
L’antisémitisme enFrance est la traduction par uneidéologie, des actes ou des écrits, d'unehaine desJuifs sur le territoire français. Avant leXIXe siècle, il est plus difficile qu'aujourd'hui de dissocier, dans l'analyse, l'hostilité aux Juifs d'un point de vue communautaire et culturel — l'antisémitisme — de celle en raison de leur religion — l'antijudaïsme — ; et ce, parce que religion et politique étaient plus imbriquées qu'aujourd'hui et que c'est la versionracialiste de l'antisémitisme qui a surtout été étudiée. L'antisémitisme « moderne », comme idéologieraciste, date de la seconde moitié duXIXe siècle. En France, la propagation d’idées antisémites et les actes inspirés par cette idéologie sont punis par la loi[1].

Laconversion auchristianisme desWisigoths et desFrancs rendit difficile la condition des Juifs : une succession deconciles diminua leurs droits jusqu'à ce queDagobertIer les force à se convertir ou à quitter la France en633[2]. Lors desconciles d'Elvira (305), deVannes (465), des troisconciles d'Orléans (533, 538, 541), avec leconcile de Clermont (535), l'Église interdit aux Juifs de faire des repas en commun avec des chrétiens, de faire des mariages mixtes et proscrit la célébration dushabbat, le but étant de limiter l'influence dujudaïsme sur la population.
Parallèlement, il faut noter le rôle de protecteur des Juifs que lespapes jouent. C'est ce dont témoignent les papesGrégoireIerdit Le Grand en 602[3] etInnocentIII en 1199[4], qui réprouvent à la fois le judaïsme et les conversions forcées.

Cependant, en 576, d'aprèsVenance Fortunat[5], l'évêque Avit de Clermont exige des500 Juifs de sa ville qu'ils se convertissent avant d'exiler àMarseille les récalcitrants. Cependant, l'époquecarolingienne voit d'abord une amélioration de la condition des Juifs, dont certains atteignent de hautes positions sousCharlemagne. Celles-ci sont dénoncées et combattues par les architectes de la christianisation des royaumes de ses héritiers, commeAgobard de Lyon. On peut commencer à dater l'antisémitisme français avec leConcile de Clermont de 1095, qui reprend les mesures des conciles antérieurs. Même si le pape n'appelle pas à l'antisémitisme, et le condamnera fermement par la suite, des bandes populaires se joignent à lacroisade populaire et se livrent à desexactions vis-à-vis des Juifs, aussi bien pour les convertir de force que pour se procurer les sommes nécessaires pour le voyage enTerre sainte.
AuXIIe siècle apparaît l'accusation de meurtre rituel. Plusieurs dizaines de Juifs sont envoyés au bûcher àBlois en 1171[6]. En 1215, leconcile de Latran impose le port de larouelle qui deviendra obligatoire en France en 1269, à la fin du règne deLouis IX, dit « Saint Louis ». Ce dernier a auparavant organisé en 1240, à l'instigation de sa mèreBlanche de Castille, la premièredisputation au sujet duTalmud entre desrabbins dontYehiel de Paris et desecclésiastiques, qui se conclut par la condamnation duTalmud dont les exemplaires sont brûlés publiquement enplace de Grève àParis en 1242.

Le romanNotre-Dame de Paris publié en 1831 parVictor Hugo reflète l'antisémitisme désinvolte de cette époque, lorsqu'un personnage spécule sur ce à quoi doit ressembler le mystérieuxQuasimodo et s'écrie : « J'imagine que c'est une bête, un animal, la progéniture d'un Juif et d'une truie ; bref, quelque chose qui n'est pas chrétien et qui devrait être jeté dans l'eau ou dans le feu »[7].
De telles brimades, notamment vestimentaires,« annoncent un durcissement et peuvent se changer en persécutions », observe l'historien et théologienGuy Bedouelle. Ce dernier estime que« l'exclusion sociale qui s'ensuit est plus grave peut-être que les hécatombes ponctuelles, les massacres isolés, parce qu'une mentalité deghetto » va être imposée aux Juifs d'Occident[8].
En, le roiPhilippe le Bel expulse les Juifs de France[9], en confisquant au passage leurs biens et possessions. Ces mesures entrent dans le cadre d'une reprise en main des finances royales, qui explique qu'il s'empara aussi des biens desLombards en 1277, puis supprima avec brutalité l'Ordre des Templiers de 1307 à 1312. Après plusieurs rappels et expulsions, au gré des besoins du trésor royal, les Juifs sont définitivement expulsés en 1394 sousCharlesVI.
LeComtat Venaissin — alors uneenclavepontificale — devient une terre de refuge pour les Juifs après les expulsions car ils n'y dépendent pas de la couronne de France mais de l'Église, d'où leur dénomination « Juifs du Pape[8]. » Par ailleurs, l'Espagne devient un autre refuge précaire pour les Juifs, dont la condition se dégrade entre1391 et l'expulsion de 1492, mesure prise par lesRois catholiques à travers ledécret d'Alhambra, afin d'imposer la foi chrétienne à l'ensemble de leur pays après l'achèvement de laReconquista[10]. Ces Juifs espagnols se réfugient en partie auPortugal mais leroiManoelIer prend en 1497 le même type de dispositions contre les Juifs (« le baptême ou l'exil »). LesJuifs portugais se réfugient alors auxProvinces-Unies (actuelleHollande), dans l'Empire ottoman,en Afrique du nord, en Amérique, où ils seront encore poursuivis par l'Inquisition espagnole et aussi enFrance (particulièrement dans leMidi).
Trois siècles plus tard, leCode noir, ordonnance sur la « police des nègres » dans les îles, ordonne l'expulsion des Juifs des colonies françaises en 1685[11].

