corps de Marie sont réunis.
En Orient,Jean Damascène rapporte la tradition de l'Église de Jérusalem à ce sujet : selon lui,Juvénal, évêque de Jérusalem, se voit demander lors duconcile de Chalcédoine le corps de Marie par le couple impérial,Marcien etPulchérie. Juvénal répond que Marie est morte entourée de tous les apôtres, saufThomas, qui était en retard. À son arrivée, quelques jours plus tard, Thomas demande à voir la tombe, celle-ci se révèle vide ; les apôtres en déduisent alors qu'elle a été emportée au ciel[5].
En 1638, après presque vingt-trois ans de mariage stérile ponctués de plusieurs fausses couches, le roiLouisXIII désirant un héritier consacre de manière solennelle la France à la Vierge Marie sous le titre de son Assomption par un acte auprès duParlement de Paris préparé l'année précédente où il demande à ses sujets de faire tous les15 août, jour où était déjà célébrée la fête de l'Assomption, une procession solennelle dans chaque paroisse[11].LouisXIV naît l'année suivante, et la fête célébrée par levœu de Louis XIII prend une importance particulière en France[12].
En 1854, la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception entraîne de nombreuses pétitions à Rome pour que soit officiellement défini le dogme de l’Assomption.« De 1854 à 1945, huit millions de fidèles écriront en ce sens. Il faut y ajouter les pétitions de 1 332 évêques, de 83 000 prêtres, religieuses et religieux. Face à ces demandes répétées,PieXII demande aux évêques du monde de se prononcer. 90 % des évêques y sont favorables. 10 % des évêques s’interrogent sur l’opportunité d’une telle déclaration »[13].
Le, la constitutionMunificentissimus Deus dePieXII officialise en quelque sorte la fête mariale qui existe depuis quatorze siècles en proclamant que l'Assomption doit être désormais considérée comme un dogme de foi divinement révélé par Dieu. Marie, ayant été préservée dupéché originel et n'ayant commis aucun péché personnel, a été élevée à la gloire du ciel, après la fin de sa vie terrestre, en corps et en âme : selon ce dogme, son enveloppe charnelle n'a pas à attendre la résurrection des corps à la fin des temps.
« Par l'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par Notre propre autorité, Nous prononçons, déclarons, et définissons comme un dogme divinement révélé que l'Immaculée Mère de Dieu, la Vierge Marie, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire céleste »
« Enfin, la Vierge immaculée, préservée de toute tache de lafaute originelle, au terme de sa vie terrestre, fut élevée à la gloire du ciel en son âme et en son corps et elle fut exaltée par le Seigneur comme Reine de l'univers afin de ressembler plus parfaitement à son Fils, Seigneur des seigneurs et vainqueur du péché et de la mort. »
— Constitution dogmatiqueLumen Gentium sur l'Église, § 59[15].
D'innombrablesprocessions ont lieu le jour de l'Assomption,jour férié dans nombre de pays catholiques.
En France, depuis levœu de Louis XIII qui place leroyaume de France sous la protection de la Vierge, les processions donnent souvent lieu à des festivités, comme àBiarritz ou àChartres. Celle deParis se déroule depuis quelques années dans un bateau sur laSeine, où l'on expose la statue d'argent de la Vierge conservée àNotre-Dame. Uneprière pour la France est souvent dite à cette occasion. Le sanctuaire deLourdes connaît alors ses plus grandes heures d'affluence.
AMetz, la procession commence après lesvêpres et va de la cathédrale à laplace saint-Jacques au pied de la statue deNotre-Dame de Metz élevée suite au voeu de l'évêqueWillibrord Benzler (expulsé en 1919). Malgré l'interdiction de se rassembler, la procession de 1940 est l'occasion pour les Messins et les Messines de proclamer leur opposition à l'annexion de la ville par leTroisième Reich.
Huit jours après l'Assomption (soit le 22 août), est célébrée la fête deMarie Reine. En octobre 1954, par son encycliqueAd caeli Reginam, le papePieXII institua cette fête afin de conclure cetteoctave de l'Assomption.
L'Église orthodoxe célèbre, le 15 août ducalendrier julien dans certains pays ou ducalendrier grégorien dans d'autres, laDormition de laMère de Dieu, c'est-à-dire sa mort, entourée des apôtres, sa résurrection et sa glorification[16]. C'est l'une des douze grandes fêtes de l'Église orthodoxe et la dernière du calendrier liturgique, la première étant la Nativité de la Vierge[17]. Il y est proclamé que Marie a été « élevée par Dieu jusqu'au Royaume céleste du Christ dans la plénitude de son existence, spirituelle autant que corporelle ».
