On distingue l'aquarelle, transparente, de lagouache,opaque. Cette transparence permet de l'utiliser pour apporter de la couleur à une image sur papier, on appelle ces techniques selon le casdessin,gravure,lithographie aquarellés ou avecrehauts d'aquarelle[1].
Par sa légèreté et la possibilité d'une exécution rapide, l'aquarelle est une technique artistique de choix pour les notations de terrain. Toutefois, elle se prête à la réalisation de véritables œuvres, qui peuvent être entièrement réalisées à l'aquarelle.
Enpeinture, on appellecouleurs aussi bien les matières colorées que l'impression qu'elles produisent sur la vue[2]. Les couleurs d'aquarelle se présentent soit en godets de couleur sèche soit en tubes de couleur pâteuse. Laformulation comprend despigments, un liant soluble dans l'eau, et des additifs destinés à faciliter l'application et la conservation.
Échantillons de liant et de pigment
Pigment
Les pigments sont généralement les mêmes que ceux utilisés pour les autrestechniques picturales, bien que l'indice de réfraction de certains pigments comme lesmalt les rendent impropres à la dispersion dans l'huile, alors qu'ils peuvent sans inconvénient s'utiliser dans lafresque et les procédés à l'eau[3]. Au contraire, l'acidité du liant exclut certains pigments, qui pourraient virer ou devenir solubles dans l'eau (PRV1).
Les fabricants proposent soit des couleurs avec un seul pigment, soit des mélanges de pigments qui resteront mêlés à l'application, propriété qui dépend de propriétés physiques des pigments.
L'aquarelle se distingue de la gouache par sa transparence. Cette propriété est en rapport avec lataille des particules de pigment et leur indice de réfraction. Plus les grains sont petits et l'indice, faible, plus la couleur est transparente. Cependant, même les pigments très opaques comme lerouge anglais (Colour Index PR101), lejaune de chrome (PY34), le bleucæruleum (PB35), lenoir de fumée (PBk6) deviennent transparents lorsqu'ils sont très dispersés (McEvoy). Les tubes ou les emballages de godets portent une indication de catégorie d'opacité : « transparente » (□), « semi-transparente » (⧄), « semi-opaque » (◩) ou « opaque » (■).
Liant
Les liants sont la plupart du temps des mélanges. Ils comprennent principalement despolysaccharides, autrefois lagomme adragante, depuis longtemps plutôt lagomme arabique (PRV1). On y ajoute de laglycérine pour donner un aspect mat (Béguin 1990). L'amidon ou ladextrine, que certains fabricants remplacent par lemiel[4] rendent la pâte plus maniable. Le liant restesoluble dans l'eau après séchage, contrairement au liantprotidique de l'encre de Chine et similaires utilisés comme l'aquarelle enlavis.
Charges
Les charges, rares en aquarelle, influencent l'opacité et certains effets de surface comme l'aspect métallique ounacré.
Additifs
Lefiel de bœuf, un agent mouillant, facilite la dispersion des particules de pigment dans le liant et l'adhérence des couleurs sur le support ; des agents conservateurs etfongicides tel que le clou de girofle, évitent les moisissures.
L'aquarelle n'est pas forcément une technique rapide. La durée d'exécution d'une aquarelle varie d'un artiste à l'autre. Si une aquarelle peut-être réalisée assez rapidement, certains travaillent leur tableau pendant plusieurs semaines.Blanche Odin travaillait ses bouquets plusieurs jours d'affilée[5].
Une aquarelle peut-être corrigée mais on ne peut pas recouvrir une couleur sombre avec une couleur claire. Plus on ajoute de couches, plus la luminosité locale baisse. Bien qu'on puisse, dans une certaine mesure, alléger la pigmentation sur un endroit, il est nécessaire d'anticiper les zones lumineuses avant de commencer à peindre. L'artiste peut réaliser plusieurs croquis, études et recherches de couleurs avant de peindre.
Le travail à l'aquarelle se fait sur papier vierge, avec tout au plus une mise en place légèrement tracée aucrayon dans le cadre d'un croquis réalisé en plein air. Le dessin peut être plus abouti, à mesure que les sujets abordés sont complexes, en atelier notamment. Les artistes peuvent lever des croquis coloriés sur le motif, avant d'exécuter l'aquarelle proprement dite sur papier vierge.
