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Antoine Quentin Fouquier de Tinville, ditAntoine Fouquier-Tinville[1], surnommé après sa mort lePourvoyeur de la guillotine[2], né àHerouël (Picardie)[3] le[4] et mort guillotiné àParis enplace de Grève le, est un juristefrançais qui devient le principalaccusateur public duTribunal révolutionnaire.
Accusateur public central pendant la première partie de laRévolution française et laTerreur, il demande l'exécution de nombreux prévenus, y compris de personnes célèbres, commeMarie-Antoinette,Danton etRobespierre, et fait condamner plus de deux mille d'entre eux à laguillotine. Après la fin de laTerreur, avec le10 thermidor, il est arrêté.
Il est ensuite jugé par leTribunal révolutionnaire comme un des grands responsables des exactions et des injustices qui ont marqué la période de laTerreur ; lors de son procès, le plus long de laRévolution française, il déclare pour se défendre :« Ce n'est pas moi qui devrais être traduit ici, mais les chefs dont j'ai exécuté les ordres. Je n'ai agi qu'en vertu des lois portées par une Convention investie de tous les pouvoirs ». Généralement, sa défense consiste à renvoyer la faute des exécutions sur leComité de salut public, particulièrement surMaximilien de Robespierre.
Malgré cette défense, il est condamné à mort, aux côtés des juges et de certains jurés du Tribunal révolutionnaire, entre autres, pour avoir abusé de ses prérogatives et pour avoir négligé la tenue de procès selon des formes légales. Il est guillotiné àParis le et est le dernier mis-à-mort duTribunal révolutionnaire avant sa suppression.
Son rôle précis dans laTerreur est encore discuté ; les historiens modernes considèrent qu'il vaut mieux s'intéresser à sa figure comme faisant partie d'un ensemble de fonctionnaires et de différents acteurs terroristes plutôt que comme le seul responsable de la Terreur judiciaire.
La famille Fouquier de Tinville, aujourd'hui connue sous le nom de Fouquier d'Hérouel, descend d'une famille d'ancienne bourgeoisie des environs deSaint-Quentin, dans l'actuel département de l'Aisne. AuXVIIIe siècle, Éloy Fouquier de Tinville, sieur de Tinville, d'Hérouel, d'Auroir et de Foreste, était cultivateur et officier du roi àPéronne[5].
Antoine Fouquier de Tinville naît àHérouel le[6] et est baptisé deux jours plus tard (d'où l'erreur fréquente sur sa date de naissance)[4]. Il est le deuxième d'une fratrie de cinq enfants. Son père, Éloy Fouquier de Tinville[4], cultivateur et seigneur d'Hérouël, lui attribue le nom de la terre de Tinville, tandis que celui d'Hérouël échoit à son frère ainé,Pierre-Éloy[7]. Les deux frères cadets prennent ceux de Foreste et de Vauvillé. Sa mère, Marie-Louise Martine[4], vient d'une famille aisée.
En 1774, il achète un poste d'accusateur public autribunal du Châtelet, une juridiction royale d'exception chargée de viser, entre autres, les révolutionnaires[8],[9]. Il revend son poste pour payer ses dettes et devient secrétaire duLieutenant général de police[8]. Selon tous les témoignages, y compris ceux de ses critiques, Fouquier-Tinville aurait été un homme très travailleur et très consciencieux[10].
Pourtant, laRévolution française permet à Fouquier-Tinville de chercher des opportunités. Il émerge de l'anonymat lorsqu'il obtient un poste de commissaire à la section dite de « Saint-Merry », dans lequartier où il réside avec sa famille. C'est de là qu'il reprendra progressivement pied dans la carrière de la magistrature. En 1791, il tente vainement d'obtenir la place de greffier du Tribunal de Cassation[11].

Avec l'appui de son cousin,Camille Desmoulins, il obtient d'être désigné directeur d'un des jurys d'accusation du tribunal extraordinaire du, créé pour juger les royalistes arrêtés lors de la journée du10 août 1792. Après la suppression de ce tribunal, le, il devient substitut de l'accusateur public du tribunal criminel de laSeine. Le, il est nommé juge au tribunal deSaint-Quentin mais il s'abstient de prendre son poste immédiatement. Il est finalement élu par laConventionaccusateur-public du nouveautribunal criminel extraordinaire (futur tribunal révolutionnaire). Il donne alors sa démission du poste au tribunal de Saint-Quentin.
