L'architecture de la Renaissance, née enItalie, gagne progressivement tous les autres pays d'Europe entre le début duXVe siècle et le début duXVIIe siècle. Elle procède d'une recherche consciente et de l'assimilation d'éléments historiquement authentiques de la pensée et de la culture matérielle desGrecs et desRomains. En effet, l'époque antique apparaît aux érudits italiens de cette période comme l'apogée de tous les arts. Pourtant, ils ne cherchent pas à simplement l'imiter, mais à s'en inspirer pour l'égaler, voire la surpasser. Ce retour à l'Antiquité est appelé « hellénisme » (du mot « hellène » qui désigne le peuple grec).
Du point de vue de l'esthétique, l'architecture de la Renaissance succède à l'architecture gothique et sera suivie elle-même par l'architecture classique. Apparu d'abord àFlorence avec les innovations deFilippo Brunelleschi, le style Renaissance gagna en peu d'années les autres cités-États de la péninsule ; à la faveur desguerres d'Italie, il touche la France, puis les Flandres, le Saint-Empire, les Balkans, l'Angleterre, la Russie en exerçant une influence variable et contrastée d’une région à l’autre.
Le style Renaissance met en valeur les notions desymétrie, deproportion, de régularité et d'équilibre des motifs, tels que les humanistes ont cru pouvoir les déceler dans les vestiges de l’architecture de l’antiquité classique, et de l’architecture romaine en particulier. Les ordres decolonnes (colonne dorique,colonne ionique,colonne corinthienne), la position despilastres et deslinteaux, de même que les voûtes en plein cintre, lesdômes hémisphériques, lesniches, trompes etédicules se substituent aux formes irrégulières, disparates et rarement préméditées des édifices médiévaux. Les artistes de cette époque sont polyvalents et cherchent à obtenir le savoir absolu, aussi bien pour ce qui concerne l'ingénierie, lesarts ou laphilosophie[1].
Bien que ce terme deRenaissance ne retrouve un écho à l'époque contemporaine qu'avec l'historienJules Michelet, c'est le SuisseJacob Burckhardt qui, quelques années plus tard, donne dans son livreLa Civilisation de la Renaissance en Italie (1860)[2], l’interprétation la plus magistrale des réalisations de cette période de l'histoire. Pour l'architecture, le recueil de planches in-folio dePaul Letarouilly, intituléÉdifices de Rome moderne ; ou Recueil des palais, maisons, églises, couvents et autres monuments (éd.Firmin Didot, 1840) a joué un rôle décisif dans le regain d'intérêt pour cette période[3].
Cette période voit la redécouverte et l'imitation encore partielle et maladroite de l'architecture romaine antique (cf. infra : § Traits distinctifs de l'architecture Renaissance), à la fois à partir de l'observation des ruines romaines, et du déchiffrement dude architectura deVitruve. Les peintres italiens contemporains explorent, simultanément, les possibilités de laperspective linéaire.
L'utilisation de l'espace connaît un bouleversement : à laconception médiévale de la nature hostile et imparfaite (conséquence dupéché originel) se substitue une organisation géométrique et logique du terrain disponible : forme et rythme des édifices sont désormais de plus en plus dictés par des principes de symétrie et de proportion, plutôt que par l'intuition et l'opportunisme des bâtisseurs médiévaux. Le premier exemple de cette nouvelle attitude esthétique est labasilique San Lorenzo de Florence exécutée parFilippo Brunelleschi (1377–1446)[7].
C'est au cours de laHaute Renaissance que les architectes et humanistes conceptualisent l'architecture à l'ancienne. Le recours aux motifs à l'antique se fait plus sûr. L’architecte le plus significatif de cette période estBramante (1444–1514) qui, le premier, montre les possibilités pratiques des ordres anciens dans l'architecture de son temps. Sonéglise San Pietro in Montorio (1503) est directement inspirée par letemple romain circulaire décrit chez Vitruve. Pour autant, Bramante ne fut pas l'imitateur servile des Romains : ses choix personnels devaient faire autorité dans l’architecture italienne jusqu'auXVIe siècle[8].
Lapériode maniériste est celle qui suit la mort deRaphaël (1520) et lesac de Rome (1527). Au cours de cette période, les architectes expérimentent très librement avec les motifs architecturaux : leur but n'est plus la conformité aux traditions, mais la création, à partir des règles connues, de nouvelles tensions dans la matière et les volumes. L’idéal d’harmonie de la Renaissance donne cours à des modes d'expression libres et variés. L'architecte emblématique du style maniériste est certainementMichel-Ange (1475–1564), inventeur de l’Ordre colossal, caractérisé par l’extension des pilastres du sol au dernier étage de la façade[9], qu’il employa notamment pour leCampidoglio à Rome.
Alors que l’« architecture à l'antique » commençait à se diffuser hors d’Italie, la plupart des autres pays d'Europe voyaient naître des modes d'expression réellement post-médiévaux ; ces pays ont naturellement imprimé leur marque et leurs traditions architecturales propres au nouveau style, si bien que les édifices de la Renaissance présentent une grande variété à travers les régions d'Europe.
En Italie même, les mutations de l’architecture Renaissance vers le Maniérisme, marquées par les innovations divergentes des Michel-Ange, Giulio Romano et Andrea Palladio, devaient mener vers un style que l'on qualifia de « baroque » (d'un mot portugais signifiant « grossier, mal équarri ») ; le vocabulaire de l'architecture à l'antique se conserva, mais perdit toute référence à l'art des Romains.
L’architecture baroque se diffusa hors d'Italie et murit bien plus vite que le style Renaissance un siècle plus tôt : elle s'exprima dans des colonies aussi éloignées de son berceau d'origine que leMexique[11] ou lesPhilippines[12].
Les édifices de la Renaissance sont généralement à plan carré, un parti-pris de symétrie où les longueurs des côtés résultent généralement de calculs à partir de lanotion de module. Pour une église, ce « module » est souvent la largeur d'une aile. On attribue ordinairement àFilippo Brunelleschi la préoccupation de combiner les proportions en plan avec celles de la façade, quoique ce savant artiste ne parvînt jamais véritablement à appliquer pratiquement cette contrainte. Le premier édifice à la satisfaire est labasilique Saint-André de Mantoue, l’un des chefs-d'œuvre deLeon Battista Alberti. L'adoption du plan prémédité dans l’architecture profane ne s'imposa qu'auXVIe siècle et culmine avec l’œuvre dePalladio[14].
Lesfaçades de la Renaissance présentent un axe de symétrie vertical. Les façades des églises sont fréquemment surmontées d'unfronton et divisées régulièrement (« rythmées ») de pilastres, d’arcs et d’entablements.Baies et colonnes dessinent une progression vers le centre. L'une des premières façades authentiquement Renaissance fut la cathédrale dePienza (1459–62), attribuée à l’architecte florentinBernardo Gambarelli (son nom d'artiste est « Rossellino », litt. le « Petit Roux »), mais où l'on croit déceler l'influence d’Alberti.
Les hôtels particuliers sont souvent surmontés d’unecorniche. Les ouvertures ponctuent régulièrement les différents étages, et la porte, au centre de la façade, est surlignée par un balcon ou des ornements rustiques. La façade dupalais Rucellai (1446 puis 1451), à Florence, avec ses trois registres depilastre, est l'un des premiers hôtels de ce genre, et elle a été souvent copiée par la suite.
On utilise pour la conception des colonnes les troisordres grecs :dorique,ionique etcorinthien, auxquelsSebastiano Serlio et ses successeurs ajoutent deux autres ordres : letoscan et lecomposite. Ces ordres peuvent avoir une fonction structurale, comme base d'une arcade ou d'unearchitrave, ou être purement décoratifs, engagés dans une muraille. L’un des premiers édifices à employer des pilastres engagés est laVieille Sacristie (1421–1440) de Brunelleschi.