Avant laRévolution, l'hostilité d'unVoltaire lui fait placer dans sonDictionnaire philosophique à l'adresse des Juifs :« vous êtes des animaux calculants ; tâchez d'être des animaux pensants »[13]. Dans les années 1770, la majorité desencyclopédistes et penseurs[14] tout occupés à défendre les droits desNoirs desAntilles, desHurons ou desIndiens d'Amérique, en oublient de plaider en faveur de l'émancipation de leur prochain immédiat, les Juifs de France, et les couvrent plutôt d'accusations et de moqueries[15]. Toutefois, le principal auteur de l'Encyclopédie,Diderot, dans un des plus longs articles de l'Encyclopédie, l'articleJuif, rend « justice à l'importance de la destinée du peuple juif, à la richesse de sa pensée »[16].
Des mesures sévères contre lesJuifs d'Alsace (environ 20 000 personnes) sont prises à travers les lettres patentes du : notamment limitation du nombre de Juifs et de leurs mariages, frein économique, etc.[17]. En revanche, l'édit de de Louis XVI exempte les autres Juifs « des droits depéage corporel, travers, coutume, et de tous les autres droits de cette nature pour leur personne seulement » qui auparavant les assimilaient aux animaux[18].

En 1787, la Société Royale des arts et des sciences deMetz lance un concours :« Est-il des moyens de rendre les Juifs plus heureux et plus utiles en France ? »[19]. En, l'émigré juifpolonais deLublinZalkind Hourwitz (seul Juif à concourir), l'avocat protestant deNancy Claude Antoine Thiery et le prêtre catholique d'Embermesnil en Lorraine[20]abbé Grégoire en seront les lauréatsex æquo.
Inspiré par l'Allemandvon Dohm[21],Riqueti de Mirabeau publie en 1787 un opusculeSurMoses Mendelssohn et la réforme politique des Juifs[22] ; l'abbé Grégoire en1788 sonEssai sur la régénération physique et morale des Juifs ; Zalkind Hourwitz saVindication (ouApologie) des Juifs[23] dans laquelle, il démontre les« limites humiliantes de la formule » du concours car pour rendre« utiles et heureux les Juifs de France », il faut d’abord en faire des citoyens comme tous les autres ;« il ne s’agit pas de les régénérer mais d’abolir l’injustice religieuse politique, sociale » donc de transformer la société française les maintenant« dans une infériorité infamante » car« ce ne sont donc pas les Juifs mais les Chrétiens, qu'il faudrait régénérer et rendre justes et humains envers les premiers » : il réclame alors les privilèges de la citoyenneté, de la propriété foncière, de la liberté professionnelle et de l'éducation[24],[25].
D'autres personnalités prennent parti pour les droits civils des Juifs commeMalesherbes ouClermont-Tonnerre. Les esprits éclairés considèrent qu'en annihilant l'avilissement où les sociétés chrétiennes ont relégué les Juifs, leur condition s'améliorera et qu'ils perdront ainsi tous « leurs vices »[26].
Au printemps 1789, lescahiers de doléances des communautés juives montrent à travers leurs demandes, ce qu'il en était à l'époque du trait antisémite[17] :

