Au fil des années, par diverses modifications constitutionnelles, il tente d'augmenter l'emprise dupouvoir présidentiel sur l'État et devient de plus en plus fréquemment accusé decopinage en raison de ses tentatives d'installer au pouvoir des personnes qui lui sont sympathiques. L'opposition et les médias sont de plus en plusréprimés et de lafraude électorale est détectée. En mars 2005, de sérieux doutes quant à la validité de résultats électoraux déclenchent la révolution des Tulipes, un soulèvement populaire qui chassera Akaïev du pouvoir.
Le, leSoviet suprême de la RSS kirghize(en), l'organe législatif de la république socialiste soviétique kirghize – en plein processus d'accession à l'indépendance –, déclenche desélections indirectes pour la nouvelle fonction deprésident de la RSS[1].Askar Akaïev etNasirdin Isanov, l'un des politiciens les plus brillants et prometteurs du Kirghizistan moderne, se qualifient pour le second tour. Akaïev remporte finalement la majorité des voix parlementaires et, à la fin de 1990, il nomme Isanov commevice-président. Isanov devient premier ministre en janvier 1991, mais meurt dans des circonstances suspectes quelques mois plus tard. Akaïev est soupçonné d'avoir joué un rôle dans l'accident de voiture l'ayant tué, car Isanov était contre l'installation de l'entrepriseCenterra Gold dans le pays, en violation des cadres juridiques et qui était perçue comme menaçant les intérêts nationaux. Akaïev a alors cherché une entreprise privée.[réf. souhaitée]
Avec le Soviet suprême de la RSS kirghize, il déclare le l'indépendance du pays qui devient laRépublique kirghize. Le, Akaïev est réélu sans opposition, mais avec cette fois le titre du nouvel État indépendant deprésident de la République kirghize. Contrairement aux autres ex-républiques soviétiques d'Asie centrale, le Kirghizistan sous Akaïev entame un tournant politique et économiquelibéral[5]. Il se distinguera par ailleurs des autres futurs dirigeants d'Asie centrale en ce qu'il n'est pas un haut placé de l'appareil soviétique, il fait plutôt son entrée sur la scène politique à l'aube de la chute du régime[2]. Il se dira partisan du libéralisme et de lapropriété privée[3].
Akaïev et les autres dirigeants d'Asie centrale lors d'une rencontre de laCEI vers 1991.
Dans ses premières années à la présidence, Akaïev se distingue en Asie centrale par ses propositions deréformes qu'il soumet à la population pour approbation au moyen deréférendums. Les exercices menés enjanvier etoctobre 1994, en1996 et en1998 en sont des exemples et servent à baliser les pouvoirs présidentiels et parlementaires, amender laconstitution du pays, introduire lapropriété foncière privée et augmenter laliberté de presse. Ces référendums sont aussi utilisés pour accroître le pouvoir présidentiel et ainsi augmenter son emprise sur l'État[2].
Le pays demeure cependant en proie à d'importantes difficultés internes. Les problèmes économiques qui s'accentuent particulièrement dès la fin de la première moitié des années 1990, l'insuffisance des forces de sécurité intérieure et untaux de criminalité élevé compromettent la stabilité du pays. Incapable de former uneforce militaire crédible pour son pays, Akaïev recourt à l'assistance de la Russie pour assurer sa sécurité extérieure. Vers 1992-1993, l'opinion publique à l'égard d'Akaïev change : les rumeurs denépotisme et decopinage augmentent, vu les nombreuxhauts fonctionnaires originaires de sa région, et les preuves decorruption et d'incompétence des autorités croissent[2].
