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L’argile est une matièrerocheuse naturelle à base desilicates ou d'aluminosilicates hydratés de structure lamellaire, provenant en général de l'altération de silicates à charpente tridimensionnelle, tels que lesfeldspaths. Elle peut être une matière localement abondante, très diverse, traitée ou raffinée avant emploi, à la fois meuble ou plastique (souvent après addition d'eau) ou à pouvoir desséchant, absorbant ou dégraissant, voire à propriétés collantes ou encoreréfractaires, pour servir par exemple autrefois selon des usages spécifiques, souvent anciens, aupotier et au briquetier, aumaçon et aupeintre, auteinturier et audrapier, auverrier et à l'ouvriercéramiste.
En réalité, le terme issu du latinargilla peut s'appliquer au choix à un minéral argileux et à un ensemble de minéraux argileux, ainsi qu'à diverses roches essentiellement composées de ces minéraux[n 1]. Les roches de la classe deslutites comptent l'argilite, l'argilolite ou argilotithe, et lesshales, à l'exclusion desschistesmétamorphisés. Les argiles sont des roches sédimentaires clastiques. Lorsqu'elles renferment ducalcaire, trois sous-classes sont définies entre le pôle argile et le pôle calcaire, en fonction de leur teneur en calcaire :argile calcaire, puismarne, et enfincalcaire argileux. Les argiles riches ensilice gélatineuse, soluble dans lesalcalis, se nommentgaizes. Lelimon ou lelehm sont des argiles qui renferment des particules siliceuses, et accessoirement despigments minéraux comme lalimonite ou lagoethite. Lelœss est un dépôt de couleur jaunâtre, d'origine paléoglaciaire et composé essentiellement d'argiles et de fines particules calcaires et siliceuses.
Au sens large, l'argile est aussi unsédiment, composé de particules fines issues de l'altération des roches (processus appeléargilisation), parfois des roches sédimentaires argileuses métamorphisées en schistes[1]. C'est pourquoi le monde agricole, conscient du rôle déterminant des argiles dans la rétention d'eau des sols, et donc dans le développement des plantes, qualifiait d'argile au sens générique les sols limoneux ou terres « grasses » ou « dégraissantes ». Molles ou malléables suivant leur degré d'humidité, elles sont susceptibles de sedessécher en plaques compactes qui se rétractent et se fendillent au soleil, libérant de fines poussières de cette matière devenue friable et cassable. Elle s'amollit à l'eau et génère en milieu humide, après tassements répétés, desboues colorées plus ou moins liquides, plus ou moins salissantes, plus ou moins collantes[n 2]. Le cultivateur sait que l'adjonction d'argile rend la terre imperméable, au contraire du sable fin. La terre argileuse est lourde et compacte, résistante et difficile à labourer, se durcissant en croûtes épaisses parfois craquelées lors dessécheresses.
Les potiers et les maçons reconnaissent traditionnellement l'argile verte ou laterre glaise desargilières, avec laquelle ils préparent leur matière première : le premier pour unepoterie spécifique, le second en fabricant unciment ou unechaux hydraulique[n 3]. Les hommes des métiers du feu distinguaient les argiles fusibles, comme les argiles figulines appréciées pour lesfaïences communes, lesbriques et lestuiles, et les argiles smectiques, en usage pour dégraisser les draps commeterre à foulon, des argiles infusibles, telles que lekaolin ou diverses argiles plastiques. Les peintres antiques connaissaient déjà les argilesocreuses, tout comme les modestes constructeurs en terres argileuses utilisaient sans le savoir les propriétés de l'argile colloïdale.
Actuellement, la deuxième grande utilisation de l'argile à l'échelle industrielle réside dans la fabrication duciment (à base declinker : 70 à 80% decalcaire et 20 à 30% d'argile )
Lesciments bas carbone en font une utilisation plus importante encore, sous forme d'ajout au clinker. Elle est alors souvent simplement calcinée, ce qui nécessite une température moindre, de l'ordre de celles utilisées pour la cuisson de briques (chamotte). Ce sont alors parfois des argiles différentes non disponibles sur les sites historiques, demandant de ce fait un transport supplémentaire.
Ces minéraux sont classés en trois grandes familles selon l'épaisseur des feuillets (0,7 ; 1,0 ou 1,4 nm), qui correspondent à un nombre de couches d'oxydes tétraédriques (Si) et octaédriques (Al,Ni,Mg, Fe2+, Fe3+,Mn,Na,K, etc.). L'espace entre feuillets peut contenir de l'eau ainsi que desions. Il en résulte des variations de la distance entre feuillets, et donc des variations dimensionnelles macroscopiques de l'argile quand elle s'hydrate (dilatation) ou s'assèche (contraction) pouvant provoquer des fissures. Un matériau sec qui contient beaucoup de minéraux argileux « happe à la langue » (absorbe de l'eau en formant une pâte plastique)[3].
Les roches argileuses sont desroches sédimentaires ou résiduelles à grains très fins (classe des lutites), qui contiennent au moins 50 % de minéraux argileux. Ces roches sont tendres, rayables à l'ongle, fragiles à sec et durcissantes à la chaleur ou à la cuisson, imperméables et faisant pâte à l'eau. Elles sont abondantes dans les formations sédimentaires, tant continentales que marines. Elles se divisent en argiles calcaires, argiles sableuses, micacées, etc. Elles peuvent être déposées en horizon ou couches de faible puissance, alternant avec d'autres couches rocheuses telles quecalcaires,grès,évaporites, etc., en structures litées (shale), rubanées ouvarvées. Elles peuvent aussi constituer des masses par empilement quasi-continus de couches épaisses, parfois même sans stratification apparente (argilite). En présence de minéraux détritiques, les argiles contiennent souvent des débris, morceaux ouclastes de roches divers. Dans tous les cas, les formations argileuses jouent un rôle majeur dans l'exploitation des ressources en eau et enhydrocarbures, car elles entravent ou stoppent l'écoulement parfois lent de ces derniers minéraux liquides.