Les arcs sont soit enplein-cintre, soit (dans le style maniériste) surbaissés. Ils se déclinent souvent en arcades, supportées par des murets oucolonnes. Alberti fut l’un des premiers à employer les arcs à l'échelle monumentale, comme à labasilique Saint-André de Mantoue. Les voûtes ne comportent plus de nervure. Ce sont des voûtes (en plein-cintre ou surbaissées) à plan carré, à la différence des voûtes gothiques, qui étaient le plus souvent à plan rectangulaire. Lavoûte en berceau réintègre la grammaire architecturale (là encore, labasilique Saint-André est caractéristique).
Le dôme, rare au Moyen Âge, retrouve sa place dans l'architecture européenne grâce à l’exploit de Brunelleschi sur lacathédrale Santa Maria del Fiore et à l’usage qu’en a fait Bramante à labasilique Saint-Pierre de Rome (1506). Le recours au dôme devient fréquent pour les églises, non seulement parce que c'est une structure immédiatement reconnaissable, mais aussi pour recouvrir des espaces entièrement intérieurs à l'édifice. Plus tard, il trouve des applications à l'architecture civile avec laVilla Rotonda de Palladio[15].
Les portes comportent des linteaux carrés. Elles peuvent s’inscrire dans une arche ou être surmontées d’un fronton, triangulaire ou surbaissé. Les entrées dépourvues de porte sont le plus souvent des arches dont levoussoir de clef est mis en valeur par une pierre plus massive ou un ornement quelconque (bucrane par exemple).
On abandonne le vitrail. Les fenêtres vont par paire et s’inscrivent dans des arcs en plein-cintre. Elles comportent des linteaux carrés et sont surmontées de frontons triangulaires ou surbaissés, souvent en alternance. Lepalais Farnèse de Rome, commencé en 1517, est caractéristique à cet égard.
Au cours de la période maniériste, le recours à l’arche « palladienne », une ouverture surmontée d'un arc en plein-cintre et flanquée de deux baies plus petites surmontées d'un fronton carré, connut une vogue croissante.
Les murs extérieurs sont généralement en maçonnerie deparpaings soigneusement appareillée, par assises horizontales. Les angles de l'immeuble sont fréquemment soulignés par unchaînage d'angle àbossage. Les raccords se font en principe à angle droit (les angles obtus ou aigus sont désormais proscrits). Le rez-de-chaussée est ordinairement destyle toscan ou rustique, comme on peut le voir sur cet édifice modèle qu'est lepalais Medici-Riccardi (1444–1460) de Florence. Les cloisons intérieures, peintes à lachaux, sont lisses et de ton uni. Dans les salles d’apparat, les cloisons sont décorées à lafresque.
Lesmurs appareillés, linteaux, meneaux, moulages, etc. sont sculptés avec une extrême précision : en effet, le respect scrupuleux et l’imitation de l'art des Anciens constituent des traits caractéristiques de l'architecture de cette période. L'exécution des ordres d'architecture imposait la sculpture d'une ornementation très précise, tant par la forme que les dimensions (respect du « module »). En ce domaine, les architectes étaient plus ou moins sourcilleux sur la conformité aux canons antiques, et il est vrai que dans certaines situations, les règles n’étaient données ni chez Vitruve, ni inscrites dans les ruines : c’était particulièrement le cas pour les chaînages entre deux murs. Autour des portes et des fenêtres, les moulages étaient plus souvent en saillie qu’engagés dans des niches, comme dans le gothique ; au contraire, les effigies sculptées ou statues étaient posées dans des niches ou destrompes, ou reposaient sur desplinthes. Contrairement à l’architecture médiévale, elles ne sont plus solidaires de leur socle[16].
La relation église-palais-place est placée au centre de la réflexion. Les rues sont perçues non seulement comme un régulateur de flux, mais également comme un moyen d’afficher son prestige, d’où l’élaboration de façades spécifiques. La ville, en plus des églises et hôtels particuliers(palazzi), s’orne de villas et de places publiques.
Les sources d'inspiration de l'architecture Renaissance en Italie
L’Italie duXVe siècle, et plus particulièrement la cité deFlorence, fut le berceau de la Renaissance. Le nouveau style architectural s'y démarqua d'emblée dugothique par une recherche consciente d'un petit nombre de constructeurs, désireux de faire renaître un « âge d'or » révolu : celui de l'Antiquité romaine. Les recherches des érudits (particulièrement Alberti) sur l'architecture des Romains s'inscrivaient dans le mouvement général de l'Humanisme. Plusieurs facteurs expliquent ce renouveau.
Le baptistère de Florence, de style roman, suscita les premières interrogations de Brunelleschi sur la représentation en perspective.
Déjà au Moyen Âge, les architectes italiens marquaient une préférence pour les formes clairement définies et des choix structurels raisonnés[16] : on le voit sur plusieurs édifices romans de Toscane, comme le baptistère de Florence ou la cathédrale de Pise.
L’Italie n'adopta jamais entièrement les canons du style gothique en architecture. Hormis lacathédrale de Milan, qui fut essentiellement l'œuvre de constructeurs germaniques, peu d'églises italiennes présentent cette quête de la verticalité, les gerbes de pinacles, la pierre sculptée et les croisées d'ogives qui caractérisent l’architecture gothique des autres pays d’Europe[16].
La présence, surtout à Rome, de vestiges des édifices romains témoignant de ce qu'avait été lestyle classique, devait inspirer les artistes à un moment où la philosophie, elle-même, redécouvrait leplatonisme[16].
L'expansion commerciale deFlorence,Venise etNaples en Méditerranée permit aux artistes de voyager. Florence exerça en particulier une profonde influence surMilan, etvia Milan, sur leroyaume de France.
Avec la fin de la détention des papes enAvignon, en 1377, Rome retrouva sa richesse et son rayonnement politique. Simultanément, la Papauté retrouvait son autorité en Italie, fait confirmé par la tournure que prit leconcile de Constance, en 1417. Les papes postérieurs, et tout particulièrementJules II (1503–13), cherchèrent dès lors à étendre leurpouvoir temporel dans la Péninsule[18].
AuXIVe siècle, larépublique de Venise contrôlait les routes de commerce avec l’Orient. Quant aux grandes villes d’Italie du Nord, elles tiraient leur prospérité du commerce avec le reste de l’Europe,Gênes étant le principal port maritime pour le commerce avec la France et l’Espagne ;Milan etTurin devenaient d’importants carrefours commerciaux et possédaient de nombreuses forges.
Florence, avec ses moulins à foulon installés sur l'Arno, était un des plus importants débouchés de la laine anglaise et l'industrie du drap fit la fortune de la ville. Après sa victoire surPise, elle disposa d'un débouché maritime et bientôt concurrença activement Gênes.
Au milieu de cette prospérité commerciale, une famille de négociants commença à s'intéresser à une activité encore plus lucrative : leprêt à intérêts. LesMédicis devinrent pour un siècle les banquiers de toutes les grandes familles princières d’Europe, et bientôt, par leurs relations et leur puissance financière, parvinrent eux-mêmes à se faire admettre dans l’aristocratie. Le développement des routes commerciales, protégées militairement compte tenu des enjeux financiers, permirent aux artistes, savants et philosophes de voyager dans une relative sécurité[18].
Le retour des papes à Rome en1377 rendit à cette ville sa place de métropole européenne tout en suscitant une nouvelle ferveur religieuse dans le Latium. Vers1450, on entreprit la construction de plusieurs églises et, au siècle suivant, les chantiers se multiplièrent, cette fièvre constructive atteignant son apogée à l’âge baroque : la construction de lachapelle Sixtine et la reconstruction de l’église Saint-Pierre, l’une des plus considérables de la Chrétienté, s’inscrivent dans ce mouvement[19].
