Unearme chimique est unearme spécialisée qui utilise dessubstances conçues pour infliger des blessures ou pour tuer desêtres vivants du fait de leurs propriétés chimiques ou de leurtoxicité.
Selon l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), « le termearme chimique peut également s'entendre pour toutcomposé chimique toxique, ou lesprécurseurs d'un tel composé, susceptibles de provoquer la mort, des blessures, une incapacité temporaire ou une irritation sensorielle par son action chimique. Les munitions et les équipements associés conçus pour produire et disperser ces armes chimiques, qu'ils soient chargés ou vides, sont également considérés eux-mêmes comme des armes »[1]. Une arme chimique est diteunitaire lorsque sa substance active est stockée telle quelle avant utilisation, à la différence d'une armebinaire, dont leprincipe actif doit être préparé avant utilisation en faisant réagir deux ou plusieurs précurseurs plus stables généralement moins toxiques. Les plus dangereux d'entre eux sont notamment lesagents innervants, comme lesarin et leVX, et lesvésicants, comme lalewisite et legaz moutarde.
Les armes chimiques sont classées parmi lesarmes de destruction massive (ADM) aux côtés desarmes bactériologiques et desarmes nucléaires, l'ensemble étant désigné collectivement par le sigleNBC, par opposition auxarmes conventionnelles. Ces dernières agissent avec leur potentiel cinétique ou leur puissance explosive, tandis que les armes chimiques peuvent être largement dispersées sous forme de gaz ou d'aérosols liquides ou solides, et ainsi toucher des cibles bien au-delà de celles initialement visées. Lechlore, lesgaz lacrymogènes et lesmoutardes azotées sont des exemples d'armes chimiques contemporaines.
L'usage massif d'armes chimiques est apparu lors de laPremière Guerre mondiale. La charge toxique, duchlore dans un premier temps, a d'abord été diffusée sous forme gazeuse dispersée par les vents vers l'ennemi, puis a été envoyée vers sa cible par un vecteur, généralement desobus ou desbombes, voire desgrenades chimiques dès 1914-1918.
Armes non létales, les incapacitants n'ont pas vocation à tuer ni à blesser et peuvent être employés par lesforces de l'ordre lors d'opérations de police. Ils peuvent également avoir une utilité tactique pour forcer des combattants à s'exposer hors de leurs positions couvertes. Leur utilisation militaire est cependant prohibée par laConvention sur l'interdiction des armes chimiques afin de prévenir les risques d'escalade conduisant à l'emploi d'armes létales en réponse à l'utilisation d'armes non létales sur le champ de bataille.
Les incapacitants sont généralement des substances irritantes ou incommodantes dont l'effet disparaît quelques minutes après la fin de l'exposition et dont les effets secondaires se résorbent sous24heures sans intervention médicale. Se rangent dans cette catégorie :
les malodorants, comme leskunk, dont l'utilisation militaire n'est pas encadrée ;
Certaines substances employées comme incapacitants ont des effets plus durables avec un risque limité de séquelles permanentes ou de décès. Une prise en charge médicale peut cependant être utile pour faciliter la récupération. C'est le cas par exemple despsychotropes comme leBZ et leLSD, voire d'antalgiques et d'anesthésiants comme ceux entrant dans la constitution du cocktail russe ditKolokol-1.
lasérie G, constituée de substances volatiles dont l'effet se dissipe assez rapidement, comme letabun, lesarin, lesoman, lecyclosarin ;
lasérie V, constituée de substances faiblement volatiles à effet persistant typiquement par contact cutané, comme leVE, leVM ou leVX ;
lesagentsNovitchok, à volatilité intermédiaire et parmi les plus toxiques de tous, comme leA-234 ;
lescarbamates, qui sont des solides utilisables sous formeaérosolisée, deux à trois fois plus toxiques que leVX, et à l'effet plus rapide, comme l'EA-3990 et l'EA-4056.
Outre ces composés synthétiques, diversesneurotoxines d'origine biologique ont fait l'objet de recherches en vue de les utiliser à des fins militaires, notamment lasaxitoxine et laricine.