Avant de peindre une aquarelle en atelier, l'artiste peut vérifier sa composition par une étude de valeur complétée par une étude de couleur[6].
Lorsque d'un trait de pinceau, on dépose l'aquarelle sur le support, les pigments sont d'abord ensuspension dans le milieu aqueux. Ils se déposent ensuite progressivement au creux des aspérités du papier tout comme des sédiments charriés par une rivière. Tant que le papier reste humide, des pigments flottent encore dans le liquide. Il est toujours possible d'intervenir si l'on ne perturbe pas la couche des pigments déjà déposés[7].
Lorsque le papier est sec, la transparence de l'aquarelle s'impose. Elle résulte des différences d'épaisseur des strates de pigments sur le papier. Peu de pigments sur les crêtes et davantage dans les creux. C'est ce gradient qui crée cette « vibration » si particulière.
L'aquarelle peut être utilisée afin de pratiquer lapeinture sur le motif. Le faible encombrement du matériel et la possibilité d'une exécution technique rapide la rend commode pour des travaux en extérieur.
La technique sèche est la plus ancienne. Son principe est d'étaler délicatement la peinture très diluée sur le support de façon à laisser transparaître la couleur du fond. Une fois les premiers tons posés et après séchage complet on s'intéresse aux éléments de détails de plus en plus précis en utilisant des couleurs moins diluées et en prenant soin d'aller des tons les plus clairs vers les plus foncés. Le travail progresse par couches successives et se termine par quelques rehauts plus foncés qui donnent à l'œuvre de la présence et du caractère. On obtient unecouleur profonde en utilisant de l'eau gommée pour donner à la couche pigmentaire une certaine épaisseur.
La technique du pinceau sec permet de créer des effets en utilisant le grain du papier. Le pinceau, peu chargé, doit passer rapidement sur la feuille. Cette technique est propice à la restitution de la texture d'un mur ou de l'écume.
La technique dans le mouillé impose l'humidification préalable du support. Le papier peut être placé sur une plaque de plexiglas ou tendu et agrafé sur un châssis en bois nu qui doit être verni pour ne pas absorber l'eau, au risque de faire sécher prématurément le papier au niveau des zones en contact avec le bois brut. Elle permet à l'artiste d'obtenir des surfaces aux couleurs très intenses, de faire fusionner les couleurs et d'effectuer des retraits de peinture sans abîmer le support, en conservant toute la lumière des couleurs. Les effets sont nombreux : fondus,dégradés,camaïeux, etc. Son apprentissage est long, car il nécessite une bonne maîtrise du cycle de l'eau sur le papier. C'est en effet le degré d'humidité du papier qui dicte au peintre le moment le plus opportun pour intervenir[8].
La surface brillante lors du cycle de l'eau
Le cycle de l'eau en peinture aquarelle (7 phases)
Dans les deux cas, la couleur de l'aquarelle ternit au séchage[9]. La disparition de l'eau change le trajet des rayons lumineux, et les couleurs perdent de leur éclat. L'artiste doit en tenir compte. Un phénomène du même ordre peut se produire si, le travail fini, on y applique un vernisfixatif ou protecteur[10] trop abondant ou non approprié.
D'autres techniques sont possibles. La technique de la carte plastique consiste en l'application d'aquarelle en tube sur une carte plastique qui est ensuite frottée sur le papier aquarelle[11].
Lemonotype consiste en l'application d'aquarelle en tube sur une plaque de verre ou de plexiglas, puis d'un transfert, en plaquant un papier humide sur la plaque afin d'opérer ce transfert.
L'aquarelle peut s'employer entechnique mixte, avec des encres, des couleurs acryliques, des pastels à l'huile, du pastel sec, …
Pour tendre le papier, on l'humidifie des deux côtés à l'aide d'une éponge ou d'un pinceau mouilleur, après l'avoir détrempé dans une bassine d'eau, puis on le fixe sur une planche rigide, généralement de boiscontreplaqué, à l'aide de bandes dekraft gommé. Une fois sec, le papier pourra être (re)mouillé sans risquer de gondoler. La planche doit être très rigide, car le papier exerce une grande force en séchage. Il est également possible de tremper le papier dans l'eau avant de l'agrafer détrempé sur unchâssis nu. Il est toutefois nécessaire de vernir le bois brut du châssis afin d'éviter une absorption prématurée de l'humidité du papier en contact direct sur les parties en bois brut de ce dernier. D'autres peintres, commeOga Kazuo[12], décorateur des dessins animés dustudio Ghibli, étendent leur feuille abondamment mouillée sur du bois vernis, tandis que d'autres utilisent une plaque deplexiglas. Si l'eau ne s'évapore pas à travers la face inférieure, il conserve une humidité résiduelle pendant plus longtemps, ce qui se répercute sur la dynamique de l'eau et des couleurs[13].
