Cet article concerne l’armistice entre Français et Allemands à l’été 1940. Pour l’armistice entre Français et Italiens, voirarmistice du 24 juin 1940.







L’armistice du est uneconvention signée enforêt de Compiègne entre leTroisième Reich, représenté par le généralWilhelm Keitel, et ledernier gouvernement de laTroisième République, dirigé par le maréchalPhilippe Pétain et représenté par le généralCharles Huntziger, afin de suspendre les hostilités ouvertes par ladéclaration de guerre de laFrance envers l'Allemagne le, marquées notamment par labataille de France déclenchée le, le départ de l'Armée britannique et sonrembarquement à Dunkerque à partir du et la chute de Paris, déclaréeville ouverte le.
L'engagement interallié du qui avait été pris de ne pas conclure depaix séparée avec l'ennemi[1] n'empêche pas la signature d'unarmistice qui suspend les combats et l'avancée de l'Armée allemande, établit les conditions de l'occupation partielle de la France par l'Allemagne, le sort des personnes capturées, déplacées ou occupées, la neutralisation des forces françaises, et le paiement de compensations économiques à l'Allemagne. Du point de vue territorial, il résulte de la convention (en particulier en sesarticles 2et 3)[2] que laFrance métropolitaine est divisée en deux parties par uneligne de démarcation, lazone occupée par l'Armée allemande et lazone dite « libre »[3]. Un nouveau régime sera instauré en en France : lerégime de Vichy. EnFrance d'outre-mer, si une majorité des territoires l'acceptent, l'armistice ne sera en revanche jamais reconnu parFélix Éboué qui choisit de continuer le combat et place directement leTerritoire du Tchad sous le contrôle de laFrance libre donnant à celle-ci les attributs légaux d'unÉtat souverain.
L'article 3 reconnaît la souveraineté du gouvernement français sur l'ensemble du territoire sous réserve« des droits de la puissance occupante »[4]. En pratique, la France est divisée en zones à statut différent, les demandes du gouvernement de rentrer à Paris sont toutes repoussées le et la ligne de démarcation devient « une frontière pratiquement étanche »[4]. Dans la zone occupée, on distinguera immédiatement après plusieurs types de territoires : unezone interdite, au Nord-Est (comprenant notamment deux départements, leNord et lePas-de-Calais, rattachés augouvernorat militaire allemand en Belgique), une « zone réservée » de l'Est où aucun réfugié n'a le droit de retourner ou encore les territoiresde l'Alsace etde la Moselle annexés dès le par l'instauration d'un cordon douanier, ainsi que la zone côtière le long des côtes de laManche et de l'Atlantique[4]. Dans le Sud de la France, l'Italie reçoit également une petitezone d'occupation.
L'entrée en application de cet armistice ne doit se faire qu'après la signature decelui entre l'Italie et la France, signé le à18 h 35. Le cessez-le-feu entre en vigueur six heures après, soit à0 h 35 le[5].
Après l'enfoncement de plusieurs lignes de défense françaises vers le, la défaite française dans labataille de France apparaît inéluctable. Dans ces conditions, lemaréchal Pétain, nouveauchef du gouvernement français, s'exprime dans un discours radiophonique à12 h 30 le depuisBordeaux[6], où il annonce qu'il faut cesser le combat : « C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat » ; il indique également qu'il recherche avec l'adversaire « les moyens de mettre un terme aux hostilités ». Immédiatement, cet appel est largement relayé par les Allemands pour que les troupes françaises déposent les armes sans combattre.
Néanmoins, dans la soirée, le ministre des Affaires étrangèresPaul Baudouin atténue les mots du maréchal et indique :
« Voilà pourquoi le gouvernement présidé par le maréchal Pétain a dû demander à l'ennemi quelles seraient ses conditions de paix. Mais il n'a pas pour autant abandonné la lutte, ni déposé les armes. Comme l'a dit ce matin le maréchal Pétain, le pays est prêt à rechercher dans l'honneur les moyens de mettre un terme aux hostilités. II n'est pas prêt, et ne sera jamais prêt à accepter des conditions déshonorantes, à abandonner la liberté spirituelle de notre peuple, à trahir l'âme de la France[6]. »
Dès le lendemain, depuis Londres, lesous-secrétaire d'État à la Défense et à la Guerre, legénéral de Gaulle lance sonappel du sur les ondes de leBBC, reprochant à Pétain le principe même de l'armistice[a] et invitant les Français à résister à l'ennemi, mais il n'est que peu entendu dans la Métropole :
« Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limite l'immense industrie des États-Unis. »
Néanmoins, les négociations s'engagent et une rencontre formelle est organisée à partir du 21 juin dans laforêt de Compiègne, à l'endroit imposé par Hitler.