Pour l’opulenteRépublique florentine, la construction d’églises procédait moins de la ferveur religieuse que d’un sens civique de l’honneur national : c’est qu’en effet, l’inachèvement de l’énorme cathédrale dédiée à laVierge Marie n’honorait guère la cité placée sous son patronage. Lorsque la bourgeoisie parvint à réunir les moyens techniques et financiers permettant d’en terminer la construction, l’extraordinaire dôme couronnant l’édifice ne fut plus seulement un hommage à la Sainte Vierge : il fit le prestige, non seulement de son architecte, de l’aristocratie et du clergé local, mais aussi des Guildes qui l’avaient financé et des ouvriers des différents quartiers qui avaient pris part au chantier. Le succès de ce dôme suscita l’engouement pour la construction de nouvelles églises à Florence.
Les débuts de l’imprimerie, la redécouverte de nombreux écrits des Anciens, l’exploration outre-mer et l'extension des routes commerciales bouleversèrent les connaissances et suscitèrent un goût renouvelé pour les Lettres[16]. La prise de conscience que les philosophies antiques étaient sans rapport avec le christianisme et ses principes théologiques est une des racines de l’Humanisme qui, s'il admet que Dieu a instauré et maintenu le Cosmos ordonné, pose en principe qu’il appartient à l’Homme d'instaurer et de maintenir un ordre social[20].
Cosme l’Ancien, fondateur de la Banque Médicis, finança de sesdeniers la construction de plusieurs édifices publics (portrait posthume parPontormo).
Par l’Humanisme, le sens civique, le respect et la participation au maintien de l'ordre social s’imposèrent comme les nouvelles marques de citoyenneté. L’implication des particuliers dans la vie de la cité s'est traduite de façon spectaculaire à Florence par la construction de l’Hôpital des Innocents de Brunelleschi, avec son élégante colonnade reliant cette institution de charité au jardin public, et celle de labibliothèque Laurentienne, où la collection de livres et de manuscrits des Médicis était libéralement mise à disposition des érudits de l’Europe entière[21].
Les guildes, à l’origine de la prospérité de la ville, commanditèrent elles aussi l’édification de plusieurs édifices religieux. Le dôme construit par Brunelleschi pour lacathédrale de Florence appartenait, plus qu’aucun autre édifice, au peuple dans la mesure où la construction de chacun des huit segments de la coupole avait été payée par un quartier différent de la ville[16],[21].
Au contact des humanistes, les grandes fortunes comprirent que, de même que l’Académie de Platon àAthènes, il appartenait aux hommes favorisés par la fortune et l'éducation de participer à la promotion de l'enseignement et des arts. Ainsi, les familles patriciennes —lesMédicis de Florence, lesGonzague de Mantoue, lesFarnèse de Rome, lesSforza de Milan, réunirent autour d'elles des cénacles de savants et d'artistes, dont elles assuraient à la fois le bien-être matériel et la notoriété[21].
Au cours de la Renaissance, l’architecture cessa d'être une simple pratique professionnelle pour devenir un sujet de discussion entre citoyens instruits. Les architectes eux-mêmes publièrent leurs idées et l’imprimerie joua un grand rôle dans la diffusion de leur discours théorique :
le premier traité moderne d’architecture fut leDe re aedificatoria deLeon Battista Alberti (1450). Inspiré en partie duDe architectura deVitruve (dont on venait de redécouvrir un manuscrit dans la bibliothèque d'une abbaye suisse en 1414), il s'en démarque cependant par un ordre différent des matières et de nombreuses vues personnelles de l'auteur. LeDe re aedificatoria fut aussi le premier livre d'architecture imprimé (1485).
Sebastiano Serlio (1475 † vers 1554) est l'auteur du traité qui popularisa la notion d'ordre d'architecture. Le premier volume de son « Canon général d’architecture […] » (Regole generali d'architettura) parut à Venise en 1537; on le cite fréquemment comme le « Quatrième livre » de Serlio, car l'auteur projetait initialement un traité général en sept livres. Au total, il ne devait finalement paraître que cinq livres.
En 1570,Andrea Palladio (1508 † 1580) publiaLes Quatre Livres de l'architecture (I quattro libri dell'architettura) àVenise. Ce livre imprimé connut une grande diffusion à travers l'Europe et fit connaître les idées de la Renaissance dans les îles Britanniques.
Tous ces livres, qui mettaient en valeur les principes, les idées et les innovations des maîtres au détriment de la tradition et des techniques matérielles, étaient bien davantage destinés aux mécènes ou aux clients potentiels (princes ou riches négociants), qu'aux architectes. Ils firent de l'architecture une discipline noble, et non plus un travail de maçon.
On attribue généralement àFilippo Brunelleschi (1377–1446) le mérite d'avoir inauguré la Renaissance en architecture[22]. La ligne fondamentale de l’œuvre de Brunelleschi peut se résumer au concept d’« ordre ».
Il semblait aux curieux que, contrairement aux constructions gothiques contemporaines, les vestiges de monuments de la Rome antique respectaient des règles mathématiques simples. L'une semblait absolument irréfragable : l'emploi systématique devoûtes en plein-cintre. Les voûtes à arc brisé gothiques présentaient, elles, des rapports hauteur-largeur très variables, et il n'était pas rare que les arcs d'une même église présentent des angles dépareillés.
Manetti rapporte[23] que c'est par l’observation attentive des vestiges de l’architecture romaine que Brunelleschi finit par s'intéresser à la symétrie et au respect de certaines proportions entre les parties d’un édifice et les dimensions de l'ensemble, chaque partie possédant son jeu de proportions propre[24],[25]. Brunelleschi obtint l'appui de plusieurs riches négociants florentins, dontCosme de Médicis et la guilde dessoyeux.
Le premier projet confié à Brunelleschi fut la réalisation de la couverture de lacroisée du transept de lacathédrale inachevée de Florence, commencée auXIVe siècle parArnolfo di Cambio. Bien qu'on considère cette cathédrale comme l'un des tout premiers édifices de la Renaissance, il faut signaler que Brunelleschi, par delà l'audace de son projet de dôme en brique, continua d'y employer l'arc brisé et les nervures d'ogive, typiques de l'art gothique, et dont apparemment Arnolfio avait envisagé l'emploi. Pour autant, si cette construction se rattache, stylistiquement parlant, au gothique, il est tout aussi vrai que son dôme a été inspiré par le grand dôme duPanthéon de Rome, car Brunelleschi, lorsqu'il chercha la solution structurale à son problème de couverture, n'a pu manquer d'y penser.
L’intrados de la coupole monocoque du Panthéon romain est élégi en plafond à caissons, ce qui allège considérablement la structure. Les divisions des caissons font nervures, quoique cela soit imperceptible visuellement. Enfin le sommet du dôme est ajouré par une ouverture circulaire de 8 m de diamètre. Brunelleschi avait ainsi la démonstration qu'un dôme de taille énorme peut se passer d'unvoussoir de clef. Le poids du dôme en brique de Florence est reporté sur huit grandes nervures et seize nervures internes, les briques étant appareillées en arête de poisson. Malgré la différence entre les techniques employées, le Panthéon comme la coupole de Florence reposent sur une armature dense de nervures supportant une coque allégée au maximum (caissons pour le Panthéon, double coque avec espace intérieur pour leDuomo) ; en outre, les deux coupoles sont ajourées à leur sommet[16].
Il n’y a sans doute pas de meilleure illustration du nouveau credo architectural qu'auxéglises de San Lorenzo etSanto Spirito de Florence. Ces deux églises, dessinées par Brunelleschi vers 1425 et 1428 respectivement[26], sont toutes deux à plan encroix latine. Elles respectent la règle du module, c'est-à-dire que chaque portion de l'édifice est un multiple du côté de l'aile à plan carré. Cette longueur unité contrôle aussi les dimensions verticales de l'édifice. Dans le cas de Santo Spirito, dont le plan est entièrement régulier, les transepts et le chancel sont identiques, tandis que la nef en est une version étirée. En 1434, avec l’église Santa Maria degli Angeli de Florence, Brunelleschi inaugura le premier bâtiment de la Renaissance à plan centré. Elle s'articule autour d'unoctogone central, entouré de huit chapelles plus petites. Par la suite, plusieurs églises adopteront des variantes de ce schéma[27].
