



L'armée des origines de la Ville à la fin de la République romaine permet à Rome d'imposer sa suprématie sur les villes et les peuples voisins du Latium auxVe et IVe sièclesav. J.-C., puis de se lancer dans la conquête de l'Italie auxIVe et IIIe sièclesav. J.-C. et enfin de la Méditerranée duIIIe au Ier siècleav. J.-C. avant de jouer un rôle dans les guerres civiles républicaines.
Lesorigines de Rome sont plongées dans les traditions et légendes, et l'armée archaïque des premiers rois traditionnels n'est assurément qu'un ensemble de milices privées au service de nobles qui se réunit autour d'un roi dans des cas exceptionnels. Rome passe ensuite sous la domination des rois étrusques et la première véritable armée nationale peut être considérée comme étant une armée étrusco-romaine jusqu'à l'instauration de la République.
L'armée étrusco-romaine puis républicaine primitive reflète une société très aristocratique qui adopte d'abord un système proche de celui de laphalangehoplitiquegrecque : épaule contre épaule, les soldats romains offrent à l'ennemi une ligne continue et unie. Chacun doit payer son armement, les plus riches combattant à cheval ou constituant l'élite de l'infanterie, et les plus pauvres n'étant pas astreints au service, faute de moyens pour s'équiper.
Pierre Cosme souligne qu'au« début de la République romaine, les principes censitaires qui régissent la société et la vie politique romaines sont également à la base de toute l'organisation militaire de la cité[c 1] », ce queClaude Nicolet résume ainsi :« être un soldat, pour un Romain, c'est être un citoyen[n 1]. L'armée romaine d'époque républicaine a trois caractéristiques essentielles : elle est nationale, censitaire et non permanente ; c'est donc une armée de conscription, et non pas de métier[v 1] ».
Du fait des guerres incessantes auxquelles sont confrontés les Romains, l'armée se développe et évolue, et les besoins en effectifs augmentent. Les hommes sont répartis en fonction de leurs revenus en classes censitaires puis la légion adopte l'organisation manipulaire, très moderne pour son époque, ce qui constitue une première révolution. Le corps de bataille éclate en une série de petites unités, les manipules, et gagne en souplesse. La solde est créée et les critères censitaires sont diminués : des hommes de plus en plus pauvres peuvent entrer dans l'armée, bien que légèrement équipés.
La vraie révolution intervient à la fin de laguerre contre les Latins. Au lieu de réduire en esclavage leurs voisins qu'ils viennent de vaincre, les Romains, non seulement leur laissent la liberté, mais encore leur donnent leur propre citoyenneté. Cette mesure extraordinaire met à la disposition du commandement de nombreusestroupes alliées, qui représentent vite plus de la moitié de l'armée, au fur et à mesure de laconquête de l'Italie, puis pour la conquête de la Méditerranée.
Ladeuxième guerre punique va mettre à rude épreuve l'armée romaine qui en sort victorieuse malgré un lourd tribut en hommes, et cette guerre aura de grandes conséquences à long terme. L'organisation militaire s'adapte et innove pour que l'armée puisse intervenir en dehors de la péninsule italienne sur de longues périodes, ce qui lance la lente professionnalisation de l'armée romaine avec des temps de service plus continu tout au long duIIe siècle av. J.-C.
AuIer siècle av. J.-C., les premièresguerres civiles secouent Rome. Laguerre sociale atteint les fondements de la République et de l'Italie romaine et a des conséquences très importantes dans l'organisation militaire romaine. Les anciens alliés italiens deviennent citoyens, les procédures de recrutement et de mobilisation sont décentralisées et se fondent dorénavant sur le volontariat et non plus sur les classes censitaires. La professionnalisation de l'armée prend de l'ampleur et les vétérans prennent une grande place dans la société. Les armées sont dorénavant enclines à servir les intérêts de leurs généraux aux ambitions démesurées qui partent à la conquête du pouvoir, ce qui mène laRépublique romaine à son terme.

Dès lafondation de Rome en par les frèresRomulus et Rémus, des campagnes et exploits militaires émaillent la tradition et les légendes romaines, telles les victoires despremiers rois légendaires sur les peuples voisins[c 2] :Romulus contre lesCéniniens, lesCrustuminiens, lesAntemnates et lesSabins[a 1], puis contre lesLavinates, lesVéiens, et lesFidénates[a 2],Tullus Hostilius contre lesAlbains et à nouveau contreVéies et lesSabins[a 3] etAncus Marcius face auxLatins[a 4].
Ces guerres rapportées par la tradition ne nous apprennent rien sur l'organisation et l'équipement des armées de la Rome archaïque et tiennent plus de la légende que de l'histoire[c 2],[m 1].
A cette période de rois légendaires, latins et sabins, suit celle des rois étrusques qui, bien que leurs noms, leurs nombres et leurs règnes soient traditionnels et peu vraisemblables[N 2],[m 2], ont dominé laRome monarchique tardive[m 3]. De ces trois traditionnels rois étrusques,Tarquin l'Ancien combat à son tour lesSabins[a 5] etTarquin le Superbe lesLatins, lesVolsques et lesArdéens[a 6].
À la fin du règne des rois étrusques, le territoire romain s'est agrandi et s'étend sur une partie du nord du Latium, sur près de 1 000 km2[c 3], sans pour autant inclure niTibur au sud-est, niFidènes toute proche au nord-est[m 4].

Les fouilles archéologiques sur l'Esquilin ont permis de découvrir destombes à char datant de la seconde moitié duVIIIe siècle av. J.-C., tombes dans lesquelles sont aussi trouvés des casques et des boucliers[c 4].
La société est alors hiérarchisée, le pouvoir et la richesse sont détenus par une élite militaire, comme on le retrouve dans les sociétés européennes contemporaines[c 4].
Au milieu de ce siècle, des fouilles suggèrent que les habitations duPalatin sont dorénavant entourées d'un fossé et d'un mur de terre et de pierres[m 5],[1],[2], parfois appelé « mur romuléen[3] ».
Pierre Cosme souligne que, autour de la date traditionnelle de lafondation de Rome,« la naissance d'une aristocratie guerrière apparaît contemporaine de l'édification d'une première citadelle sur le site de Rome[c 4] ».
Du côté de lacivilisation étrusque, contre laquelle Rome aurait été plusieurs fois en guerre pendant les premiers règnes et avec laquelle elle aurait peut-être partagé, ou emprunté, un certain nombre d'armes, lestombesvillanoviennes contiennent un important matériel guerrier : casque en bronze, à crête ou àapex, des boucliers en bois et parfois en bronze, des protège-cœur de bronze, de grandes lances dehast, de courtes épées, des poignards et même des haches[i 1].
Il se peut que les Étrusques aient déjà adopté une formation en ligne préfigurant le combat hoplitique[i 2],[b 1]. Des armes grecques apparaissent dès leVIIe siècle av. J.-C. : bouclier,cnémides etcasque de type corinthien, alors que celui de type villanovien disparaît[i 3].
Selon la tradition, la Rome archaïque est divisée en troistribus basées sur l'appartenance à un groupe ethnique à caractère gentilice, les tribusRamnenses,Titienses, etLuceres[c 4],[m 6]. Ces tribus sont elles-mêmes divisées en dixcuries, apportant chacune à l'armée cent hommes, et chaque contingent de mille hommes d'une tribu est commandé par un officier[h 1], que l'on appelle « tribun », mot qui pourrait être dérivé du nom de « tribu[c 4] ».
Lalegio, c'est-à-dire la « levée[c 4] », désigne alors le rassemblement de l'armée, composée de 3 000 fantassins, auxquels s'ajoutent les 100 plus riches membres d'une tribu, payant eux-mêmes leur équipement et formant donc un corps de 300 cavaliers[c 5]. Selon l'histoire mythique de Rome, cette unité de cavalerie est levée parRomulus comme garde personnelle : lesCeleres[a 7].
Cependant, cette armée de laRome monarchique primitive ne compte peut-être pas unnombre fixe de soldats, comme ce sera le cas plus tard sous la République duIVe siècle av. J.-C.[4]. Il est même vraisemblable qu'il n'y ait pas alors d'armée romaine nationale, mais plutôt uniquement des troupes armées indépendantes au service d'un noble ou d'une famille et qui se réunissent autour d'un roi en cas de situation extrême[c 6],[i 4],[m 7].
Jusqu'auVIe ou Ve siècleav. J.-C., les armées italiennes antiques sont composées de fantassins combattant autour d'un noble, chef de guerre, positionné sur unchar, pouvant affronter son adversaire en combat singulier[i 4],[m 7],[h 2]. S'ajoute à cela un corps de la cavalerie composé par la noblesse[c 7]. On ne garde pratiquement aucune trace de ce type de combat aristocratique à Rome[n 2],[b 2], mais on le retrouve dans les sociétés contemporaines, notamment dans laGrèce et l'Étrurie d'avant la « révolutionhoplitique[c 8],[i 4],[n 2],[h 2] ».
Dans laGrèce archaïque, dès leVIIe siècle av. J.-C. àSparte et au début duVIe siècle av. J.-C. àAthènes, l'usage du char est abandonné, les combats individuels de type « homérique » disparaissent pour laisser place ausystème hoplitique[n 3],[5],[h 2].

Les transformations radicales des méthodes de guerre enGrèce au début duVIIe siècle av. J.-C.[4], dites « révolution hoplitique[5],[c 8] », atteignent à la fin de ce siècle l'Italie du Sud, qui se parsème depuis un demi-siècle decolonies grecques, et au siècle suivant l'Étrurie[i 4],[c 8],[m 8], dont l'influence s'étend progressivement de laplaine du Pô jusqu'à labaie de Naples[i 5],[6],[h 3].
Les armes de bronze et l'utilisation de laphalange par les Romains, quel que soit l'initiateur à Rome, leur viennent desÉtrusques[b 1],[i 4],[c 8]. Ces derniers ont en effet créé des liens commerciaux avec les cités de laGrande-Grèce dès leVIIe siècle av. J.-C. et ont diffusé ces nouvelles techniques militaires dans toute l'Italie[c 7],[i 4].

À la fin duVIe siècle av. J.-C., des représentations enÉtrurie attestent de l'utilisation de laphalange[m 8],[c 7], notamment latombe dite « du Guerrier », àVulci, datée de520-, qui montre un fantassin étrusque possédant l'équipement complet de l'hoplite et combattant enphalange[i 6],[7].
Les historiens antiques, notammentTite-Live etDenys d'Halicarnasse, font du roi étrusqueServius Tullius, le sixième roi traditionnel des Romains qui règne au milieu duVIe siècle av. J.-C., le réformateur de l'armée romaine, en important les méthodes de combat utilisées par lesÉtrusques à Rome[a 8],[a 9],[h 2].
Si les historiens modernes hésitent à faire de ce roi semi-légendaire le réformateur de l'armée et surtout le créateur de la légion d'hoplites à Rome, ils conçoivent, et l'archéologie l'atteste via des fouilles dans la région de Rome même, l'existence de ce type de formation auVe siècle av. J.-C., c'est-à-dire dans les débuts de laRépublique romaine[m 9],[h 2].Servius Tullius ayant été probablement un commandant en chef d'une armée étrusque avant de devenirroi de Rome, il est donc probable qu'il ait mené l'« étruscisation » de l'armée romaine[h 2].
Les réformes traditionnellement datées du milieu duVIe siècle av. J.-C., et attestées sous laRépublique auxVe et IVe sièclesav. J.-C.[b 1],[m 3],[c 7], sont dites « réformes serviennes » ou « constitution servienne » car attribuées au roi semi-légendaireServius Tullius. Elles transforment le monde politico-militaire à Rome : le service dans l'armée coïncide avec des droits politiques[m 7],[h 4].