Adolf Hitler exige que l'armistice soit signé au même endroit que l'armistice de, dans laclairière de Rethondes, près deCompiègne dans le département de l'Oise. Il fait sortir lewagon de l'Armistice, qui avait servi à signer celui de, du bâtiment qui l'abrite, et le fait placer à une centaine de mètres de là, à l'emplacement exact où il se trouvait le, afin d'y organiser la cérémonie de revanche sur laPremière Guerre mondiale[7] (le wagon va ensuite être convoyé àBerlin). Le, lors de la journée inaugurale des négociations, les Allemands sont représentés par Adolf Hitler en personne et le généralWilhelm Keitel, chargé des négociations[3] en tant que chef duHaut Commandement de l'armée allemande[b],[7].
Plusieurs hauts dignitaires de l'Armée allemande et durégime nazi assistent à la cérémonie :Rudolf Hess,Hermann Göring,Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich, l'amiral Raeder, commandant en chef de laKriegsmarine et legénéral von Brauchitsch,commandant en chef de laHeer, l'Armée de terre allemande[8],[7].
La délégation française est présidée par le généralHuntziger et comprend le général d'aviationBergeret, le vice-amiralLe Luc et l'ambassadeurLéon Noël[7].
Après la cérémonie militaire, les délégations prennent place dans la voiture et Hitler donne la parole à Keitel qui prononce un discours[7]. Puis le texte des conditions d'armistice est remis aux Français et les Allemands, à l'exception de Keitel et de l'interprèteSchmidt, quittent les lieux[7]. Le généralJodl rejoint alors les délégués avec quelques officiers[7].
Avant son départ pourRethondes, le général Huntziger, chef de la délégation française, est reçu par Pétain en présence de membres dugouvernement : le nouveau ministre de la Défense, le généralWeygand et le ministre des Affaires étrangères,Paul Baudouin[9] ; au cours de cet entretien, le chef du Gouvernement fait part de ses« instructions formelles » qui sont de« […] rompre immédiatement la négociation si l'Allemagne exigepremièrement la remise totale ou partielle de la flotte,deuxièmement l'occupation de la métropole, outroisièmement l'occupation d'une partie quelconque de l'empire colonial[9]. »
Parallèlement, les services du ministère des Affaires étrangères rédigent une note :« Liste succincte des concessions qui ne pourraient être faites sans porter atteinte à l'honneur[9] » ; aux trois points indiqués par Pétain, s'ajoutent la livraison de l'aviation et la sauvegarde des institutions de la France et sur l'intégrité du territoire : il est précisé que cela concerne particulièrement l'Alsace-Lorraine et laCorse[9].
Ayant pris connaissance des conditions d'armistice édictées par les Allemands, Huntziger en rend compte à Weygand, le à20 h, au cours d'un long entretien téléphonique — conversation écoutée par les Allemands — où il dicte le texte intégral de la convention, aussitôt transmise auConseil de ministres réuni àBordeaux[10].
La délégation française considère que les conditions qui sont imposées à la France par l'Allemagne, bien que dures, sont toutefois acceptables car elle garde sa flotte[10] et ses colonies — conformément aux souhaits de Pétain — et n'est pas entièrement occupée[11]. En fait, au moment de la signature de l'armistice, les Allemands n'exigent aucune des trois conditions qui, selon les instructions de Pétain, auraient été susceptibles de provoquer la rupture des négociations[12] :« En effet, le territoire ne serait pas occupé dans sa totalité puisqu'une ligne de démarcation définirait la délimitation de la zone sous contrôle allemand […]. Mais au cours des négociations, cette ligne ne fut pas présentée comme intangible […][12]. ». La flotte serait simplement désarmée et la question de l'Empire ne fut pas l'objet de ces négociations[12].