Les peintres à l'aquarelle exploitent souvent lagranulation, caractéristique de certains pigments, qui se produit lorsque les pigments se déposent en créant une apparence granuleuse ou tachetée. Cet effet peut ajouter de la profondeur, de la texture et de l'intérêt visuel aux peintures à l'aquarelle, surtout lorsque les artistes choisissent délibérément des pigments réputés pour leurs propriétés granulantes. Les pigments granulants populaires comprennent certaines teintes terre et des couleurs à base de minéraux.
L'usage defilm alimentaire sur une couleur fraîche permet d'obtenir un effet marbré, pouvant évoquer de la roche ou la texture de la terre suivant la manière d'appliquer le film.
Les cristaux de sel permettent de créer des textures, en forme d'étoile, pouvant évoquer du givre ou la texture des vieilles pierres.
La composition de l'aquarelle en godet et en tube est presque la même. L'aquarelle en tube peut comporter plus de miel afin que le produit reste plastique plus longtemps (VTT). Il est possible de remplir les godets vidés avec des tubes, moins onéreux ; la pâte durcira en séchant. Il est cependant recommandé de procéder en plusieurs couches[15]. Si la peinture d'un tube a séché, on peut découper l'enveloppe et utiliser le contenu comme de l'aquarelle en godets[16].
En général, les fabricants distinguent trois qualités d'aquarelle : la qualité d'étude, la qualité fine et la qualité extra-fine. Ceci caractérise la finesse du broyage de la couleur. Plus la broyage sera fin, plus la couleur sera subtile et lumineuse. La qualité d'une aquarelle dépend de la quantité de pigment par unité de volume (McEvoy) et par la qualité du broyage de ces derniers.
Le numéro de série indique le prix en fonction de la rareté du pigment utilisé par le fabricant.
Le papier dédié à l'aquarelle est lesupport usuel de l'aquarelle. Il doit pouvoir résister à une forte humidité[17]. Il est peu collé, surtout en surface. Il doit être perméable, afin de résister aux lavages et aux enlevages[18].
L'aquarelle se pratique habituellement à l'aide d'un pinceau ayant un bon pouvoir de rétention d'eau (trempe).
Lepinceaupetit-gris, de poil de l'écureuil du même nom), dont la capillarité reste insurpassée, est le plus adapté. La forme du pinceau mouilleur est adaptée aux lavis et aux fonds, car son ventre (ou réservoir) permet de contenir une grande quantité de liquide[19].
Le poil demartre, souple et nerveux, est apprécié pour sa trempe et la finesse de sa pointe. La meilleure qualité est la variété de martre Kolinsky, en réalitévison de Sibérie.
Les brosses plates servent à mouiller ou peindre de grandes surfaces.
Lespinceaux chinois ou japonais, qui peuvent combiner deux sortes de poils, conviennent pour l'aquarelle. Ils se tiennent en position verticale pour lacalligraphie, mais la peinture chinoise utilise toutes les possibilités[20].
Les pinceaux en fibres synthétiques souples, moins absorbants mais d'une bonne élasticité, sont utiles pour poser les fonds et ouvrir les blancs.
Lespinceaux à réserve d'eau peuvent s'utiliser seuls pour des croquis colorés rapides, ou en complément des pinceaux classiques et des godets. Contrairement au pinceau traditionnel, qui libère l'eau toujours pigmentée tant qu'il y en a, le flux d'eau venant de la réserve dilue l'aquarelle prise au godet au fur et à mesure qu'on passe le pinceau sur le papier. Seul un pinceau sec peut retirer, en la pompant, un excès de peinture humide, un pinceau à eau ne peut que laver le pigment, le repoussant un peu plus loin.
D'autres outils sont indispensables, comme les pots à eau et les chiffons pour nettoyer les pinceaux ; d'autres ustensiles peuvent s'avérer utiles à l'aquarelle : palettes pour préparer des mélanges,éponges, boules decoton, brosses à dents pour les projections de couleur, lame pour les grattages.