Parmi ces réformes, selon la tradition[a 10], outre l'utilisation de l'équipement hoplitique, on note[m 7],[c 7] :
Lemur servien tel qu'il nous est parvenu est construit en réaction ausac de Rome par lesSénons deBrennus auIVe siècle av. J.-C. Cependant, son contour remonte probablement auVIe siècle av. J.-C.[8],[9],[m 10]
Le mur initial de la monarchie est sûrement un haut mur de terre (unagger de six mètres[h 5]) bordé d'un fossé[8],[9],[m 11],[i 7]. Les fouilles archéologiques peuvent dater la construction du mur de la deuxième moitié duVIe siècle, et on peut en suivre le tracé à l'est duQuirinal, duViminal et de l'Esquilin. Par contre, lemurus lapideus en gros blocs de tuf qui double par endroits cemurus terrus primitif ne remonte qu'au lendemain de l'invasion gauloise de 390. Le tracé du mur coïncide avec lepomerium ou limite religieuse de la ville, excluant l'Aventin[h 5].
Selon les historiens antiques, en premier lieuTite-Live etDenys d'Halicarnasse,Servius Tullius divise le peuple romain en cinq classes censitaires[a 8],[a 11], dépendant de la richesse, et décompose lescenturies par âge, entreiuniores (de17 à 45 ans) etseniores (de46 à 60 ans)[a 12],[a 13].
Ces centuries sont réunies en une assemblée, lescomices centuriates, qui se tiennent sur leChamp de Mars hors des limites de la ville et dupomœrium[m 12], et selonFilippo Coarelli, symbolisent tout au long de l'histoire de Rome la« nation en armes[10] ». Chaque centurie est à la fois une unité militaire et une unité de vote[h 6].

Cette organisation générale en classes censitaires dès la monarchie, sans pour autant accorder foi à tous les détails, parfois anachroniques, est attestée par les historiens modernes[m 7],[4],[h 2]. Le tableau présenté parTite-Live etDenys d'Halicarnasse ne correspond par aux conditions économiques et sociales duVIe siècle av. J.-C.[h 7] L'organisation complexe de ces comices et des centuries ne s'est pas faite en un jour comme le veut la tradition, mais sur plus d'un siècle, même si elle est élaborée dès leVIe siècle av. J.-C.[m 12],[h 2] En effet, ces réformes au double esprit militaire et politique correspond bien aux exigences de l'époque[h 2] et il est probable que la classification censitaire du peuple romain et l'institution descomices centuriates reviennent cependant àServius Tullius, et s'est poursuivie après lui[h 8].
Le recours à la conscription sur une base censitaire à Rome remonte bien auxÉtrusques[c 9],[i 8],[4], mais la répartition des soldats en cinq classes n'apparaît progressivement qu'à l'époque républicaine, à partir du milieu duVe siècle av. J.-C., même si des auteurs anciens l'attribuent àServius Tullius[c 10],[4]. EnÉtrurie, auVIe siècle av. J.-C., et donc vraisemblablement dans la Rome étrusque[i 8], les citoyens sont répartis selon leur richesse et leur capacité à s'acheter l'équipement complet ou non de l'hoplite[i 9],[4].
La division initiale sous lamonarchie romaine ne comporte que deux ou trois groupes de citoyens, en dehors des chevaliers : laclassis (« ceux qui peuvent être appelés[c 7] »), la minorité capable financièrement de s'équiper complètement en hoplite[m 12],[c 7],[4] ; et l'infra classem, la majorité qui regroupe tous les autres[h 9]. Parmi cette classe, certains peuvent s'équiper plus légèrement et ainsi combattre en auxiliaire, et sont alors séparés descapite censi, les plus pauvres, non mobilisables[m 12],[4] ; ou alors il n'y a pas cette distinction au sein desinfra classem, tous non mobilisables[c 7],[4]. Cette organisation avec une seuleclassis est conforme à laloi des Douze Tables du milieu duVe siècle av. J.-C.[h 9]
C'est donc la naissance d'une armée censitaire de type hoplitique, composée de riches et moyennement riches, citoyens capables de s'équiper à leur frais, de manière hétérogène, les plus lourdement armés sont les plus riches et servent en première ligne[n 4].

Lestribus romaines sont réformées selon des critères topographiques : les tribusSuburana,Palatina,Esquilina etCollina sont créées[c 11],[m 13]. Cette réforme est aussi attribuée àServius Tullius par la tradition, ces tribus remplaçant donc les anciennes tribus ethniques : lesRamnenses, lesTitienses, et lesLuceres[c 4],[m 12]. Les historiens modernes font aussi remonter la création des tribus urbaines au milieu duVIe siècle av. J.-C., et il est difficile de savoir si certaines tribus rustiques datent de la même époque. Sur les trente-et-une existant auIIIe siècle av. J.-C., quatorze sont créés postérieurement ausac de Rome de tout au long de la conquête romaine de l'Italie, une date probablement de, ce qui laisse peut-être les vingt autres soit àServius Tullius, soit sur la période s'étendant des débuts de laRépublique romaine au sac de Rome qui a détruit les archives[h 10].
Cette idée innovante de recenser la population par région et non par fortune ou famille dans les tribus permet d'augmenter le nombre de citoyens mobilisables en intégrant tous les nouveaux venus attirés par l'expansion économique et territoriale de Rome[m 8],[c 11].
Ces innovations militaires amènent aussi une réforme civique. EnGrèce, elle s'accompagne de la création d'armées citoyennes[c 8], alors qu'enÉtrurie apparaît aussi des armées declients au service d'un noble[i 10],[c 8], et on retrouve probablement ces deux formes dans la Rome primitive, armées civiques via les « réformes serviennes » et armées privées[c 12],[i 11].
Dans les sources antiques, on retrouve des traces de ces troupesgentilices auxVIe et Ve sièclesav. J.-C.[c 6], notamment sous laRépublique, par exemple lorsque les 5 000 clients du fondateur sabin de lagens Claudia intègrent l'armée romaine[a 14],[a 15] ou lorsque lagens Fabia part enguerre contre Véies avec autant de clients et 300 de ses membres[a 16],[a 17],[h 11], ce qui pourrait évoquer l'existence d'armées privées de clients avant et après les « réformes serviennes[c 6] ».
L'armée romaine devient donc une armée civique dans le courant duVIe siècle av. J.-C. et surtout duVe siècle av. J.-C., même si des armées gentilices au service d'unefamille patricienne peuvent encore exister[c 13].
L'équipement hoplitique, que ce soit en Grèce[5] ou en Italie[i 12], décrit notamment parTite-Live[a 12], est composé d'un armement en bronze[c 7],[5],[i 12], d'origine étrusque[v 2],[h 12] :
Leclipeus, porté au bras gauche, protège à la fois ce côté du fantassin, mais aussi, dans une formation serrée, le côté du voisin de droite. Ainsi, dans une formation enhoplites, les hommes lourdement armés se protègent mutuellement en rangs serrés[m 7],[c 7], symbole de la solidarité des citoyens-soldats d'une même cité[i 13]. Le rôle duchar, que l'on retrouve toujours dans les tombes de cette époque, devient alors purement symbolique, ne servant plus qu'aux parades et auxtriomphes[m 7],[i 4].
S'il existe des citoyens au sein de l'infra classem pouvant s'équiper plus légèrement[m 12], ceux-ci sont armés à peu de frais et sont protégés d'un protège-cœur en métal[c 14],[i 14].

Lalégion duVe siècle av. J.-C. se compose alors théoriquement de 3 000 fantassins équipés enhoplite, 1 000 hommes partribu (dixcenturies de 100 hommes par tribu). Lesiuniores partent en campagne alors que lesseniores forment la réserve de l'armée et sont chargés de la défense de la cité[c 7],[h 13]. Il est possible qu'au début de la République, il y a soit deux légions de 3 000 hommes, soit une seule de 6 000 hommes[h 14].
Cependant, cette armée de laRome monarchique étrusque et des débuts républicains ne compte peut-être pas un nombre fixe de soldats, comme ce sera le cas plus tard sous la République duIVe siècle av. J.-C.[4]
Lacavalerie est aussi réformée[m 12], passant de trois à une quinzaine de centuries (dix-huit centuries selon la tradition[a 12],[a 13], bien que ce nombre soit plus probablement atteint plus tardivement), soit environ 1 500 cavaliers, et dédoublées enpriores etposteriores[c 11]. Il est possible que seul le dédoublement des trois tribus d'origine soit le fait du roi étrusque[h 15].Polybe déclare que la cavalerie ne joue quasiment aucun rôle lors des combats, n'étant équipé ni de cuirasse, ni d'une lance solide[a 18].
Les soldats les plus lourdement armés combattent en première ligne, comme dans les formations contemporaines d'Étrurie ou deGrèce, tandis que ceux possédant un équipement plus léger se placent dans les dernières lignes[v 3],[h 16]. La cavalerie se place sur les ailes, pour combattre à pied ou montée, suivant les circonstances, mais sert principalement à titre de réserve[b 3].
Dans lamonarchie tardive, les rois étrusques détiennent l'imperium[m 3], par application de lalex curiata de imperio[c 11],[11],[12], pouvoir de commandement militaire et civil, qui leur donne l'autorité pleine et entière sur l'armée, ainsi que le droit de consulter les auspices, c'est-à-dire lesDieux. Le roi est le seul commandant en chef des armées[c 11],[m 3].
SelonSalluste[a 19], l'imperium que possède le roi est connu sous le nom d'imperium legitimum[13],[b 4]. Cela signifie probablement que la seule limite imposée au roi est qu'il respecte lemos maiorum[13]. Dans la pratique, cela n'entraîne aucune réelle restriction de pouvoir[c 11].
Son pouvoir suprême est représenté par lesfaisceaux, lesiège curule et lepaludamentum, manteau pourpre dutriomphateur[c 11],[m 3], pouvoir qui sera ensuite transféré auxconsuls de laRépublique romaine[m 14]. Rome a emprunté auxÉtrusques tous les insignes de la souveraineté et l'appareil dutriomphe[h 17]
Le seul changement immédiat à ce moment-là est le remplacement du roi par une magistrature à deux têtes limitée en temps à un an et l'imperium consulaire reste le pouvoir suprême à Rome, figuré par les douzelicteurs qui précèdent lesconsuls[m 14]. Néanmoins, cetimperium est suspendu le temps de ladictature (représentée par vingt-quatre licteurs), où un magistrat obtient les plein pouvoirs sur une période très courte de six mois[m 15].

