Il a eu un rôle essentiel, de même que le journalArt-Language qu'il éditait (premier numéro en novembre 1969) dans la naissance de l'art conceptuel[1] et avec une forte influence sur le développement aux États-Unis et en Grande-Bretagne[2] de cet art qui dès la fin des années 1960 remit en question la nécessité d'unobjet pour une démarche artistique et analysa de manière critique les conditions d'existence d'uneœuvre d'art[1].
La composition du groupe — informelle — a connu de nombreux changements au cours de son histoire, voyant passer d'autres artistes anglais, américains ou australiens. D'une dizaine lors de ladocumenta 5 en 1972[1], il a pu compter plus de 30 contributeurs dans les années 1970 et 1980[3],[4]. Depuis la mort deCharles Harrison en 2009,Michael Baldwin, l'un des quatre membres fondateurs, etMel Ramsden arrivé en 1970, conduisent seuls les activités d'Art & Language.
Le nom du groupe a été décidé d'après le nom de leur journalArt-Language déjà existant sous forme de conversations/œuvres depuis 1966. Les artistes d'Art & Language étaient très critiques vis-à-vis de la pratique traditionnelle dumodernisme. Dans leurs conversations-œuvres, ils ont inventé l'« Art conceptuel » comme faisant partie de ces conversations[6].Charles Harrison etMel Ramsden rejoignent le groupe en 1970. Entre 1968 et 1982, plus de cinquante participants ont pris part aux activités du groupe[7]. Parmi eux, dès le début des années 1970 on retrouve les AustraliensIan Burn etTerry Smith, les AméricainsMichael Corris etJoseph Kosuth, les AnglaisPhilip Pilkington etDavid Rushton de Coventry ainsi quePreston Heller,Graham Howard etAndrew Menard.
Dans les faits, savoir qui a fait quoi, de quelle manière et en quelle quantité est plus ou moins bien connu et documenté. Les œuvres étaient volontairement signées sous le nom générique d'Art & Language et l'anonymat, relatif, des auteurs est d'ailleurs historiquement important dans la genèse et l'histoire de ce collectif.
Le premier numéro du journalArt-Language[8] (Volume 1 Number 1, mai 1969) est intituléThe Journal of Conceptual Art. Dès le deuxième numéro (Volume 1 Number 2, février 1970) il est devenu évident qu'il existait un certain art conceptuel et plus encore des artistes conceptuels pour lesquels et auxquels le journal ne parlait pas. Le titre fut donc abandonné.Art-Language avait néanmoins jeté les bases de l'idée du groupe. Il est devenu la première empreinte qui identifia une entité publique appelée "Art conceptuel", et aussi le premier à servir de base théorique et conversationnelle à une communauté de critiques et d'artistes qui en étaient ses producteurs et ses utilisateurs. Bien que cette communauté était assez loin d'être unanime sur la manière de décrire la nature de l'art conceptuel, les éditeurs et la plupart de ses contributeurs historiques partageaient des avis étrangement ressemblants : l'art conceptuel était une critique des côtés bureaucratiques et historicistes dumodernisme, et du conservatisme philosophique duminimalisme ; l'art conceptuel était avant tout de la théorie, le plus souvent formalisé par des textes.
Tandis que la distribution du journal et les activités d'enseignement des éditeurs et autres contributeurs se développaient, la« conversation » s'accrut et se multiplia en incluant en 1971, en Angleterre,Charles Harrison, Philip Pilkington, David Rushton, Lynn Lemaster, Sandra Harrison, Graham Howard, Paul Wood, et à New York, Michael Corris, et plus tardPaula Ramsden,Mayo Thompson[9],Christine Kozlov,Preston Heller,Andrew Menard etKathryn Bigelow[10].
Le nom Art & Language resta malgré tout précaire. Sa signifiance ou instrumentalisation variait d'une personne à l'autre, d'une alliance à l'autre, de discours en discours - de ceux qui à New York produisaient le journalThe Fox (1974-1976)[11] à ceux qui étaient pris par des projets musicaux[12] ou encore ceux qui continuaient l'édition du journal. Il y eut des désaccords entre les membres et en 1976 une impression croissante de division qui conduisit à une compétition entre artistes et divers autres problèmes.
Durant les années 1970, Art & Language aborda des questions liées à la production artistique, et essaya d'opérer un passage d'une forme conventionnelle d'art« non-linguistique » comme la peinture et la sculpture à des œuvres plus explicitement théoriques. Le groupe prit souvent des positions argumentées contre des positions dominantes de critiques tels queClement Greenberg etMichael Fried[13].
Le groupe Art & Language à l'époque de l'exposition internationale d'art contemporainDocumenta 5 de Cassel en 1972 était composé d'Atkinson, Bainbridge, Hurrell, Pilkington et Rushton et aussi de l'éditeur américain d'Art-LanguageJoseph Kosuth[14]. L'œuvre présentée était constituée d'un système de classement de textes qui avaient été publiés et avaient circulé entre les membres d'Art & Language[15].
À la fin des années 1970, le groupe s'était essentiellement réduit àMichael Baldwin,Charles Harrison etMel Ramsden, avec la participation occasionnelle deMayo Thompson et de son groupe de rock expérimental américainRed Krayola. Les analyses et développement politiques du groupe conduisirent beaucoup de membres à partir et aller s'engager politiquement de manière plus active. Ian Burn retourna en Australie pour joindre ses forces à celles deIan Milliss, un artiste conceptuel qui avait commencé à travailler avec des syndicats dès le début des années 1970, en créantUnion Media Services, un atelier créatif au service du développement des initiatives sociales et communautaires des syndicats. D'autres membres Anglais se sont orientés vers des activités créatives, académiques ou« politisées ».