Les minéraux argileux sont tous constitués d'un empilement de feuilletstétraédriques etoctaédriques, entrecoupés par un espace appelé espace interfoliaire :
les feuillets tétraédriques sont agencés en mailles hexagonales et sont constitués de tétraèdres d'oxygène entourant un atome de silicium ou d'aluminium ([SiO4]4−, [AlO4]5−) ;
dessubstitutions isomorphiques peuvent intervenir entre les différents atomes constituants de la couche tétraédrique ou octaédrique (notamment Si4+ par Al3+ dans la couche tétraédrique, Al3+ partiellement substitués par des ions Mg2+ et/ou Fe3+ ou Fe2+ dans la couche octaédrique). Ces substitutions induisent un déficit de charge permanent, faisant de beaucoup d'argiles des espèces stablement chargées négativement. Ces charges sont compensées par l'incorporation decations (anhydres, hydroxylés ou hydratés) soit dans l’espace interfoliaire des minéraux (c'est le cas pour les minéraux argileux de typesmectite ouvermiculite) et/ou à la surface externe des particules (cas de lakaolinite)[5]. Ces cations (K+, Na+, Ca2+, etc.) dans l'interfeuillet, appelés « compensateurs de charges » ou « cations échangeables », rétablissent la neutralité électrique de l'édifice[6] ;
exemple de calcul de la charge permanente : Si on considère une Kaolinite, de formule Si4Al4O10(OH)8, le bilan de charge est le suivant : 4 atomes Si4+ + 4 atomes Al3+ + 18 atomes O2− + 8 atomes H+ =. Cette argile n'a pas de charge permanente et donc aucun cation interfoliaire pour neutraliser la charge. La totalité de la capacité d'échange de cette argile est liée à ses charges variables de bordure. À l'inverse, une Montmorillonite de formule (Na)0,6(Al3.4,Mg0.6)Si8O20(OH)4•nH2O montre le bilan suivant : 8 atomes Si4+ + 3,4 atomes Al3+ + 0,6 atomes Mg2+ + 24 atomes O2− + 4 atomes H+ = ce déficit est comblé par l'incorporation de 0,6 cations monovalent, ou 0,3 cations divalent (dans l'exemple on considère Na0.6). La totalité de la capacité d'échange de cette argile est liée à ses charges permanentes ainsi qu'à ses charges de bordure.
Les cations qui compensent les charges permanentes et variables de l'argile restent, pour la plupart, échangeables dans l'environnement. Chaque argile a ainsi uneCEC propre témoignant de leur appartenance à une des grandes familles de minéraux argileux. À titre indicatif, les smectites ont une capacité d'échange bien plus grande que les kaolinites, car pour ces dernières, leur capacité d'échange est uniquement dictée par les charges variables.
Différence de structure entre un feuillet octaédrique dioctaédrique et trioctaédrique.
Structure atomique d'une argile TOT trioctaédrique.
Structure des feuillets d'une argile TOT trioctaédrique.
Vue du feuillet tétraédrique arrangé en mailles pseudo-hexagonales.
La plupart des minéraux argileux ont la particularité de posséder une charge de surface négative. Par conséquent, les feuillets se repoussent entre eux, et l'apport de cations réduit cette répulsion électrique, ce qui entraîne l'agglomération des particules argileuses, phénomène appeléfloculation.
Dans la nature
Dans les estuaires, le taux de salinité de la mer (dû en partie au cation Na+) favorise la floculation bien en amont de l'embouchure. Les particules argileuses floculent et forment un amas devase, lebouchon vaseux.« Pendant les périodes de mortes-eaux, on constate une phase d'accumulation pendant laquelle la vase se consolide partiellement pour former la crème de vase[7] ».
On différencie les argiles par leur type de combinaison d'empilement des feuillets tétraédriques et octaédriques, le cation de la couche octaédrique, la charge de l'argile et le type de matériel interfoliaire[9],[10].
Les minéraux argileux se répartissent en plusieurs grandes familles :
Nomenclature utilisée : Te/Si = rapport entre le nombre de cationsSi tétraédriques par maille qu'il y aurait en l'absence de substitution dans le feuillet tétraédrique et le nombre de cationsSi tétraédriques par maille existant réellement, Oc = rapport entre la charge totale des cations par maille dans le feuillet octaédrique, et la charge totale des cations par maille qu'il y aurait dans le feuillet octaédrique en l'absence de substitution. Les parenthèses indiquent le(s) cation(s) octaédrique(s). Les crochets indiquent le(s) cation(s) de compensation dans l'espace interfoliaire
Explication du classement : exemple d'une montmorillonite de charge 0,6 (avec sodium interfoliaire) : (Na)0,6(Al3.4, Mg0.6)Si8O20(OH)4• nH2O : La couche tétraédrique est entièrementSi ; on a donc Te/Si=8, à l'inverse l'octaèdre montre (par définition) une substitution Al↔Mg on a donc le bilan des charges positives (dans cet exemple) = 3,4 × 3+0,6 × 2 = 11,4 ; or la charge parfaite de l'octaèdre d'une argile TOT est de 12. On se retrouve alors dans le cas Oc<12/12. Attention, il n'est pas rare de trouver les formules par demi-maille des argiles, la montmorillonite de l'exemple devient alors (Na)0,3(Al1.7, Mg0.3)Si4O10(OH)2• nH2O
Le terme de « smectite », souvent utilisé de manière abusive, représente l'ensemble des espèces TOT, gonflantes, ayant une charge par demi-maille comprise entre −0,2 et −0,6.
* Lamontmorillonite, dont une forme, qui a pour formule Si4O10Al5/3Mg1/3Na1/3(OH)2, est connue sous l'appellation de « terre deSommières » utilisée comme détachant ou commebentonite employée engénie civil en raison de ses propriétés colloïdales (plastifiant dans lesmortiers). À la différence de l'halloysite, plusieurs couches d'eau peuvent prendre place entre deux feuillets de montmorillonite et par conséquent la séparation entre deux feuillets peut aller de 0,96 nm à la séparation complète.
Le groupe Tri-Tri est le plus répandu sur terre. Les groupes Di-Tri et Di-Di sont plus rares. Le groupe Tri-Di reste encore inconnu, aucun minéral de ce type n'a encore été découvert.
L'une des techniques utilisées pour reconnaître les argiles est l'analyse pardiffraction de rayons X.Elle nécessite une préparation spécifique de l'échantillon. Chaque méthode de préparation permet d'obtenir des informations différentes sur la structure du minéral.