Deux communautés juives existent sur le territoire français, qui ne bénéficient pas des mêmes droits et n'ont donc pas les mêmesdesiderata : 5 000 séfarades originaires d'Espagne et duPortugal implantés en France depuis leXVIe siècle, principalement présents dans le sud-ouest, et 30 000 ashkénazes implantés surtout dans l'Est. Si, dans laDéclaration des droits de l'homme, le, l'Assemblée constituante reconnaît le droit à la liberté de conscience, la discussion sur le statut de citoyen français des juifs y suscite un débat qui dure trois jours du 21 au, et où l'opposition de groupes catholiques et desjacobins de l'Est représentés parJean-François Reubell aboutit à un décret du qui limite la citoyenneté française aux Juifs du Sud de la France, ceux deLorraine et d'Alsace étant exclus car considérés comme « non assimilés ».
Faisant écho à Grégoire et à Mirabeau, les Juifs de France avaient précisé ce qu'il en était de leur traitement dans leur pétition de :« Toujours persécutés depuis la destruction deJérusalem, poursuivis tantôt par le fanatisme et tantôt par la superstition, tour à tour chassés des royaumes qui leur donnaient un asile et rappelés ensuite dans ces mêmes royaumes ; exclus de toutes les professions et de tous les métiers, privés même de la faculté d'être entendus en témoignage contre un Chrétien ; relégués dans des quartiers séparés, comme une autre espèce d'hommes avec qui il est à craindre d'avoir des communications ; repoussés de certaines villes qui ont le privilège de ne les point recevoir ; obligés dans d'autres de payer l'air qu'ils y respirent, comme àAugsbourg, où ils paient un florin par heure, et àBrème un ducat par jour ; astreints dans plusieurs endroits à de honteuxpéages »[33]. Les Juifs durent patienter et le décret d'émancipation qui reconnut lacitoyenneté française à tous lesjuifs de France fut adopté le, devenu loi le[24]. Cependant les juifs firent l'objet d'attaques et de persécutions émanant dejacobins et de représentants en mission lors des mouvements anti religieux de laTerreur. En, c'est encoreZalkind Hourwitz qui demande des explications àLouis Antoine de Saint-Just, sur le nouveau décret interdisant aux étrangers de résider à Paris et dans les ports français. Ces persécutions s'arrêtèrent à la chute deRobespierre et leDirectoire fut une période de relative tranquillité pour la communauté juive[34].
Jean-Baptiste Aubert Dubayet, un capitaine durégiment du Bourbonnais, alors en garnison à Metz, publie anonymement en 1787 un libelle insultant (« Le cri du citoyen contre les juifs »), si violemment hostile aux juifs que leparlement de Metz ordonne sa destruction[35]. Dubayet n'en devint pas moins ministre de la Guerre sous leDirectoire en 1795[36].
Le,Napoléon fait passer un décret envers les Juifs et particulièrement lesJuifs alsaciens, surnommé le « décret infâme »[37].
En, le crédit avait été réglementé et les taux d'intérêt limités à 5 %. Ce décret de 1808 prévoit toute une série de cas arbitraires et humiliants entraînant l'annulation des créances et ordonne aux commerçants juifs de se faire délivrer par les préfets une patente annuelle et révocable. De plus, les Juifs doivent satisfaire en personne à la conscription et n'ont plus la possibilité de payer un remplaçant comme les autres citoyens. Enfin, les Juifs n'ont plus le droit d'immigrer enAlsace. Ce décret ne s'applique pas aux Juifs deBordeaux, de laGironde et desLandes « n'ayant donné lieu à aucune plainte, et ne se livrant pas à un trafic illicite » ; les Juifs deParis et deBayonne parviennent aussi à en être exemptés. Ce décret n'est valable que pour 10 ans et n'est pas renouvelé sous laRestauration. Il appauvrit considérablement les Juifs[38].

L'antisémitisme français à la fin duXIXe siècle est remarquable par son activisme et sa popularité, comme le prouvent le nombre impressionnant et la virulence despublications antisémites en France, dont en particulier le pamphlet d'Édouard Drumont,La France juive (1886, 1892) et son journalLa Libre Parole. Un de ses partisans est l'agitateur colonialMax Régis, maire d'Alger, à la tête d'une « Liste antijuive » et responsable des journauxL'Antijuif etL'Antijuif algérien[39]. Cet antisémitisme imprègne peu à peu presque toute la droite française, comme on va le voir au moment de l'affaire Dreyfus et duscandale de Panama. Lié aunationalisme et auracialisme, l'antisémitisme devient alors un des thèmes majeurs de l'extrême droite[40]. S'il concerne majoritairement ladroite et l'extrême droite, l'antisémitisme n'épargne pas entièrement lagauche, en particulier parmi une minorité de représentants dusyndicalisme révolutionnaire, mouvement qui donne lieu au débat sur l'existence, ou non, d'un « fascisme français ». Drumont lui-même trouve son inspiration dans les antisémitismes de droite comme de gauche dont il réalise une synthèse, ce qui contribue à expliquer son succès[41]. C'est pour cette raison, queFrancis Laur,boulangiste et antisémite, souhaite mener une campagne tournée sur l'antisémitisme en janvier 1890 à Paris pour redresser le boulangisme[42]