Michelozzo Michelozzi (1396–1472), autre architecte pensionné desMédicis, reste comme le maître d’œuvre dupalais Medici-Riccardi, qui lui fut commandé parCosme de Médicis en 1444. Une décennie plus tard, il édifiait la Villa Médicis deFiesole. Parmi les autres projets qu'il réalisa pour Cosme l'Ancien, il convient de citer la bibliothèque du couvent San Marco, à Florence. Il suivit un temps son mécène en exil à Venise, et fut l'un des premiers architectes à exporter le style Renaissance hors d'Italie, avec la construction d'un palais àDubrovnik[19]
L’ornementation du Palais Medici-Riccardi, avec ses baies à fronton et ses portes en renfoncement, reste classique mais, contrairement aux réalisations de Brunelleschi et d’Alberti, lesordres de colonne ont l'air absents. Michelozzo a plutôt répondu à la prédilection des Florentins pour l’appareil rustique. À chacun des trois étages, il décline un appareil différent semblant répondre à une logique vitruvienne d'ordre, le tout étant surmonté d'une énorme corniche romane en surplomb de 2,50 m au-dessus de la rue[16].
LeDe re ædificatoria du théoricienLeon Battista Alberti, né à Gênes (1402–1472), exerça une influence décisive sur l'histoire de l’architecture. Un des principaux aspects de l’Humanisme était l’intérêt pour la nature, et en particulier pour l’anatomie humaine, science déjà cultivée par les Grecs de l'Antiquité. L'Humanisme mettant l'Homme au centre du Monde, Alberti considérait l'architecte comme un acteur social majeur[19].
Il dressa les plans de plusieurs édifices, mais à la différence de Brunelleschi, il dédaignait la pratique et délégua la direction des chantiers à ses assistants. Miraculeusement, l'un de ses chefs-d’œuvre, labasilique Saint-André de Mantoue, fut achevé sans dévier des intentions initiales du maître ; l'égliseSaint-François deRimini, destinée à remplacer une église gothique et qui aurait dû, comme Saint-André de Mantoue, posséder une façade rappelant l'arc de triomphe romain, connut un tout autre sort et resta inachevée[19].
Cette basilique Saint-André offre une architecture vivante tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Sa façade triomphante présente les plus violents contrastes : l'ornementation des pilastres, non-fonctionnelle, qui sert juste à en distinguer les différentes parties, est peu protubérante, ce qui contraste avec l’arche profondément encastrée dessinant un gigantesque portique autour de l’entrée. La taille de cette arche s'oppose aux deux ouvertures surmontées d'un carré qui l'encadrent. Les jeux d'ombre et de lumière jouent à plein effet sur la façade grâce à l'ornementation très plate et à ce porche au relief presque exagéré. Pour l'architecture intérieure, Alberti a supprimé lanef et lescollatéraux traditionnels pour leur substituer une majestueuse progression alternant arches élevées et berceaux à plan carré, qu'on peut voir comme un miroir du motif d’« arc de triomphe » de sa façade[28].
À Santa Maria Novella, il lui était demandé de terminer l'ornementation de la façade. Son projet était prêt fin 1456, mais sa réalisation s'étala jusqu'en 1470. La partie inférieure de la façade comportait des niches dans la plus pure tradition gothique et des motifs en marbre bichrome (vert et blanc crème). Il fallait aussi à l'artiste intégrer un grandoculus en extrémité de nef. Alberti respecta tout simplement le travail de ses devanciers sur l'ouvrage, d'autant que la tradition florentine des façades polychromes était fermement établie avec le plus célèbre monument de la ville d'alors, à savoir lebaptistère de San Giovanni. Les ornements, de par cette richesse de couleurs, sont donc très peu sculptés, mais la division en rectangles et les motifs encarte à jouer autour de l'oculus créent une manière d'ordre architectural[16]. Alberti est aussi le premier à joindre les toitures des collatéraux à celui de la nef par deux grandesvolutes, qui deviendra unleitmotiv de l’architecture nouvelle pour résoudre le problème du nivellement de la façade entre deux parties de hauteur inégale[29].
Entre la fin duXVe et le début du XVIe siècle, quelques architectes :Bramante,Antonio da Sangallo le Jeune, etc. parvinrent à renouveler l'élan originel du siècle précédent et surent exprimer leurs idées dans toutes sortes d'édifices : églises, hôtels particuliers(palazzi) très différents de ce qui s'était fait jusqu'alors. L’ornementation se fit plus chargée, la statuaire, les dômes et lescoupoles gagnant en exubérance.On appelle cette période, qui coïncide avec la carrière desLéonard de Vinci,Michel-Ange etRaphaël, la « haute Renaissance ».
Bramante, (1444–1514), natif d’Urbino, délaissa la peinture pour l’architecture. Pendant 20 ans, il fut au service du duc de MilanLudovic Sforza. À la chute deMilan en 1499, Bramante partit pour Rome et, sous la protection des papes, connut la gloire[19].
Le chef-d’œuvre de Bramante à Milan est la combinaison du transept et du chœur de l’église Santa Maria delle Grazie de Milan. Il s'agit d’une structure en brique dont la forme s'inspire énormément de la tradition nord-italienne desbaptistères en dôme à plan carré. L'église est à plan centré à ceci près que, compte tenu des particularités du site, le chancel dépasse l'étendue du transept. Les naissances de son dôme hémisphérique, d'environ 20 m de diamètre, sont cachées par untympanoctogonal ajouré au niveau supérieur de baies en voûte. Les ornements des parements extérieurs sont faits de carreaux encéramique locale. Toujours dans leduché de Milan, Bramante a conçu le dôme (construit des siècles plus tard) et la crypte (achevée en 1492) de lacathédrale de Pavie[31].
À Rome, Bramante construisit leTempietto du cloître deSan Pietro in Montorio, un édifice circulaire qu'il qualifiait lui-même de« joyau architectural[16] ». Ce modeste temple, qui occupe l’emplacement supposé du lieu desupplice de l'apôtreSaint Pierre, adapte l'ornementation retrouvée sur les ruines dutemple de Vesta, le plus sacré de la Rome antique. Il contraste spatialement avec le cloître qui l'entoure entièrement. Lorsque l’on s'en approche depuis le cloître, on voit qu'il est bâti dans une cour comportant arcs et colonnes, dont il est un écho.
Bramante poursuivit sa carrière auVatican, où il réalisa les impressionnantscortile deSaint-Damase et duBelvédère. En 1506, le projet de Bramante pour la reconstruction de laBasilique Saint-Pierre fut choisi par lepape Jules II, et il put suivre les travaux des fondations. Après plusieurs modifications du plan d'origine, l'un de ses successeurs sur le chantier,Michel-Ange, rétablit les idées de Bramantecf. infra : § Michel-Ange.[16]
Antonio da Sangallo le Jeune (1485–1546) était issu d'une famille d'ingénieurs militaires. Son oncle,Giuliano da Sangallo, qui avait concouru en vain pour la reconstruction de la basilique Saint-Pierre, obtint pour un temps la codirection des travaux aux côtés deRaphaël[19].
Antonio da Sangallo proposa à son tour ses services pour Saint-Pierre ; à la mort de Raphaël, il devait obtenir la direction des travaux ; son successeur à ce poste sera Michel-Ange.
Raphaël d’Urbino (1483–1520) fut apprenti chezLe Pérugin àPérouse avant de s'établir à Florence. Il fut pendant quelques années architecte en chef deSaint-Pierre de Rome, avec pour collaborateur Antonio Sangallo. Il exécuta les plans de plusieurs édifices dont la plupart furent parachevés par d'autres. Son projet le plus fameux est le Palais Pandolfini de Florence, avec ses deux étages percés de fenêtres « entabernacle », séparées les unes des autres par des pilastres, soulignées de corniches et d'une alternance de frontons en arc et triangulaires[16].