La préparation désorientée se fait, comme son nom l'indique, à partir d'une poudre compacte dont les constituants ont été désorientés. Plusieurs méthodes sont utilisées : la poudre arasée, le « side loading », le « back loading » ou encore le « spray-dried ». La désorientation « parfaite » d'une poudre reste une technique délicate, qui peut être fortement influencée par les éventuelles orientations préférentielles induites par certains minéraux.La poudre désorientée reste la méthode de préparation majoritairement utilisée pour l'identification des phases dans un échantillon minéral. Cette dernière permet d'obtenir l'ensemble des plans de diffraction des phases constituantes. Les argiles, quant à elles, sont plus difficilement différentiables par cette technique, car leurs plans cristallographiques sont pour beaucoup identiques d'une famille à l'autre. Les diffractogrammes montrent alors des pics superposés rendant la lecture et l'identification des phases plus complexes. Cependant, bien que présentant certains inconvénients (pour les phyllosilicates) la vision globale des plans de diffractions permet d'atteindre des paramètres tels que le taux de remplissage de la couche octaédrique, etc.
Une variante de la préparation désorientée consiste à placer la poudre dans un capillaire. Cette technique donne des résultats semblables, mais permet de travailler avec des quantités de matières bien inférieures.
Outre engéochimie, cette technique est également utilisée par lapolice scientifique pour essayer de déterminer l'origine des traces de terre qui peuvent constituer un indice lors d'une enquête.
Pour reconnaître les différents types d'argiles, on peut pratiquer unessai au bleu de méthylène. En dosant laconcentration du bleu de méthylène après un contact avec une argile, on en déduit indirectement laCEC de cette dernière. Ce qui permet de classer globalement le minéral.
Lediagramme de Pourbaix du fer fournit des informations sur le degré d'oxydation attendu du fer en solution aqueuse en fonction dupotentiel Ԑ et dupH.
Les particules d'argile ne sont nullement responsables de la couleur du sol ou de certaines roches sédimentaires. La couleur rouge, orange, jaune, vert, bleu d'un sol (argileux ou non) ou d'une roche contenant de l'argile est due audegré d'oxydation dufer (fer ferrique Fe3+ sous forme d'hématite ou degoethite formé en zone oxique dans les trois premiers cas,fer ferreux Fe2+ formé en zoneanoxique dans les deux derniers)[11]. Lorsque le sol est d'une couleur tendant vers le blanc, c'est que cet élément a été dissous et évacué hors du profil.
Dans l'eau, les particules d'argile se comportent comme des gouttes d'huile dans la vinaigrette : elles se regroupent et forment des « micelles » en suspension : on dit que l'argile est à l'état « dispersé ». La présence desels minéraux dissous portant des charges positives (Ca,Mg,K,Na,NH4,Fe,Mn,Cr,Ti,Al,Ba,Sr, etc.) provoque la liaison des micelles entre elles : l'argile estfloculée.Cette propriété des argiles va lui permettre d'être liquide à l'état dispersé, pâteuse dans la boue et solide dans un sol sec. L'argile est uncolloïde qui flocule avec descations.
Les argiles désignent de très fines particules de matière arrachées aux roches par l'érosion, ainsi que les minéraux argileux ou phyllosilicates (ces dernières observées au microscope ont la forme de plaquettes, ce qui explique leur plasticité). La plupart de ces particules proviennent de la désagrégation deroches silicatées (altération des silicates) : dugranite (mica etfeldspath), dugneiss, ou encore desschistes. Ces particules sont transportées par le vent ou l'eau et forment dulimon ou de lavase. Les fleuves véhiculent des argiles qui finissent par se déposer enalluvions, dans le cours d'eau lui-même, à son embouchure, dans un lac ou dans la mer. Les dépôts peuvent alorssédimenter et former une roche argileuse pardiagenèse :déshydratation etcompactage. En tant queroches sédimentaires, les affleurements argileux présentent une succession destrates empilées les unes sur les autres.
Les éruptions volcaniques produisent aussi des argilolithes, parfois sous forme d'éjecta de pierre vitreuse ou de tuf.
Les terres argileuses sont composées d'éléments très fins, qui proviennent de la dégradation mécanique et chimique de roches préexistantes (en particulier lesmicas et lesfeldspaths). Les argiles résultantes peuvent rester sur les lieux mêmes de leur formation, comme le kaolin. Elles sont le plus souvent entraînées par les eaux ou le vent, et se déposent sous forme de masses stratifiées ou parfois en poches lenticulaires ou sphériques. On trouve ainsi des bancs d'argile dans les sédiments depuis l'èreTertiaire, au pied des montagnes et dans les grandes vallées fluviales.Après la dissolution d'uncalcaire, des argiles peuvent également se former et tapisser les dépressions karstiques (lesdolines). Lors de leurs déplacements, elles peuvent entraîner des minéraux rencontrés sur leur chemin. D'où une très grande variété de finesse, de coloration et de composition, selon les niveaux successifs d'un même gisement et à plus forte raison de l'un à l'autre[12].
Les facteurs influençant positivement la formation de l'argile sont une humiditéédaphique élevée (drainage modéré), une température élevée, la grande finesse de grain de la roche-mère, sa richesse en bases et sa friabilité. Plus le sol est ancien, plus la formation d'argile est rapide, et c'est finalement le type de sol, donc de climat et de communautés biologiques, qui influe le plus sur la quantité d'argile produite[13][réf. non conforme].
Mur à colombage en argile : torchis sur lattes en partie basse et briques d'adobe crépies en partie haute.
L'argile est l'un des plus anciens matériaux utilisés par l'homme. Pétrie avec de l'eau, elle donne une pâte plastique qui peut être facilement moulée ou mise en forme. Le modelage s'effectuait selon trois techniques fondamentales, par colombin, par plaque ou par estampage. De nombreuses sculptures ont été réalisées enterre crue, ou terre séchée, comme dans l'art gréco-bouddhique, auGandhara (Nord Pakistan et Afghanistan), ou dans les oasis duXinjiang. Les sculptures de gardiens de temples bouddhiques au Japon de l'époque de Nara ont été réalisé avec ce matériau en raison de sa souplesse d'utilisation. Les sculpteurs européens desXVIIIe et XIXe siècles ont conservé cet état de certaines sculptures[Quoi ?].
Après cuisson, elle donne un objet résistant et (si argile de haute température, émaillé ou porcelaine) imperméable. Ces propriétés remarquables sont à l'origine de son utilisation très ancienne pour réaliser des objets en céramique, en porcelaine, etc.
Elles peuvent également être utilisées pour leurs propriétés thérapeutiques.
L'argile hydratée estmalléable, elle peut être mise en forme ; après séchage, elle devient solide, et le reste de manière permanente après un passage aufour (« cuite »). Ces propriétés en font un matériau de choix pour la fabrication d'objetscéramiques.