Marie, selon la tradition de l'Église orthodoxe, est montée au ciel dans son corps, ce qu'elle appelle« la Dormition de la Mère de Dieu », plutôt que l'Assomption[18] qui est l’usage de l'Église catholique. Cet événement est compris comme les prémices de la résurrection des corps, qui selon la croyance de l'Église orthodoxe, aura lieu lors du Second avènement du Christ, comme l'explique le théologienVladimir Lossky :« Si Elle resta encore dans le monde, si Elle se soumit aux conditions de la vie humaine jusqu'à accepter la mort, c'est en vertu de sa volonté parfaite, dans laquelle elle reproduisit lakénose (humiliation) volontaire de son Fils. Mais la mort n'avait plus d'emprise sur Elle : comme son Fils, elle est ressuscitée et montée au Ciel, premièrehypostase humaine qui réalisa en Elle la fin dernière pour laquelle fut créé le monde[19]. »
Si la célébration de la Dormition est très proche de la fête catholique de l'Assomption, elle n'en diffère pas moins sur certains points. La différence s'opère précisément par le fait que l'Église catholique associe, dans sa définition de l'Assomption de la Vierge (donnée ci-dessus), le dogme de l'Immaculée Conception rejeté par l'Église orthodoxe. Car la conception latine de la nature pure de la Vierge, à laquelle s’ajoutent la grâce et la vie surnaturelle ne pouvait fournir aucune base dogmatique pour justifier le culte rendu à Marie par les catholiques, tout au plus pouvait-elle justifier l’exaltation de lagrâce divine. C’est donc par une nécessité interne et logique que l’Église catholique a été amenée à formuler le dogme de la conception immaculée et à offrir ainsi une raison dogmatique à la vénération de la Vierge Marie[20]. Selon la tradition orthodoxe, au contraire, Marie est réellement morte, par la nécessité de sa nature humaine mortelle, liée à la corruption de ce monde après la Chute (en cela elle est solidaire de l'humanité)[21], et a été ressuscitée par son fils comme la Mère de Vie : de ce fait, elle est considérée comme participant à la vie éternelle du Paradis. L'Église orthodoxe, de ce fait, adresse à la formulation catholique du dogme de l'Assomption les mêmes critiques qu'à celui de l'Immaculée Conception[22].
Elle affirme qu'il est contraire à la foi desPères de postuler la Vierge Marie comme « préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle » arguant que ce serait en faire une personne à part du genre humain, supprimant toute liberté pour la Vierge Mère de dire « non », et faisant perdre de ce fait sa valeur salvatrice à la réponse positive qu'elle fit à l'annonce de l'ange Gabriel (« Je suis la servante du Seigneur : qu'il me soit fait selon ta parole ! »). A ceci, la doctrine catholique répond qu'Adam et Ève, bien que créés sans péché, ont eu la liberté de ne pas suivre la voie que leur indiquait Dieu, donc que la liberté de Marie n'a jamais été niée du fait de sa préservation du péché originel : être libéré du péché originel ne supprime pas lelibre arbitre. Un ouvrage orthodoxe de 1993 affirme que postuler la Vierge Marie comme préservée du péché originel, c'est-à-dire sauvée par avance, serait la rendre hors d'atteinte de la mort[23]. Cela n'est toutefois pas ce que croit l’Église catholique qui professe que la Vierge Marie a été sauvée par avance non d'un point de vue ontologique mais d'un point de vue chronologique, « en vertu des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée de toute souillure du péché originel. »[24]
La majorité des confessionsprotestantes ne célèbre pas cette fête, en raison de l’absence de mention dans la Bible, excepté les confessionsanglicanes etluthériennes[25]. Ces deux dernières célèbrent la fête, mais l'appellent « fête de Marie » et omettent la croyance de l'Assomption.
La théologie protestante considère cette croyance comme une amplification des dévotions mariales de l'Église catholique et une forme de « mariolâtrie »[26] (adoration idolâtre de la mère de Jésus-Christ plutôt que de Dieu).