Lemaniérisme en architecture est marqué par les audaces artistiques de quelques grands noms :Michel-Ange,Jules Romain,Baldassarre Peruzzi etAndrea Palladio, qui marquent autant de jalons vers lestyle baroque, lequel sera pourtant d'une rhétorique toute différente de celle de la Renaissance.
Baldassarre Peruzzi, (1481-1536), architectesiennois actif à Rome, marque la transition entre la Haute Renaissance et le maniérisme. SaVilla Farnesina (1509) est un cube monumental à deux niveaux égaux, dont les baies sont soulignées par des pilastres respectant la hiérarchie des ordres. Cette résidence se signale par l’abondance des fresques dans la décoration intérieure[16].
Mais le chef-d’œuvre de Peruzzi est sans doute lePalais Massimo alle Colonne de Rome, dont la façade courbe épouse les contours de la voirie attenante. Le rez-de-chaussée comporte un grand portique centré parallèle à la rue, mais enchâssé dans un renfoncement, qui d'ailleurs servit longtemps d'abri aux nécessiteux. Des trois étages supérieurs, les deux premiers comportent les mêmes rangées de petites fenêtres délicatement encadrées de linteaux très discrets, provoquant un contraste d'autant plus fort avec la masse sombre du porche[29].
Giulio Romano (1499–1546), élève de Raphaël, l’assista pour de nombreux édifices du Vatican. Romano était un architecte inventif et pluridisciplinaire : lepalais du Te, à Mantoue (1524–1534), qu'il exécuta pourFrédéric II de Gonzague, témoigne de ses talents de sculpteur et de peintre. Il y combina la construction d'unegrotte, l'aménagement de jardins, de pièces aux multiples fresques, où il joue sans cesse d’effets d’illusion, provoque le visiteur par l’incongruité architecturale des thèmes, des formes et des textures, et par une recherche voulue du déséquilibre et de l'invraisemblable. Ilan Rachum voit dans Romano« l’un des pionniers du maniérisme[19]. »
Michelangelo Buonarroti (1475–1564) est l'un des géants de la période ; ses créations marquent la haute Renaissance. Il excellait tout à la fois en peinture, sculpture et architecture et pour toutes ces disciplines, sa production a bouleversé les conceptions traditionnelles. Il doit sa réputation d’architecte principalement à trois chantiers : la décoration intérieure de labibliothèque Laurentienne, le vestibule du monastère San Lorenzo de Florence, et labasilique Saint-Pierre de Rome.
Saint-Pierre fut« la plus grande création de la Renaissance[16] », mais si plusieurs grands noms de l'architecture s'y illustrèrent, son état abouti porte davantage l'empreinte de Michel-Ange que celle d'aucun autre.
Le plan retenu à la pose de lapremière pierre en 1506 était de Bramante ; ensuite plusieurs changements furent introduits par les architectes postérieurs, mais Michel-Ange, lorsqu'il se chargea du projet en 1546, décida de revenir au plan en croix grecque de Bramante et redessina les piliers, les murs et le dôme, donnant aux infrastructures basses des proportions plus massives et éliminant les allées, identiques au transept, rayonnant autour du chancel.Helen Gardner(en) résume ainsi le choix de l'artiste :« Michel-Ange, en quelques traits de plume, l'a débarrassé d'une gangue floconneuse pour en faire un ensemble massif et cohérent[21]. »
Le dôme de Michel-Ange, véritable chef-d’œuvre d’invention, emploie une double coque raidie sur nervures couronnée, comme le Duomo de Florence, d'unetour-lanterne massive. Pour l’extérieur de l’édifice, il imagina un nouvel ordre d'architecture : l’ordre colossal, où toutes les proportions des baies extérieures sont définies, l'ensemble étant relié par une large corniche qui court ininterrompue comme un ruban autour des toits.
Il existe une maquette du dôme, où l'on peut voir que sa coque externe aurait dû être hémisphérique. À la mort de Michel-Ange, en 1564, le tambour d'appui de la coupole de la basilique était tout juste terminé. Or l’architecte suivant,Giacomo della Porta, réalisa une coupole beaucoup plus élevée que ce qu'indique la maquette : on y voit généralement une initiative de ce della Porta, destinée à diminuer les poussées aux naissances ; mais il est tout à fait plausible, y compris au plan stylistique, que le choix de cette ligne plus aérienne soit le fait de Michel-Ange lui-même[32]
Lamaniera de Michel-Ange n'apparaît nulle part mieux que dans le vestibule de la bibliothèque Laurentienne. Il s'agissait d'y accueillir la collection de manuscrits du couvent deSan Lorenzo de Florence, l’église même dontBrunelleschi avait bouleversé l'architecture et où il avait, le premier, édicté les règles d'emploi desordres classiques et de leurs différents ornements. Précisément, Michel-Ange va s'emparer des règles de Brunelleschi et les plier à son propre génie.
La bibliothèque proprement dite se trouve à l'étage : c'est une pièce très allongée avec des plafonds décorés, auxquels répond un plancher carrelé que les successeurs de Michel-Ange réaliseront dans l'esprit du créateur. Mais malgré sa taille, cette pièce est gracieuse, illuminée par la lumière naturelle éclatant à travers une longue rangée de baies rythmées par des pilastres courant le long des murs. Le vestibule est vaste, plus haut que large et encombré d'un grand escalier qui semble, telle une « coulée de lave » (pour reprendre une image dePevsner) éjecté de la bibliothèque et s'évase en trois directions lorsqu'il rejoint la balustrade du rez-de-chaussée. L'impression de majesté de ces escaliers est rehaussée par le fait que les marches de la volée centrale sont plus élevées que celles des côtés (elle ne comporte donc que huit marches au lieu de neuf).
Compte tenu de l'impression d'encombrement du vestibule, on aurait pu s'attendre à ce que les murs soient rythmés par des pilastres semi-engagés ; mais Michel-Ange a préféré employer des paires de colonnes qui, au lieu de s'appuyer fièrement sur la cloison, sont profondément enfoncées dans des niches. À l'église San Lorenzo toute proche, Brunelleschi avait déjà employé desconsoles en tasseau pour rompre la monotonie de l'entablement horizontal de l’arcade. Michel-Ange emprunte ce motif à Brunelleschi et fait reposer chaque paire des colonnes en niche sur des paires de consoles entasseau.Pevsner écrit à ce sujet:« La Laurenziana… décline le maniérisme architectural sous son jour le plus sublime[29],[33]. »
Giacomo della Porta, (c.1533–1602) reste comme l’architecte qui a effectivement construit le dôme de la basilique Saint-Pierre. On continue de spéculer sur la paternité des modifications survenues entre le dôme actuel et la maquette, attribuées tantôt à della Porta, tantôt à Michel-Ange.
Della Porta effectua pratiquement toute sa carrière à Rome, où il concevait villas, hôtels particuliers et églises dans le style maniériste. L'une de ses réalisations les plus célèbres est la façade de l’Église du Gesù, projet qui lui fut confié par son maître,Vignole. Plusieurs traits de la conception d'origine y ont été préservés, avec des modifications subtiles pour donner davantage de poids à la partie centrale, où della Porta emploie, parmi différents motifs, un fronton triangulaire surmontant l'arc surbaissé du porche d'entrée. L'étage et son fronton donnent l'impression d'écraser la base. La partie centrale, comme à Saint-André de Mantoue, reprend le motif de l'arc de triomphe, mais avec deux divisions horizontales comme àSanta Maria NovellaCf.supra : § Alberti.. La jonction des collatéraux à la nef est traitée avec les volutes d’Alberti, contrairement au projet de Vignole qui prévoyait destasseaux beaucoup plus modestes et quatre statues pour couronner les paires de pilastres, afin de donner davantage de volume aux collatéraux. L’influence du Gésù se fera sentir sur toutes les églises baroques d'Europe.