L'antisémitisme dedroite est un antisémitisme d'origine religieuse très ancienne (thème du « peuple déicide » développé dans les publications catholiques, et particulièrementLa Croix, quotidien catholique, fondé en 1883, qui se proclamait alors « le journal le plus anti-juif de France »[43]), activé par unnationalisme françaisrevanchard à la suite de laguerre franco-prussienne de 1870-71. À cetantijudaïsme traditionnel se juxtapose un antisémitisme moderne, lié aux thèsesracialistes affirmant la supériorité de la « race blanche », qui serait fondée par la science (anthropométrie,craniométrie, etc.). Les thèmes du « Juif errant » et du « cosmopolite sans racine » s'y mêlent aussi[44]. L'antisémitisme degauche se mêle à l'anticapitalisme[45] lié opportunément aukrach de 1882, au nationalisme républicain et à l'anticléricalisme[46], considérant que« le capital est aux mains des Juifs suceurs de sang » et que ceux-ci ne sont pas de vrais patriotes ou que « les riches sont différents ». Ces idées se diffusent après la défaite de 1871 et la perte de l'Alsace-Lorraine. Elles ont alimenté l'affaire Dreyfus lors de son démarrage en 1894, la justice militaire, l'état-major des armées (cf. également l'affaire des fiches) et le gouvernement radical de l'époque considérant que la religion de Dreyfus présupposait une inclinaison envers les juifs qui animaient le secteur de l'armement enAllemagne et qu'un tel sentimentcommunautariste constituait le mobile de sa trahison (cf. les mémoires de son frèreMatthieu Dreyfus,L'affaire telle que je l'ai vécue, qui rapporte à cet égard une intervention en ce sens deJean Jaurès à laChambre des Députés).
Ce n'est que plus tard, qu'une fraction dissidente de lagauche républicaine, emmenée parGeorges Clemenceau etÉmile Zola (inspiré par Bernard Lazare[47]), aidée par la très droitière magistrature de l'époque, allait combattre cette approche antisémite et susciter une très grande confusion dans les partis de droite et de gauche français.
Le premiermea culpa ou acte de résipiscence résigné de l'écrivainOctave Mirbeau est riche d'un antagonisme encore prégnant[48] :
« […] Et en regardant l’élévation constante des Juifs, par le travail, la ténacité et la foi, je me suis senti au cœur un grand découragement et une sorte d’admiration colère pour ce peuple vagabond et sublime, qui a su se faire de toutes les patries sa patrie, et qui monte chaque jour plus haut à mesure que nous dégringolons plus bas. Je me suis dit qu’il fallait vivre avec lui, puisqu’il se mêle de plus en plus à notre race, et qu’il faut croire qu’il s’y fondra complètement, comme la vigne vit avec le phylloxéra, le malade avec la fièvre typhoïde et l’intelligence humaine avec le journalisme »[48],[49]. »

Marc Crapez dénonce l’ampleur et l’autonomie du phénomène de l’antisémitisme degauche[50] aussi décrit, mais quelque peu différemment, parMichel Dreyfus en 2009[51]. Pour Marc Crapez, la notion même d’« antisémitisme de gauche » ou, plus précisément,socialiste, constitue une percée historiographique importante. Elle est encore minimisée mais ne pourra plus être contournée. Les catégories qui permettent de cartographier cet antisémitisme de gauche sont celles « d’antisémitisme économique », « d’antisémitisme anticlérical » et « d’antisémitismeantichrétien » ouscientiste[52]. Pour Michel Dreyfus, qui préfère parler d'antisémitisme « à gauche », il émane surtout de secteurs et de personnalités marginales, telsAuguste Blanqui et ses disciples, les déçus du dreyfusisme, les socialistes pacifistes hostiles àLéon Blum, uneultra-gauche ferment dunégationnisme, la gaucheantiparlementaire, etc.[53]. Cependant, si les propos« antisémites et racistes » dePierre-Joseph Proudhon ne sont pas repris par les militants qu'il inspire, sa« haine à l'égard des Juifs » a une influence sur le mouvement ouvrier français[53].

L'historienJean Garrigues rappelle que l'origine de l'antisémitisme de gauche remonte au début duXIXe siècle, quand certainssocialistes utopiques ont estimé qu'il existait uncomplot des élites économiques contre le pays, y intégrant une dimension antisémite. Ainsi,Alphonse Toussenel, disciple deCharles Fourier, publie le livreLes Juifs, rois de l'époque. Pour sa part, Fourier appelle à revenir sur l'émancipation des Juifs et demande la réglementation de leur activité économique. Épigone de Toussenel[54] et auteur de l'ouvrageLes rois de la République : histoires des juiveries[55],Auguste Chirac est« reconnu comme économiste dans les milieux socialistes »[56] ; sa signature apparaît régulièrement dansLa Revue socialiste durant la décennie 1880[55].
De 1885 à 1893,La Revue socialiste publie également plusieurs articles antisémites. Ailleurs,Jules Vallès ou même l'anarchisteBernard Lazare (son opinion changera plus tard[47]) illustrent encore cette méfiance à l'égard des Juifs « exploiteurs »[44] et s'appuient comme d'autres sur lekrach de 1882 de l’Union Générale, la banque catholique créée quatre ans auparavant « pour lutter contre les banques juive et protestante » (aux nombreux ecclésiastiques parmi ses actionnaires) mais qui sera attribué à tort auxRothschild[57], dont s'inspire notablementL'Argent deZola en 1890. Deschansonniers engagés, défendant l'ouvrier, la veuve et l'orphelin, commeJules Jouy, un proche de Zola et de Vallès, basculent dans l'antisémitisme radical vers 1888-1889, tout en ayant mené un combat acharné contre leboulangisme[58].
À la fin du siècle, l'affaire Dreyfus participe toutefois au rejet public de l'antisémitisme à gauche, en le circonscrivant désormais ouvertement à l'extrême droite.Sébastien Faure, par exemple, fera alors lemea culpa des anarchistes[44]. Michel Dreyfus note aussi que« l'antisémitisme est beaucoup plus minoritaire à gauche qu'à droite ». Cependant, il demeure quelquesanarchistes etsyndicalistes révolutionnaires,« déçus du dreyfusisme » selon Michel Dreyfus, refusant le système démocratique et l'antifascisme, qu'ils assimilent aucapitalisme libéral :« Ils colportent l'idée que, à la différence des ouvriers, les juifs s'en sortent toujours ». Jusqu'auFront populaire, leParti communiste (PCF) se distingue par ailleurs par un certain antisémitisme, dirigé contre le chef de laSFIOLéon Blum. À la fin desannées 1930, une partie des socialistes réunie autour dePaul Faure accuse parpacifisme Blum de vouloir engager la France dans une guerre contre l'Allemagne, par solidarité avec lesJuifs qui y sont persécutés, Michel Dreyfus y voyant un « mythe complotiste ».
Si dans la seconde moitié duXXe siècle, l'antisémitisme a disparu des grandes formations de gauche, il reste prégnant dans des groupuscules (négationnisme dePaul Rassinier et dePierre Guillaume ou critique intensive d'Israël, qui parfois conduit à des propos antisémites) ou dans certaines attitudes du PCF (occultation du rôle des Juifs dans laRésistance ou du caractère antisémite desprocès de Prague (1952) et ducomplot des blouses blanches (1953)[59],[60],[61].