Certaines substances ne sont pas à proprement parler des armes chimiques et ne sont pas contrôlées par l'OIAC mais ont pu être utilisées à des fins militaires.
L'agent bleu, autre défoliant utilisé pendant la guerre du Viêt Nam, était quant à lui constitué d'un mélange d'acide cacodylique (CH3)2AsO2H et de cacodylate de sodium (CH3)2AsO2Na, avec un effetgénotoxique sur lescellules humaines.
Leprotocole de Genève, signé le17 juin 1925 et entré en vigueur le8 février 1928, est le premier traité international d'envergure interdisant l'emploi d'armes chimiques et d'armes bactériologiques. Actant que les armes chimiques et biologiques sont « justement condamnées par l'opinion générale du monde civilisé », il interdisait l'usage de « gaz asphyxiants, empoisonnés ou assimilés, et de tous liquides, substances ou équipements analogues » ainsi que de « méthodes de guerre bactériologique », mais n'interdisait pas de produire, stocker ni d'exporter de telles armes.
LaConvention sur l'interdiction des armes chimiques, signée àParis le13 janvier 1993 et entrée en vigueur le29 avril 1997, entend précisément couvrir l'ensemble du cycle de vie des armes chimiques, depuis leur conception jusqu'à leur utilisation en passant par leur fabrication, leur transport et leur stockage. IntituléeConvention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'usage des armes chimiques et sur leur destruction, elle vise leur éradication complète des arsenaux de toute la planète. Sa mise en œuvre est contrôlée par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), organisation indépendante basée àLa Haye. En mai 2018, 192 États adhéraient à la Convention et en acceptaient les dispositions ; laCorée du Nord, l'Égypte, l'État de Palestine et leSoudan du Sud ne l'avaient pas signée, tandis qu'Israël ne l'avait pasratifiée.
LaRussie annonce le 27 septembre 2017 avoir terminé de détruire les 40 000 tonnes qu'elle a reconnu posséder[8].
L'agence des matériels chimiques de l'armée des États-Unis a annoncé que les États-Unis ont détruit, au, 75 % de leur stock qui était en 1997 de 31 100 tonnes. En 2015, les stocks restants en attente de destruction sont concentrés sur deux sites et comprennent environ 3 100 tonnes qui doivent être éliminés d'ici 2023[9]. La dernière munition est détruite le auDépôt chimique de Pueblo.
Utilisation dufeu grégeois projeté avec uncheirosiphōn (littéralement « siphon à mains », lance-flammes portable) contre un château. Enluminure desPoliorcétiques deHéron de Byzance,Xe siècle.Des bonbonnes de gaz chlorés toxiques ont été utilisées avant une production massive d'« obus à gaz » lors de laPremière Guerre mondiale.
Il est probable que les sociétés préhistoriques dechasseurs-cueilleurs utilisaient des armes chimiques consistant en des flèches ou des javelots empoisonnés par du venin de serpent, scorpion ou des plantes toxiques[12].
Dès l’Antiquité, enChine ou enInde plusieurs siècles avant notre ère, les traités militaires, chroniques ou manuels mentionnent la préparation ou l'emploi d'armes chimiques : bombes irritantes, fumées toxiques. EnGrèce antique,Pausanias décrit l’empoisonnement des eaux de la rivièrePleistos avec des racines d’hellébore lors de lapremière guerre sacrée enThucydide relate l'emploi de vapeurs sulfureuses lors de laguerre du Péloponnèse grâce à des chevaux que l'on fait courir sur des tapis de cendres toxiques. De même,Polybe rapporte le siège d'Ambracie en au cours duquel le général romain Marcus Flavius envoie sur les assiégés, acculés dans un tunnel, des engins incendiaires faits de fagots de bois imprégnés de poix et de soufre, leurs fumées étant poussées par les vents dans ce couloir souterrain, prototype de laguerre souterraine[13]. Deslégionnaires romains auraient été victimes d'une attaque chimique, approximativement vers l'an 100. Selon l'archéologuebritanniqueSimon James(en) qui a revisité les résultats defouilles réalisées enSyrie au siècle dernier, la mort de légionnaires basés àDoura Europos lors d'une attaque ennemie, s'expliquerait par uneamphore contenant dubitume et des cristaux desoufre. LesPerses auraient su que, parce que les Romains se trouvaient à ce moment dans un espace confiné, en leur expédiant cette mauvaise surprise et en bloquant leur sortie, ils les condamnaient à l'asphyxie[14]. L'emploi de ces armes est très tôt condamné par le droit, comme l'atteste la formule des juristes romainsarmis bella non venenis geri (« la guerre est menée par les armes et non par les poisons »)[15].