On ajoute souvent, dans le commerce, le motaquarelle à des produits destinés au dessin et à la peinture, laissant une trace soluble dans l'eau même si leur composition diffère de celle de l'aquarelle proprement dite. Les artistes qui les utilisent, notamment enbande dessinée ouillustration, parlent naturellement d'aquarelle pour leur technique[21].
Lesencres aquarelles sont des teintures solubles dans l'eau, en général peusolides à la lumière et dont le rendu dépend, plus encore que celui de l'aquarelle, du papier utilisé[22]. Contrairement à l'aquarelle, les encres à l'eau s'étendent sans former d'auréoles[23]. Ces travaux doivent être scannés pour être diffusés.
Lecrayon aquarellable (ou crayon aquarelle) est un crayon de couleur, il permet de dessiner des détails précisément[24]. Les crayons, craies,pastels etfeutres « aquarellables » ont le plus souvent une composition différente de celle des couleurs d'aquarelle.
L'aquarelle est par nature fragile. Les pigments, seulement collés sur le support, sont en contact avec l'air. Le liant soluble rend le nettoyage impossible; le papier jaunit et souffre des attaques des insectes et des champignons (PRV1). Le papier doit avoir unPh neutre, c'est-à-dire être sans acide.
La nature même des peintures — faible quantité de liant, pigments finement divisés — fait qu'une aquarelle est forcément peu solide à la lumière[25].
Les aquarelles sur papier peuvent être protégées par un cadre, avecpasse partout et verre antiultraviolet et éventuellementantireflet. La peinture ne doit pas toucher le verre.
Des vernis spéciaux, ou « fixateurs », sont formulés pour l'aquarelle. Cependant, l'ajout d'une couche transparente, mais d'indice de réfraction différent de celui de l'air, modifie l'optique de la couche picturale et, par là, l'aspect de l'œuvre[25]. Les utilisateurs de ces vernis estiment manifestement que cet inconvénient est moindre que l'avantage qu'il procure[26].
Les couleurs peuvent être testées sur l'échelle des laines ouéchelle des bleus. La comparaison d'échantillons après exposition au soleil à d'autres, initialement identiques, conservés à l'abri, est à la portée de tous[27].
Une cote de I à V indique sur l'emballage des tubes ou les godets de peinture la résistance à la lumière des pigments (lightfastness)[28].
tenue à la lumière de I à V
Excellente solidité à la lumière
I
Très bonne solidité à la lumière
II
Moyenne solidité à la lumière
III
Faible solidité à la lumière
IV
Très faible solidité à la lumière, couleur fugace
V
D'autres fabricants utilisent des étoiles, de une pour une couleur peu solide, à quatre pour les plus solides.
Certaines marques d'aquarelle professionnelle sélectionnent les couleurs les plus résistantes à la lumière, d'autres non. Les artistes, en effet, peuvent exprimer une préférence pour des pigments dont d'autres propriétés compensent la moindre solidité. La solidité à la lumière a moins d'importance quand la peinture appliquée reste à l'abri dans des livres fermés.
L'aquarelle se détache des autres techniques depeinture à l'eau auXVIIIe siècle. Le terme, d'origine italienne (Béguin 1990) est attesté au milieu du siècle[29] etWatelet en donne la première définition en français en 1791. C'est un« dessin au lavis (...) une espèce d'enluminure. Les couleurs y doivent avoir de la transparence[30] ». Comme l'indiqueDiderot dans l'Encyclopédie, c'est alors un procédé de dessin qui utilise des lavis transparents, par opposition aux peintures à gouache[31].
AuIIIe siècle après Jésus Christ, lesChinois peignaient sur de la soie avec l'encre de Chine, basée sur des pigments broyés dans une colle animale soluble dans l’eau. Lapeinture de lettrés chinoise et la peinture japonaisesumi-e sont faites dans des techniques apparentées aulavis sur fond sec. Par la transparence des couleurs et le rôle des fonds clairs, une bonne partie de lapeinture chinoise et extrême-orientale peut s'assimiler aux procédés de l'aquarelle.
À la même époque, lepapier se répand ; il permet le dessin et lelavis, donnant des ouvrages rapidement transportables. Les artistes ajoutent des couleurs à leurs dessins progressivement à partir duXVe siècle. Les livres chiro-xylographiques[35] diffusent l'estampe coloriée à la peinture à l'eau[33]. Nous pouvons parler d'aquarelle à propos de certaines études deRaphaël (Béguin 1990).