Il ne rejoint cependant pas de mouvement politique précis, se tenant à distance des factions, comme desjacobins, et n'entretient pas de relations particulières avec les dirigeants montagnards, comme Maximilien Robespierre, selonAntoine Boulant[12].

Le, laConvention nationale crée le tribunal criminel extraordinaire portant le nom deTribunal révolutionnaire à partir du 8 brumaire an II (). En sa séance du 13 mars, la Convention procède à l'élection des membres de ce tribunal.Louis-Joseph Faure est éluaccusateur public, par 180 voix sur 377 votants. Sont élus substituts : Fouquier-Tinville, 163 voix,Fleuriot-Lescot, 162 voix etDonzé-Verteuil, 162 voix. Faure décline alors la proposition et Fouquier-Tinville accepte la fonction.
C'est lui qui devient le moteur du tribunal, qui accueille les juges et les jurés, choisit la salle, rédige les actes d'accusation, fait appliquer la loi, reçoit le bourreau, fixe le nombre de charrettes de condamnés, et enfin, qui rend compte auComité de salut public. Initialement surveillé par laCommission des six, le tribunal est, dès le début de son activité, débarrassé de cette tutelle, et c'est à l'accusateur public qu'échoit l'ensemble des prérogatives de faire arrêter, poursuivre et juger, sur dénonciation des autorités ou des citoyens.

Il est l'accusateur public aux procès deCharlotte Corday (),de la reine Marie-Antoinette (23-25 vendémiaire an II, 14-), desGirondins (3-9 brumaire an II, 24-), d'Olympe de Gouges (03 frimaire an II,), deBarnave (7-8 frimaire an II, 27-), deMadame du Barry (16-17 frimaire an II, 6-), desHébertistes (1er-4 germinal an II, 21-), desDantonistes (13-16 germinal an II, 2-), desfermiers généraux (16-19 floréal An II), d'Elisabeth, sœur de Louis XVI, du comte et de lacomtesse de Sérilly et de leur famille (21 floréal An II,) ou encore desCarmélites de Compiègne (29 messidor an II,).
C'est toujours lui qui, après le9 thermidor An II, procède à la reconnaissance d'identité des robespierristes mis hors-la-loi :Robespierre,Saint-Just etCouthon avant leur envoi à la guillotine. Ainsi, durant les dix-sept mois qu'il occupe ce siège d'accusateur public, Fouquier-Tinville requiert et obtient la mort de plus de deux mille personnes[1]. Le, Fouquier-Tinville envoie une lettre, plus tard utilisée lors de son procès, à laConvention nationale[12] :
Nous sommes arrêtés par les formes que prescrit la loi. [...] D’ailleurs, on se demande, pourquoi des témoins ? La Convention, la France entière, accusent ceux dont le procès s’instruit ; les preuves de leurs crimes sont évidentes ; chacun a, dans son âme, la conviction qu’ils sont coupables ; le tribunal ne peut rien faire par lui-même, il est obligé de suivre la loi ; c’est à la Convention de faire disparaître toutes les formalités qui entravent sa marche
Après la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794), qui renforce le caractère d'exception du Tribunal révolutionnaire et est à l'origine de « la Grande Terreur » qui durera jusqu'au 9 Thermidor, il prend l'initiative de réaménager la salle principale en faisant installer des gradins permettant de faire comparaître des dizaines d'accusés en même temps[13][source insuffisante]. Dans la salle même du tribunal, il fait également installer une guillotine, qui est finalement démontée après une double injonction du Comité de salut public[14][source insuffisante].
Dès juin 1794, sa situation devient précaire,Maximilien de Robespierre cherchant à le faire remplacer en le considérant comme un soutien deVadier et duComité de sûreté générale[15].
Lors du9 thermidor et la chute de Maximilien de Robespierre, Fouquier-Tinville poursuit son travail sans encombre[12]. Lorsque le juge robespierristeDumas est arrêté à la mi-journée en pleine séance, sur ordre d'un décret de laConvention nationale en pleine ébullition, Fouquier-Tinville décide de poursuivre avec les procédures judiciaires et demande que« la justice ait son cours »[12]. Le soir même, alors qu'il dîne chezCoffinhal, il apprend la mise en état d'arrestation deRobespierre,Couthon,Saint-Just et des autres robespierristes[12]. Il reçoit les nouvelles de l'évasion de Maximilien de Robespierre alors qu'il est avecGabriel-Toussaint Scellier, un juge du Tribunal révolutionnaire[12]. Le lendemain matin, il se rend à laConvention nationale pour l'assurer de la loyauté du Tribunal révolutionnaire[12].Barère présente alors à la Convention une liste de juges et de jurés pour remplacer ceux présents. En tête de la liste figure le nom de Fouquier-Tinville, avec la mention accusateur public. Ce n'est que trois jours plus tard queFréron s'étonna de voir le nom de Fouquier-Tinville sur la liste et demande un décret d'arrestation contre lui.