Au Moyen-Âge,Frédéric Barberousse aurait conquis la ville deTortona, en 1155, en empoisonnant les réserves d'eau de la Ville[17]. En 1346, le khan turco-mongolDjaniberg, quiassiégeait la ville génoise de Caffa (aujourd'huiThéodosie) en Crimée, depuis deux ans, et alors que son armée est décimée par lapeste noire, jette des cadavres pestiférés par-dessus les murailles, contaminant ainsi la ville, constituant un des premiers exemple d'attaque bactériologique. Les marchands, fuyant la ville, vont contaminer le rester de l'Europe[18].
Tableau consolidé des« pertes » de l'US Army par gaz asphyxiants et toxiques ("guerre chimique") de la Première Guerre mondiale ; nombre de victimes par unités auxquels elles appartenaient. N'y figurent que les soldats soignés dans les hôpitaux en France, venant exclusivement des champs de bataille, ainsi que morts et blessés du corps des marines. (Archives US : Otis Historical Archives nat'l Museum of Health et medicine).
Le début de la guerre chimique moderne se situe pendant laPremière Guerre mondiale avec la production industrielle d'armes chimiques[16].
Les Français utilisaient déjà, depuis le début de la guerre, des projectiles chargés de produits lacrymogènes et suffocants, des grenades et des projectiles lancés par un pistolet, chargés d’éther bromacétique. Après plusieurs mois d’utilisation, cette substance fut remplacée par de lachloracétone et un deuxième type de grenade suffocante apparaît en avril 1915[25]. Les Allemands, qui disposent alors de la première industrie chimique au monde, expérimentent des projectiles à chargement spécial dès les premiers mois de guerre. Le 29 octobre 1914, ils envoient 3 000 obus « Ni » de 105 mm contenant duchlorosulfonate de dianisidine sur Neuve-Chapelle, lors d’une offensive. Ce produit, irritant pour les yeux et le nez, ne semble pas avoir été suffisamment efficace puisque l’expérience ne sera pas réitérée[25].
Le 22 avril 1915, la première attaque chimique massive a eu lieu lors de ladeuxième bataille d'Ypres durant laPremière Guerre mondiale par l'arméeallemande. 6 000 bouteilles d'acier ouvertes sur place (30 000 selon d'autres auteurs) libèrent 180 tonnes dechlore sous forme de nuage dérivant sur les lignes alliées. L'attaque fit environ 10 000 victimes (morts ou hors de combat). Il s'ensuivit une course aux protections (masques anti-gaz) et aux produits de plus en plus toxiques avec une accumulation de stocks considérables (qui n'ont que peu été utilisés après 1919). La ville d'Ypres a ainsi donné son nom à l'un des plus célèbres gaz de combat, l'ypérite ougaz moutarde, utilisé pour la première fois sur le front le 11 juillet 1917 lors de la troisième bataille d'Ypres, oubataille de Passchendaele[27]. Le 31 mai 1915 : des attaques plus meurtrières se font avec des mélanges chlore-oxyde de carbone ouphosgène (12 000 bouteilles de gaz) sur le front russe, sur laBsura-Rumka, qui font environ 9 000 victimes, dont 6 000 morts. Dès le mois de mai 1915, les Allemands introduisent de nouvelles substances agressives. Lebrome en premier lieu, chargé en grenades et en projectiles deMinenwerfer. D’autres substances, comme l’éther bromacétique et surtout un mélange d’anhydride sulfurique et de l'acide chlorosulfonique, sont également utilisés. C’est également à la