Albrecht Dürer est le premier peintre à réaliser une aquarelle qui ne relève pas d'une technique approchant. Il les réalise sans intention commerciale : il n'a de clients que pour des gravures et des peintures. Les aquarelles de Dürer comprennent despeintures de paysage, les premières à représenter un lieu précis. Il peint aussi des travaux descriptifs très précis comme laGrande touffe d'herbe ou l'Aile de rollier bleu, en 1512. Il retranscrit la lumière grâce à la blancheur du papier[36].
Vers 1780, William et Thomas Reeves lancent en Angleterre la première fabrication commerciale d'aquarelle, produite sous la forme de boîte contenant des blocs de pigments solubles dans l'eau, constituant une palette[40]. Tant la production des couleurs à l'eau que leur utilisation artistique se développe en Angleterre.
« Avec la Révolution française et les guerres qui l’ont suivie, les déplacements en Europe sont devenus plus difficiles. Les artistes anglais se sont donc tournés vers leur territoire national et cette contrainte est bientôt devenue le terreau de définition d’une identité britannique. La campagne anglaise en particulier est devenue un sujet d’inspiration majeur, et l'aquarelle se développe."[41] »
En 1777,Richard Earlom grave à l'aquatinte leLiber Veritatis deClaude le Lorrain. En 1785Alexander Cozens publie uneNouvelle méthode pour assister l'invention dans le dessin de compositions originales de paysages[42], construite sur l'observation de taches sur le papier, et qui constitue une théorie dulavis, que celui-ci soit d'encre ou d'aquarelle[43]. Les amateurs fortunés qui font le tour de l'Italie utilisent alors la peinture à l'eau sur du dessin à la mine de plomb et à la plume.John Robert Cozens, fils d'Alexander, développe un style d'aquarelle dans lequel le dessin, étape préalable de la composition, ne transparaît pas dans l'œuvre.Thomas Girtin définit le premier l'aquarelle par la transparence de la peinture sur le support, magnifiée par l'usage d'un papier à grain dont le blanc, réservé, donne seul les hautes lumières, et la pose en rivale de la peinture à l'huile, tout en délaissant les sujets classiques tirés de l'antiquité pour s'intéresser aux effets du paysage de son pays[44].
La peinture de paysage se nourrit de la pratique de l'aquarelle,« [...] leur œuvre [de Turner et de Constable] n'aurait pu s'épanouir comme elle l'a fait sans les recherches très diverses des aquarellistes qui les ont influencés, tels que J.R. Cozens, T. Girtin, J.S. Cotman et bien d'autres[45]. »
LaRoyal Watercolour Society, fondée en 1804 àLondres, rassemble les artistes partisans de cette nouvelle esthétique : refus de tout trait de plume ou de crayon, de tout blanc et de toute opacité, intérêt pour le rendu de la lumière. L'aquarelle, tolérant mal les retouches et les repentirs, est ainsi une démonstration de virtuosité, à une époque où laRoyal Academy ne reconnaît ni la peinture de paysage, ni les aquarelles comme de véritables œuvres. L'institutionnalisation de l'aquarelle favorise l'esprit de système, et la guerre en Europe interrompt les voyages et les contacts avec le continent pendant une vingtaine d'années.
En 1805,« les aquarelles s’adressent désormais à un marché de l’art bourgeois en plein essor[41]. »
Samuel Palmer,Bonington,Turner sont les aquarellistes les plus influents. Leur production cependant s'affranchit des principes de l'« aquarelle pure ». Ils ne dédaignent pas un accent de gouache, des grattages, le masquage des réserves à la cire.Cotman rend des paysages banals monumentaux par le choix du point de vue avec une aquarelle sans gouache ni artifices techniques ;Copley Fielding, aquarelliste prolifique, devient président de laRoyal Watercolour Society et formera à l'aquarelle le critiqueJohn Ruskin dont l'influence transformera le regard rétrospectif sur l'art britannique[46]. Ruskin promeut lepréraphaélisme dont l'usage de la couleur est un retour à l'enluminure, il discréditeJohn Constable, aquarelliste sur le tard, et critique avec virulence l'AméricainWhistler, qui pratiquent l'un et l'autre une peinture attentive aux effets de lumière, comme les premiers aquarellistes anglais.