C'est sous la présidence d'Akaïev qu'est adoptée une nouvelleconstitution le, éliminant les dernières structures communistes de l'ère soviétique. Certains volets de celle-ci faisaient l'objet de contestations de groupes d'opposition, notamment sur le statutlaïc de l'État, que certains auraient remplacé par une primauté de l'islam, et sur lekirghize commelangue officielle, que certains auraient mis à statut égal ou quasi-égal avec lerusse en considération despopulations non-kirghizophones. Lapropriété foncière privée et le rôle du président dans la structure de l'État ont également fait l'objet de débats. Akaïev promeut alors unsystème de gouvernement présidentiel où la présidence est placée à l'extérieur destrois pouvoirs de l'État et agit comme un superviseur de ceux-ci garantissant leur bon fonctionnement. La constitution sera finalement rédigée comme telle, entraînant plus tard des oppositions croissantes contre le président[2].
Ses velléités de mener des réformes sont freinées par un parlement hostile, notamment des représentants issus de l'ancienne élitecommuniste. Akaïev tente alors d'imiter la stratégie de 1992 deBoris Elstine en nommant comme dirigeants des politiciens lui étant sympathiques, et ce, aux niveaux desprovinces, districts et villes. Les accusations de népotisme deviennent rapidement source d'embarras pour son gouvernement. En janvier 1994, via unréférendum, il fait dissoudre le parlement notamment en y faisant évacuer les communistes de l'appareil étatique[2].
Au niveau économique, il lance des réformes économiques visant à privatiser lesentreprises publiques, introduire une nouvellemonnaie nationale et libéraliser des lois sur le commerce et l'investissement. Les impôts, tarifs douaniers et réglementations d'import-export sont assouplis afin d'attirer les investissements étrangers. Se butant à l'opposition issue de l'ère soviétique, les résultats de ces mesures restent mitigés. Fin1993, environ 4 450 entreprises d'État sont totalement ou en partie privatisées, représentant 33 % du total des actifs fixes des entreprises. Après avoir adopté une loi permettant le rachat d'actions en1994, il a été estimé que 65 % de la production industrielle provenait d'entreprises non étatiques à la fin de l'année, et ce, à la grande satisfaction duFonds monétaire international et de laBanque mondiale. Le pays est même le premier État issu de l'ex-URSS à intégrer l'Organisation mondiale du commerce en1998. Il reçoit aussi une aide économique considérable qui n'aide cependant le pays à attirer des investissements étrangers et améliorer l'économie. Le pays s'endette lourdement, incapable de rembourser ses prêts et maintenir l'économie sans aide extérieure. Le niveau de vie des Kirghizes diminue après l'indépendance, alors que les actifs finissent par être possédés par des proches du président[2].
Son mandat sera également caractérisé par des efforts afin d'apaiser les frictions interethniques entreKirghizes et la minoritéouzbèke qui forme 30 % de la population[3]. Peu après lesattentats du 11 septembre 2001, il permet auxÉtats-Unis d'utiliser une base aérienne à l'aéroport de Manas pour laguerre d'Afghanistan, mais s'assure de maintenir de bonnes relations avec laRussie, par exemple en lui proposant en2003 d'ériger l'une de ses bases aériennes à 30 kilomètres de la base américaine, et ce, dans l'objectif de faire du Kirghizistan une terre de coopération entre les puissances russe et américaine[5],[6]. Il visite par ailleurs leprésident américainGeorge W. Bush àWashington en septembre 2002[2].
Akaïev sera reconduit dans ses fonctions en1995 et2000 avec plus de 70 % des voix lors de scrutins de moins en moins démocratiques[1], mais « relativement » libres pour cette région du monde. Il sort victorieux de l'élection présidentielle de décembre 1995 avec 71,6 % des voix[7], qui sera jugée libre et équitable par les observateurs internationaux, malgré les protestations de certaines personnalités politiques ayant affirmé avoir été illégalement empêchées d'y participer. Les parlementaires nouvellementélus en février 1995 avaient proposé de soumettre à la population via référendum la possibilité de prolonger le mandat d'Akaïev jusqu'en 2000 au lieu de le contraindre de se présenter à sa réélection, tel que l'avaient fait les présidents desKazakhstan etOuzbékistan voisins. Akaïev juge cependant peu judicieux d'accepter cette proposition, vu la dépendance forte du pays aux prêts des banques et gouvernements occidentaux, vigoureusement opposés à l'annulation des élections de 1995[7]. Il devient alors le seul président d'Asie centrale post-soviétique à se présenter à sa réélection à la fin de son mandat constitutionnel[2].