fin du mois de juin que les Allemands utilisent pour la première fois la substance qui restera la plus dangereuse de toutes celles utilisées en projectile, pendant l’année 1915. Ce nouveau produit, extrêmement toxique est le chloroformiate de méthyle chloré, envoyé dans des obus de 170 mm, le 18 juin 1915 à Neuville-Saint-Vaast. C’est un dérivé duphosgène qui constitue un lacrymogène énergique et qui possède des effets suffocants puissants. On considère que sa toxicité est environ dix fois supérieure à celle duchlore. Le produit utilisé par les Allemands n’est pas le chloroformiate de méthyle chloré pur, mais un mélange de celui-ci avec des dérivés plus chlorés qui accroissent les propriétés lacrymogènes. Les lésions déterminées par ces produits sur les poumons, apparaissent soit immédiatement, soit au contraire assez tardivement, mais, dans un cas comme dans l’autre, sont en général très graves[28],[29]. Juillet 1915 : 100 000 obus « T » (bromure de benzyle) sont tirés au canon de 155 enArgonne[28],[29]. La deuxième partie de l’année 1915 est marquée par l’utilisation des obus spéciaux de type T (bromure de benzyle et de xylyle) et par ceux de type K (K1 : dérivés bromés et dibromés de méthyléthylcétone (Bn Stoff) et K2 : chloroformiate de méthyle chloré ou palite (K Stoff)), de façon sporadique[30]. Ces deux dernières substances possèdent des propriétés lacrymogènes et suffocantes importantes, leur conférant un pouvoir létal. Puis, à partir d’octobre 1915 par le retour des vagues gazeuses dérivantes sur le front Ouest[31]. Cette même année 1915, la plupart des pays riches lancent une production industrielle de gaz de combat et d'armes chimiques. Par exemple en France, la « Société du chlore liquide » construit àPont-de-Claix dans lavallée du Drac, une usine qui produira industriellement duchlore et ses dérivés afin de fabriquer des armes chimiques (en réponse à ceux de l'armée allemande). C'est ce site qui deviendra l'actuelleplate-forme chimiqueRhodia qui conserve de lourdes séquelles depollution (pollutions du sol, pollution de l'eau, engins militaires abandonnés[32],[33]).
En février 1916, les Français introduisent des obus de 75 mm chargés auphosgène, premières munitions alliées avec un effet létal. Les troupes allemandes furent fortement impressionnées par cette réplique française et demandèrent à disposer de munitions aussi toxiques, relançant ainsi la production des munitions chimiques allemandes. Les obus K2 utilisés par l'Allemagne depuis juin 1915 avaient cependant un pouvoir létal équivalent. Le 29 juin 1916, première attaque au gaz sur lefront italien de la part de l'Autriche-Hongrie sur leMonte San Michele(it) (Vénétie), faisant au moins 6 000 victimes dans l'armée italienne dont 5 000 morts. Juillet 1916 : labataille de la Somme inaugure l'usage de nouveaux obus à l'acide cyanhydrique. Juillet 1917, l'ypérite est massivement utilisée dans la région d'Ypres - d'où son nom. Elle induit des brûlures intolérables avec un effet psychologique important (9 500 t de ce gaz sont fabriquées). En septembre 1917, les« Clarks » à base d'arsines apparaissent, non filtrés par les cartouches des masques, ils provoquent des vomissements dans les masques que les soldats sont obligés d'ôter, ce qui les force à respirer sans masque.