Prévenu de sa prochaine arrestation, Fouquier-Tinville se rend de lui-même. Il reçoit le droit de se défendre à laConvention nationale, où il se rend le 21 thermidor an II (8 août 1794)[16]. Sa défense, où il renvoie la faute des exécutions surRobespierre seul, ne convainc pas la Convention, qui décide de poursuivre sa mise en accusation en parallèle de certains de ses juges et jurés du Tribunal révolutionnaire[16].Tallien, l'un des dirigeants desThermidoriens et l'un des députés centraux dans lachute de Robespierre, s'oppose à ce qu'il soit soumis à un interrogatoire poussé, ce qui est interprété généralement comme une manœuvre destinée à éviter que Fouquier-Tinville puisse donner des listes de députés ayant été complices de son travail judiciaire, y compris Tallien lui-même[12].


Son procès est celui duTribunal révolutionnaire et de laTerreur ; mais il maintient son innocence[12]. Le8germinalanIII (), Fouquier-Tinville et ses vingt-trois co-accusés (dontMarie-Joseph-Emmanuel Lanne) comparaissent devant le tribunal révolutionnaire réorganisé par la loi du8nivôseanIII (). Six autres sont en fuite.Michel-Joseph Leblois est le nouvel accusateur public[12].
Il l'accuse notamment, surtout depuis laloi de Prairial an II (), d'avoir mis en jugement un nombre considérable de personnes qui ne s'étaient jamais connues, de les comprendre dans le même acte d'accusation, et de leur approprier le même délit ; d'avoir mis en jugement et fait exécuter certaines personnes sans qu'il y eût contre elles aucun acte d'accusation, d'avoir fait exécuter certaines personnes sans qu'il y eût contre elles ni jugement ni condamnation ; que par suite de précipitation il y eut substitution d'une personne à une autre, que des personnes non condamnées furent exécutées à la place de personnes condamnées ; que des jugements d'un grand nombre de personnes sont toujours en blanc et ne comportent aucun dispositif alors que ces personnes sont toutes exécutées.
Le 12 floréal an III, le substitut Cambon prononce son réquisitoire, et pendant un jour et demi Fouquier-Tinville présente sa défense. Il défend son innocence[12] et charge leComité de salut public et en particulierMaximilien de Robespierre, pour les exécutions duTribunal révolutionnaire[16]. Selon son témoignage lors de son procès, il revendique qu'il aurait rencontré Robespierre en tête-à-tête tous les soirs pour décider des exécutions du lendemain[16]. Dans une lettre à son épouse et ses enfants, datant du, à laquelle il joint une mèche de cheveux, il soutient son innocence, se dit victime de calomnies et déclare être« sacrifié à l'opinion publique »[12].
Il termine le 14 floréal (3 mai) en ces termes :« Ce n'est pas moi qui devrais être traduit ici, mais les chefs dont j'ai exécuté les ordres. Je n'ai agi qu'en vertu des lois portées par une Convention investie de tous les pouvoirs. Par l'absence de ses membres, je me trouve le chef d'une conspiration que je n'ai jamais connue. Me voilà en butte à la calomnie, à un peuple toujours avide de trouver des coupables. » Les 15 et 16 floréal (4 et 5 mai), les défenseurs de ses coaccusés s’exprimèrent. Pour résumer sa défense, Fouquier-Tinville déclare :« J'étais la hache de la Révolution, punit-on une hache ? ».
Du9germinalanIII () au12floréal () : 419 témoins, dont 223 à décharge et 196 à charge[12], telle lacomtesse de Sérilly, rescapéein extremis de la guillotine et qui se présenta avec son acte de décès à la main. Dans les témoins à charge, on compte par exemple le greffier de Paris, qui l'accuse d'avoir fait couler le sang d'innocents, en particulier deDanton ; on compte aussi l'huissier Lucien Dupré, qui parle de son« acharnement »[12]. Dans les témoins à décharge, la tenancière de la buvette du Palais de justice déclare que Fouquier se serait plaint devant elle du nombre d'exécutions, l'avocat Bernard Malarme soutient qu'il aurait remis de nombreux patriotes en liberté, l'épouse du valet de Philippe Égalité témoigne qu'il a fait libérer son époux[12].