La couleur de l'argile cuite peut aller du blanc ou du rose au noir en passant par toutes les nuances de jaune, rouge, brun, plus rarement vert ou bleu, suivant la qualité particulière de chaque argile (teneur en oxydes métalliques) et les conditions de cuisson. La majorité despoteries dans le monde est réalisée avec ce genre d'argile, ainsi que lesbriques, lestuiles, les tuyaux et autres productions similaires.
L'argile commune peut être trèsplastique, et même trop plastique et trop collante pour être employée seule ; d'autre part, il arrive qu'elle ne le soit pratiquement pas à cause de la présence de sable ou d'autres débris rocheux.
Le potier et le sculpteur recherchent une terre à faïence douce et plastique, qu'ils peuvent éventuellement modifier en ajoutant un peu de sable d'argile non plastique, de lachamotte, ou desfibres decellulose.
Le briquetier, lui, recherche une terre moins fine contenant du sable et d'autres débris non plastiques, qu'il pourra presser, sécher et cuire, sans crainte de gauchissement, de fentes ou de retrait excessif. Briques et tuiles sont aujourd'hui fabriquées industriellement à partir d'un mélange d'argile et d'eau moulé sous pression et cuit à température suffisamment élevée (1 000 à 1 300 °C).
Enfin, on peut pratiquer une « minéralurgie » pour éliminer ou ajouter les éléments indésirables ou nécessaires sur les argiles, afin de leur donner les caractéristiques nécessaires à leur utilisation plus ou moins industrielle.
Les argiles réfractaires sont des argiles qui résistent sans se vitrifier aux températures les plus élevées, par exemple à la fusion des céramiques. Elles servent à réaliser des fours en métallurgie ou sidérurgie, en céramique.
Considérant les trois composants essentiels des argiles (alumine,silice etfondants), plus l'argile est riche enalumine, plus elle est réfractaire. Par contre, la silice[14] peut jouer un double rôle : elle augmente la fusibilité et augmente l'influence des fondants à haute température ; mais elle peut aussi élever le point de fusion, particulièrement si elle est à l'état non combiné[15]. Les principales argiles réfractaires ont une constitution très uniforme (autrement dit, ses constituants sont répartis uniformément) ; et elles sont très pures, exemptes d'inclusion de quartz ou autres matières mélangées[15].
Un certain nombre d'argiles plastiques, douces et onctueuses au toucher, peuvent être mises en forme pour réaliser des matériaux réfractaires (poterie, briques, creusets, faïences, etc.). Ces argiles spécifiques sont utilisées enfonderie pour réaliser une grande diversité de moules de cuisson.
Le kaolin, présent en abondance àSaint-Yrieix et utilisé dans laporcelaine de Limoges ou dans laporcelaine de Saxe, est friable, blanc et se délaye facilement à l'eau. C'est laterre à porcelaine des anciens, la matière de base pour la porcelaine.
Ce sont au contraire des argiles qui développent une couche vitrifiée à la surface des poteries, et ce à des températures atteignables dans des fours de l'époque (1150° à 1350°C) du fait de certains composant (4 à 10% deFe2O3) Ceci qui nécessite deux fois plus de temps et trois fois plus de combustibles qu'une cuisson normale à 900 ou 1000°C[16].
En France, elles sont apparues auxxiiie etxive dans la région deBeauvais (60) et deDomfront (61) et un peu plus tard dans celle deBayeux (14)[16] et sont restées cantonnées à quelques sites profitant d'une ressource en argile particulière et de la proximité d'une ressource en bois de chauffe proche et importante.
C'est le cas des poteries deGer (50) dont l'argile était extraite des marais deRouelley (50, bassin de l'Égrenne)[16] contenant de 4 à 5% deFe2O3, ce qui est à rapprocher du nom de la forêt proche et de ses mines de fer : la forêt de Bourberouge. La production était utilisée pour la fabrication de contenants étanches qui ont été retrouvés dans l'est de la France, en Angleterre et même en Amérique du Nord, ayant servi au transport debeurre d'Isigny pour les épiceries fines et autres produits mis à l'abri de l'air, mais de façon plus habituelle, pour les liquides (traditionnelles bouteilles ou tasses à cidre ou à calvados). Elles se reconnaissent à leur couleur brun / rouge brillante et sont visibles aumusée de la poterie de Ger où un four a été exhumé et remis en état.
Argiles dites colorantes, charges ou agents rhéologiques en peinture, dans l'industrie du bâtiment, dans l'industrie du forage
Certaines argiles contenant des oxydes métalliques ont un pouvoir colorant et un pouvoir couvrant remarquable, ainsi certaines argiles contenant différents hydroxydes de fer qu'on nomme l'ocre. Les ocres colorent encore parfois les façades des maisons.
L'usage des argiles dans l'art pictural est très varié. Selon leurs natures, elles peuvent être des pigments, des charges, des épaississants ou fluidifiants, des opacifiants ou minorants de coloration, etc.
Dans lespeintures comme sur les champs de forage modernes, l'ajout de charges minérales comme labentonite permet d'obtenir larhéologie souhaitée et améliore aussi la stabilité des suspensions (cataphorèse).
L'argile colloïdale est un silicate d'alumine de granulométrie inframicrométrique employé comme ciment dans les argiles pour en agréger les éléments sablonneux. Lorsque la teneur en argiles colloïdales croît, la plasticité s'accroît.
Associée intimement à la chaux en fines proportions, par exemple par cuisson directe avec lapierre à chaux, elles permettent la fabrication des chaux hydrauliques et de ciments spécifiques.
Ce sont lesargiles smectiques ou terres à foulon. Elles peuvent dégraisser les draps. La sépiolite peut être employée comme terre absorbante pour litière animale, par exemple à chats.
La saponite est une argile utilisée commepierre à savon, à l'instar de la stéatite. L'écume de mer est unesépiolite qui est facilement taillée pour élaborer des statuettes et des pipes.
Différents types d'argiles (verte, blanche et rouge principalement), notamment pour leurs propriétés couvrantes et adsorbantes, sont utilisés pour leurs propriétés thérapeutiques (en cas de lésions, d'infections, d'aérophagie, etc.)[17],[18], les impuretés étant piégées entre les feuillets.
Cette utilisation ancestrale perdure dans de nombreuses cultures[19] et sur tous les continents. Galien (131-201 après J.-C.) utilisait l'argile pour soigner les affections stomacales et intestinales et la malaria. Avicenne et Averroès recommandaient aussi l'argile[19].