En 1918, la dernière année de guerre voit l'utilisation d'un nombre croissant de munitions chimiques (25 % environ des projectiles utilisés de part et d'autre sont des obus chimiques). Avant l'armistice, unobus sur quatre sortait des chaînes de fabrication muni d'une charge chimique. À la fin de ce conflit, de 110 000 à 130 000 tonnes d’agents de guerre chimiques avaient été utilisés sur le front de l'Ouest, causant 1,2 million de victimes et de 90 000 à 100 000 morts[34],[35] tandis que l'on estime les pertes humaines à 180 000 sur le front de l'Est[36]. Grâce aux masques anti-gaz et à un assez mauvais pouvoir de dispersion, seuls 7 % des tués furent victimes de ces armes sur le front de l'Ouest contre 11 % de tués dans l'armée impériale russe mal équipée, mais elles ont fait de nombreux blessés, et on s'est rendu compte plusieurs décennies après que l'ypérite était également cancérigène, comme probablement les arsines et d'autres toxiques, qui pourraient par ailleurs être un facteur supplémentaire de risque pour laMaladie d'Alzheimer ou deParkinson, ou responsables de troubles de la fertilité et de la reproduction. L'horreur inspirée par ces armes s'est traduite par des dispositions visant leur interdiction dans les traités internationaux, dont notamment l'article 171 duTraité de Versailles et l'article V duTraité relatif à l'emploi des sous-marins et des gaz asphyxiants en temps de guerre qui prohibent l'usage des gaz toxiques, sans paradoxalement en interdire la fabrication et le stockage en masse, qui fut une réalité jusqu'à la fin de laguerre froide dans nombre de nations.
Bombardement ducuirassé américainUSS Alabama (BB-8) lors d'un test d'une bombe au gaz de 300 livres le 23 septembre 1921 (gaz asphyxiants et toxiques).« La guerre du futur est une guerre chimique. » Affiche soviétique de 1925.
De1935 à1936, lors de laSeconde guerre italo-éthiopienne, l'armée italienne procède à des bombardements chimiques d'artillerie et par avions employant un total de 350 tonnes d'armes chimiques.
Selon les historiens Seiya Matsuno etYoshiaki Yoshimi[38], l'empereur Showa autorisa en dépit de ces traités et dès 1937, durant laguerre sino-japonaise, l'usage d'armes chimiques contre les troupes ennemies et les populations civiles. À titre d'exemple, des gaz toxiques furent autorisés à 375 reprises par le princeKotohito Kan'in lors de labataille de Wuhan, d'août à octobre 1938, et ce, en dépit de la résolution du 14 mai de laSociété des Nations condamnant l'usage de gaz toxiques par l'armée impériale japonaise. Ces armes ne furent toutefois jamais autorisées sur le champ de bataille contre des nations occidentales mais seulement contre les populations locales jugées « inférieures » et des prisonniers de guerre.
Dès 1937, l’Allemagne exploite les propriétés neurotoxiques d'uninsecticide organophosphoré, letabun, mis au point par le chimisteGerhard Schrader, qui travaille pour l'IG Farben ; puis en 1939, lesarin ; et en 1944, lesoman. Après guerre, lesamitons furent développés, les trois derniers produits agissant même à travers l’épiderme. L’ypérite a continué à être utilisée dans des conflits « périphériques » malgré les dénégations de leurs utilisateurs.
La France a également poursuivi un programme de recherche sur les armes chimiques durant l'entre-deux-guerres, ce programme s’intensifiant progressivement à partir des années 1930, avec le durcissement des relations internationales. De nouvelles substances, toujours plus toxiques furent découvertes et synthétisées, comme le trichloréthylamine (vésicant et suffocant insidieux puissant), de nombreux dérivés proches des arsines, et une substance proche des organophosphorés aux propriétés neurotoxiques, un éther carbamique de la choline.
Dans les années 1930 et 1940, des centaines de recrues indiennes de l’armée britannique ont été utilisées afin de déterminer quelle quantité de gaz était nécessaire pour tuer un être humain. Les quantités utilisées sur les soldats indiens n'étaient pas mortelles, mais ces derniers ne disposaient pas de protections adéquates et n'étaient pas informés des risques qu'ils encouraient. Beaucoup ont souffert de graves brulures et développé des maladies[40].
Des soldats de l'armée impériale japonaise portent des masques à gaz lors d'un assaut chimique pendant labataille de Shanghai.
En 1940, un stock important de munitions chimiques avait été constitué dans l’objectif de mener une guerre chimique. Ce stock était essentiellement constitué de munitions d’artillerie et de bombes d’aviation, chargées en phosgène, en ypérite, en trichloréthylamine, en léwisite, en adamsite.