L'apparition de nouvelles classes censitaires, au-delà de laclassis et de l'infra classem, date des débuts de laRépublique romaine. AuVe siècle av. J.-C., Rome est confrontée à de nombreux ennemis : les peuples sabelliens, c'est-à-dire lesÈques, lesHerniques, lesMarses, lesSabins et lesSamnites, ainsi que lesÉtrusques avec principalement la ville deVéies jusqu'au début duIVe siècle av. J.-C. Ces très nombreuses guerres ne laissent que peu de répits aux Romains, parfois confrontés à plusieurs adversaires en même temps[c 3].
Ainsi, la nécessité d'augmenter la population mobilisable devient primordiale au cours duVe siècle av. J.-C. et provoque ainsi la création de nouvelles classes censitaires dont les membres n'ont pas la richesse nécessaire pour acquérir l'équipement complet de l'hoplite traditionnel : les deuxième et troisième classes[c 3]. Les quatrième et cinquième classes censitaires auraient été créés ultérieurement, pendant les premièresguerres samnites de la fin duIVe siècle av. J.-C., alors que Rome subit quelques défaites et remet en cause son organisation[c 3]. Le nombre de citoyens mobilisables est alors augmenté, bien que ces derniers soient équipés beaucoup plus légèrement que les premières classes[c 9].
Certains auteurs modernes attribuent à la création dutribunat militaire à pouvoir consulaire en444 ou à des causes militaires plutôt que politiques. Trois tribuns militaires, revêtus des pouvoirs et insignes consulaires, remplacent alors ponctuellement lesconsuls pour mener la guerre sur plusieurs fronts[h 18]. De trois au départ, ils sont jusqu'à six, voire huit selon certains auteurs antiques, pour une année[h 19]. L'augmentation du nombre de commandants militaires à pouvoir consulaire semble correspondre au besoin de l'armée plus qu'aux luttes politiques, et le nombre de tribuns culmine pour laguerre contre Véies[h 20].

En, le recensement est confié à deux magistrats spécifiques, lescenseurs et tous les cinq ans, c'est-à-dire tous leslustres, un recensement est effectué lors de l'élection des censeurs. Les citoyens déclarent leurs biens, l'état de leur armement est contrôlé, et ils sont répartis en classes censitaires[c 15]. L'institution de cette nouvelle magistrature marque peut-être la complexification du système centuriate avec la subdivision de laclassis unique en plusieurs classes, ou l'ajout de nouvelles classes[h 9].
À terme, en pleine époque républicaine, auIVe ou IIIe siècleav. J.-C., dans le système que la tradition[a 12],[a 11] attribue àServius Tullius par anachronisme, chaquecitoyen romain trouve sa place dans un système à cinq classes et à cent quatre-vingt-treize centuries[N 4],[m 16],[c 14],[h 21] :
À ces cinq classes d'adsidui[v 4], s'ajoutent cinq centuries hors classe, deux de musiciens et deux d'ouvriers du génie, et en dernier, une classe unique regroupant tous les prolétaires oucapite censi (« ceux qui n'ont rien d'autre à déclarer que leur propre tête[m 13] »), qui ne sont pas mobilisables et appartiennent à l'ultime centurie : la193e[m 13],[n 1],[h 6].
La moitié des centuries se compose deiuniores (17 à 45 ans), l'autre moitié deseniores (46 à 60 ans). Chaque centurie fournit autant d'hommes lors de la levée[a 20], vraisemblablement100 hommes[v 3] ; or les centuries les plus riches sont aussi bien moins peuplées que les plus pauvres, et ainsi les plus riches combattent plus souvent[v 5], mais ont aussi, bien entendu, un pouvoir politique bien plus important[c 16],[n 5],[h 6].
Leschevaliers, appartenant à la première classe, forment un corps de cavalerie mais c'est surtout parmi eux que sont recrutés les officiers supérieurs, que ce soient les tribuns ou les préfets, puis lesmagistrats[v 6].
Parmi les citoyens de 17 à 60 ans, certains sont exemptés pour incapacité physique[v 4]. Au-delà de 60 ans, le citoyen est libéré de toute obligation civique et donc militaire[n 5].
Ce système repose sur la conviction que seuls les riches, dont le rôle est le plus grand dans la société, sont les plus aptes à défendre la cité et faire de bons soldats[n 6],[a 20]. L'éducation traditionnelle des futurscitoyens romains des premières classes comporte une part très importante d'exercices physiques en vue de la mobilisation en tant queiuniores, le service militaire faisant partie intégrante de la vie d'un citoyen[n 7],[14]

Les guerres contre les peuples montagnards sabelliens démontrent l'inaptitude de laphalange hoplitique dans des escarmouches au sein des montagnes ou contre des raids de pillards, où l'ennemi se dérobe sans livrer de combats en ligne[c 3],[v 7]. L'écrasante défaite des Romains face aux Gaulois à labataille de l'Allia en390av. J.-C. a été un autre signe de la nécessite d'une nouvelle organisation de combat[c 3].

Ainsi, au cours desguerres samnites à la fin duIVe siècle av. J.-C. et au tout début duIIIe siècle av. J.-C., l'armée est divisée enmanipules et ne combat plus en rangs serrés[c 17]. Les manipules se composent dans les premiers temps de 60 hommes et sont divisés en deux centuries de 30 hommes (avant que ces effectifs ne soient doublés[c 9]), de manière à former une ligne de combat plus souple[c 9]. Les manipules sont séparés par des intervalles et disposés en quinconce, de manière autonome[v 7].
L'armée est alors organisée en trois lignes de combats, décrites précisément parTite-Live[a 21] etPolybe[a 22], issus des trois premières classes selon leur âge et non leur cens[c 18],[v 8] :
Les trois lignes se relaient au combat, et la division de la phalange en 30 manipules permet une grande mobilité et une meilleure adaptation au terrain[c 9].
Deux autres lignes de combat auraient alors existé, avec lesrorarii, armés légèrement, et lesaccensi, appelés seulement dans les cas extrêmes ; mais des doutes existent sur ces deux autres types de combattants[c 9]. SelonTheodor Mommsen, les nouvelles recrues rejoignent d'abord des milices hors rang que seraient lesrorarii, combattant à la fronde, avant de rejoindre les rangs deshastati[b 5].

Cette réforme est parfois appelée du nom du quintupledictateurFurius Camillus, notamment par les auteurs antiques[a 24], et porte parfois le nom de « réformes de Camille ». Lui sont attribuées par la tradition, en plus de la légion de 4 500 hommes, la construction du camp chaque soir et l'amélioration de l'armement du soldat romain avec le casque en métal, le bouclier renforcé de métal, et l'usage des javelots même dans les combats au corps à corps, pour parer les coups d'épée[a 24].
Cette réorganisation tactique et l'emploi de nouvelles armes sont peut-être copiés sur lesSamnites[b 6],[h 22], qui combattent par petites unités mobiles bien adaptées au relief tourmenté, contrairement à la phalange hoplitique[m 17],[15].Salluste les donne comme inspirateur dupilum[16], arme typique dulégionnaire, mais l'origine samnite a été rejetée par certains historiens modernes[17],[18] mais acceptée par d'autres[h 22], tandis qu'Athénée[a 25] penche pour une origine ibérique[16]. Les Romains auraient peut-être emprunté aux Samnites lescutum[h 22], et c'est probablement sous l'influence des Samnites que les Romains adoptent la formation manipulaire[h 22] et même des innovations de la cavalerie, mais cela reste une hypothèse[16],[b 6],[h 22].

Les membres de la deuxième classe censitaire possèdent l'équipement entier de l'hoplite excepté la cuirasse, et ceux de la troisième classe n'ont pas en plus les jambières, ne leur laissant que le casque pour protection[c 19],[h 6]. Ainsi le bouclier rond traditionnel est remplacé par un bouclier ovale, lescutum[h 6], ovale et plus large, d'origine gauloise[c 20] ou samnite[b 6], de façon à protéger l'ensemble du corps en l'absence de la cuirasse et des jambières. En lieu et place d'une cuirasse, ces soldats sont protégés par un pectoral carré d'une vingtaine de centimètres de côté, un protège-cœur en métal[c 21],[v 9],[h 6].

Leclipeus est finalement abandonné pour tous les soldats, même ceux de la première classe. En effet, l'armée ne combattant plus en rang serré mais de manière plus individuelle, la protection apportée par ce bouclier est obsolète, ne pouvant protéger que le côté gauche, par rapport auscutum, plus grand et plus protecteur[c 9].
Le casque de type « Montefortino », c'est-à-dire un casque conique avec un bouton sommital où l'on pouvait fixer une plume[c 22], d'origine celte, se développe au fur et à mesure auxIVe et IIIe sièclesav. J.-C. et supplante les modèles attiques. Il sera utilisé, sous diverses formes de plus en plus simples, dans l'armée romaine jusqu'au milieu duIer siècle av. J.-C.
Leshastati combattent avec lepilum, un javelot de plus de deux mètres, et lestriarii ont conservé la longue lance d'arrêt héritée du combathoplitique. Au plus tard auIIIe siècle av. J.-C., les soldats des trois premières lignes sont tous équipés d'une épée courte d'origine ibérique : leglaive[c 23],[v 2].
Les jeunes soldats issus des centuries plus pauvres, les quatrième et cinquième centuries (et non pas lescapite censi non mobilisables) combattent envélites[c 23],[a 26],[h 16] : avec une lance et quelques javelots, lespila (quatrième classe) ou une fronde (cinquième classe), sans armure, possédant tout au plus un bouclier léger[c 24],[a 26],[h 6].
SelonPolybe, la pointe dupila est conçue pour se briser et ne pas être réutilisé par l'ennemi en retour[a 26], mais cette innovation est attribuée parPlutarque àCaius Marius durant laguerre des Cimbres (104 à101av. J.-C.)[a 27] et attestée pendant laguerre des Gaules (58 à50av. J.-C.) par l'archéologie[19]. En tout cas, dès l'origine, la pointe dupilum est conçue de manière à rester accrochée au bouclier de son adversaire qui est obligé de s'en débarrasser pour continuer le combat[c 25].
La cavalerie est armée d'un bouclier rond léger et d'une lance résistante, à la grecque[v 6].

Durant leIVe et le début du IIIe siècleav. J.-C., Rome se lance dans la conquête de l'Italie. Les Romains combattent parfois dans plusieurs guerres et doivent maintenir des armées mobilisées sur plusieurs fronts[m 18].
Rome signe de nombreux traités avec les vaincus, qui doivent alors mobiliser en tant qu'alliés des soldats sur demande desmagistrats romains[c 26],[m 19], et fonde aussi un grand nombre decolonies romaines et latines[N 5], dont la plupart sont des garnisons militaires devant envoyer un contingent fixe de soldats pour l'armée romaine[n 8].
Après lesguerres latines entre340 et338av. J.-C., les peuples latins sont vaincus et doivent reconnaître la primauté de Rome. Certaines villes latines sont romanisées, d'autres deviennent partiellement romaines, alors que d'autres encore deviennent descolonies romaines[m 20], commeAntium[m 21],[h 23]. Mais lesLatins sont dorénavant obligés de s'inscrire aucens et surtout de servir dans leslégions romaines, Rome gagnant là énormément d'effectifs alliés supplémentaires[h 24].
Cette domination sur les Latins fait perdre à Rome les états-tampons qui la protégeaient desSamnites, et se lance alors dans une opération de création de colonies militaires pour compléter son dispositif défensif[m 22]. En334av. J.-C.,Calès reçoit une colonie latine de 2 500 colons, tout commeFrégelles en328av. J.-C., alors queTerracine devient une colonie romaine[m 23],[h 25].
Peu après, laCampanie devient à son tour sous domination romaine et lesCampaniens fournissent des troupes alliées. De temps en temps, Rome utilise par ailleurs un corps irrégulier de mercenaires, sous le nom delegio Campanorum, et emploie des unités spéciales de cavalerie, lesalae equitum Campanorum[h 26].
À la suite desguerres samnites, Rome fonde une colonie latine àVenusia, cité contrôlant le passage entre laCampanie et l'Apulie, et les Samnites sont contraints de signer un traité les obligeant à fournir des troupes à l'armée romaine en tant qu'alliés[m 24]. Les territoires sabins et de la côte adriatique reçoivent le même sort dans les années qui suivent, et des colonies sont fondées, latine àHadria et romaine àCastrum Novum[m 24],[20],[h 27].
Après laguerre de Pyrrhus en Italie, certaines cités grecques du Sud de l'Italie signent des traités d'alliance avec Rome, d'autres reçoivent des colonies latines, et unelégion romaine est basée àTarente[m 25],[h 28]. À l'instar deNaples, qui par contre s'est volontairement alliée à Rome quelques décennies plus tôt[h 29],Tarente doit mettre à disposition sa flotte lorsque Rome est en guerre[h 30].
Ce sont ensuite lesÉtrusques qui subissent la loi romaine, et la plupart des cités étrusques reçoivent le statut de cité alliée à Rome, avec les obligations de mobilisation liées, et Rome fonde une série de colonies, notamment àCosa en273av. J.-C., ainsi que des colonies maritimes, entre autres àPyrgi[m 26],[h 31].
En268av. J.-C., après les guerres contre les Gaulois, une première colonie latine est fondée,Ariminum, puis douze autres peu de temps après[a 28],[21],[22], permettant ainsi à Rome de compléter son dispositif de colonies près de l'Adriatique[m 27].