Andrea Palladio (1508–1580), que l'historien britannique B. Fletcher n'hésite pas à qualifier d’« architecte le plus influent de toute la Renaissance[16] », est un tailleur de pierre qui découvrit l'humanisme par le poèteGian Giorgio Trissino. Le premier projet qu'on lui confia fut la reconstruction de labasilique palladienne deVicence, enVénétie, région où d'ailleurs il devait accomplir toute sa carrière par la suite[19].
Portant un regard de maçon sur les pratiques de l'Antiquité, Palladio bouleversa les tendances architecturales dans la construction des palais comme des églises. Tandis que les architectes, à Florence et à Rome, recherchaient des modèles formels dans leColisée ou l’Arc de Constantin, Palladio réduisait la structure des temples romains à leur péristyle ; et chaque fois qu'il employa le motif en “arc de triomphe” pour dégager une entrée encadrée par deux baies rectangulaires, il en limitait la taille, contrairement aux arcs monumentaux d'Alberti à l'église Saint-André : on parle ainsi d’arche palladienne[34].
L'édifice profane le plus connu de Palladio est lavilla Capra, aussi appeléeRotonda, un hôtel particulier à plan centré au vestibule couvert d'un dôme, comportant quatre façades identiques, dont chacune s'orne d'un portique de temple semblable à celui duPanthéon de Rome[35]. À lavilla Cornaro, le portique protubérant de la façade nord et laloggia en niche côté jardin s'intègrent chacun à leur propre étageconformément aux ordres, l’étage supérieur faisantbalcon[36].
Pour ce qui est de la façade des églises, Palladio, de même qu’Alberti, della Porta et d'autres, dut résoudre le problème de la combinaison optique des collatéraux à la nef tout en conférant à l'édifice une unité structurelle ; seulement là encore, la solution trouvée par Palladio se distingue radicalement de celle d'un Della Porta : à labasilique San Giorgio Maggiore de Venise, il superpose à un temple bas et large un temple très élevé dont les colonnes se dressent sur de hautes plinthes, et dont l’étroit linteau et les pilastres se mêlent à l’ordre colossal de la nef centrale[16].
En Italie, la transition de l’architecture depuis la Renaissance florentine au Baroque semble s’être faite sans à-coups : Pevsner n'écrit-il pas, évoquant le vestibule de la bibliothèque Laurentienne, qu’« on a souvent pu affirmer que les motifs muraux font de Michel-Ange le père du Baroque » ?
Mais si la continuité a été de règle en Italie, cela n'a pas toujours été le cas ailleurs. L’adoption du style Renaissance en architecture a été parfois très lente puis s'est accomplie sur une période très brève, comme on peut le voir en Angleterre. En effet, au moment même où le papeJules II faisait abattre l'ancienne Basilique Saint-Pierre pour reconstruire un édifice à son goût,Henri VII adjoignait une nouvelle chapelle de stylegothique perpendiculaire à l’Abbaye de Westminster ; puis lorsque le style qu'on allait appeler baroque naquit dans l'Italie du début duXVIIe siècle, les premiers édifices de style authentiquement Renaissance voyaient le jour à Greenwich et Whitehall[37], après une longue période d’expérimentation avec les motifs à l'antique, combinés aux formes anglaises traditionnelles, ou, réciproquement, après l’adoption de structures « Renaissance » dans l'ignorance totale des règles qui président à leur emploi. Et enfin, tandis que les Anglais commençaient à peine à découvrir les règles du Classicisme, les Italiens essayaient de s'en libérer. Dans l'Angleterre post-Restauration (celle des années 1660), la mode architecturale changea de nouveau et le goût du Baroque s'affirma. Ainsi, plutôt qu'une évolution progressive comme en Italie, le baroque arriva en Angleterre « armé et casqué ».
Pour plusieurs contrées d'Europe où les constructions classiques, inspirées par exemple de l'église Santo Spirito de Brunelleschi ou dupalais Medici-Riccardi de Michelozzo, étaient sans exemple, l’architecture baroque prit racine sans transition, à la suite d'un style post-médiéval local[38]. L'expansion du style baroque et l'éradication de l'architecture traditionnelle ou Renaissance est particulièrement manifeste dans les pays gagnés à laContre-Réforme[29].
Si la première moitié duXVIe siècle fut marquée par la primauté économique et militaire de la France et de l’Espagne[39], la fin du siècle vit l'émergence des Provinces-Unies, de l'Angleterre des Tudor, du Saint-Empire et de la Russie. C'est dans cet ordre que ces nations se mirent à acclimater chez elles le style Renaissance, comme marque de leur prestige culturel. Cela explique également qu'il ait fallu attendre au moins le début duXVIe siècle pour que le style Renaissance commence à s'exprimer hors d’Italie.
La Renaissance enFrance commence dès la fin de laguerre de Cent Ans et lachute de Constantinople en 1453[41],[42]. Différents styles s'affirment plus tard et se décomposent traditionnellement en quatre parties. Le premier acte est lestyle Louis XII (1495-1530 environ) formant la transition entre lestyle gothique et laRenaissance. Ce premier style fléchit pourtant dès 1515, surtout dans leVal de Loire, où la pleine acceptation de laRenaissance italienne se fait sentir plus rapidement. Comme enItalie, trois phases se démarquent alors jusqu'au début duXVIIe siècle, une Première et Seconde Renaissance française s'achevant par lemaniérisme[40].
Durant la première partie du règne deFrançoisIer (cf.châteaux de la Loire)[16],[25], de nombreux architectes italiens sont invités à la cour. Sous leur influence, lesmaîtres-maçons français bâtissent de nombreux châteaux en adaptant l'architecture de laRenaissance italienne aux styles régionaux et aux contraintes climatiques de laFrance (par exemple par ajout de hautes toitures). Leschâteaux de la Loire en sont l'exemple le plus connu, tout comme lechâteau d'Écouen, bâti parAnne de Montmorency à son retour des guerres d'Italie. Tous ces châteaux, d'une manière générale, sont caractérisés par le caractère militaire très médiéval dans la forme, accompagné d'une décoration dite « à l'italienne ».
Malgré ces survivances, le coup fatal sera donné en1526 avec la création, parFrançoisIer, de l'École de Fontainebleau. Cette nouvelle vague d'artistes italiens, plus nombreux qu'auparavant, va avoir une grande influence sur l'art français, en créant une véritable rupture de par les innovations de ces artistes aussi bien dans la décoration intérieure que dans l'application plus savante des ordres antiques en architecture. Lesarchitectes qui, à l'époque dustyle Louis XII et de laPremière Renaissance, étaient desmaîtres-maçons traditionalistes et plein de verve, sont à partir des années 1530 des savants et des lettrés.
Aile Sud duchâteau d'Écouen, construite en 1550 par Jean Bullant.
D'une manière générale, l'Europe se pacifie considérablement après labataille de Nancy, en 1477, qui éradique la possibilité d'émergence d'un État puissant entre royaume de France etSaint-Empire romain germanique. Cette période de paix est favorable à la création artistique ; c'est à ce moment qu'apparait une première Renaissance lorraine (palais des ducs de Lorraine) dont l'âge d'or sera le règne du ducCharles III de Lorraine avec la création de l'université de Pont-à-Mousson ainsi que l'édification de la ville-neuve deNancy, œuvre urbanistique originale puisqu'elle établit une nouvelle ville juste à côté de la ville médiévale. La Renaissance dans leduché de Lorraine prendra fin avec laguerre de Trente Ans (1618)[48].
Aux alentours de 1564, les artistes français se défont de la tutelle italienne et les architectes français réalisent les grands travaux de laRenaissance française tardive.