Plus de 2 300 000 tirs d'obus étaient disponibles pour les Alliés au mois de mai 1940, reliques de la Première Guerre mondiale. Un groupement spécialisé dans ce genre d’opérations fut rendu opérationnel à partir du mois d’avril 1940 ; la suite précipitée de la campagne mit fin à ce projet[41]. À partir de 1942, l'Allemagne produit des neurotoxiques à l'échelle industrielle[42].
Les infrastructures de production d'engrais et depesticides ont respectivement pu fournir de grandes quantités d'explosif (nitrates) et de neurotoxiques et autres produits chimiques pour la guerre. Le non-emploi des produits stockés, pendant la Seconde Guerre mondiale est mal expliqué : efficacité duprotocole de Genève ? Les Allemands pensaient-ils que les Alliés avaient eux aussi découvert lesorganophosphorés[43]? Ils ont en tous cas laissé des stocks importants qui attendent qu'on les traite ou qui n'ont pasjusqu'à un passé récent[Quand ?] été correctement éliminés (c'est-à-dire éliminés sans impacts écologiques ou sanitaires ni définitivement pour les toxiques non dégradables).
Depuis 1945, de nombreux pays ont fait des recherches sur les possibilités d'utiliser des produits chimiques dans le cadre militaire. Ils ont donc développé, étudié et stocké des quantités, parfois très importantes, de ces substances toxiques qui sont souvent très délicates à détruire.
Ainsi la France a continué de produire des armes chimiques jusqu'en1987. Un des sites les plus sensibles, géré par la Société Nationale des Poudres et Explosifs (Groupe SNPE)[44], ne fut toutefois définitivement rasé qu'en 1995.[réf. souhaitée] Il se trouvait à l'extrémité sud-est de l'usine AZF deToulouse qui a explosé le 21 septembre 2001.
L'utilisation d'armes chimiques après laSeconde Guerre mondiale fut relativement limitée, quoique les arsenaux des grandes armées du Monde en soient toujours pourvus jusqu'à la fin de laguerre froide.
Opération Ranch Hand. Officiellement, les États-Unis ont mis fin à l'épandage de défoliants par l'agent orange en 1970 sous la pression de l'ONU. En 1971, ils se poursuivirent officieusement par des avions de l'armée sud-vietnamienne.
L'épandage dedéfoliant chimique par l'agent orange[47] (herbicide contaminé à la dioxine dosé à 40 fois son emploi en usage civil, pour détruire les cultures vivrières) a lieu à partir de 1952 lors de l'insurrection communiste malaise par les forces britanniques. Elle est reprise durant laguerre du Viêt Nam par les États-Unis et visait à affamer la population vietcong. En termes de quantité mise en œuvre sur les rizières dudelta du Mékong, cette guerre est considérée commela plus grande guerre chimique de l'Histoire[48]. C'est un véritableécocide qui a détruit la flore. La population a subi de graves brûlures à l'épiderme[49], Les épandages se sont étendus sur les terres du Laos et du Cambodge. Plus de 3 000 villages ont été arrosés, et certaines personnes ont mangé des céréales enduites d'herbicide ; les conséquences génétiques sur les populations ayant été en contact avec ladéfoliation se sont transmises aux générations ultérieures, engendrant des enfants subissant des anomalies considérables lors de leur développementin utero[50].
Laguerre Iran-Irak vit l'utilisation massive de ces armes par l'Irak, on estime que ces attaques chimiques ont causé 60 000 victimes iraniennes, dont 10 000 morts[51]. Le 16 mars 1988, l'armée irakienne a bombardé à l'arme chimique la ville kurde d'Halabja, il y eut plus de cinq mille morts et environ sept mille blessés et handicapés à vie[52],[53].
La Russie est soupçonnée d'avoir eu recours à l'arme chimique pour éliminer le marchand d'armes Emilian Gebrev, en 2015 enBulgarie, le transfuge russeSergueï Skripal, en 2018 enGrande-Bretagne, et l'opposant russeAlexeï Navalny, en 2020 en Russie[62].
Le 8 aout 2023, la totalité des stocks déclarés à l'OIAC sont détruits.
Équipement NBC (Nucléaire Biologique Chimique) -Armée française - 1997.