Charles Harrison est mort en 2009, laissant Baldwin et Ramsden seuls conduire les activités du groupe Art & Language.
L'œuvre d'Art & Language interroge la nature de l'œuvre d'art, et sa possible indépendance par rapport à l'objet d'art. Elle est constituée d'une grande multiplicité de supports : manuscrits,tapuscrits, vidéos, photographies, textes imprimés, certificats, performances, mais aussi dessins, peintures et sculptures. Il est possible de distinguer trois grandes périodes dans leurs œuvres :
1965-1968 : premières années du groupe durant lesquelles naît un esprit critique dumodernisme et une volonté d'impliquer le visiteur dans une discussion sur la nature de l'œuvre d'art.
1969-1977 : cette période est caractérisée une intense production de textes, et leur possible indexation et présentation. Elle est aussi celle de la première collaboration avec le groupe derock expérimentalRed Krayola sur l'albumMusic-Language : Corrected Slogans.
1977 à aujourd'hui : cette période a souvent été vue comme le retour d'Art & Language à des activités plus classiques, c'est-à-dire à des activités de production d'objets, qu'ils soient des peintures, desdessins ou dessculptures[16]. Les collaborations avec Red Krayola continuent, de même que la production de textes. En 1998, une nouvelle série de collaborations commencent avec leJackson Pollock Bar, une compagnie de théâtre allemande, sous forme de textes performés.
En 1986, Art & Language a été nommé pour leTurner Prize[17], prix qui récompense chaque année un artiste contemporain et décerné par laTate Gallery.
En 1999, Art & Language a exposé une installation majeure intitulée "The Artist Out of Work" auPS1-MoMA[18], NY. Les deux curateurs Michael Corris etNeil Powell ont choisi cette forme de re-collection pour aborder l'ensemble des pratiques en même temps que l'aspect discursif du groupe. Cette exposition venait directement à la suite de l'exposition révisionniste : "Global Conceptualism : Points of Origin" présentée aumusée d'Art du Queens aussi àNew York. L'exposition d'Art & Language au PS1 a offert un point de vue objectif sur les antécédents et l'héritage de l'art conceptuel "classique" et a renforcé une lecture transatlantique plutôt que nationaliste des évènements de 1968-72. Dans sa revue critique de l'exposition,Jerry Saltz écrit :« Il y a un quart de siècle, Art & Language a tissé des liens forts avec l'Art conceptuel lors de sa naissance, mais les efforts ultérieurs ont été tellement autosuffisants et obscurs que leur travail est devenu virtuellement hors de propos. »[19]
Les œuvres de Michael Baldwin et Terry Atkinson (sous le nom Art & Language) sont présentes dans les collections de laTate Modern, London[20].
Des documents et manuscrits relatifs à Art & Language lors de leurs années à New York sont conservés auGetty research Institute à Los Angeles.
Burn et Ramsden ont fondé conjointementThe Society for Theoretical Art and Analysis à New York à la fin des années 1960. Ils ont rejoint Art & Language en 1970-71. Art & Language New York a été dissout après 1975 à cause de désaccords profonds sur les principes de collaboration[25]. Karl Beveridge et Carol Condé qui étaient des membres périphériques du groupe sont alors retournés auCanada où ils ont travaillé avec des syndicats et des groupes sociaux. En 1977, Ian Burn est retourné enAustralie, et Mel Ramsden en Angleterre pour continuer les activités du groupe.
Art & Language et leJackson Pollock Bar ont pour la première fois collaboré en janvier 1995[26] lors du symposium intitulé« Art & Language andLuhmann », organisé par l'Institut für soziale Gegenwartsfragen(de) deFribourg (un institut allemand de recherche et d'enseignement en sciences sociales) au Kunstraum de Vienne. Ce symposium a vu intervenir des conférenciers tels que la conservatrice etcommissaire d'expositionCatherine David qui préparait alors l'expositiondocumenta X etPeter Weibl, artiste et également commissaire d'expositions. Ces trois jours de colloque ont été rendus mémorable par la première installation théorique d'un texte de Art & Language avec leur production en playback par le Jackson Pollock Bar. Cette installation théorique a donc vu cinq acteurs Allemands jouer les rôles deJack Tworkow,Philip Guston,Harold Rosenberg,Robert Motherwell etAd Reinhardt, pour une conversation du« Concept du Nouveau ». La tension de cette reconstitution résidait dans la synchronisation des mouvements des lèvres des acteurs avec le texte pré-enregistré. Depuis cette collaboration entre Art & Language et le Jackson Pollock Bar perdure et chaque ouverture d'une exposition majeure d'Art & Language voit une installation théorique mise en place par le Jackson Pollock Bar[27].
Le collectif démontre qu'il existe une hiérarchie entre les termes. Cela leur permet d'établir une sorte de carte marquant les liens entre les concepts et d'indiquer les termes qui dominent. Au cours de leur recherche, on voit que l'objet d'art domine. Ils vont se référer à la structure de pensée d'autres disciplines ainsi qu'au vocabulaire (l'analytique, lepragmatique, lalinguistique, lestructuralisme, lasociologie des sciences), la théorie de la communication (cybernétique), l'anthropologie. Le collectif a la particularité de s'auto-analyser.
Art & Language utilise par défaut le féminin quand aucun genre n'est engagé ; au lieu du masculin générique, le collectif utilise « elle » et des accords féminins[30].