Formant un ultime écho de la Renaissance et de l'humanisme enFrance, cette dernière phase s'écarte du classicisme par sa fantaisie créative, qui peut justifier pour ce style l'appellation demaniériste. Au moment même où commencent lesguerres de Religion, qui seront marquées par lemassacre de la Saint-Barthélemy, le pessimisme et le scepticisme envahissent les hommes et les artistes de pure formation humaniste. Les penseurs antiques de référence deviennentles stoïciens de préférence àPlaton. Si l'humanisme survit, sa philosophie profonde évolue, tout en étant reprise et repensée par laContre-Réforme catholique[49].
Comme pour laperspective, l’architecture de la Renaissance n'a gagné les Pays-Bas qu'assez lentement, et n'a d'ailleurs pas entièrement supplanté le style gothique.Cornelis Floris de Vriendt, l'architecte de l’Hôtel de ville d'Anvers (terminé en 1564) était directement inspiré par les maîtres italiens. Le style parfois appelé « maniérisme anversois », qui conserve des liens formels avec legothique flamboyant, mais avec des baies plus grandes, une ornementation florale et des ornements empruntés à la Renaissance italienne, est celui qu'on retrouve majoritairement à travers toute l'Europe du Nord, en Allemagne, ainsi que dans l’architecture élisabéthaine en Angleterre, et il s'inscrit dans une tendance artistique plus large, lemaniérisme nordique. Il se caractérise notamment par l'apparition dupignon à volutes richement travaillé et souvent hérissé d'obélisques, qui est en fait une adaptation des ancienspignons flamands gothiques avec des motifs italianisants.
Dans les Pays-Bas septentrionaux, qui deviendront en 1581 lesProvinces-Unies,Hendrick de Keyser s'imposa comme l'un des pères de laRenaissance amsterdamoise, caractérisée par la prévalence de hautes maisons avecpignon à gradins (trapgevel) qui représente une survivance prégnante de l'architecture médiévale, ou l'emploi systématique de frontons triangulaires élancés vers le haut (en écho au pignon) au-dessus des portes et des hautes fenêtres. L'ornementation des façades est d'un relief généralement peu marqué, « encuir découpé », figure de style qui vient de l’École de Fontainebleau. Cette mode gagna d'ailleurs l’Angleterre également[16],[25].
L’architecture de la Renaissance ne gagna l'Angleterre que sous le règne d’ÉlisabethIre, par lesPays-Bas, où elle s'était enrichie d'ornements spécifiques comme lepignon à volutes flamand et lecuir découpé à motifs géométriques pour la décoration murale. Le nouveau style se décline en grandes maisons carrées et élevées commeLongleat House.
Le premier grand architecte anglais d'inspiration italienne est sans contesteInigo Jones (1573–1652), qui avait étudié en Italie à un moment où l’influence de Palladio était à son paroxysme. Jones rentra en Angleterre plein d’enthousiasme pour la nouvelle architecture et entreprit d'emblée de l'appliquer : cela donna laMaison de la Reine deGreenwich en 1616 et laMaison des banquets deWhitehall trois ans plus tard. Ces chefs-d'œuvre, avec leur ligne dépouillée, révolutionnèrent par leur symétrie appuyée les conceptions Outre-Manche, car ils contrastaient dans un pays jusque-là enamouré de baies àmeneaux, decréneaux et detourelles[16],[50] (cf. l'articleStyle Tudor).
C'est par les Flandres que l’architecture de la Renaissance fit son chemin en Scandinavie : on y retrouve les hautes façades à pignon et un goût pour les châteaux, comme le montre l'exemple du palais de Frederiksborg. Pour cette raison même, lestyle néo-Renaissance des pays scandinaves s'inspire des mêmes modèles.
Au Danemark, l’architecture de la Renaissance s'épanouit sous les règnes deFrédéric II et deChristian IV. Inspirés par les châteaux de la Loire, les architectes flamands imaginèrent des chefs-d'œuvre comme le château de Kronborg àElseneur et lepalais de Frederiksborg (1602–1620) à Hillerod, le plus grand édifice Renaissance de Scandinavie.
En Suède, le coup d’État deGustaveIer Vasa et les débuts de laRéforme protestante mirent un coup d'arrêt à la construction de château et d'hôtels aristocratiques, mais virent naître les magnifiques châteaux de la dynastie des Wasa. Ils étaient édifiés à des emplacements stratégiques, autant pour contrôler le territoire que pour accueillir une cour itinérante. Les châteaux de Gripsholm, de Kalmar et de Vadstena se signalent par la fusion d'éléments médiévaux et Renaissance.
L’architecture en Norvège a été marquée par le désastre que fut lapeste noire à la Renaissance, qui mit un coup d'arrêt à la construction : aussi, on ne trouve que de rares exemples d'édifices Renaissance dans ce pays ; les plus connus sont la tour Rosenkrantz deBergen ; labaronnie Rosendal deHardanger ; le manoir d'Austrat, qui leur est contemporain, près deTrondheim ; enfin certaines parties de la forteresse d'Akershus.
L’architecturefinnoise ne comporte aucun monument Renaissance significatif.
La Renaissance des terres d'empire germanophones se manifeste en réalité de manière certes moins spectaculaire, mais toujours visible aujourd’hui dans l'architecture civile et urbaine en dehors des châteaux, des manoirs et autres résidences luxueuses : elle est intimement liée aux cités commerçantes et florissantes de laHanse (qui atteint son apogée pendant la Renaissance) ou des voies de commerce internationales majeures, de même qu'aux villes impériales libres ou certaines cités épiscopales. Cela se manifeste d'abord par le maintien de la tradition plutôt médiévale de la place du marché centripète et identitaire où les maisons des dignitaires locaux comme celles des négociants adoptent les nouvelles pratiques architecturales de la Renaissance pour afficher leur poids politique et/ou économique. Par la suite, le style baroque se greffera de manière plus ou moins importante suivant les régions. On observe assez clairement la cohabitation des deux styles sur la même place centrale dans l'ancienne ville impériale libreSchwäbisch Hall[51].
Les villes commerciales allemandes sont les premières à adopter le style "antiquisant" de la Renaissance dès les années 1630. Les marchands agrémentent leur maison des nouvelles formes comme les frontons. Cependant, ce n'est qu'après laGuerre de Trente Ans (1618-1648), que les villes se modernisent réellement. Les bâtiments publics, qui avaient conservé jusqu'alors les formes et l'agencement des pièces de l'architecture médiévale adoptent petit à petit les nouveaux ornements jusqu’à en être recouvert[51].
En fonction du degré de destruction du bâti urbain pendant les différentes guerres qui se sont succédé en terres d'empire depuis la Renaissance, on peut aujourd’hui encore admirer des petites villes, voire des villages, autrefois plus nantis, avec des rues composées quasi complètement de pignons Renaissance. C'est le cas par exemple dans les cités concernées par laRenaissance de la Weser comme Lemgo ou Detmold. Au Nord, la pierre domine même si certaines maisons à colombage westphalien en imposent par leur décoration. Au Sud les grandes façades à colombage agrémentées d'encorbellements impressionnants sont les représentants du colombage Renaissance des hôtels de ville, des maisons de guilde ou de grandes auberges. Lamaison Kammerzell de Strasbourg est un bon exemple de ce type d'architecture du quotidien. La maison de Dürer à Nuremberg donne un exemple du modèle à colombage sur rez-de-chaussée en pierre[52]. La maison du graveur et peintre de la Renaissance Lucas Cranach l'Ancien à Weimar[53] illustre le style en pierre, de même que le pignon de l'auberge qui est juste à côté, aujourd’hui monument historique.
En Espagne, la Renaissance commença à se démarquer du gothique dans les dernières décennies duXVe siècle, pour donner naissance au style dit « plateresque », parce que les façades surchargées évoquaient aux yeux des contemporains les motifs ornementaux faits d'entrelacs desorfèvres, lesPlateros. Ordres vitruviens et motifs à candélabre (a candelieri) sont librement combinés en blocs symétriques.