Le17floréalanIII (), la délibération dure deux heures, et à5 h il est donné lecture du jugement. Fouquier-Tinville et quinze de ses co-accusés, Foucault,Scellier, François Garnier-Launay[17],Leroy, dit Dix-Août,Renaudin,Vilate,Prieur,Châtelet, Girard[18],Lanne,Herman[19], Boyaval, Benoît[20], Verney et François Dupaumier[21], sont condamnés à mort, « convaincus de manœuvres et complots tendant à favoriser les projets liberticides des ennemis du peuple et de la République, à provoquer la dissolution de la représentation nationale, et le renversement du régime républicain, et à exciter l'armement des citoyens les uns contre les autres, notamment en faisant périr sous la forme déguisée d'un jugement une foule innombrable de Français, de tout âge et de tout sexe ; en imaginant, à cet effet, des projets de conspiration dans les diverses maisons d'arrêt de Paris ; en dressant, dans ces différentes maisons des listes de proscriptions, etc., et d'avoir agi avec de mauvaises intentions ». Maire, Harny, Deliège, Naulin, Lohier[22], Delaporte, Trinchard,Duplay, Brochet, Chrétien, Ganney, Tray[23], Guyard[24], Beausire et Valagnose[25], acquittés, sont mis en liberté le même jour[26].
Ramené à laConciergerie, Fouquier-Tinville écrit ces dernières lignes :« Je n'ai rien à me reprocher : je me suis toujours conformé aux lois, je n'ai jamais été la créature deRobespierre ni deSaint-Just ; au contraire, j'ai été sur le point d'être arrêté quatre fois. Je meurs pour ma patrie et sans reproche. Je suis satisfait : plus tard, on reconnaîtra mon innocence »[12],[27].
Son exécution eut lieu le lendemain matin,place de Grève. Il est le dernier guillotiné des seize condamnés à mort.
Longtemps considéré comme le principal responsable de laTerreur judiciaire, son rôle est désormais nuancé, avec les recherches les plus récentes l'incluant dans un processus plus large deTerreur judiciaire[28]. Fouquier-Tinville semble avoir suivi de manière générale, pendant la période de laTerreur, les instructions deMaximilien Robespierre mais surtout duComité de salut public et duComité de sûreté générale[29]. Cependant, dans certains cas, il aurait fait preuve de recherche d'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, notamment en accordant des droits importants à certains prévenus[10].
Le nom de Fouquier-Tinville est resté à la postérité comme le type même de l'accusateur ou de l'intellectuel violemment inquisitorial, arbitraire, sans nuances et sans respect pour les droits de l'accusé[30].
Lénine, considérant la Révolution française comme étant « la » référence, admire particulièrement Fouquier-Tinville. En décembre 1917, lors d’une réunion de laTchéka, il déclare[31],[32],[33] :
« Est-il impossible de trouver parmi nous un Fouquier-Tinville qui dompterait la violence des contre-révolutionnaires ? »
Admiration que partageait son secrétaireVladimir Bontch-Brouïevitch, pour qui le révolutionnaire français était « l'un des combattants insurpassables »[34]. LesBolcheviks trouveront leur Fouquier enFélix Dzerjinski, l'un des artisans de laTerreur rouge. Il se montrera aussi impitoyable que son modèle[35],[36].
Alexandre Dumas etAnatole France écrivent à son sujet et l'intègrent comme personnage dans leurs romans historiques[37].Honoré de Balzac le mentionne dans un article[38] et dansIllusions perdues[39]. Il est cité à plusieurs reprises dans lesMémoires d'outre-tombe deChateaubriand[40].
Acteurs ayant interprété le personnage de Fouquier-Tinville :
(Lire en ligne l'article, mis à jour le 1er juin 2006)« Bernard-Henri Lévy viole toutes les règles de l'interprétation honnête et de la méthode historique. […] Le voilà maintenant Fouquier-Tinville, lui qui prêche la démocratie. Il oublie que la démocratie devient aisément, elle aussi, inquisitoire, sinon totalitaire… »
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