Ainsi, la conquête de l'Italie est parachevée, les peuples vaincus ont vu une partie de leurs territoires intégrés à celui de Rome, et reçoivent le statut d'alliés (socii), ayant obligation de fournir des soldats à l'armée romaine, et de nombreuses colonies sont fondées dans des endroits stratégiques avec des garnisons militaires[m 21],[h 32].
L'Italie se divise alors entre « les Romains, les Latins et les alliés italiens[v 10] ». La mainmise de Rome sur ses « alliés » latins et italiens a pour principal domaine leur contribution militaire en hommes et argent, les problèmes politiques et juridiques n'apparaissant qu'à la fin duIIe siècle av. J.-C.[v 11]
Des Italiens sont devenus des citoyenssine suffragio, qui n'ont pas le droit de vote, mais hormis le pouvoir politique en moins, ils possèdent tous les droits civils et les devoirs militaires et financiers. La zone des citoyens sans suffrage entoure le territoire citoyen de Rome, dans leLatium et notamment enCampanie[v 12].
Lescolonies latines sont des « forteresses » occupées par des familles de colons qui surveillent en permanence des zones à risque et doivent fournir un contingent[v 13] et une contribution financière[v 14].
L'alliance avec les peuples Italiques, via laformula torgatorum, oblige les alliés à fournir autant d'hommes qu'en demande Rome, sans que des chiffres soient fixés dans les traites individuels[v 15]. À l'instar de Rome, les contingents alliés sont levés selon des principes censitaires[v 16], si l'on en croitTite-Live[a 29].

À la suite de cette réforme de l'organisation enmanipule, lalégion qui, jusque-là, représente toute l'armée unie (l'ensemble des soldats mobilisés, la « levée »), devient une subdivision[c 9]. En, l'armée se compose de deux légions, puis le double en, le commandement étant assuré par les deux consuls, chacun ayant une puis deux légions sous ses ordres[c 9],[a 30],[v 17]. Cette armée de deux légions par consul est parfois appelée « armée consulaire polybienne » : elle est décrite en détail dans l'Histoire générale de l'historien grecPolybe, au milieu duIIe siècle av. J.-C., et sa description est avérée par les historiens modernes[c 27],[v 18].
Unelégion se compose alors de 3 000 fantassins répartis en trois lignes : 1 200 hastati, 1 200 principes (parfois en cas de besoin pressant, les deux premières lignes comportent 1 600 hommes chacune) et 600triarii, auxquels s'ajoutent un corps de 300cavaliers et s'intercalent les 1 200vélites, soit un total de 4 500 hommes[c 23],[a 31],[v 8].
Des contingents de soldats alliés complètent l'armée[c 9],[a 32] : lorsque Rome s'étend sur leLatium puis sur la péninsule italienne, les villes et les peuples italiques signent des traités avec laRépublique romaine qui leur impose de fournir des hommes au combat, et ceux-ci sont regroupés enalae sociorum, c'est-à-dire les « ailes des alliés[c 9] ». Elles sont organisées de la même façon que les légions mais avec 30 turmes de cavalerie au lieu de 10. En tout quatre « ailes » (deux par armée consulaire) auxquelles il faut ajouter un cinquième de l'infanterie et un tiers de la cavalerie des alliés qui forment lesextraordinarii sous autorités directe des consuls.
La légion comprend 36 joueurs de tuba ou trompette droite (tubicines), pour donner le signal de départ de l'armée, et 36 joueurs de cors (cornicines), pour donner les consignes du commandement aux porte-enseigne des manipules. Ces joueurs sont sélectionnés dans la cinquième classe[c 23],[a 12].
| Cavalerie alliée et romaine Equites Sociorum et Legionis | AileI des alliés AlaI Sociorum | LégionI LegioI | LégionII LegioI | AileII des alliés AlaII Sociorum | Cavalerie alliée et romaine Equites Sociorum et Legionis |
|---|---|---|---|---|---|
| 900 cavaliers alliés 300 cavaliers romains | 1 200 vélites 1 200 hastati 1 200 principes 600triarii | 1 200 vélites 1 200 hastati 1 200 principes 600triarii | 1 200 vélites 1 200 hastati 1 200 principes 600triarii | 1 200 vélites 1 200 hastati 1 200 principes 600triarii | 900 cavaliers alliés 300 cavaliers romains |

Lesvélites avancent en tirailleurs en avant des légions et ouvrent le combat avec leurs armes de jet, avant de se retirer derrière les fantassins mieux armés qu'eux pour le corps à corps[a 26].
Leshastati engagent alors le combat en lançant leurspila dès qu'ils se trouvent à portée. S'ensuit une série de corps à corps individuels afin d'entamer la cohésion de l'adversaire, et les phases de combat alternent avec les phases de pause[c 25].
La stratégie du commandement durant la bataille consiste à décider du bon moment pour ordonner le repli deshastati au sein des rangs desprincipes qui prennent le relai, appuyé par leshastati qui continuent à combattre en soutien[c 25],[a 21].
Exceptionnellement ces deux lignes se fondent derrière lestriarii qui commencent le combat en dernier dans des cas désespérés[c 25],[a 21].
Lacavalerie a encore un rôle très limité sur le champ de bataille[c 28],[a 18], n'ayant pas ou peu évolué, toujours placée sur les ailes et servant principalement de réserve[b 3].


Les fantassins sont limités à seize années de campagne durant leurs années de possible mobilisation, vingt dans des cas exceptionnels, et les campagnes militaires sont généralement non continues et se déroulent entre mars et octobre[c 15],[n 9],[v 19], si l'on en croitPolybe[a 34]. Les citoyens ayant atteint le nombre de campagnes maximum sont appelésemeriti[c 29],[n 9].
Les cavaliers, qui sont les citoyens les plus riches et ceux amenés ensuite à gouverner la cité, tant administrativement que militairement par le biais desmagistratures, doivent accomplir, toujours selon Polybe[a 34], dix campagnes militaires, et donc savoir obéir aux ordres et combattre, avant de pouvoir briguer laquesture et commencer une carrière politique[c 29],[n 9],[v 19]. Le service militaire est donc obligatoire pour commencer lecursus honorum[n 10],[b 7],[24].
Il n'y a pas de lois mais seulement des coutumes qui régissent le temps de service et la démobilisation. Lesconsuls peuvent ou non décider de démobiliser en partie ou la totalité d'une légion levée auparavant[v 19].

Chaque année, lesconsuls soumettent auSénat les besoins de la cité en soldats et en argent. Une fois le décret voté par le Sénat, les procédures complexes, longues et lourdes de la mobilisation commencent : c'est ledilectus. Les consuls envoient ensuite leurs demandes en hommes aux cités alliées où le recrutement est similaire[c 30],[n 11],[a 35].
Deux types de levées existent alors, la régulière, dans des circonstances normales, et en cas d'urgence ou de situation critique, les consuls peuvent accélérer la mobilisation en décrétant letumultus, c'est-à-dire l'enrôlement immédiat de tous les citoyens, la levée en masse même de ceux normalement exemptés[n 12],[v 4], et même lesaffranchis, comme en296av. J.-C., pendant latroisième guerre samnite[n 13],[a 36].
Un citoyen qui se soustrait à la mobilisation alors qu'il est appelé est considéré comme un déserteur. Il perd son statut de citoyen et est vendu comme esclave[v 4],[a 37],[a 38].
La légion est commandée par un détenteur de l'imperium, unconsul ou unpréteur, voire exceptionnellement undictateur, et ce commandant désigne sixtribuns militaires pour une légion[c 28],[a 34].
La subdivision de la légion en de nombreuxmanipules nécessite des cadres assez nombreux pour assurer l'efficacité de la tactique à tous les niveaux[c 25]. Il y a 60centurions par légion, un parcenturie (donc deux par manipule), qui sont choisis par lestribuns militaires parmi les soldats les plus méritants. Chaquecenturion choisit un second, l'optio, et désigne les deux porte-enseigne de chaque manipule[c 31],[a 39].
Lacavalerie est organisée de manière similaire : les 300 cavaliers d'une légion sont répartis en 10turmes, ayant chacune troisdécurions à leur tête, eux aussi secondés par unoptio[c 32],[a 40].

SelonTite-Live[a 41], la solde est instaurée durant le siège deVéies entre406 et, la première longue campagne qui dure plusieurs années, sans butin immédiat[c 14],[n 4].
La solde date plus vraisemblablement desguerres samnites, lors de la deuxième moitié duIVe siècle av. J.-C. voire du début duIIIe siècle av. J.-C.[N 7], et est alors financée par une contribution fiscale, letributum, de la part des citoyens mobilisables qui ne combattent pas[c 33],[n 4], mais aussi par les vieillards et les inaptes[n 14].
Ainsi, tous les citoyens mobilisables participent dorénavant à toutes les campagnes militaires, soit en combattant, soit en contribuant financièrement, et un tel système s'appuie sur les centuries les plus riches et les moins peuplées, qui fournissent à la fois le plus régulièrement des soldats, et la part la plus importante de la solde[c 34],[n 14].

La discipline romaine dans l'armée est réputée pour être sévère et certains châtiments connus sont terribles. Parmi les exemples les plus célèbres de la tradition romaine, celui deManlius Torquatus, en340av. J.-C., faisant mettre à mort son propre fils pour avoir combattu un ennemi en combat singulier contre ses ordres[a 42],[n 15] ou encore en471av. J.-C., lorsqueClaudius Sabinus exerce les sanctions les plus sévères en faisant fouetter et décapiter tous les gradés qui ont quitté leurs rangs, et en faisant décimer le reste des soldats vaincus[a 43].
Ladisplina est une série d'usages, et non un code militaire, et n'a aucun lien avec ledroit public ou privé. Certains de ces usages sont spécifiques à l'armée, et donc marqués d'une plus grand sévérité, comme leschâtiments collectifs ou la peine de mort par tirage au sort : ladécimation. Lestribuns militaires disposent d'une série de sanctions contre les délits et les crimes, allant de l'amende à la peine de mort[n 15].
Cependant, aussi terrible que soit la discipline romaine, comme le soulignePolybe[a 44], elle est aussi un gage d'efficacité, car mise en balance avec des récompenses tout aussi nombreuses, et vise à mener le soldat à se sentir responsable tout en l'encourageant à se montrer brave[n 16],[25]. L'armée romaine est alors une armée civique, composée decitoyens, et non une armée de métier ou de mercenaires. Ainsi, les citoyens ont à Rome des droits politiques, notamment celui d'élire lestribuns militaires, mais aussi les généraux, qui sont desmagistrats élus, et ainsi un magistrat ou un tribun doit faire un usage modéré de ses pouvoirs[n 17]. Enfin, il faut souligner que la discipline romaine n'est pas à sens unique : elle s'exerce autant sur les simples soldats que sur les cadres de l'armée et même les commandants[n 18].