Pour se protéger des agents chimiques, il n'existe que trois types de parades :
la combinaison étanche de protection comprenant unmasque à gaz adapté auxrisquesNBC (Nucléaire, Biologique, Chimique), c’est-à-dire conçue pour empêcher l'inhalation ou le contact avec les agents de l'un ou de l'autre type (hormis le rayonnement radioactif). Il faut porter l'équipement de protection préventivement. Or, plusieurs types de gaz de combat n'ont ni goût ni odeur, ou n'induisent des symptômes évidents qu'après un certain temps (plusieurs heures pour l'ypérite).
Curativement :antidote (à injecter ou ingérer, s'il en existe un et qu'il est disponible) dans les minutes qui suivent l'exposition, sachant que certains toxiques chimiques font aussi vomir.
Décontaminer le corps, les objets et lieux avec des produits adaptés (ce qui demande de connaitre le type d'agent en question)
Personnels de l'USAF en tenue NBC durant un exercice sur un aéroport en 1985.
Depuis lesannées 1990, il existe des recherches sur une arme chimique capable de dissoudre lescaoutchoucs, naturel et synthétique. La destruction despneus, des joints et desdurits entraînerait la paralysie d’une armée. En 1914-1918, l'ypérite était déjà capable de passer au travers du caoutchouc naturel (latex). Dans la même logique, des agents aptes à dégrader lecuivre ou lesilicium auraient des effets similaires en détruisant les systèmes de communications. Les armesphéromoniques ont également été évoquées ; un laboratoire de l'US Air Force aurait demandé un financement en 1994 pour une arme capable de plonger les troupes visées dans un véritable état de transesexuelle, celui-ci a été refusé par ledépartement de la Défense des États-Unis[63].
Certains de ces produits ne se dégradent pas, ou ne se dégradent que très lentement et les amorces des munitions anciennes contiennent par ailleurs dumercure toxique (sous forme de 2 grammes defulminate de mercure) et un explosif souvent également toxique. Les stocks de munitions chimiques ou detoxiques de guerre sont undanger permanent exposant à unrisque croissant de fuites et de contacts dans le cas des munitions anciennes qui se dégradent inéluctablement. De nombreusesmunitions non explosées ont été détruites dans de mauvaises conditions après guerre sur terre, ou en mer, ou persistent dans les sols, notamment en Belgique et en France, dans lazone rouge la plus touchée par laPremière Guerre mondiale. Les stocks de munitions non explosées ou non utilisées ouimmergées, avec plusieurs dépôts de dizaines de milliers de tonnes, contribuent auxséquelles durables des guerres mondiales et de laguerre froide (eau, air et sols pollués, écosystèmes dégradés, menace permanente pour les ressources en eau potable et en produits de la mer, problèmes de santé).
La Convention d'interdiction des armes chimiques oblige ses États parties à éliminer leurs stocks d'armes chimiques avant 2007, mais cette date n'a pas été respectée par plusieurs pays ayant des stocks importants, les États-Unis terminant la destruction de leur stock le 8 juillet 2017. Des pays ont construit des usines spécialisées dont leSECOIA en France et ledépôt chimique de Pueblo aux États-Unis pour éliminer ces munitions chimiques. La résolution du problème des nombreux dépôts immergés en mer - et dont on ne connaît pas toujours l'emplacement exact ni l'état de dégradation - n'est pas incluse dans la convention. Lacommission OSPAR et lacommission HELCOM y travaillent également dans le cadre de deux conventions régionales, mais sans que ce sujet semble prioritaire pour leurs États membres, bien que les pays de la Baltique s'en inquiètent sérieusement depuis la découverte par les pêcheurs d'un nombre important d'obus ou de contenants fuyants dans leurs filets (au Danemark notamment, où 400 pêcheurs au moins auraient été brûlés par de l'Ypérite).
↑Steve Tulliu et Thomas Schmalberger« Coming to Terms with Security: A Lexicon for Arms Control, Disarmament and Confidence-Building » ()(lire en ligne, consulté le)
↑Françoise Brié :L’utilisation des armes chimiques contre les Kurdes, inLe livre noir de Saddam Hussein, Chris Kutschera (sous la dir.), On Édition, 2005,p. 408.