Lors de laPremière Guerre mondiale, la participation des juifs à l'Union sacrée amèneMaurice Barrès à les inclure dansLes Diverses Familles spirituelles de la France (1917), tranchant ainsi avec la dénonciation des « quatre États confédérés :Juif,Protestant,Maçon etMétèque » du chef de l'Action française,Charles Maurras.
Mais l'antisémitisme, un temps apaisé, ressurgit lors desannées 1930, stimulé par lacrise économique, lechômage, l'afflux des Juifs allemands fuyant lenazisme et l'accession au pouvoir duFront populaire, dirigé parLéon Blum. Il devient une valeur étendard de l'extrême droite, portée de nombreusespublications antisémites. LaRevue internationale des sociétés secrètes, dirigée d'abord parErnest Jouin puis par le chanoine Schaefer, dirigeant de laLigue Franc-Catholique, passe de200 abonnés en 1912 à 2 000 en 1932[62]. Le journaliste catholiqueLéon de Poncins, adepte des « théories du complot » et collaborateur de nombreux journaux (dontLe Figaro dirigé parFrançois Coty, ouL'Ami du Peuple, sous-titré « Hebdomadaire d'actionracique (sic) contre les forces occultes ») y participe[62], ainsi que l'occultistePierre Virion, qui fonde après-guerre une association avec legénéral Weygand[63],Ministre de la Défense nationale deVichy avant de faire appliquer leslois racistes enAfrique du Nord en 1941.

Le Grand Occident, animé par les antidreyfusardsLucien Pemjean,Jean Drault etAlbert Monniot, tire à 6 000 exemplaires en 1934[62].Le Réveil du peuple, organe duFront Franc deJean Boissel, auxquels collaborentJean Drault etUrbain Gohier, diffuse 3 000 exemplaires en 1939[62]. Disparue en 1924,La Libre Parole est à nouveau publiée en 1928-1929, sans réussir à décoller, puis en 1930 parHenry Coston (alias Georges Virebeau) qui la dirige jusqu'à la guerre[62]. Beaucoup d'antisémites célèbres écriront dans ses colonnes, dontJacques Ploncard,Jean Drault,Henry-Robert Petit,Albert Monniot,Mathieu Degeilh,Louis Tournayre ouJacques Ditte[62]. Le mensuel éponyme diffuse à 2 000 abonnés[62]. D'autres revues sont plus éphémères, telles queLa France Réelle, proche de l'AF ;L'Insurgé, pro-fasciste ; ouL'Ordre National, proche de laCagoule[62], un groupe terroristeanticommuniste et antisémite, financé notamment par le fondateur deL'Oréal,Eugène Schueller. Ce dernier publie des articles d'Hubert Bourgin etJacques Dumas[62].

Louis-Ferdinand Céline publie des écrits violemment antisémites commeBagatelles pour un massacre pour la première fois en 1937, puisL'École des cadavres l'année suivante, tandis queGeorges Montandon, un ethnologue tenant des thèsesracialistes, publie en 1939, dansLa Contre-Révolution, un article intitulé « La solution ethno-raciale du problème juif ». Beaucoup parmi ces antisémites préfèrentHitler àLéon Blum comme Salomon-Kœchlin : « mieux vaut mille fois, pour un peuple sain, la férule d’un Hitler que la verge d’un Léon Blum »[64]. L'admiration envers lenazisme ou/et lefascisme n'est pas unanime dans les rangs de l'extrême droite antisémite, lagermanophobie et le nationalisme induisant, chez certains, le rejet du nazisme. L’Action française, royaliste, et lesMaurrassiens sont méfiants vis-à-vis de Hitler. La plupart des antisémites, mêmeLucien Rebatet[65], ne souhaitent pas que la France imite les méthodes allemandes. Ils estiment ne pas être influencés par le nazisme car l’antisémitisme français repose selon eux sur des arguments traditionnels. Dans la presse d'extrême droite des années 1930 en France, Hitler est régulièrement couvert d'éloges en particulier pour ses exactions antisémites :« L'Allemagne nous a donné là-dessus un exemple aussi expéditif que catégorique, qu'attendons-nous pour l'imiter ? »[66].