Ces nombreuses évolutions depuis l'armée archaïque des origines de Rome jusqu'à l'organisation manipulaire s'est faite en plusieurs étapes[c 9] :
L'armée romaine mute donc vers une forme plus souple de combats, permettant de s'adapter aux adversaires et terrains, tout en gardant une force collective et des lignes de combats pour les batailles plus traditionnelles. Le succès de la légion manipulaire est dû à sa capacité d'attaquer son adversaire en se relayant par vagues successives[c 25].
Les principes censitaires dominent alors la société, la politique et l'organisation militaire de laRépublique romaine, ainsi que les modalités de recrutement, le financement et le versement de la solde, l'attribution des commandements et même les formes de combat de l'armée romaine[c 35].

AuIIIe siècle av. J.-C.,Rome doit faire un effort de guerre extraordinaire et continu durant lesguerres contre Carthage, surtout pendant ladeuxième guerre punique. L'organisation militaire doit alors s'adapter et innover pour que l'armée puisse intervenir en dehors de la péninsule italienne sur de longues périodes[c 36],[n 9].
Lalongue conquête de l'Hispanie commencée en218av. J.-C. rend nécessaire de maintenir la première armée permanente hors de l'Italie. Entre214 et203av. J.-C., chaque année une vingtaine delégions est levée, et jusqu'à vingt-cinq durant certaines périodes critiques, même si l'effectif théorique maximum de 5 000 hommes par légion n'est pas atteint à chaque fois. Le taux de citoyens mobilisés aurait alors atteint les 12 ou 13 % de la population citoyenne romaine totale[c 36],[n 19],[v 20],[N 8], avec des pics à 20 %[n 20]. Entre217 et202av. J.-C., au moins 50 000 citoyens Romains sont mobilisés chaque année, avec des pics à 75 000 ou 80 000 citoyens entre214 et211av. J.-C., sans oublier les alliés qui fournissent au moins autant d'hommes[m 28],[b 8],[d 1],[b 9]

Après lesguerres puniques, un tel effort de guerre ne se renouvelle pas auIIe siècle av. J.-C., mais Rome lève en moyenne 7 à 10 légions par an, deux minimum pour occuper lesdeux provinces hispaniques dès197av. J.-C., puis dans lesprovinces de Macédoine conquises en148, d'Afrique en146, d'Asie en133, et des armées sont envoyées dans lesGaule cisalpine ettransalpine à partir de121av. J.-C.[c 37],[d 2],[b 10]
Entre200 et, Rome lève en moyenne 10 légions par an, le maximum étant atteint en avec 13 légions, et jamais on ne passe sous la barre de 6 légions. Entre167 et104av. J.-C., la moyenne diminue avec des pics à 10 ou 12 légions pour lesguerres celtibères, notamment laGuerre de Numance avec 9 légions, et un minimum dans cette période qu'on retrouve à 4 légions[n 21],[d 2].
Ainsi, durant leIIe siècle av. J.-C., c'est entre 60 000 et 140 000 hommes, Romains et alliés, qui sont mobilisés chaque année[d 3],[b 11]
Cette présence massive descitoyens dans l'armée explique pour une grande part certains aspects de la politique étrangère romaine : la guerre doit être déclarée par une loi votée par les citoyens et pendant les guerres même, ce sont les citoyens, par les élections consulaires, qui désignent ceux qui auront les responsabilités des opérations[n 22].
Ces campagnes hors d'Italie rendent malaisées le rapatriement deslégions chaque année pour des raisons logistiques, mais aussi pour garder des soldats ayant acquis une certaine expérience du terrain. Ainsi, au lieu de dissoudre les légions et d'en lever de nouvelles chaque année, on remplace les soldats blessés, malades ou morts ainsi que ceux ayant atteint leur nombre maximal d'années de campagne, lesemereti, par de nouvelles recrues, lestirones[c 37],[n 23].
Pendant ladeuxième guerre punique, des citoyens seraient restés mobilisés consécutivement plus d'une décennie. On note notamment trois légions qui servent pendant 12 années, une pendant 10 années, et quatre sur 9 ans[b 12],[n 20],[v 19], pour une moyenne à sept années de mobilisation consécutive pour les citoyens[n 20],[v 19]. Les légions servant enHispanie et enSardaigne ne peuvent pas être relevés[n 20].
AuIIe siècle av. J.-C., les citoyens sont mobilisés consécutivement six années en moyenne, l'Hispanie posant toujours des difficultés pour la relève[n 24],[v 19].

En225av. J.-C., on estime la population libre totale de l'Italie romaine à 2 752 000 âmes, pour une population citoyenne totale de 923 000 hommes, dont 300 000 mobilisables, aux deux tiersiuniores[n 25],[b 13].
Dix ans plus tard, 108 000 citoyens ont été mobilisés depuis le début de la guerre et au moins 50 000 romains et alliés sont morts sur les champs de bataille[n 25]. Entre214 et203av. J.-C., on dénombre près de 75 000 hommes tués, ce qui porte le nombre total de morts durant la guerre à environ 120 000[n 8],[d 2],[v 17], dont 50 000 citoyens, soit 6 % de la population civique totale[d 2],[v 17],[N 9].
À la fin de la deuxième guerre punique, durant laquelle 35 % de la population mâle italienne a été mobilisée, on dénombre presque 50 % de pertes[n 8]. Notamment à labataille de Cannes[N 10], mais aussi durant toute la guerre, ce sont les classes censitaires les plus riches, qui étaient alors les plus mobilisées, qui sont les plus touchées[n 8].
En280av. J.-C., Rome doit faire appel aux citoyens les plus pauvres et même auxaffranchis au début de laguerre contre Tarente[n 26],[a 45].Tite-Live[a 46],[a 47] nous rapporte que des condamnés sont mobilisés en216av. J.-C.[n 27],[v 4] et même desesclaves après labataille de Cannes[n 7],[v 4]. Cependant, ce recours à des non-citoyens dans l'armée terrestre reste tout à fait exceptionnel[n 7], même si on retrouve des affranchis en181 et171av. J.-C.[v 4] selonTite-Live[a 48],[a 49], alors que le recours aux citoyens les plus pauvres devient de plus en plus fréquent[n 1].
La cinquième et dernière classe censitaire voit vraisemblablement son capital minimum requis pour le service diminuer au cours duIIIe et IIe sièclesav. J.-C.[n 1]Polybe[a 34] etCicéron[a 50] parlent de 4 000 et 1 500 as au lieu de 11 000 as pourTite-Live[a 12]. Il est très probable que ces chiffres marquent un abaissement progressif du cens minimum pour servir alors que Rome fait face à des difficultés croissantes de recrutement. La première réduction de 11 000 à 4 000 as intervient peut-être vers214av. J.-C., au cœur de ladeuxième guerre punique[n 1],[d 1],[26], dû au manque croissant de soldats assez riches à partir de labataille de Cannes, et la seconde a sûrement lieu à l'époque desGracques[n 1], peut-être liée à lacrise agraire que les contemporains déplorent auIIe siècle av. J.-C.[v 3]
La première réduction permet sûrement l'augmentation du nombre de légions de 15 à 20 en214av. J.-C. avec la mobilisation des plus pauvres et même des esclaves à qui la liberté est promise[n 8],[d 1],[b 14].
L'effort de guerre continu durant leIIe siècle av. J.-C. aboutit notamment en178,151 et138av. J.-C., à des conflits politiques très graves entreconsuls ettribuns de la plèbe : les citoyens astreints au service essayent de s'y soustraire[n 21],[d 4]. Les longues campagnes militaires qui durent des décennies, notamment lesguerres celtibères, les risques importants et la faible rémunération rend les citoyens romains peu enclins à se porter volontaires[d 4].
En123av. J.-C., la pression est telle queCaius Gracchus interdit l'enrôlement des jeunes de moins de 17 ans[n 21],[d 5], loi qui sera abrogée durant laGuerre de Jugurtha[n 21].

Les peuples et cités alliés, en vertu de traités signés lors de la conquête de l'Italie par Rome, ainsi que lescolonies latines, doivent fournir des contingents dont le nombre est fixé par lesmagistrats romains chaque année[c 26],[v 20]. Il semblerait que les alliés italiens de Rome soient regroupés au cours duIIIe siècle av. J.-C. en sept circonscriptions[a 51], pour faciliter le recrutement et permettre une rotation des effectifs alliés[c 38],[v 21], qui doivent au total être prêt à mobiliser chaque année192 contingents, soit 80 000 hommes[v 16]. Ces troupes alliées, qui forment l'aile de l'armée sur le champ de bataille, sont commandées par des officiers de la même origine que les soldats[c 39],[v 16].
Exceptionnellement, dans des cas critiques, tous les contingents mobilisables alliés peuvent être appelés, comme en225av. J.-C., pour faire face à lamenace gauloise[c 38],[v 22]. Cette même année, la population libre alliée est estimée à 1 800 000 âmes, soit le double de la population citoyenne romaine[n 8],[b 13]. Environ 10 % de la population mâle italienne sera mobilisée chaque année[n 21].
| Contingent | Infanterie | Cavalerie | Total |
|---|---|---|---|
| Citoyens romains | 213 000 | 18 000 | 231 000 |
| Colons latins | 80 000 | 5 000 | 85 000 |
| Étrusques | 50 000 | 4 000 | 54 000 |
| Centre-Italiques[N 11] | 40 000 | 4 000 | 44 000 |
| Samnites | 70 000 | 7 000 | 77 000 |
| Campaniens[N 12] | 37 000 | 5 000 | 42 000 |
| Apuliens | 50 000 | 6 000 | 56 000 |
| Grecs | 30 000 | 4 000 | 34 000 |
| Lucaniens etBruttiens | 45 000 | 3 000 | 48 000 |
| Total | 615 000 | 56 000 | 671 000 |
Pendant ladeuxième guerre punique, on estime de 50 à 60 % la proportion de troupes alliées dans une armée romaine[c 40],[n 28],[v 20], ce qui correspond à la description de l'armée consulaire duIIIe siècle av. J.-C. dePolybe[a 33], et cette proportion aurait atteint les deux tiers au cours duIIe siècle av. J.-C.[c 39],[v 23] selonVelleius Paterculus[a 52].
Les effectifs de lacavalerie, qui commence à jouer un rôle non négligeable sur les champs de bataille, deviennent essentiellement alliés, au fur et à mesure duIIe siècle av. J.-C., tandis que leschevaliers romains servent dorénavant presque uniquement d'officiers dans l'armée[c 39].