Détail de la feuille n° 2 de Beauvais : autour des villes de Creil, Senlis et Chantilly, 1756.
L'aquarelle sert principalement au coloriage de planches de botanique et de zoologie comme celles des ouvrages deBuffon. L'aquarelle sert à mettre en couleur les cartes topographiques, dont l'ensemble de cartes topographiques, ditescarte de Cassini. Il s'agit du premier ensemble cartographiant le royaume de France[47].
Anders Zorn :Homme et enfant regardant la baie d'Alger, aquarelle et gouache sur papier, 1887
La fin des guerres révolutionnaires et napoléoniennes va provoquer un renouveau des voyages, un intérêt pour les paysages de pays lointains ou voisins, et permettre le contact entre artistes anglais et français. LesVoyages pittoresques se multiplient, ouvrages illustrés par lalithographie, qui est alors une nouvelle technique d'impression. Les originaux sont souvent des lavis ou des aquarelles, inspirés par l'exemple anglais et la théorie dupittoresque, britannique également, deWilliam Gilpin ; Bonington travaille au premier volume desVoyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France deTaylor, commeGéricault etEugène Isabey qui pratiquent aussi l'aquarelle. De nombreux artistes utilisent l'aquarelle en voyage pour leurs croquis de paysage et pour des projets, commeEugène Delacroix, ou pour les travaux destinés à la reproduction, qui n'ont pas besoin d'être durables. L'aquarelle à l'anglaise, dessinée au pinceau et réservant les blancs sur le papier, reste rare[48].
En 1830,Roret publie le premierManuel de l'aquarelle[49], que le glossaire définit comme« lavis perfectionné, mot moderne[50] » : tracé au crayon, toujours léger côté lumières, puis travail de la couleur au pinceau.
Une section d'aquarellistes anglais à l'exposition universelle de 1855 à Paris connaît un succès considérable[51]. L'année suivante, un auteur affirme que l'aquarelle« est parvenue à un tel degré de perfection (…) telle que la comprennent les artistes anglais et les nôtres » que« maintenant elle est devenue la rivale de la peinture à l'huile[52] ». Un bon nombre de traités d'aquarelle sont publiés. Ils reconnaissent la supériorité anglaise en matière d'aquarelle, et la proposent comme activité d'amateur, de dames notamment[53]. En 1863,Charles Baudelaire publie dans les pages duFigaro son éloge de l'aquarellisteConstantin Guys, qualifié de « Peintre de la vie moderne ».
L'aquarelle de paysage, peinte rapidement sur le motif, ne chasse cependant pas les usages plus anciens. L'aquarelle prouve parfois la virtuosité de l'artiste, dans des travaux d'atelier très élaborés et détaillés, souvent basés sur le dessin linéaire. Elle continue à servir à l'étude et aux projets, à mettre en couleurs gravures, dessins et lithographies, scientifiques ou décoratifs[54]. L'aquarelle est, à cette époque, un art d'agrément, un passe-temps bourgeois. LesImpressionnistes en usent peu, préférant transposer à l'huile l'esthétique de l'aquarelle anglaise, qui a influencéBoudin ouJongkind, dans la peinture à l'huile[55].
En avril 1879, se tient à la galerieDurand-Ruel (Paris), la première exposition de laSociété d'aquarellistes français[56]. Comme en Grande-Bretagne, la définition de l'aquarelle est sujette à discussions.« Suivant les uns, l'aquarelle n'a que des ressources très bornées, et elle ne vit que de subterfuges et de compromis. Suivant d'autres au contraire, elle permet d'exécuter certains travaux impossibles avec d'autres procédés. Suivant d'autres enfin, l'aquarelle est un art autonome, qui a ses règles propres et qui vit sur des ressources à lui particulières », écritJules Adeline[57]. Sa pratique s'entoure de controverses, entre ceux qui n'admettent que l'aquarellepure, couleurs transparentes posées directement« d'un pinceau hardi et sans retouches », et ceux qui composent, à l'aquarelle, des tableaux avec« des fondus patients[58] ».« Les uns n'admettent que l'aquarelle de premier jet, les autres n'admettent que l'aquarelle extrêmement travaillée[59] ».
Tandis qu'au Royaume-Uni, les sociétés d'aquarellistes, agitées par les mêmes divisions, entretiennent l'héritage des grands fondateurs contre les critiques dessymbolistes et des modernes, enFrancePaul Signac applique les principes dudivisionnisme à l'aquarelle. EnAutricheRudolf von Alt ouvre la voie au courantexpressionniste avec de la peinture à l'eau[60].