Cette extrême droite est organisée en partis et enligues antiparlementaires. À partir de 1930, celles-ci se multiplient, notamment lors desCartels de gauche. Fondée pendant l’affaire Dreyfus, l'Action française déclare rassembler en 1934 60 000 adhérents. Lors de la victoire duFront populaire, l'extrême droite se livre à un « véritable déferlement de haine » : Maurras dénonce un « cabinet juif », et l'Action française voit dans le Front populaire l'œuvre ducomplot juif[67]. LaSolidarité française est une ligue fasciste dirigée par le commandant Renaud, elle est fondée en 1933, la même année que leFrancisme dirigé parMarcel Bucard. Ces deux ligues regroupaient chacune 10 000 personnes[68]. Le Francisme est devenu antisémite à partir de 1936[68]. LeParti populaire français, fondé en 1936, est dirigé parJacques Doriot. Ce parti compte à son apogée 100 000 adhérents[68]. Certains partis qui n’étaient pas antisémites à l’origine le devinrent dans les années 1930. Ainsi, lesComités de défense paysanne d'Henri Dorgères penchèrent vers le fascisme puis l’antisémitisme dès le début des années 1930. Ce parti comptait 150 000 à 200 000 adhérents[68]. D’autres ligues agissaient ; elles étaient plus petites mais surtout beaucoup plus violentes, notamment laLigue Franc-Catholique, formée en 1927 et dirigée par lechanoine Schaeffer.
Darquier de Pellepoix, qui accède à la notoriété lors desémeutes du où il est blessé, est qualifié par l'historienLaurent Joly de « champion » des antisémites français entre 1936 et 1939. Il attaque verbalement et physiquement des collègues juifs duConseil municipal deParis :Maurice Hirschovitz,Georges Hirsch etRaphaël Schneid[69].

Les antisémites considéraient non seulement qu’il était désormais devenu indispensable de fermer les frontières mais ils pensaient également qu’il fallait expulser les Juifs réfugiés.Céline clamait ainsi :« Faut les renvoyer chez Hitler ! EnPalestine ! EnPologne ! ». Quelques antisémites sortaient des chiffres, ainsi Laurent Viguier évaluait la communauté juive à 800 000 personnes et il estimait que 300 000 restait un nombre« tolérable »[70]. Ses estimations sont exagérées puisque dans lesannées 1930, on ne dénombre justement que 300 000 Juifs en France[70] .
D’autres antisémites prônaient des mesures légales et un statut juridique. Ils voulaient dissocier une nationalité juive de la nationalité française, sans faire de différences entre les israélites depuis longtemps intégrés et les nouveaux arrivés. Ils ne ménageaient pas non plus lesanciens combattants juifs, tout en sachant que la communauté juive avait perdu presque une génération dans laGrande Guerre. Les mesures légales envisagées consistaient à priver les juifs de droits publics et à les proscrire de lafonction publique. René Gontier affirmait qu'« ils ne seront ni électeurs ni éligibles »[71]. Ces propositions visaient à interdire les organisations juives telles que l’Alliance israélite universelle ou laLigue internationale contre le racisme et l'antisémitisme. Les plus extrémistes voulaient interdire le travail aux juifs, ce qui en somme rejoignait l’idée d’expulser les juifs, puisque ces derniers sans travail auraient été obligés de partir. Ils voulaient limiter les activités exercées par les juifs dans lapresse, labanque, l’industrie ducommerce, lesprofessions libérales, laculture et le spectacle. Des groupes de théoriciens antisémites demandaient aussi la confiscation des biens des juifs[72].
Ils professaient une grande hostilité envers lesmariages mixtes, mais sans demander de mesure légale.
Plusieurs lois anti-étrangers furent promulguées dans ce contexte, en réponse à des manifestations, venant notamment du milieu de lamédecine ou desavocats (loi Armbruster du, limitant la médecine aux personnes diplômées de nationalité française ; loi concernant les avocats de, limitant la profession à ceux résidant sur le territoire depuis plus de dix ans - voirHistoire de l'immigration en France).
Pris le, lesdécrets-lois Marchandeau introduisent dans laloi de 1881 sur la liberté de la presse des motifs de poursuite« lorsque la diffamation ou l'injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, aura eu pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants », mais cette législation qui vise notamment lesattaques antisémites est abrogée par lerégime de Vichy dès le[73].