Comme en Espagne, l’adoption du style Renaissance au Portugal fut graduelle. Lestyle dit Manuelin (vers 1490–1535) combinait à des motifs à l'antique des ornements proprement gothiques avec l'incorporation superficielle d'ornements exubérants semblables augothique isabélin d’Espagne. Parmi les exemples d'art Manuelin, il y a lieu de citer latour de Belém, un ouvrage défensif de style gothique comportant desloggias Renaissance, et lemonastère des Hiéronymites, dont les ornements Renaissance décorent les portails, les colonnes et le cloître.
Les premières structures purement Renaissance apparaissent sous le règne duroi Jean III, comme la chapelle de Nossa Senhora da Conceição àTomar (1532–40), laPorta Especiosa de lacathédrale de Coimbra et laGraça Church àÉvora (vers 1530–1540), de même que le cloître de la cathédrale deViseu (c. 1528–1534) et lecouvent du Christ de Tomar (cloître Jean III, 1557–1591). ÀLisbonne, l’église Saint-Roch de Lisbonne (1565–87) et lemonastère de Saint-Vincent de Fora maniériste (1582–1629), influencèrent très fortement l’architecture religieuse, tant au Portugal que dans les colonies au cours des siècles postérieurs[16].
La cour duchâteau du Wawel est typique de la première Renaissance polonaise.
au cours de la seconde période (1550–1600), marquée par les débuts dumaniérisme et l’influence des Flandres, particulièrement enPoméranie, le style Renaissance se généralisa. Parmi les constructions de cette époque, il y a lieu de mentionner laHalle aux Draps de Cracovie, les hôtels de ville deTarnów,Sandomierz,Chełm (aujourd’hui disparu) et le plus célèbre de tous, celui dePoznań.
De façon inattendue, l'une des régions d'Europe touchées le plus tôt par l’architecture de la Renaissance aura été leroyaume de Hongrie. Le nouveau style se manifesta après le mariage du roiMatthias Corvin et deBéatrice de Naples en 1476. Plusieurs artistes etmaçons italiens suivirent la reine et vinrent s'établir àBuda. Le plus important édifice religieux de la Renaissance en Hongrie est la chapelle Bakócz dans lacathédrale d'Esztergom[56].
En 1485 le tsar Ivan III chargeaAlosius de Milan de construire lepalais des Térems dans l'enceinte du Kremlin. Aloisius, de même que plusieurs de ses compatriotes, contribua également pour une large part à la construction desremparts et destours du Kremlin. La petite salle de banquet destsars, appelée lepalais à Facettes doit son nom à la taille « en diamant » de la pierre blanche qui recouvre sa façade, est l’œuvre de deux artistes italiens,Marco Ruffo etPietro Solario, et reflète là encore le style italien. En 1505, un Italien appelé en russeAleviz Novyi édifia 12 églises pour Ivan III, dont lacathédrale de l'Archange-Saint-Michel de Moscou, remarquable par l'alliance des traditions russes, et des exigences du culte orthodoxe, et du style Renaissance.
AuXVe siècle, l'actuelleCroatie était divisée en trois pays : le Nord et le centre de la Croatie et de laSlavonie étaient rattachés auroyaume de Hongrie, tandis que laDalmatie (à l’exception de la ville libre deDubrovnik), était sous domination de larépublique de Venise. Lacathédrale Saint-Jacques deŠibenik, fut commencée dans le style gothique en 1441 parGeorges le Dalmate(Juraj Dalmatinac). De construction inhabituelle, la maçonnerie se fait sans mortier, les parpaings,pilastres etnervures étant liaisonnés par destenons etmortaises comme dans la charpente traditionnelle. En 1477 le chantier, encore inachevé, fut poursuivi parNikola Firentinac qui respecta le mode de construction et les plans de son prédécesseur tout en dotant l'église de hautes baies, de voûtes et d'un dôme de style Renaissance. La combinaison d'un arc brisé, avec deux arcs en plein-cintre plus bas pour les collatéraux, confère à la façade ses motifstrilobe caractéristiques, les premiers du genre dans la région[57]. La cathédrale a été enregistrée auPatrimoine mondial de l’UNESCO en 2001.
Tout comme lestyle néogothique, leXIXe siècle vit l’épanouissement dustyle néo-Renaissance ; et si le style gothique était considéré par plusieurs théoriciens de l’architecture[58] comme le plus propre aux églises, la villa de la Renaissance donna désormais le ton pour les édifices civils en quête de dignité et de crédibilité comme les banques, les clubs bourgeois et les immeubles haussmanniens[59]. Les édifices pour lesquels on recherchait une expression de grandeur, comme lepalais Garnier, sont souvent de style maniériste ou baroque. Dans le domaine de l'architecture industrielle, les usines, grands magasins et immeubles de bureau ont perpétué la ferveur pour lepalazzo Renaissance jusque très avant dans leXXe siècle avec lestyle néo-Renaissance et ses références appuyées à la Renaissance italienne[29],[60].
↑Banister Fletcher, dans son ouvrage « Some architectural histories », va même jusqu'à considérer le Baroque comme une quatrième phase de la Renaissance ; mais cette période, compte tenu de sa durée, de la diversité de ses modes d'expression et de sa signification par rapport au Classicisme, sera écartée de cet article.
↑Ce mot italien qui signifie littéralement « années quatorze-cent », c'est-à-dire, pour nous, leXVe siècle.
↑D'aprèsF. et Y. Pauwels-Lemerle,L'Architecture à la Renaissance, Paris, Flammarion,coll. « Tout l'Art »,, 256 p. ; on trouve en anglaisEarly Renaissance, qui renvoie surtout à l’architecture vénitienne, où la transition d'un style médiéval byzantin au style Renaissance s'est effectuée de façon beaucoup plus fluide qu'à Florence. Cf. à ce sujet John McAndrewVenetian Architecture of the Early Renaissance (Cambridge: The MIT Press, 1980).
↑Howard Saalman.Filippo Brunelleschi: The Buildings. (Londres, Zwemmer, 1993).
↑Arnaldo Bruschi.Bramante (Londres, Thames and Hudson, 1977).
↑Frédérique Lemerle, « L'entablement dorique du théâtre d'Arles et la diffusion du modèle dans l'architecture de la Renaissance. »,Bulletin Monumental,vol. 154,no 4,,p. 297-306(lire en ligne).
↑abc etdAndrew Martindale,Man and the Renaissance, 1966, Paul Hamlyn.
↑abcdefg ethIlan Rachum,The Renaissance, an Illustrated Encyclopedia, 1979, Octopus,(ISBN0-7064-0857-8).
↑abcd eteRobert Erich Wolf and Ronald Millen,Renaissance and Mannerist Art, 1968, Harry N. Abrams.
↑D’aprèsRoss King,Brunelleschi's Dome : How a Renaissance Genius Reinvented Architecture, Penguin Book,, 194 p.(ISBN978-0-14-200015-1),chap. 14 (« Debacle at Lucca »),p. 119 :« And in 1428 he had begun rebuilding the Augustinian church of San Spirito, which hen planned to encircle with no fewer than thirty-six chapels, each belonging to a different family... »
↑Giovanni Fanelli,Brunelleschi, 1980, Becocci editore Firenze
↑D'aprèsJosephRykwert, « Leonis Baptiste Alberti »,Architectural Design, Holland Street, Londres,vol. 49,nos 5–6, 19xx.
↑Pevsner et H. Gardener sont d'avis, en effet, que Michel-Ange aurait d'abord opté pour une coupole haute, comme au Duomo de Florence, avant de revenir vers la fin de sa vie au principe de la coupole hémisphérique, mais que della Porta serait revenu au concept originel de Michel-Ange. Mignacca, au contraire, affirme que le dôme en pointe aurait été la touche finale apportée par Michel-Ange pour résoudre l'apparente tension entre les lignes de la basilique…
↑a etbJean-Pierre Babelon,Châteaux de France au siècle de la Renaissance, Paris, Flammarion / Picard, 1989/1991, 840 pages, 32 cm(ISBN978-2-08-012062-5).