Ancré dans lapropagande nazie qui prétendait à l’existence d’unerace supérieure ditearyenne, le néologismearyanisation désigne l’expropriation totale desJuifs enAllemagne ainsi qu’enAutriche pendant la période dunazisme, et par extensionles spoliations endurées par lesJuifs de toute l'Europe occupée pendant laShoah.
Dans un sens plus large, sont également rangés sous le terme « aryanisation » d’autres aspects de l’exclusion des Juifs par lesnazis, tels que leurs élimination de la vie culturelle ou scientifique.
Cette politique d'aryanisation se fait avant tout dans le secteur économique. Différentes mesures prises par le régime nazi encouragent de nombreux commerçants et chefs d'entreprises à liquider leur commerce et les oblige à les céder à des prix sous-évalués. L'organisation du boycott des commerces juifs, à partir du 1er avril 1933, participe fortement à ce phénomène puisqu'elle appauvrit peu à peu ces populations. Les commerçants juifs subissent également l'instauration de réglementations discriminantes, sans compter les violences occasionnelles commises contre leur commerce. Au total, entre 1933 et l'automne 1938 le nombre d'entreprises détenues par des Juifs est passé de 100 000 à 40 000.
Au lendemain de lanuit de Cristal, le 12 novembre 1938, l'ordonnance pour l'élimination des Juifs de la vie économique de l'Allemagne (Verordnung zur Ausschaltung der Juden aus dem deutschen Wirtschaftsleben) permet la liquidation des entreprises restantes détenues par des Juifs et sont en partie remises par coercition à de nouveaux propriétaires non-juifs. Les produits de l’expropriation étant confisqués au profit du Reich, les propriétaires légitimes se sont retrouvés ruinés pour la plupart. De plus, tous les employés juifs sont licenciés.
L'aryanisation se fait également d'un point de vue culturel puisque dès le 10 mai 1933 des autodafés sont organisés visant à détruire les écrits des auteurs ayant un esprit "non-allemand", principalement des Juifs, des marxistes et des pacifistes. Le 22 septembre 1933 les artistes juifs sont exclus du monde culturel allemand puisqu'ils ne peuvent se produire que lors de manifestations destinées à des publics juifs. Le 4 octobre 1933, ordre est donné dans la presse de congédier les rédacteurs en chef non-aryens.
Une forme d'aryanisation « spontanée » exista partout en Europe, lorsqu'après l'arrestation des Juifs, un certain nombre de leurs voisins n'hésitaient pas à piller leurs maisons et leurs appartements. Lors de la granderafle du Vel'd'Hiv' (juillet 1942), le jeuneMaurice Rajsfus, échappé du lieu d'internement et revenu dans l'appartement familial vide, découvrit le concierge en train de le piller[réf. nécessaire].
Dès 1942, une "antenne ouest" duministère des Territoires occupés de l'Est met en place une opération appeléeM-Aktion ("M" pour mobilier) visant à confisquer et à s'emparer des meubles et autres objets d'ameublement des "appartements juifs non surveillés" des Juifs en fuite ou déportés en France et dans les pays du Benelux. Dans un premier temps, cette opération s'inscrit dans leGeneralplan Ost, les biens spoliés étant initialement mis à la disposition des administrations dans les territoires occupés de l'Est. ÀAmsterdam, d'où furent déportés sans retour 66 000 Juifs hollandais, l'entreprise Puls se tailla vite une sinistre réputation en collaborant activement à cette opération, vidant les biens des victimes de lashoah. Le verbepulsen entra même dans le langage courant[1].
Une forme systématique et planifiée de spoliation des biens juifs fut également mise en place en 'Europe de l'Est. Lire à ce sujet l'articleGeneralplan Ost.

Le terme est également utilisé par des historiens au sujet de la spoliation des Juifs français, menée conjointement et concurremment par l'occupant allemand et lerégime de Vichy. Elle fit suite à la loi du 22 juillet 1941 de l’État français, qui elle-même faisait suite à « l'aryanisation » décidée par les Allemands à l'automne 1940 en zone occupée. Longtemps négligée, la spoliation des biens juifs est devenue un champ de recherche très développé à partir des années 1990.
La dépossession des Juifs fut d'emblée inscrite au cahier des charges duCommissariat général aux questions juives, créé le 29 mars 1941 et dirigé parXavier Vallat puisDarquier de Pellepoix. Dès l'été 1940, les divers services allemands s'employaient également activement à dérober les biens juifs. L'ambassadeurOtto Abetz profita ainsi de l'exode pour faire main-basse sur les collections d'art des propriétaires juifs absents.
Fin 1941, les Allemands frappèrent la communauté juive française d'une amende exorbitante d'un milliard de francs, à payer entre autres sur la vente de biens juifs, et gérée par laCaisse des dépôts et consignations.
L'historienHenry Rousso estime à 10 000 le nombre d'entreprises aryanisées[2]. On compta 50 000 nominations d'un administrateur de biens juifs sous l'Occupation. Dès 1940, 50 % de la communauté juive fut privée des moyens d’existence normaux, en vertu des lois de Vichy prohibant l'exercice de nombreux métiers aux Juifs ainsi que des ordonnances allemandes[3].
Entreprises françaises aryanisées :Galeries Lafayette, éditionsNathan,Calmann-Lévy,Cluny,Ferenczi etDelage. L'aryanisation toucha aussi la presse, le cinéma, les théâtres (ainsi leThéâtre des Ambassadeurs àParis, le théâtre Sarah-Berhardt étant rebaptisé quant à luiThéâtre de la Cité). Elle n'épargna pas l'industrie : àSaint-Denis, par exemple, 10 % des entreprises chimiques de cette importante ville industrielle furent concernés. Elle s'étendit bien au-delà d'une simple volonté de « réduire l'influence juive », que la propagande antisémite avait mise en avant bien avant la guerre : dans l'Est parisien, on aryanisa aussi d'innombrables et fort modestes boutiques de coiffure, de tailleurs ou de fripiers... L'historienFlorent Le Bot en décrit précisément les ressorts dans son étude sur la branche du cuir en montrant comment la participation à la dépossession de concurrents vient s'inscrire dans une histoire de branche et une histoire française quelque peu cahotantes de 1930 à 1950, entre l'embellie des années 1920 et la dynamique des Trente Glorieuses.
Le PDG de laSociété générale,Henri Ardant, joua un rôle moteur dans l'aryanisation des banques, ainsi que d'autres secteurs dans lesquels sa banque possédait des intérêts (la chaussure notamment).
En Algérie, l'aryanisation alla parfois plus loin qu'en métropole. Un service de l’aryanisation économique, disposant de trois sections à Alger, Oran, Constantine, fut chargé de l’application de la loi du 22 juillet 1941, qui retirait leurs biens aux Juifs[4].