En dehors des alliés italiens, Rome recrute d'autrestroupes auxiliaires, qualifiés d'auxilia externa pour les différencier des italiens. Cela permet à Rome d'affirmer sa domination sur des peuples vaincus, d'augmenter ses réserves de troupes tout en diminuant le temps de service des citoyens romains, mais aussi de recruter des unités spécialistes d'un type de combat[c 39],[N 13].
Cependant, contrairement aux états contemporains, notamment lescités grecques ou l'armée d'Hannibal, l'armée romaine ne comporte pas d'unités mercenaires[n 28], même siTite-Live rapporte quelques exceptions, la première en213av. J.-C. avec des soldats mercenaires celtibères[a 53], et dans d'autres occasions, notamment dans les guerres en Orient avec des contingents locaux[v 1], mais la distinction est difficile avec lesauxilia externa[27].
Après ladeuxième guerre punique, de nombreusescolonies sont fondées dans les trente premières années duIIe siècle av. J.-C., en majorité latines, et d'autres reçoivent de nouveaux contingents comme celle deCosa[d 6]. Plus de 50 000 familles sont installés sur les terres confisquées aux anciens alliés d'Hannibal, en tant que colons ou alliés[d 7],[v 24].
Ces colonies, romaines ou latines, renforcent la domination romaine dans toute l'Italie, de laplaine du Pô à laGrande-Grèce[d 7].
Les soldats alliés paient un plus lourd tribut lors des campagnes militaires que lescitoyens romains[c 39],[d 8],[b 15],[v 25] :
Ces inégalités, qui vont croissantes au cours duIIe siècle av. J.-C., et qui sont liées au statut decitoyen romain, vont être une des causes de laguerre sociale de90av. J.-C.[c 39],[v 26]
Les campagnes militaires, durant ladeuxième guerre punique, puis auIIe siècle av. J.-C., se prolongent souvent sur plus d'une année, dépassant la durée d'unemagistrature. Ainsi, plutôt que de remplacer leconsul ou lepréteur menant les armées chaque année, ses pouvoirs peuvent être prolongés[c 41]. Cette prorogation des pouvoirs d'un magistrat durant la deuxième guerre punique est votée soit par lescomices centuriates, soit par leSénat, puis seul par celui-ci auIIe siècle av. J.-C.[c 42]
La magistrature en elle-même n'est pas prolongée au-delà d'une année, mais les pouvoirs qui y sont associés le sont, notamment l'imperium militiae, et ce uniquement à l'extérieur dupomœrium. Ainsi apparaissent desproconsuls, qui sont desconsuls, voire despréteurs, sortant de charge dont les pouvoirs ont été prorogés. Exceptionnellement un sénateur n'ayant été ni l'un, ni l'autre, telScipion en211av. J.-C.[N 14] peut être nommé proconsul[c 43].
Le promagistrat est investi de l'imperium consulaire, lui permettant de déléguer des pouvoirs à des subordonnés, tels lesquesteurs, et surtout leslégats, des officiers sénatoriaux qui peuvent prendre le commandement d'une ou plusieurslégions. Ces légats sont nommés par leSénat, permettant ainsi à l'assemblée d'avoir un contrôle sur le magistrat commandant, le Sénat gardant toutes ses prérogatives sur les campagnes militaires[c 43].

La date d'apparition des premierscamps romains est incertaine.Tite-Live[a 54] etFrontin[a 55] suggèrent que les Romains conçoivent le plan du camp en observant les retranchements des soldats épirotes dePyrrhusIer, alors quePlutarque[a 56] déclare, au contraire, que le roi d'Épire est impressionné par le camp romain d'Héraclée[c 44], et attribue quant à lui la construction des premiers camps àCamille auIVe siècle av. J.-C.[a 24]
Il est cependant plus vraisemblable que lescamps romains soient une transposition militaire de la fondation des villes[c 44]. L'armée s'y abrite et y vit durant toute la durée d'une campagne militaire[c 45], etPierre Cosme souligne que le camp a une double fonction : « défensive et psychologique[c 46] ». Les camps romains permettent en effet de se protéger durant une campagne mais aussi d'impressionner son ennemi[c 46].

Le plan du camp romain, une vraie ville occupée théoriquement par deux légions entières, auxiliaires compris, soit près de 20 000 soldats et le train, nous est principalement connu grâce àPolybe[a 57], auteur grec duIIe siècle av. J.-C., qui en fait une longue description détaillée qui n'est pas remise en question par les historiens[c 46].
Les vestiges archéologiques des plus anciens camps remontent auIIe siècle av. J.-C., notamment près deNumance enHispanie[c 46].
Le montant quotidien de la solde est inférieur à celui d'un salaire d'un travailleur manuel à Rome[c 47],[n 29]. Cependant, la solde ne peut être assimilée à un salaire car l'armée romaine repose sur des bases censitaires : les soldats servent à leurs propres frais, la solde n'étant qu'une indemnité de subsistance dans des campagnes de plus en plus longues[c 47],[n 30].
Le butin laissé par une armée en déroute revient aux légionnaires romains, tandis que les biens et les personnes des peuples vaincus, qui représentent la grande majorité des profits d'une guerre, reviennent auSénat et au peuple romain[c 48],[n 31]. En187av. J.-C., les profits de la guerre enAsie permettent de rembourser une partie detributum, et celui dePaul-Émile surPersée de Macédoine, suffit à une suspension pure et simple dutributum descitoyens, alors que les soldats eux-mêmes n'ont obtenu que peu de butins sur ces campagnes[c 49],[n 32].

Les officiers et les soldats reçoivent parfois des parts non négligeables, notamment en194av. J.-C., après ladeuxième guerre macédonienne lorsque, selonTite-Live[a 58],Quinctius Flamininus distribue 750 as auxcavaliers, 500 as auxcenturions et 250 as à chaque soldat[d 9]. Après laguerre séleucide, les soldats reçoivent aussi une distribution[d 9], mais non après la victoire dePaul-Émile[c 49], où les volontaires avaient pourtant afflué en vue du butin potentiel toujours selonTite-Live[a 58].
Les tribuns du trésor, du fait de campagnes longues hors de l'Italie, ne peuvent plus directement verser la solde aux armées[c 44]. Ce sont lesgouverneurs de province ou lesquesteurs de l'armée, et non les généraux, qui en reçoivent le pouvoir. Le versement s'effectue vraisemblablement une seule fois par an, après avoir déduit le coût des vivres fournis et des armes de rechange. Les fonds sont soit envoyés de Rome vers les armées en campagne, soit directement prélevés des fonds des provinces où les armées sont positionnées[c 50].
Les longues campagnes militaires, sans retour à Rome chaque année, amènent à l'institution de la solde mais aussi aux fournitures militaires par l'État, des vivres et des vêtements et armes de rechange, avec déduction sur la solde, gérées par les questeurs via une intendance militaire de plus en plus développée[c 51],[n 4].
Concernant les vivres, seules des rations de blé sont distribuées au soldat, provenant du fruit des dîmes en nature deSicile et deSardaigne, mais aussi des régions céréalières que les armées conquièrent, telles l'Hispanie ou l'Afrique. Parmi les bagages qui suivent l'armée, des troupeaux fournissent de la viande, les soldats peuvent aussi se fournir sur le pays de fruits et légumes[c 52].
Concernant les armes, l'État ne remplace que celles usagées ou perdues au combat, les recrues devant acquérir l'équipement demandé par lestribuns militaires avant une campagne à leurs frais. Cela a pour effet que l'armement des légionnaires est longtemps relativement hétérogène[c 52]. Il est possible qu'à partir desGracques, l'État fournisse des armes aux soldats les plus pauvres, qui devaient alors les restituer en fin de campagne[c 53], ou peut-être même que tout l'équipement du soldat est dorénavant à la charge du Trésor[d 10].
Concernant les vêtements, l'uniforme règlementaire, ceux-ci semblent par contre fournis par l'État très tôt, bien que cela puisse dater que de123av. J.-C., si l'on en croitPlutarque[a 59], et d'une loi deCaius Gracchus[c 54],[n 33].
Lespublicains semblent avoir joué un rôle important dans l'acheminement des fournitures militaires aux armées[c 53]. Les guerres outre-mer imposent une mobilisation financière très importantes et ce sont des organisations de compagnies puissantes de riches citoyens, les publicains, qui prennent en charge les besoins nouvellement créés par la fourniture des armes et l'équipement des légions sur le terrain, devenant des instruments très efficaces dans l'exploitation des provinces[d 11],[28],[v 27]

Les premiers navires romains dateraient de311av. J.-C., pour combattre les pirates, quand une vingtaine de bateaux est construite[c 55]. À la fin duIVe et au début du IIIe siècleav. J.-C., Rome fait appel à des cités qui doivent lui fournir une flotte en cas de guerre, commeCaeré[h 33],Naples[h 29] puisTarente[h 30].
La première véritableflotte romaine est édifiée lors de lapremière guerre punique, pour faire face à la flotte carthaginoise pour le contrôle de laSicile. SelonPolybe[a 60], les Romains copient alors un navire carthaginois échoué pour construire leur flotte. Les Carthaginois ayant une aisance maritime bien supérieure, les Romains munissent leurs navires d'uncorvus permettant l'abordage et de transformer le combat maritime en combat terrestre[c 55],[m 29]. La flotte romaine serait passée d'une centaine de navires au début à deux cents à la fin de la première guerre punique[c 56] avec un pic à 330 navires[m 30], assurant la mainmise maritime à Rome après plusieurs batailles, mais la flotte n'est plus entretenue une fois le conflit terminé[c 56]. Par ailleurs, Rome continue d'utiliser les flottes alliées, notamment celle deNaples[h 34].

Lors de ladeuxième guerre punique, une nouvelle flotte est constituée, de près de trois cents navires[c 56],[m 31],[29], et permet à Rome de dominer les mers sans partage, malgré les nombreuses défaites terrestres[m 32], et cette flotte est une nouvelle fois désengagée une fois le conflit terminé[c 56].
Plutôt que d'entretenir une flotte permanente, Rome la reconstitue à chaque guerre, fait appel à ses alliés ou impose aux vaincus des clauses très restrictives en nombre de navires[N 16]. Cela aura pour conséquence de favoriser l'expansion de la piraterie en Méditerranée[c 56].
Les marins, en dehors des légionnaires embarqués pour l'abordage, sont recrutés parmi les cités alliées et lesaffranchis, voire parmi lesesclaves dans des situations critiques, notamment en214av. J.-C.[c 55],[n 13],[m 19].
Le commandement de la flotte revient au commandant de la campagne militaire à laquelle la flotte est associée, et non à un général ou magistrat spécial. Le commandement des navires, comme pour unelégion, peut être délégué à unlégat[c 55].

Lors descampagnes en Hispanie (181 à133av. J.-C.), une nouvelle unité est créée : lacohorte, composée d'unmanipule de chaque ligne, soient 10 cohortes par légion. Cette subdivision plus importante et autonome que le manipule permet une plus grande souplesse tout en gardant la spécialisation des trois lignes[c 56],[v 7].
L'effort de guerre plus important dû à ladeuxième guerre punique puis aux nombreuses campagnes militaires en Méditerranée occidentale, campagnes toujours plus longues et éloignées de Rome, mènent à des armées plus permanentes sur plusieurs années et poussent l'armée censitaire à se transformer, surtout d'un point de vue logistique[c 57].
L'intendance et l'administration militaire se développent fortement et jouent un rôle majeur et déterminant dans la vie du légionnaire et de l'armée romaine[c 57]. Il y a aussi un appel de plus en plus forts aux troupes alliées, qui représentent plus de la moitié de l'armée[c 40],[n 8] et aux soldats les plus pauvres tout au long duIIe siècle av. J.-C.[n 26].
Rome est désormais hors de danger, les guerres se déroulent toutes loin de l'Italie, et les défaites sont nombreuses avant les victoires finales dans des guerres longues et incertaines. Cela entraîne des réticences lors de la mobilisation d'une part des citoyens, qui renâclent à combattre des années durant loin de leurs terres et cités[n 34],[d 4], tandis que l'armée commence à se professionnaliser avec des temps de service plus continu. Cependant, l'armée reste encore civique, les règles et le cadre militaires ne changent pas, malgré l'apparition de soldats de métier[n 34].