En France, ces propriétés ont été redécouvertes lorsqu'elles ont fait l'objet de livres (L'argile Qui Guerit - Raymond Dextreit[17] dont certaines assertions ou témoignages sont loin de la démarche scientifique mais qui présente un recensement large des pratiques de l'époque), plus récemment ceux du professeur Michel Rautureau (Argile et santé ; propriétés et thérapies[20]), du docteur Jean-Christophe Charrié (ABC de l'argile[21]), et d'études scientifiques, dont deux thèses principalement celle de Jade Allègre[19] en 2012, et celle de F. Hernot[1], en 2016.
Elle revient dans les pratiques médicales, ce que l'on peut observer depuis l'habituelle smectite jusqu'aux cataplasmes prescrit par certains chirurgiens en passant par les soins en centre de thalassothérapie et autres centres de cure thermales (Bagnoles-de-l'Orne, etc.).
En usage externe, elles sont alors utilisées encataplasme, parfois avec adjonction demiel, que l'on peut faire soi-même mais que l'on commence à trouver en pharmacie. Ces cataplasmes sont prescrits par des chirurgiens en cas de cicatrisations difficiles.
Elles sont ainsi utilisées depuis plus de vingt ans avec succès en traitement de l’ulcère de Buruli par l'infirmière Line de Courssou en Côte d'Ivoire[1]. Elles sont utilisées contre la lèpre à Madagascar et dans le traitement des plaies à La Rochelle, par le Dr docteur Jean-Christophe Charrié.
En usage interne la boisson composée d'eau et d'argile est appeléelait d'argile oueau d'argile.
L'usage interne doit se faire avec précaution auprès de marques autorisées, notamment parce que certaines argiles sont naturellement contaminées par des métauxtoxiques comme leplomb.
Les smectites sont largement utilisées pour calmer les muqueuses intestinales ou dermiques irritées. On les trouve en pharmacie dans les sachets dediosmectite (le "Smecta"). Idem de l'attapulgite[1],[22]. Il faut alors prendre des argiles ultraventilées pour éviter les particules de micas blessant[1]. Il faut éviter la prise de médicaments à moins de deux heures des prises, à cause du pouvoir absorbant des argiles[1]. La prise d'argile doit être signalée à son médecin traitant, qui peut l'interdire en cas d'antécédents d'occlusion ou d'insuffisance rénale grave. Il faut de même éviter certaines matières grasses (agglomération avec l'huile de paraffine par exemple[1],[20]). Des compléments alimentaires à base d'une argile appelée« octalite » et commercialisés sous les marques« Terrafor ventre plat »[23] ou« Defiligne » ont été interdits en France en 2016 en raison de leur teneur trop élevée en plomb[24]. L'aluminium contenu dans l'argile ne migre pas dans le sang[25].[réf. à confirmer]
Au contraire, la grossesse semble une raison importante de sa consommation dans les sociétés traditionnelles[19].
Plusieurs espèces bactériennes, dont le staphylocoque doré, la salmonelle, E. coli, sont neutralisées par différentes sortes d'argiles[26]. Le mécanisme bactéricide serait uneréaction de Fenton, qui conduirait à la multiplication par 20 de la concentration globale en fer dans la bactérie, ce qui lui serait fatal[1].
Les nano-tubes sont étudiés comme vecteurs pour transférer des molécules vers l'intérieur des cellules[1].
L'argile a permis à des brebis d'évacuer des contaminants radioactifs ingérés (césium), répartis artificiellement sur un terrain[19]. Au Japon lors de l'explosion de la bombe atomique, des docteurs (dont Nobuo Shioya) l'auraient utilisée en complément du charbon pour aider à protéger et détoxifier des patients des effets de l'irradiation[17] .
Les argiles médicinales sont largement utilisées en cosmétique, pour lesmasques de beauté.
Laterre-argile est un termeésotérique, associé notamment à l'emploi de l'argile pour ses propriétés thérapeutiques.
La pratique de certains peuples de la « régénérer » ou de la « charger en énergie » en l'exposant au soleil a été étudiée par la NASA. Celle-ci a montré qu’un bombardement d’argile par des charges énergétiques électrique et photonique modifie sa structure par acceptation d’électrons libres. Ceci pourrait être lié à la présence de la silice, impliquée dans le photovoltaïsme. Cette propriété a été reprise dans l'hypothèse de la participation de l'argile dans le mécanisme d'apparition de la vie[27].
L'argile est aussi utilisée en médecine vétérinaire. Des tests effectués sur des rats ont montré que, soumis à des toxiques, ils consommaient de plus en plus d'argile avec l'augmentation des doses[19].
Lagéophagie (consommation de terre argileuse) est courante chez certaines espèces dePsittacidés, ici dans le parc national de Yasuni, en Équateur.
L'argile, ciment des premiers desbétons au sens étymologique (béton de terre), est employée dans la fabrication de briques deterre crue,matériau de construction naturel essentiel des régions du globe où la végétation est rare, et notamment de la plupart des rivages méditerranéens[28]. C'est aussi le matériau principal dans les techniques detorchis,bauge,pisé,béton de terre,adobe, etc.
Laterre-papier est une argile contenant des fibres de cellulose, qui présente une grande résistance lorsqu'elle est sèche. La terre-papier, utilisée crue, est un matériau de création et de décoration qui adhère sur toute surface poreuse et peut recevoir des peintures, pigments et patines. Elle peut aussi être utilisée cuite ; elle est alors moins lourde que les autres argiles, plus résistante aux chocs thermiques, mais plus fragile contre les impacts.
La vermiculite est un excellent isolant thermique.
Les argiles peuvent être modélisées comme descolloïdes constituées de fines particules (micelles) portant chacune une charge électrique de même signe en suspension dans un milieu, l'autre colloïde du sol étant l'humus.Ces deux éléments s'associent grâce en particulier à l'action deslombrics pour former lecomplexe argilo-humique qui est la base du système permettant aux racines des plantes de puiser les éléments nourriciers du sol (cf. double-circuit descendant et ascendant de la sève).
L'argile a la propriété de se retrouver dans deux états réversibles :
elle peut être dispersée. Dans ce cas, elle s'infiltre entre les éléments sableux et ne se soude pas en agrégats. Avec la pluie, l'argile gonfle et empêche l'eau et l'air de pénétrer dans le sol. Le sol se glace. En séchant, le sol se fracture ;
elle peut être floculée. L'argile est agrégée en petites mottes. Dans cet état elle n'est pas diluée par l'eau. L'eau et l'air peuvent passer entre les agrégats. Avec la présence de l'argile les agrégats retiennent de l'eau.