Le dérapage autoritaire s'accentue lors desélections législatives de février 2000, remportées par les communistes avec 26,4 % des voix suivis des forces pro-Akaïev avec 16,3 % des voix, où un total de 11 partis politiques sur 27 sont autorisés à concourir, et ce, parfois en raison de détails techniques mineurs. Quant à elle, l'élection présidentielle d'octobre 2000 est caractérisée par un total de 14 candidats exclus pour des raisons politiques et des cas debourrage d'urnes et d'intimidation d'électeurs[2].
D'abord vu comme le président le plus démocratique des pays d'Asie centrale[4],[7], Akaïev durcit peu à peu la nature de son pouvoir dès la deuxième moitié des années 1990. Ce changement est la conséquence de facteurs externes (tentatives de déstabilisation de l'Ouzbékistan, conséquences de laguerre civile tadjike et lutte contre les sanctuaires duterrorisme islamiste dans les régions montagneuses) et internes (goût du pouvoir etnépotisme). Par exemple, en1999-2000, le pays est déstabilisé par de nombreux enlèvements exécutés par desfondamentalistes islamiques à l'encontre d'étrangers dans les cols de hautes montagnes à la frontière avec l'Ouzbékistan[2]. Des journalistes sont réprimés, desopposants politiques emprisonnés et des amendements constitutionnels sont promus par son parti afin de renforcer le pouvoir présidentiel au détriment du parlement[5]. Ces répressions culminent lorsque six manifestants sont tués par la police en2002 et que ne sont pas traduits en justice les auteurs de ces morts, ce qui ternit irréversiblement l'image du président[4]. Fin 2002, devant des manifestations demandant sa démission, il promet de ne pas chercher à renouveler son mandat en cours qui s'achève en. En2003 cependant, Akaïev obtient du Parlement une immunité à vie contre toute poursuite judiciaire et un nouveau renforcement des pouvoirs présidentiels[5].
Le, après deux semaines de manifestations contre les résultats desélections législatives de février-mars remportées largement par les supporteurs du président et soupçonnées d'irrégularités[4], le président est chassé du pouvoir par une foule de manifestants ayant pris d'assaut le siège du gouvernement àBichkek. Akaïev quitte alors le pays vers leKazakhstan voisin, dans un premier temps, puis vers laRussie après l'accord donné par leprésidentVladimir Poutine[3]. Il démissionne de ses fonctions de président le. Lui succèdera à la présidence de la République, le dirigeant politiqueKourmanbek Bakiev, actif durant laRévolution des Tulipes et désigné à cette fonction par le parlement.
Depuis son exil, Askar Akaïev est professeur et chercheur à l'Institut Priroguine de recherches mathématiques de l'université de Moscou. Lors desaffrontements Kirghizistan-Tadjikistan de 2022, Akaïev a commenté l'invasion du territoire kirghize par le Tadjikistan, accusant le président tadjikEmomali Rahmon d'acte d'agression soigneusement planifié. Akaïev a qualifié Rahmon d'ingrat et a rappelé qu'il y a 30 ans, pendant laguerre civile au Tadjikistan, le Kirghizistan avait fourni « la plus grande aide et le plus grand soutien politique, moral et humanitaire au peuple frère du Tadjikistan »[8],[9].
Akaïev est marié à Maïram Akaïeva avec laquelle il a deux fils et deux filles. Son fils Aïdar Akaïev et sa fille Bermet Akaïeva sont tous deux élus députés au cours des élections contestées du printemps 2005. Cependant, Bermet est déchue de son siège le.