Dans la deuxième moitié duIIe siècle av. J.-C., Rome est engagée dans de nombreux conflits longs et périlleux, notamment dans lapéninsule Ibérique, mais aussi enAfrique, enNarbonnaise et dans lesBalkans. Depuis peu, on ne considère plus que la raison de ces difficultés de l'armée romaine sur ces différents théâtres d'opération vient d'un nombre moindre de citoyens mobilisables[c 58], dû à lacrise agraire[v 3], ce qui donnait aussi une explication au recrutement de prolétaires parCaius Marius[c 58].Pierre Cosme précise que « cette interprétation a été récemment nuancée et le rôle de Marius relativisé[c 58] ».
Les effectifs mobilisés pendant la deuxième moitié duIIe siècle av. J.-C., bien qu'élevés, le sont moins que sur la période précédente, que ce soit pendant lesguerres puniques ou notamment sur la première moitié de ce siècle. Par exemple, pendant laguerre contre AntiochosIII (192 à188av. J.-C.), près de 13 légions sont levées, ce qui n'arrivera plus ensuite avant l'époque de Marius et laguerre de Jugurtha, hormis pour latroisième guerre punique[c 58].
| Époque | Années de recensement | Effectif civique | Réf.Tite-Live |
|---|---|---|---|
| Avant la deuxième guerre punique | 234-233av. J.-C. | 270 000 | [a 62] |
| Fin de la deuxième guerre punique | 204-203av. J.-C. | 214 000 | [a 63] |
| Pendant la guerre contre AntiochosIII | 189-188av. J.-C. | 258 000 | [a 64] |
| Premier pic atteint auIIe siècle av. J.-C. | 164-163av. J.-C. | 337 000 | [a 65] |
| Creux atteint auIIe siècle av. J.-C. | 136-135 et131-130av. J.-C. | 318 000 | [a 66] |
| Après les réformes des Gracques | 125-124 et/ou115-114av. J.-C. | 395 000 | [a 67] |
Selon les chiffres du cens transmis par les auteurs anciens, un pic est atteint en164- avant que le nombre de citoyens mobilisables ne diminue jusqu'aux années 140av. J.-C., mais il reste cependant supérieur à l'époque des guerres puniques ou à celui de la guerre d'Antiochos[c 59]. L'augmentation soudaine aux recensements de125-124 et/ou115-114av. J.-C. après la lente et régulière diminution de l'effectif civique sur les 40 dernières années s'explique peut-être par un abaissement du cens minimum de la dernière classe de 4 000 à 1 500 as à l'époque desGracques[n 1], peut-être lié à lacrise agraire que les contemporains déplorent auIIe siècle av. J.-C.[v 3]

Le manque de volontaires dans l'armée est un problème récurrent auIIe siècle av. J.-C. et la situation empire à la suite des pertes romaines importantes dans plusieurs guerres, épuisant les premières classes censitaires. Lesguerres celtibères sont les plus coûteuses en hommes[30] : les gouverneursManilius etCalpurnius Piso y perdent 6 000 soldats en155/154av. J.-C. et un nouvel arrivant 9 000 soldats peu après[a 68],Fulvius Nobilior 10 000 en153av. J.-C.[a 69],Sulpicius Galba 7 000 en151av. J.-C.[a 70], plus de 15 000 autres soldats tombent dans les années qui suivent contreViriathe jusqu'en139av. J.-C.[a 71],Hostilius Mancinus en perd 20 000 en136av. J.-C.[a 72] À ces nombreuses pertes lors de batailles, il faut ajouter les victimes des escarmouches, de la famine et des hivers[a 73].

Laguerre des Cimbres inflige à Rome ses pires pertes en une bataille depuis ladeuxième guerre punique :Papirius Carbo perd entre 15 000 à 20 000 hommes àNoreia en113av. J.-C.,Junius Silanus est lui aussi défait en109av. J.-C.[a 74],[a 75] puis deux autres généraux romains subissent la loi des Germains en Gaules. Ensuite, le plus grand désastre a lieu àArausio en105av. J.-C., oùServilius Caepio etMallius Maximus perdent plus de 80 000 légionnaires[31],[32] : au total, 150 000 à 180 000 soldats romains et alliés sont morts face aux Germains.
En107av. J.-C., leconsulMarius prend le commandement de laguerre contre Jugurtha, avec une armée qu'il complète par l'enrôlement de prolétaires[c 60],[n 35]. Marius est unhomo novus, opposé à l'aristocratie sénatoriale, qui aurait alors cherché à renforcer sa popularité en acceptant dans les rangs de l'armée tous les volontaires sans distinction de cens, allant à l'encontre de l'avis du Sénat, à une époque où les citoyens mobilisables sont récalcitrants à rejoindre l'armée[c 61],[n 36].
Cet enrôlement de prolétaires s'est restreint uniquement ausupplementum, c'est-à-dire aux renforts, soit tout au plus une majorité des 5 000 ou 6 000 hommes recrutés alors, et non à l'armée entière, et doit par conséquent être relativisé, vu qu'il ne s'agit que d'une admission ponctuelle[c 61],[n 35], mais qui créée un précédent[n 37].
Dans les années qui suivent jusqu'à laguerre sociale, il n'y a plus de traces de telles mesures d'enrôlement parmi les prolétaires, ni même lors de laguerre contre les Cimbres et les Teutons menée par ce même Marius. Cependant, contrairement à laguerre contre Jugurtha, cette guerre défensive n'amène aucune perspective de butin et n'a donc aucune raison d'attirer des volontaires non astreints au service militaire[c 61].
Laguerre sociale qui secoue les fondements de laRépublique et de l'Italie romaine de91 à a des conséquences bien plus importantes dans l'organisation militaire romaine qu'a pu avoir l'enrôlement ponctuel de prolétaires dans l'armée par Marius[c 62].
Durant cette guerre, le nombre d'hommes mobilisés est supérieur à celui atteint pendant ladeuxième guerre punique, avec près de 300 000 Italiens mobilisés dans l'une ou l'autre armée. Rome recrute alors desaffranchis[a 76] et doit compléter ses armées par l'enrôlement de prolétaires[c 61],[n 38].
Ledilectus traditionnel est mis de côté lors de cette guerre, notamment car la qualification censitaire des volontaires n'est plus prise en compte[c 61], et il en restera ainsi dans les guerres civiles qui s'ensuivent, les généraux s'appuyant sur des volontaires acquis à leurs causes : le recrutement se base dorénavant sur le volontariat et non plus sur les classes censitaires[c 63],[n 39].
À l'issue de laguerre sociale, tous les Italiens libres au sud du Pô reçoivent lacitoyenneté romaine, et les effectifs civiques passent de 395 000 en115- à 910 000 citoyens au recensement de70-[c 64]

Une conséquence d'une telle augmentation du corps civique est la décentralisation des procédures de recensement et de mobilisation. Dorénavant, les citoyens se font recenser non plus forcément à Rome, mais dans chaquemunicipe. Dans les faits, il y a peu de changement : les anciennes cités alliées recensaient déjà séparément leurs recrues de celles des citoyens romains[c 64].
L'Italie est divisée en circonscriptions de recrutement, qui devient alors plus rural, les légions étant dorénavant levées dans des régions déterminées[c 66],[n 40]. Entre autres,Pompée recrute ses armées dans lePicenum,César enGaule cisalpine etCrassus chez lesLucaniens[c 67],[n 40].
Cette décentralisation touche peut-être même certainesprovinces romaines, notamment l'Hispanie[c 67]. Entre49 et45av. J.-C., une légion, diteVernacula, est attestée en Hispanie parJules César[a 77],[a 78],[a 79], et elle est recrutée uniquement parmi les citoyens romains de la péninsule ibérique[c 67].
Despérégrins sont aussi recrutés dans l'armée à certaines occasions.Jules César lève à ses frais une légion en Gaule, laLegio V Alaudae, avec des soldatsgaulois transalpins[a 80] en58 ou en[33], puis pendant lesguerres civiles, les « Pompéiens » ont aussi recours à des étrangers entre49 et, les « Césaricides » entre43 et puis les « Antoniens » entre42 et alors qu'ils se trouvent tous hors de l'Italie[c 67].

Lesauxiliaires de l'armée romaine, autrefois très majoritairement des alliés italiens, qui sont devenus entre-temps citoyens à la suite de laguerre sociale, sont dorénavant recrutés parmi lespérégrins des provinces voire parmi des peuples en dehors des territoires romains. Ainsi, César fait appel à des auxiliaires gaulois et germains commandés soit par des chefs locaux, soit par des préfets équestres romains[c 68].
Ces soldats pérégrins de l'armée sont parfois récompensés, Rome ayant appris de laguerre sociale qu'il fallait éviter le mécontentement de ses troupes alliées. Ainsi, des privilèges sont de temps en temps accordés, et même la citoyenneté, comme à30 cavaliers ibériques dePompeius Strabo en à la fin de la guerre sociale, ou aunavarque Séleucos de Rhosos, qui reçoit en plus de nombreux autres privilèges entre41 et[c 68]

Le termeveteranus apparaît auIer siècle av. J.-C. dans la littérature latine[a 81],[a 82]. Cela désigne un soldat expérimenté ayant accompli un certain nombre d'années (on ne parle plus en nombre de campagnes) et qui attend une récompense. Ces soldats, par leur mobilisation continue, sont considérés comme des professionnels[c 69].
Leur démobilisation nécessite de prendre des mesures pour leur réintégration dans lasociété romaine après des années d'absence. La solution est de leur attribuer des terres, et cela est attestée dès la fin de ladeuxième guerre punique, en faveur des vétérans d'Hispanie et d'Afrique[a 83], et ces terres sont données là où ils ont combattu. Ainsi, les soldats blessés deScipion l'Africain sont installés àItalica. Ce processus de distribution de terres à la démobilisation est systématisé auIer siècle av. J.-C.[c 69]
Ainsi, ceux deCaius Marius ayant combattuJugurtha s'installent enAfrique, ceux deSylla, près de 120 000 hommes, reçoivent des terres enItalie à la suite desproscriptions, ceux dePompée, au nombre de 50 000 vétérans en, s'établissent sur tout le pourtour méditerranéen, notamment enHispanie, mais aussi en Italie, en Grèce et en Asie mineure[c 69] et ceux deJules César dans toute l'Italie, enGaule et àCarthage[c 70], même si à sa mort auxides de mars, nombre de ces vétérans attendent encore des terres[a 84].
Après laguerre civile des Libérateurs, 50 000 vétérans de César et des triumvirs reçoivent des terres en Italie au détriment des 18 plus riches cités italiennes, ce qui suscite des troubles, notamment laguerre de Pérouse[c 68] : les vétérans sont les grands bénéficiaires de ce grand transfert de propriété[n 41]. L'Italie antique connaît alors d'importants transferts de propriétés et l'installation de vétérans dans les provinces romaines permet leurromanisation[c 68].
À partir de laguerre civile de César, des mutineries commencent à toucher fréquemment les armées des généraux. En, avant le débarquement en Grèce et la bataille contre Pompée, et en, avant le départ en Afrique combattre les derniers « Pompéiens »,Jules César doit faire face à deux importantes mutineries. Ces soldats renâclent à poursuivre une guerre civile qui n'en finit pas et qui n'offre que peu de perspectives de butins[c 71]. Ces séditions de l'armée se poursuivent ensuite pendant lesecond triumvirat, forçant par deux foisOctave etMarc Antoine à se réconcilier plutôt qu'à combattre[c 71],[n 42] : à ce moment-là, leurs armées sont composées en grande partie de vétérans de César et défendent leurs intérêts qu'ils risquent de perdre en cas de guerre entre les futurs triumvirs[n 43].