Dans le sol, lecalcium (apporté si nécessaire par unchaulage) permet de floculer l'argile (entre autres). Ce calcium peut provenir de sels calciques ou dechaux. Le calcium Ca2+ ayant deux charges positives va pouvoir retenir deux micelles d'argile qui elle est chargée négativement.
Une fois ces paramètres intégrés, on comprend aussi que les actions mécaniques en eux-mêmes n'ont aucune influence sur ce phénomène. On peut, par exemple, laisser geler des mottes sans action à long terme sur les micelles d'argile, dès la première pluie le phénomène va se reproduire. Il sera nécessaire de prendre le problème dans son ensemble : une couverture appropriée (litière) qui protège et nourrit le processus humique, un travail racinaire qui décompacte et aère, un apport de matière organique et d'amendements à vocation structurante.
Dans tous les cas, lors d'uneculture sans labour, la fragmentation n'est pas l'objectif premier recherché, même s'il évite la traditionnelle semelle de labour. La fragmentation est le résultat de l'activité racinaire, qui est soutenue par tous les échanges de la rhizosphère. C'est aussi l'un des intérêts majeurs du recours à certainsengrais verts. Notons encore que le taux d'humus et l'usage d'amendements appropriés, outre le travail radiculaire, peut-être une solution complémentaire pour fragmenter un sol argileux compacté.En tout état de cause, chaque sol a son profil et son histoire, et « la » solution doit intégrer l'ensemble des données[29]. Si les vers de terre apportent aussi leur contribution à ce travail d'aération et de fragmentation en creusant leurs galeries, leur apport déterminant se situe dans le brassage des composés minéraux argileux, avec les composés humiques. Le composé humique (humus) est pour sa part le fruit d'un travail complexe, qui se développe depuis la litière et toute sa vie (faune et flore). Il associe aussi les champignons (notamment pour décomposer la cellulose et la lignine) et les bactéries incroyablement actives et irremplaçables au niveau de la rhizosphère qui permet l'humification des matières organiques, et par suite, la constitution ducomplexe argilo-humique.
LeCAH (complexe argilo-humique) permet l'association des deux colloïdes du sol. Il est beaucoup plus stable que la floculation unique, toujours grâce à l'action des liens ioniques.
À l'instar de n'importe quel paillage sur un sol vivant, l'incorporation debois raméal fragmenté est utile de ce point de vue, si l'on respecte l'ensemble du processus, les matières ligneuses doivent en effet se décomposer lentement en surface, pour relancer la création d'humus. Le facteur taille est important — on parle de « chips » —, car si on ajoute profondément dans le sol de grosses particules non décomposées, elles ne généreront pas l'humus recherché et les micelles d'argile en dispersion continueront à gonfler, asphyxier et se rétracter.
Lesengrais verts peuvent permettre de limiter le phénomène mais un bon drainage du sol argileux peut aussi s'avérer nécessaire, qu'il passe par un travail mécanique, par un amendement restructurant régulateur de son comportement hydrique, ou par l'adjonction d'arbres ou arbustes à enracinement plus profond.
Par ailleurs, un sol argileux présente l'inconvénient de se réchauffer moins vite au printemps. En effet, l'air chauffe plus vite que l'eau et un sol gorgé d'eau n'a plus d'air, donc se réchauffe moins vite. tout ce qui va aérer et restructurer ce sol sera donc utile.
L'argile a été utilisée pour permettre la consommation par l'homme d'aliments sauvages, tels lesglands non doux[30],[31],[32] ou les pommes de terre sauvages. Si ces aliments étaient consommés seuls, ils provoqueraient des problèmes digestifs, mais consommés avec de l'argile, ils deviennent digérables. Dans les Andes, les pommes de terre sont trempées dans de l'argile avant d'être ingérées[33],[34]. Dans cette optique, l'argile a été consommée par les Américains natifs, au Pérou, et en Italie[35].
En l'absence dulessivage des tanins qui permet à d'autres populations d'en diminuer drastiquement leur concentration et leur toxicité et permettre leur consommation, lesAmérindiensPomos deCalifornie (États-Unis) et les paysans de laSardaigne (Italie) ont mis au point la même recette : ils ajoutent de l’argile à la farine de glands dans une proportion de 10 à 15 %[36],[31]. Cuire les glands mélangés à l'argile réduit la toxicité des glands jusqu'à 77 %[31].
Le « traité des simples » dans la traduction de L. Leclerc mentionne la consommation de terre de Siraf et de terre de Nisabour[20].
Le frère Ramon Bueno rapporte que sur les rives de l'Orénoque, les argiles devenaient l'aliment essentiel de la population Ottomaque au cours des deux à trois mois de disette annuelle avec une consommation moyenne de près de 500 g/jour[19].
Des chercheurs enscience des matériaux travaillent sur l'intégration de l'argile comme « charges dites actives » dans despolymères. Les plaquettes d'argiles peuvent produire un renforcement (déviation des fissures dans les polymères « choc », c'est-à-dire devant résister aux chocs). Par ailleurs, elles peuvent gêner ladiffusion degaz, et notamment de gazcombustibles issus de lapyrolyse lors d'unfeu, améliorant ainsi la résistance au feu du polymère.
Certaines kaolinites très pures blanchissent la pâte à papier ; mais ce procédé est de moins en moins utilisé, au profit d'ajout decarbonate de calcium précipité (ou deDioxyde de titane).
En raison de la qualité et de l'épaisseur de la couche d'argile située àBure, à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne,le laboratoire souterrain de l'Andra[37] étudie l'implantation d'un centre de stockage profond pour les déchets dits de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL) à environ 500 mètres de profondeur. C'est une couche sédimentaire, compacte et imperméable, de couleur grise, d'âgecallovo-oxfordien au sein duJurassique ; elle date d'environ 160 Ma (millions d'années).