Dès 1960,Pierre Risch abandonne la peinture à l'huile et décide de relancer et d'inventer une aquarelle totalement nouvelle. Détrempant le papier à l'éponge, il réalise l'œuvre au fur à mesure du séchage du papier, donnant ainsi une aquarelle spontanée et transparente.Pour mieux affirmer que l'aquarelle en tant que peinture se suffit à elle-même, il réalise de très grands formats, travaille par séries (les cavaliers, les jeunes filles, les chaises, les montgolfières, …). Ses aquarelles réalisées entièrement en extérieur, au cours de voyages en Europe, Grèce, USA, ne sont jamais retouchées, le dessin obtenu par la tache au pinceau n'est pas cerné par de l'encre ou du crayon.Pratiquant aussi lasérigraphie, Pierre Risch applique lagomme de réserve (Drawing gum) à l'aquarelle afin de préserver le blanc du papier. Ce procédé est adopté et utilisé de nos jour par bon nombre de peintres dans le monde.L'écrivain et membre de l'académie GoncourtEmmanuel Roblès (1914-1995) célèbrera Pierre Risch dans son art de restituer les transparences, les fluidités, les jeux les plus subtils, les plus raffinés de la lumière, et par là même de créer un intense attrait émotionnel[63].
L'aquarelle a servi et sert encore beaucoup pour les notations colorées dans ledessin notamment de mode, de botanique, de zoologie, d'architecture[65] et, comme la gouache, pour leslivres de coloriage. Avant que les techniques dereprographie ne fassent privilégier l'encre noire et les hachures, ledessin technique utilisait des couleurs conventionnelles, posées à l'aquarelle (Béguin 1995).
Une fresque collective réalisée en juillet 2023 à Brioude
En France, plusieurs festivals dédiés à l’aquarelle existent, comme la biennale d’aquarelle de Brioude[69] qui se tient en juillet et qui regroupe tous les deux ans des aquarellistes de divers nationalités. Des démonstrations, des conférences sont organisées dans le village deBrioude.
D’autres biennales se tiennent en France, commeBreizh aquarelle en Bretagne[70], à Annecy avec la Biennale du Bout du Lac d’Annecy[71]ou encore àRochemaure , où se tient une biennale intituléeRochemaure aquarelle[72].
Des revues spécialisées existent, commeL'art de l'aquarelle[73]. Ce magazine permet de découvrir des aquarellistes, d'approfondir la connaissance technique du medium, grâce à la présence d'un cahier dédié.
Quelques artistes notables ayant pratiqué l'aquarelle
↑« Les techniques employées pour l’exécution des peintures murales de la chapelle et du caveau de la tombe de Sennefer sont […] des détrempes sur enduit sec, les pigments étant liés par une solution de gomme arabique[32] ».
↑Masmoulin, « Aquarelle et monotype », surMasmoulin, artiste passionné et sa bible de l'aquarelle explore aussi l'art moderne, l'art contemporain et aussi depuis l'Antiquité,(consulté le)
↑Oga Kazuo Exhibition - The One Who Painted Totoro's Forest - DVD.
↑Catalogue (…) Du cabinet de feu M. Coypel, Paris,(lire en ligne),p. 53. L'inventaire compte quatre« dessein à la plume rehaussé d'aquarelle », le n° 265 du défunt,Antoine Coypel, le n° 245 deJan Brueghel l'Ancien et les n° 228 et 231 deRaphaël.
↑F.-P.Langlois de Longueville,Manuel du lavis à la seppia et de l'aquarelle, Paris, Roret,(lire en ligne),p. 225-342, inspiré deHelmsdorf.
↑Stév. F. ConstantViguier et F.-P.Langlois de Longueville,Manuel de miniature et de gouache; suivi du Manuel du lavis à la seppia et de l'aquarelle, Paris, Roret,(lire en ligne),p. 91.
↑William Hauptman,L'âge d'or de l'aquarelle anglaise : 1770-1900, Fondation de l'Hermitage,,p. 20
↑R. deLasalle,L'Aquarelle en six leçons, Paris,(lire en ligne).
↑Frédéric Auguste AntoineGoupil,Traité d'aquarelle et de lavis en six leçons, Paris,(lire en ligne),p. 7.