L'État français dirigé parPhilippe Pétain va hisser l'antisémitisme au rang d'idéologie officielle avec :
Si le déferlement des campagnes antijuives peuvent sembler influencer la population au départ, l'antisémitisme sera rejeté comme toute la propagande du régime. Les nazis ne considèrent jamais les Français comme de véritables antisémites :Louis-Ferdinand Céline est une exception, puisqu'il voyait dans les Juifs l'origine de tous les maux, et dans leur extermination, qu'il recommanda explicitement, la solution à tous les problèmes.
Lehaut-clergé catholique (archevêques,cardinaux) est hostile aux persécutions, mais estime que l'État est en droit de « protéger ses nationaux ». Cependant, ce n'est qu'à partir de 1942 que l'Église catholique s'émeut des arrestations.Il y a en1940 environ 300 000 Juifs en France, parmi lesquels 150 000 citoyens français et 150 000 étrangers. Les deux tiers de l'ensemble, mais la très grosse majorité des Juifs étrangers vivent enrégion parisienne. Sur les 150 000 Juifs français, 90 000 sont de vieille souche et parmi les 60 000 restants, souvent immigrés de l'Europe de l'Est, la moitié a été naturalisée dans lesannées 1930.
Les juifs, français et étrangers, vont vivre une situation d'oppression à partir de. À partir du printemps1942, ils devront faire face à la politique de la « Solution finale » décidée par lesnazis dans l'Europe occupée depuis laconférence de Wannsee. Il s'agissait pour les nazis de déporter tous les Juifs d'Europe vers descamps d'extermination situés enPologne
Jusqu'en, date de l'occupation de la « zone libre », la situation des Juifs n'est pas exactement la même enzone libre et enzone occupée. Les lois françaises anti-juives s'appliquent sur l'ensemble du territoire, mais enzone occupée s'y ajoutent des décrets allemands. Le gouvernement de Vichy va mener une politique de restriction des droits des juifs dès son installation, sans que les Allemands n'aient exprimé la moindre demande.
Dès, le ministre de la justiceRaphaël Alibert, crée une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis1927. Le retrait de la nationalité concernera 15 000 personnes dont 40 % de juifs. L'abrogation dudécret Crémieux privera 100 000 Juifs d'Algérie de la citoyenneté française. En, le conseil des ministres promulguera le premierstatut des Juifs : les citoyens juifs français sont exclus de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de laradio et ducinéma. Les Juifs considérés « en surnombre » sont exclus des professions libérales. Le deuxième statut des juifs, de est encore un peu plus restrictif : il allonge la liste des professions dont sont exclus les Juifs et établit unnumerus clausus limitant la proportion de Juifs à 3 % dans l'Université et 2 % des professions libérales. Enfin, en, les Juifs doivent céder leurs droits sur les entreprises à des « Aryens ». Les Allemands avaient appliqué cette mesure en zone occupée depuis.

UnCommissariat général aux questions juives est créé en, sous la direction deXavier Vallat. Sa mission est de veiller à l'application de la législation antijuive. Selon les mots d'Asher Cohen[74] :
« Sans cette législation sanctionnée par un gouvernement français respecté parce que légitime, les déportations ultérieures étaient presque impensables, en tous cas, bien plus compliquées à exécuter… l'aryanisation semble être le domaine où une certaine efficacité fut obtenue et où les résultats furent impressionnants. Les Juifs furent effectivement écartés de la vie économique de la nation, apparemment sans grande difficulté. »
Quant aux Juifs étrangers, ils sont considérés comme indésirables. À partir du, lespréfets français peuvent interner les étrangers « de race juive » dans descamps spéciaux ou les assigner à résidence. En, 40 000 Juifs étrangers croupissent dans une série de camps :Les Milles,Gurs,Rivesaltes… En, alors que la « Solution finale » n'était pas encore à l'ordre du jour, les Allemands avaient expulsé 20 000 juifs d'Alsace et deLorraine vers lazone non occupée. Plus tard, à partir de 1942, lorsque des pressions commencent à s'exercer pour mettre en œuvre la « Solution finale », le gouvernement français livrera aux Allemands nombre de juifs étrangers. La collaboration entre les polices allemandes et françaises sera renforcée par ce qu'on appelle les accordsBousquet-Oberg, du nom du chef de la police française et du représentant en France de la police allemande. Les Allemands peuvent selon ces accords s'appuyer sur la police française pour rafler les juifs étrangers, du moins jusqu'à la fin1942.