Des argiles fines (blanches et vertes, notamment), grâce à leur grand nombre de feuillets, forment une grande surface développée d’adsorption. Elles sont pour cette raison utilisées comme complément alimentaire, ou dans la composition (autour de 5,5 %) duchewing-gum[38], comme produit à appliquer sur la peau ou comme agents nettoyants ou adsorbants. Ces argiles, notamment si elles proviennent de sédiments ou de carrières polluées, peuvent contenir des contaminants, comme du plomb ou des dioxines, en quantité très significative.Un industriel français a dû abandonner l'argile verte surfine ultra-ventilée qu'il utilisait car sa teneur en plomb (11 à 26 mg/kg selon les analyses d'autocontrôle) dépassait systématiquement la teneur maximale règlementaire[39] de 3 mg de plomb par kg ainsi que pour les dioxines (4,4 à8,7 ng TEQ OMS98/kg de produit à 12 % d'humidité)[réf. nécessaire][24]. Selon Förstner et Wittmann (1979), le plomb est le métal qui a la plus forte capacité d’adsorption sur les argiles (en moyenne 18 mg/g[40]), maximale àpH 7 selon Eloussaief et Benzina (2010)[41]. Les sédiments argileux marins des grandes profondeurs en contiennent 80 mg/kg[40] et les argiles utilisées dans les chewing-gums de 11 à 26 ppm[42]. Des dioxines y ont aussi été trouvées ; les sols de France en contiennent de0,02 à1 pg TEQ OMS98/g (sol rural sec) et de0,2 à17 pg TEQ OMS98/g pour des sols secs urbains, et20 à60 pg TEQ OMS98/g sur sol sec en contexte industriel[42]. Les argiles ingrédients de chewing-gums en contiennent de4,4 à8,7 ng TEQ OMS98/kg ou pg TEQ OMS98/g, soit une teneur comparable à celle d'un sol urbain français[38].
Selon les modèlesin vitro de digestion humaine, 4 à 68 % (selon le type de sol) du plomb adsorbé sur argile ingérée est bio-accessible[43] (l'ANSES estime que moins de 10 % du plomb de l'argile verte d'un chewing-gum est désorbé dans l'organisme du consommateur). Chez plusieurs espèces de mollusques comestibles testés par Amiard[44], ce taux variait de 19 à 52 %. Il y a peu de données sur la bio-accessibilté des dioxines fixées sur des argiles, mais il existe des données sur lesPCB (dans ce cas la désorption lors de la digestion est de 30 à 40 %[43],[45].
L’Anses recommande« de limiter autant que possible tout apport additionnel et intentionnel en plomb. En conséquence, l’Anses ne peut émettre un avis favorable quant à l’usage alimentaire de telles argiles »[38].
Histoire des argiles, savoirs, croyances et religions
L'argile de poterie était utilisée par la civilisation suméro-akadienne (lesSumériens deMésopotamie). De petites boules d'argile étaient aplaties pour former un rectangle approximatif afin de pouvoir y inscrire de l'écriture cunéiforme.Les Sumériens utilisaient également des sortes de sceaux-cylindres. Ces objets étaient gravés à l'intaille, et lorsqu'on les faisait rouler en appuyant sur de l'argile, ils laissaient une empreinte en relief.
La cuisson en durcissant stabilisait les signes et entravait toute falsification de réécriture partielle.
La notion commune d'argile, aujourd'hui paradoxalementpolysémique et très complexe, provient de la science ancienne telle qu'elle était vulgarisée auXIXe siècle.Dans les manuels dechimie, tel celui deLouis Troost, l'argile pure était présentée comme une matière blanche, compacte, douce au toucher, plus ou moins difficilement fusible, avec quelques propriétés emblématiques, dont laplasticité, la contraction et le retrait dimensionnel à la chaleur, l'avidité d'eau de cette matière après calcination et même de surcroît une composition chimique moyenne Al205.2 SiO2. H2O.
Une argile est en effet plus ou moins plastique, car humidifiée ou mélangée avec l'eau, elle forme une pâte liante, facile à pétrir et à façonner avec précision, à l'instar d'une véritablepâte à modeler. Cette pâte, en se desséchant, se contracte et se fendille. L'argile chauffée subit un retrait dimensionnel d'autant plus important qu'elle a été chauffée ou portée à une température élevée. Le grand céramisteWedgwood a utilisé cette propriété de rétraction pour construire unpyromètre. L'argile calcinée absorbe l'eau avec rapidité, lesglycochimistes disent qu'elle happe la langue, c'est-à-dire qu'appliquée sur leur langue, cette matière desséchée absorbe la salive qui l'humecte.
Cette approche essentialiste est antérieure à l'essor de la reconnaissance des multiples structures atomiques complexes dévoilé par l'usage des spectres et l'imagerie auxRX[Quoi ?] entraînant à son tour les progrès nécessaires dans l'analyse chimique. Il est logique que cette démarche unitaire qui tente de regrouper les multiples produits de la décomposition en milieu aqueux du feldspath ou de multiples roches à une dégradation argileuse plus ou moins partielle avec les gisements de kaolin outerre à porcelaine, soit obsolète dans le monde scientifique actuelle. L'argile y est souvent soit oubliée, soit considérée comme un nom générique ancien, soit un simple mot encore utilisé dans un registre familier ou argotique.
Cette approche imprécise, qui marque encore l'enseignement élémentaire, et qui provient surtout à sa base de l'observation scientifique des arts et métiers spécifiques à l'argile sur une longue durée, n'est pourtant pas à oublier, car elle s'accompagne toujours d'une déclinaison en argiles ordinaires, où l'argile pure définie plus haut se retrouve avec des proportions variables de :
Les scientifiques observateurs des métiers expliquent globalement les propriétés par ces mélanges et justifient les noms techniques ou traditionnels (argiles plastiques, argiles smectiques, argiles figulines, marnes ou limons) que les professionnels ou les artisans ou maîtres paysans emploient, avec des indications complémentaires de pureté ou de proportions, de propriétés des matières additives naturelles ou artificielles. Plus une argile technique contient de chaux ou d'oxydes de fer, plus safusibilité est grande.
Ce sont les argiles ordinaires, relativement pures selon les critères chimiques duXIXe siècle, qui forment avec l'eau une pâte liante. Placées à la chaleur ou chauffées, elles acquièrent une dureté sans fondre ni s'écouler. Les argiles deDreux, deForges-les-Eaux ou deMontereau étaient souvent citées en exemple en France.