Lors des pourparlers qui se déroulent toute la journée du, entrecoupés de nouvelles communications téléphoniques entre Huntziger et Weygand, la délégation française obtient néanmoins[13] deux modifications : l'article 5 sur la livraison des avions militaires et l'article 17 sur les transferts de valeurs et de stocks, sont amendés[13]. Les Allemands refusent toute autre concession, en dépit des protestations françaises, en particulier surl'article 19 concernant ledroit d'asile et sur l'Italie (la France n'ayant pas été vaincuedans les Alpes)[14]. À la suite de l'ultimatum du général Keitel, chef de la délégation allemande, Huntziger reçoit l'ordre depuis Bordeaux de signer l'armistice[14].
Après ces deux jours de discussion, l'armistice est donc signé le à18 h 36[2] par les généraux Keitel et Huntziger[8],[10].
Les conditions de l'armistice sont motivées par les préoccupations d'Adolf Hitler à cette époque : il faut bien sûr empêcher de façon durable que la France ne redevienne une grande puissance militaire, mais à court terme, il faut veiller à ce que sa flotte et l'aviation ne rejoignent pas leRoyaume-Uni[3], qui reste le dernier pays à vaincre ou à séduire, car un accord de paix avec le Royaume-Uni reste souhaité en cette fin du mois de juin. Enfin, il ne faut froisser ni l'allié italien[3], ni le potentielallié espagnol. Hitler a rencontréMussolini le àMunich[15] pour le convaincre de s'en tenir à ses vues[15] : le Duce voulait s'emparer de la flotte et de l'aviation françaises, occuper la France jusqu'auRhône, annexerNice, laSavoie, laCorse, laTunisie, laCôte française des Somalis, les villes d'Alger, d'Oran et deCasablanca, ce qui n'entrait pas dans les plans de Hitler qui considérait ces prétentions démesurées et de nature à compromettre la signature de l'armistice[15],[3]. Ce sont toutes ces considérations complexes qui vont déterminer le contenu de la convention d’armistice.

La convention est un texte bref de24 articles, qui contient notamment les clauses suivantes[2] :
La dernière condition (l'article 19 :« Le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants allemands désignés par le gouvernement du Reich qui se trouveront en France ou dans les possessions françaises. »[18]) est généralement considérée comme« contraire à l'honneur[3] », en tout premier lieu par la délégation française à Rethondes[3].
Pétain annonce aux Français les conditions de l'armistice le avec ces mots :« l'honneur est sauf » et« je ne serais pas digne de rester à votre tête si j’avais accepté de répandre le sang des Français pour prolonger le rêve de quelques Français mal instruits des conditions de la lutte. Je n’ai placé hors du sol de France ni ma personne ni mon espoir »[19].
De Gaulle lui répond par un message à laBBC le :« Cet armistice est déshonorant. Les deux tiers du territoire livrés à l'occupation de l'ennemi, et de quel ennemi ! Notre armée tout entière démobilisée. Et c'est du même ton, monsieur le maréchal, que vous conviez la France livrée, la France liée, la France asservie à reprendre son labeur, à se refaire, à se relever. Mais dans quelle atmosphère ? Par quels moyens ? »[20].
Churchill avait, par un message du après que Pétain eut demandé l'armistice, exprimé à la nation française l'affection des Britanniques et l'avait assurée que son pays continuerait la lutte jusqu'à la victoire[21]. Immédiatement après la signature, le cabinet de guerre britannique anticipe que la flotte française tout entière doit être livrée aux Allemands et aux Italiens pour être désarmée. Churchill écrit dans ses mémoires :« Il est vrai que dans le même article, le gouvernement allemand déclarait solennellement qu'il n'avait nulle intention d'utiliser [la flotte] à ses propres fins. Mais quel homme sensé aurait ajouté foi à la parole d'Hitler après toutes les infamies commises ? »[22].