La légion voit passer ses effectifs variant de 4 200 à 4 800 fantassins auIIe siècle av. J.-C. à un effectif fixe de 6 000 légionnaires. Elle comporte dixcohortes de600 hommes, numérotées selon un ordre hiérarchique croissant, et composées chacune de troismanipules de200 hommes, nomméespilani,principes ethastati, par ordre de dignité. Chaque manipule compte deuxcenturies de100 hommes, l’ordo prior et l'ordo posterior[c 72],[v 7]. La première cohorte est double et comporte 5 manipules[v 7].
Lesvélites, précédemment recrutés parmi les plus jeunes et les plus pauvres, ont disparu au début duIer siècleav. J.-C. à la suite de l'abandon des critères censitaires pour le recrutement après laguerre sociale[c 73].
Les sixcenturions d'une cohorte sont ainsi, par ordre hiérarchique, nommés :pilus prior,pilus posterior,princips prior,princips posterior,hastatus priori et enfinhastatus posterior[c 72],[v 28]. Une légion est donc composée de soixante centurions, le premier centurion étant lepilus prior de la première cohorte, que l'on appelle unprimus pilus, c'est-à-dire le « primipile ». Les centurions qui accèdent à la première cohorte d'une légion reçoivent le titre deprimi ordines, avec une meilleure solde et probablement le droit de siéger auconsilium avec les officiers supérieurs de la légion[c 72].
Les troupes se répartissent sur le champ de bataille en trois corps : l'aile droite, le centre et l'aile gauche. Les cohortes sont disposées en quinconce sur trois lignes (triplex acies) dehastati,principes etpili[c 72] : une première ligne de quatre cohortes, une seconde de trois, une troisième de trois. Cette réforme tactique dans le courant du début duIer siècle av. J.-C. est destinée à obtenir des légions plus flexibles, plus mobiles, plus adaptables et plus homogènes dans leur composition.
Lacavalerie devient uniquement auxiliaire et se tient aux ailes, comme d'habitude chez les Romains. La cavalerie légionnaire purement romaine disparaît au début duIer siècle av. J.-C.[v 2]. Elle est remplacée par des auxiliaires numides tout d'abord auIIe siècle av. J.-C., puis ibériques, gauloises et germaniques, notamment dans l'armée de César[v 6].
| Ordre hiérarchique | Ordre de bataille |
|---|---|
CenturieI :Pilus Prior | CenturieIII :Hastatus Prior |
Ces réformes sont parfois attribuées à Caius Marius, d'où l'expression « réforme marianique ». Cependant, les historiens actuels de l'armée romaine s'accordent à reconnaître que plusieurs des changements attribués par l'historiographie antique, notammentPlutarque[a 85], à Marius, dans le domaine tactique notamment, sont en fait progressifs et ne se développent réellement que sur le long terme[c 58].
Depuis la fin duIIe siècle av. J.-C., les armes sont standardisés et les coûts de production diminuent[c 22]. AuIer siècle av. J.-C., tous les légionnaires, notamment les plus pauvres, sont équipés par l'État, il n'y a dès lors plus de différence de classe sociale dans le gros des troupes, qui ont donc les mêmes équipements.
Le casque dit « Montefortino », conique avec un bouton sommital, est délaissé et laisse place à un casque à calotte lisse[c 22]. Il semblerait qu'il existe alors un casque plus lourd et protecteur, dit « Mannheim », pour les légionnaires et un autre de qualité moindre, dit « Coolus », pour lestroupes auxiliaires[c 74]. Le casque « Montefortino », avec la possibilité d'être pourvu d'un panache, reste peut-être porté par les officiers. Les protège-joues (paragnathides) disparaissent quant à eux[c 75].
À l'époque deCaius Marius, les légionnaires citoyens ont une sorte de plastron métallique quadrangulaire protégeant une partie du buste alors que les auxiliaires portent une cuirasse à écailles, lalorica squamata. Lors duIer siècle av. J.-C., une cotte de mailles composée de 30 000 anneaux de fer d'origine gauloise fait son apparition pour certains légionnaires[c 75], appeléelorica hamata, et offrant une très grande protection tout en restant souple, mais étant lourde, presque le double de lalorica squamata des auxiliaires et très chère en temps de production et en argent[c 76].
L'équipement total d'un légionnaire pèse alors dans les quinze à vingt kilogrammes sans le paquetage. Marius réduit le train militaire en alourdissant l'équipement des soldats[c 76], ces soldats sont alors surnommés les « mulets de Marius » par les auteurs antiques[a 86],[a 87]. Cette armée peut faire 15 à 30 km par jour[c 76].

La solde est quasiment doublée parJules César[N 17], vraisemblablement pendant laguerre des Gaules[c 77],[n 44] si l'on en croitSuétone[a 88], mais reste plus faible que le salaire moyen contemporain à Rome[c 78].Le butin des guerres duIer siècle av. J.-C. est beaucoup plus important que celui des guerres des siècles précédents.Pompée reçoit36 millions dedeniers deTigrane II d'Arménie tandis queJules César retire des dizaines de millions de deniers dupillage de la Gaule. Ainsi, Pompée verse 1 500 deniers à chacun de ses soldats à la suite de sa victoire surMithridate VI duroyaume du Pont tandis que César distribue entre 5 000 et 6 000 deniers lors de sontriomphe à chaque légionnaire[c 77].
Untribun militaire ou uncenturion peut recevoir beaucoup plus qu'un simple soldat, jusqu'à cent fois plus pour un tribun, et par exemple cinq fois plus pour un centurion de la campagne contre lesBituriges en De plus, les généraux ne distribuent pas tous la même proportion du butin à leurs soldats, et se gardent une part importante[c 78].
Cet enrichissement des généraux, qui cumulent aussi des pouvoirs militaires extraordinaires, tels queMarius,Sylla, puisCrassus,Pompée etCésar, leur permettent de contrôler des réseaux puissants de clients sans commune mesure avec le reste de l'aristocratie sénatoriale[c 79]. Ainsi, les guerres extérieures nourrissent les guerres civiles entre lesimperatores pour la conquête du pouvoir unique au détriment duSénat de la République romaine[c 80].

Des débuts de la République romaine jusqu'aux débuts des guerres civiles, l'armée romaine n'est jamais intervenue dans la vie politique, n'a jamais contesté les décisions du peuple et du Sénat romain[v 29]. Quelques tensions ont existé, notamment des mutineries, mais dues à des causes purement militaires, liées à la discipline ou encore au temps de service trop long[v 29],[b 17].
Lors des élections pour letribunat de la plèbe pour l'année,Appuleius Saturninus et lepréteurServilius Glaucia, partisans deCaius Marius, n'hésitent pas à faire assassiner leurs concurrents, par l'intermédiaire des vétérans de Marius présents à Rome pour sontriomphe. Saturninus, une fois élu, fait à nouveau appel à ces vétérans pour faire voter une loi[n 45],[a 89].
En,Sylla, qui vient de se faire retirer par laplèbe romaine le commandement de laguerre contre Mithridate réussit à convaincre son armée, en prétextant qu'ils ne seront eux non plus mobilisés pour la guerre à venir, de marcher sur Rome. Les cadres de l'armée refusent de le suivre mais le gros des troupes le suit avec enthousiasme dans cet acte impie et grave de conséquence[n 45] : c'est la première intervention directe de l'armée contre la ville de Rome, où elle pénètre, et sous sa pression, le peuple et le Sénat romain prennent un certain nombre de mesures. Six ans plus tard, le consulCornelius Cinna imite Sylla après avoir été chassé de la ville et démis de ses fonctions[n 46].
La marche sur Rome en est justifiée parJules César pour défendre ses droits injustement et illégalement attaqués selon lui. Six années plus tard, lestriumvirs font une entrée remarquée dans la ville, chacun avec une armée, pour légitimer la création du triumvirat mais aussi et surtout pour la répression liée aux proscriptions[n 47].

Les généraux nouent des relations étroites avec leurs soldats, mais ces derniers ne prennent d'initiatives politiques qu'à la toute fin des guerres civiles[c 81], l'armée n'intervient presque jamais directement dans la vie politique romaine par elle-même[n 48]. Ce sont les ambitions, les richesses et le pouvoir extraordinaire de quelques généraux qui mènent les guerres civiles et non l'avidité ou les revendications des soldats[c 80],[n 48] : cependant, le général donne à ses hommes l'occasion de s'enrichir par le butin et s'engage à fournir un lopin de terre une fois le service terminé.
En contrepartie, le soldat s'engage sur une longue durée, ce qui facilite les longues campagnes loin de Rome, permet d'avoir une armée réellement professionnelle, motivés essentiellement par l'appât du gain, et donc plus enclines à servir les intérêts de leur général, qui correspondent aux leurs, qu'à servir la République[c 82]. Cependant, seule une armée professionnelle engagée à long terme peut être utilisée pour les longues et lointaines guerres menées par Rome pour étendre et maintenir son nouvel empire.
Pendant les dernièresguerres civiles, le nombre de citoyens et d'auxiliaires mobilisés dans chaque camp explose. Au total, c'est près de 420 000 citoyens uniquement italiens qui seront mobilisés entre49 et, sans compter les citoyens provinciaux et les troupes auxiliaires[n 39],[v 17].
À partir de laguerre civile entre César et Pompée (75 000 à 110 000 hommes àPharsale en, 120 000 à 160 000 hommes àThapsus en, 100 000 à 130 000 hommes àMunda en), àcelle des Libérateurs (200 000 à 220 000 hommes àPhilippes en, plus de 40 légions dans chaque camp, soit 25 % desiuniores italiens[v 17]) ou à ladernière Guerre civile de la République romaine, les effectifs sont imposants à tel point qu'après labataille d'Actium,Octave se retrouve à la tête d'une soixantaine de légions, soit environ 360 000 hommes en, dont il licencie plus de la moitié[c 83] (de30 à, 260 000 soldats sont démobilisés, et Auguste déclare dans son testament avoir eu jusqu'à 500 000 hommes sous ses ordres durant son règne[v 17],[a 90]) pour ne garder que vingt-cinq légions lors de son règne[b 18],[v 17].
La professionnalisation de l'armée prend de l'ampleur, le recrutement se base sur le volontariat et non plus sur les classes censitaires, et les vétérans prennent une vraie place dans la société, recevant terres et argent lors de leur démobilisation, tandis que certainspérégrins reçoivent la citoyenneté[c 63]. Cependant, bien que l'armée est dorénavant composée de volontaires et est presque professionnelle, ce n'est que sous le règne d'Auguste que les procédures et règles de mobilisation, de recrutement et d'avancement sont fixées et réglementées[n 49]. L'armée impériale est alors une armée permanente et non plus une armée de conscription[v 17].