Selon les régions, différents plats sont traditionnels de ce jour : le gâteau Marie blanc et bleu aux couleurs de la Vierge à l'île Maurice[28],[29], lebescoin enSavoie[30],[31],[32], ou encore les Patolleo àGoa enInde[33].
Assumpta est Maria : Missa sex vocibus cum symphonia pour solistes, chœur, flûtes, cordes, et basse continue H 11 et H 11 a, messe composée vers 1699 parMarc-Antoine Charpentier. Aux mêmes dates, il a composé lesAntiennes pour les vêpres de l'Assomption de la Vierge H 50-52.
Fête populaire, l'Assomption fait l'objet de nombreuxdictons :
« À la Dame d'août, le dormeur dort tout son saoul. » ;
« Avant la Bonne-Dame, tu peux labourer quand tu veux ; après la Bonne-Dame, tu laboures quand tu peux. » ;
« De la Saint-Laurent [10 août] à Notre(-)Dame, la pluie n'afflige pas l'âme. » ;
« Entre les deux Notre-Dame, jamais serpent n'a osé se montrer. »[35] ;
« La Vierge du quinze août arrange ou dérange tout. »[36] ;
« Les œufs pondus entre les deux Notre-Dame, se gardent plus longtemps que les autres. » ;
« Pluie de l'Assomption, huit jours de mouillon. » ;
« Pluie de Notre-Dame, fait tout vin ou tout châtaigne. » ;
« Pour la Saint-Laurent [10 août], la pluie vient à temps ; pour Notre Dame, encore on l'aime ; pour la Saint-Barthélémy [24 août], tout le monde en fera fi. » ;
« Quand il pleut le jour de Notre-Dame, il pleut jusqu'au8 septembre. »[37],[38].
« S'il pleut pour l'Assomption, tout va en perdition. »
↑Arthur-Marie Le Hir, « De l'Assomption de la Sainte Vierge et les livres apocryphes qui s'y rapportent »,Études religieuses, historiques et littéraires,vol. X,,p. 514-555.
↑ « Je ne dis pas qu'elle est restée immortelle, mais je n'affirme pas non plus qu'elle soit morte. »Panarion, 78.11, 2-3.
↑Les Fêtes et la vie de Jésus Christ, II.La Résurrection, édition du Cerf, Catéchèse orthodoxe, Paris, 1989,p. 255.
↑Monseigneur Photios et l'archimandrite Philarète,Le Nouveau Catéchisme contre la Foi des Pères, une réponse orthodoxe, éd. L'âge d'homme, coll. La Lumière du Thabor, 1993, Lausanne,p. 86 à 90.
↑Monseigneur Photios et l'archimandrite Philarète,Le Nouveau Catéchisme contre la Foi des Pères, une réponse orthodoxe, éd. L'âge d'homme, coll. La Lumière du Thabor, 1993, Lausanne,p. 87.
↑« La Très Sainte Vierge Marie a été, dès le premier instant de sa conception, par une grâce et un privilège singuliers de Dieu tout-puissant et en vertu des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée de toute souillure du péché originel. » Catéchisme de l’Église catholique n°491.
↑ Erwin Fahlbusch, Geoffrey William Bromiley,The Encyclopedia of Christianity, Volume 3, Wm. B. Eerdmans Publishing, USA, 2003,p. 408
Martin Jugie, « La mort et l'Assomption de la Sainte Vierge dans la tradition des cinq premiers siècles »,Revue des études byzantines,nos 141-143, —1 ;2 ;3.
Martin Jugie, « Le récit de l’Histoire euthymiaque sur la mort et l’Assomption de la Sainte Vierge »,Échos d’Orient,t. 25,no 144,,p. 385-392(lire en ligne).
Christa Müller-Kessler,Three Early Witnesses of the «Dormition of Mary» in Christian Palestinian Aramaic. Palimpsests from the Cairo Genizah (Taylor-Tchechter Collection) and the New Finds in St Catherine’s Monastery, dansApocrypha 29, 2018,p. 69-95.
Christa Müller-Kessler,An Overlooked Christian Palestinian Aramaic Witness of the Dormition of Mary in Codex Climaci Rescriptus (CCR IV), dansCollectanea Christiana Orientalia 16, 2019,p. 81-98.
Christa Müller-Kessler,Obsequies of My Lady Mary (I): Unpublished Early Syriac Palimpsest Fragments from the British Library (BL, Add 17.137, no. 2), dansHugoye 23.1, 2020,p. 31-59.