Le choix de Hitler de laisser à la France vaincue une partie de son territoire et son empire[15],[3] peut paraître aujourd'hui surprenant. À l'époque, dans une lettre auDuce et lors de la réunion du à Munich, Hitler a justifié ce choix par le souci de ne pas pousser la France et sa puissante flotte à continuer la guerre à partir de ses colonies[15],[3],[23]. LaMarine allemande n'était pas en mesure de conquérir le vaste empire colonial outre-Méditerranée, et l'envoi de troupes dans des contrées éloignées n'entrait pas dans la stratégie de Hitler[15]. Dans les faits, à l'exception de l'Afrique-Équatoriale française et de laNouvelle-Calédonie, les colonies françaises ne se rallient ni àde Gaulle ni auxAlliés dans les mois qui suivent l'armistice, malgré labataille de Dakar.
De son côté,Churchill, face au risque insupportable de voir la flotte française rejoindre ses ports d'attache maintenant occupés par l'ennemi conformément aux conventions d'armistice, envoie le une force navale britannique, commandée par l'amiralSomerville, sommer l'escadre française deMers el-Kébir de se joindre à elle, de se saborder, ou de rejoindre lesAntilles françaises pour être désarmée ou confiée auxÉtats-Unis (alors neutres mais favorables à la Grande-Bretagne). L'amiral françaisGensoul envoie deux messages au ministère de la Marine et le conseil des ministres se réunit à15 h : il refuse les conditions. L'amiral doit rejeter l'ultimatum. Selon Churchill, le cabinet de guerre ne trembla pas :« ce fut une décision odieuse, la plus inhumaine, la plus pénible de toutes celles auxquelles j'ai été associé »[22].
Il s'ensuit uncombat naval au cours duquel le courage de la flotte française qui se bat dans une position bien délicate permet à quelques navires de s’échapper malgré de grosses pertes : le cuirasséBretagne est coulé ; un second, laProvence, ainsi que le croiseur de batailleDunkerque et le contre-torpilleurMogador, sont mis hors de combat ; le tout cause la mort de 1 297 marins français.
L'amiralDarlan avait, par avance, refusé de diriger vers les ports occupés les unités qui y avaient leur base. Il ordonna à la totalité de la flotte de se replier enAfrique du Nord. L'attaque de Mers el-Kébir l'incita à la baser àToulon dès la fin del'année.
Dans l'incertitude de leur issue, les conversations et discussions entre les membres des deux délégations, et celles entre les membres de la délégation française et legouvernement Pétain, furent enregistrées par les Allemands à l'insu des Français. À l'occasion de la découverte par le collectionneurBruno Ledoux de la copie qui fut, à la suite de la signature de l'Armistice et du début de laCollaboration, remise au maréchal Pétain, connue des historiens sous le nom de« malle Pétain » mais perdue jusqu'en,France 5 en diffuse de larges parties en[24]. De courts extraits provenant de la copie des enregistrements originaux allemands surbandes magnétiques, détenue auxArchives fédérales, en avaient auparavant été diffusés parPhilippe Alfonsi surEurope 1 dans lesannées puis surFrance Inter en[25]. Le document sonore retrouvé par Bruno Ledoux, comprenant, sous la forme de 45disques78 tours en aluminium une face, de plus de3 heures, à en têtePrésidence du Conseil, Administration de laRadiodiffusion nationale,Centre des enregistrements, et comportant les inscriptions manuscrites allemandes22.6.1940,2.Tag (« 2e jour »),Verhandlüng (« négociation »),Compiègne[26], contenant l'intégralité des discussions qui se sont tenues dans le wagon le, sera offert par Bruno Ledoux à la France pour être conservé auxArchives nationales[27].
Le règlement du conflit avec l'Italie fasciste fait l'objet d'un autre armistice signé le.
L'Italie, bien que revendiquant, entre autres, l'anciencomté de Nice et laSavoie, dont elle n'est pas parvenue à s'emparer, mais aussi laCorse, laTunisie etDjibouti, doit se contenter de lazone d'occupation deMenton (Alpes-Maritimes). Les autres territoires revendiqués, depuis lafrontière franco-italienne jusqu'auRhône ainsi que laCorse, ne seront occupés par l'Armée italienne qu'ultérieurement, le, lors de l'invasion de la zone antérieurement non occupée.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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