Elles servent communément aux fabriques de poteries, aux tuileries et aux briqueteries. Si ces argiles sont réfractaires à la cuisson, elles peuvent être employées pour fabriquer des briques réfractaires, des creusets, des dalles ou éléments de parois de fours… Les argiles réfractaires mélangées à laplombagine donnaient des pâtes réfractaires et résistantes pour les creusets de four à acier.
elles pouvaient être lavées de diverses façons, puis séchées ;
elles sont parfois raffinées (sélection des fines) durant le lavage ou par soufflage ;
elles pouvaient être broyées, voire re-broyées (pour accroître leur pouvoir collant) ;
elles étaient parfois laissées pourrir pendant plus de deux années ;
elles peuvent être stockées, étendues sur des plans de séchage et mise au repos à températures variées.
Cet art né de la manipulation, de l'observation et de la pratique complète et concrète du métier, du façonnage (test plastique à la main) à la sortie du four (test de cuisson, observation de surface type), a évolué suivant les époques et les contrées[n 5]. Les artisans les plus modestes anticipaient évidemment la tenue à la cuisson et la résistance de l'argile cuite en formulant leurs mélanges d'argiles, surtout s'il n'y avait qu'une cuisson pour garantir un aspect impeccable. En faïence et dans le champ des supports d'émaux, les propriétés thermo-mécaniques anticipées étaient moins exigeantes au niveau des surfaces pour les biscuits céramiques, car comme leur nom l'indique, ils sont cuits deux fois (bis), la seconde fois avec une couverte qui doit définir les caractéristiques de surface.
Ce sont les argiles ordinaires, considérées alors comme plus impures que les argiles plastiques, qui ne forment avec l'eau qu'une pâte peu liante. Leur fusion est plus élevée. Les terres d'Issoudun dans l'Indre et deVilleneuve enIsère sont citées en exemple.
Elles servent traditionnellement deterres à foulons ou de terres dégraissantes.
Ces argiles ordinaires qui forment également une pâte peu liante avec l'eau sont extrêmement fusibles. L'explication proposée est celle déjà citée la présence non négligeable de chaux et d'oxydes de fer. Les Parisiens connaissaient les argiles deVanves et deVaugirard.
Elles sont employées pour garnir en couches imperméables le fond des bassins, pour la fabrication des poteries grossières et des terres cuites banales. Certaines améliorées sont la terre glaise des sculpteurs.
Au sens ancien, déterminée logiquement de manière globalement imprécise par une multiplicité d'usages paysans, il s'agit d'un mélange, parfois naturellement rocheux, d'argile et decraie, voire de terres argileuses et de calcaires friables. Elles sont depuis l'époque gauloise valorisées en agriculture, pour l'amendement argileux, par exemple des champs trop sableux ou à complexe argilo-humique défectueux. L'opération se nomme encore marnage.
Cette terminologie paysanne ou biblique a été revue par les scientifiques, qui ont observé, dans leurs grandes éprouvettes en verre transparent remplies d'eau distillée, les limons les plus fins, qui une fois agités, restent indéfiniment ensuspension. Les scientifiques, à l'instar des hommes de la mer observant les eaux boueuses des fleuves se mélanger aux eaux salées, ont remarqué que l'adjonction de sels par exemple de calcium ou de magnésium, avaient un effet d'agrégation catastrophique sur ces particules fines engendrant leur précipitation et la formation de sédiments. Il s'agit, par ces coagulations singulières, des premiers pas en chimie-physique des colloïdes.
Bien avant les religions monothéistes, les mythologies de certains peuples ont placé l'argile ou le limon au fondement de la vie.Prométhée crée les hommes avec l'argile du potier.
« Nous avons certes créé l'homme d'un extrait d'argile, puis Nous en fîmes une goutte de sperme dans un reposoir solide. Ensuite, Nous avons fait du sperme une adhérence, et de l'adhérence Nous avons créé un embryon, puis, de cet embryon Nous avons créé des os et Nous avons revêtu les os de chair. Ensuite, Nous l'avons transformé en une tout autre création[48]. »
↑Le mot latinArgilla, argillae provient du grecάργιλος /árgilos, « argile de potier ». Le genre du mot latin ou français est féminin. Mais les prosateurs et les poètes l'ont mis parfois au masculin. Les adjectifsargileux,argilacé,argilifère marquent respectivement « ce qui contient de l'argile ou tient ses propriétés de l'argile », « ce qui a l'aspect de l'argile », « ce qui contient ou apporte de l'argile ».
↑L'argile verte est à distinguer des argiles blanches, à propriétés réfractaires comme lekaolin, qui ne devient la matière première de laporcelaine qu'auXVIIIe siècle.
↑On exclut ici leszéolithes car leurs structures d'assemblage restent tridimensionnelles quelles que soient leurs tailles et leurs propriétés.
↑Y compris les plus lointaines. Lire les liens internes.
↑[Bischof 1906]Carl Bischof,Les Argiles réfractaires, gisements, composition, examen, traitement et emploi au point de vue des produits réfractaires en général, Paris, éd. H. Dunod et E. Pinat,, surateliercarthuses.fr(lire en ligne),p. 85.
↑ab etcL'argile qui guérit - Mémento de médecine naturelle, Raymond Dextreit,(ISBN978-2-7155-0067-9).
↑Plus de 120 Témoignages sur l'Argile qui Guérit, Raymond Dextreit,(ISBN978-2-7155-0166-9).
↑abcdef etgJade Allègre,Les Silicates d’alumine (argiles) en thérapeutique : Une pratique coutumière ancienne relayée dans la médecine moderne (thèse de médecine),(lire en ligne),p. 33,43, 54,55,77,78, 84 à 86
↑ab etcNicoleLiewig, Celso de Sousa FigueiredoGomes, MehrnazKatouzian-Safadi et MichelRautureau,Argiles et santé: propriétés et thérapies, Éd. médicales internationales-Lavoisier,(ISBN978-2-7430-1202-1)
« The Pomo Indians in California and natives of Sardinia used similar methods to make acorn bread (2, 2 1). The Pomo mixed clay with the ground meal of bitter acorns (principally Quercus lobata) in a ratio of 1 : 10-1 :20 by volume. Water was added to make a dough, and small loaves were baked gently in an earth oven for12 h. Breads were made without clay from nonbitter acorns or from meal from which tannic acid was removed through a leaching process. (…) Recipes used by the Pomo called for clay: acorn ratios of 1:10-1:20 by volume (“- 1 :5- 1:10 by weight). (…) Cooking acorns with clay reduces the toxicity of acorns caused by protein precipitation by as much as 77% . »
↑Voyages en Corse, à l'île d'Elbe, et en Sardaigne par M. Valery, Hauman,(lire en ligne).