Les Allemands commencent à mettre en œuvre en France leur politique d'extermination massive des juifs d'Europe dès, où un convoi de déportés juifs quitteCompiègne, plaque tournante vers les camps de concentration et d'extermination. Officiellement, il s'agit de les regrouper dans une région mal définie (Pitchipoï ? on parle de la Pologne) que les Allemands auraient décidé de mettre à la disposition des juifs. Parmi eux se trouvent des Français juifs . Legouvernement de Vichy n'exprime pas de protestation. En zone occupée, les juifs sont obligés de porter l'étoile jaune à partir de. Cette mesure ne sera jamais imposée en zone sud, même après son occupation par les Allemands.
La déportation des juifs va prendre une grande ampleur à partir de laRafle du Vel' d'hiv, les 16 et : 12 884 Juifsapatrides (3 031 hommes, 5 802 femmes et 4 051 enfants) sont arrêtés par la police française, rassemblés auVélodrome d'Hiver dans des conditions sordides, puis àDrancy, d'où ils seront acheminés vers lescamps d'extermination. Fin, en zone libre, 7 000 Juifs étrangers sont raflés et livrés aux Allemands. Les deux trains de mesures antijuives, celui d' et celui de n'avaient guère soulevé de protestations de la part des autorités religieuses, depuis la condamnation solennelle de l'idéologie raciste dunational-socialisme par le papePieXI. Le cardinalPierre Gerlier,primat des Gaules, remet au chef de l'État, en, une note exprimant des réserves sur la politique antisémite. Son homologueprotestant, lepasteur Boegner, avait adressé une lettre personnelle à l'amiral Darlan un peu plus tôt, en. De même, les conditions très dures d'internement des juifs étrangers n'avaient guère ému l'opinion publique. Seules quelques organisations charitables, soit juives soit protestantes (laCIMADE), rejointes par quelques membres du clergé catholique, s'étaient préoccupées de porter secours aux internés descamps de Gurs,Noë,Récébédou, etc.
À partir de la mi-1942, on assiste à un revirement de l'opinion publique. Le port de l'étoile jaune, d'abord, avait suscité la réprobation de beaucoup de Français ainsi qu'une nouvelle protestation du pasteur Boegner. Ce sont enfin les rafles de l'été1942 qui provoqueront un tournant décisif. Non seulement parmi leschrétiens de base, mais également dans la hiérarchie catholique. En plus des démarches confidentielles, cinq prélats catholiques de la zone sud feront connaître publiquement, enchaire, leur désapprobation. La protestation la plus célèbre est celle deMgr Jules Saliège,archevêque deToulouse, dont la lettre est lue en chaire le. Dorénavant,Pierre Laval etRené Bousquet mettront en avant l'opposition de l'Église dans les pourparlers avec Oberg pour réduire l'implication de la police française dans le processus de déportation des juifs. Selon les mots deSerge Klarsfeld,« la fin de cette coopération massive ne se situe pas en1943 […] mais en septembre 1942 »[75]. Ce tournant ne veut pas dire arrêt : la police française, toujours sous les ordres de Bousquet, arrête dans la région parisienne 700 personnes en octobre, 600 en novembre et 835 en décembre, dont la plupart étaient françaises. En, les Allemands envahissent la zone sud. Aussitôt, leHöherer SS und Polizeiführer s'installa dans toutes lespréfectures pour développer ses activités antijuives. La police allemande montre sans doute moins d'efficacité que la police française, mais elle traque aussi bien les juifs français que les étrangers, et beaucoup de juifs français de la zone sud, se croyant protégés ou oubliés par legouvernement de Vichy, n'avaient pas pris l'habitude de se cacher.
De à, la zone d'occupation italienne, à savoir les deux départements de laSavoie et surtout lesAlpes-Maritimes, devient le refuge final pour les juifs. On en trouve près de 30 000, en dans ce qui s'avèrera être une souricière, lorsque les Allemands envahissent la zone après lacapitulation de l'Italie. Sous la conduite de l'AutrichienAlois Brunner, la police allemande et une unité deWaffen-SS ratissent jusqu'en les trois départements méditerranéens, mais faute de l'appui des autorités françaises, l'opération n'aboutit qu'à l'arrestation de 2 000 Juifs déportés àDrancy puis àAuschwitz. Le ratissage mené par Brunner se poursuit ensuite, à partir deGrenoble, enIsère et enSavoie jusqu'en et se solde par l'envoi d'un peu plus de 400 personnes à Drancy.
Les 75 000 Juifs déportés vers les camps de la mort le furent par les autorités allemandes, une grande partie d'entre eux avec la participation de la police dugouvernement de Vichy. Une partie des 225 000 Juifs qui échappèrent à ladéportation bénéficièrent du silence, de la complicité ou de l'aide active d'un très grand nombre de Français qui sont restés, pour la plupart, anonymes. Seuls quelques-uns d'entre eux ont été honorés du titre de « Justes parmi les nations »[76],[Note 1].
Selon des chiffres établis par l'association desFils et filles de déportés juifs de France présidée parSerge Klarsfeld[78] :
On a estimé que 72 % des Juifs résidant en France avaient survécu à laShoah, soit une proportion très supérieure à la moyenne des autres pays européens (33 %). Il y a eu, pendant toute la guerre, 141 000 Français déportés par les Allemands, toutes confessions confondues[79].
Bien qu'après laSeconde Guerre mondiale, il ait été difficile de s'afficher comme antisémite, l'antisémitisme n'a jamais complètement disparu en France, dans les milieux d'extrême droite, ainsi que dans certains groupes d'extrême gauche[80].
Ses manifestations principales les plus connues se sont longtemps situées dans les milieux de l'extrême droite française, notamment lorsque lemouvement dePierre Poujade reprend,« à mots couverts, les accusations antijuives » contre la personne dePierre Mendès France,Président du Conseil en 1954[81].

On en retrouve d'autres manifestations dans les écrits d'auteurs et de journalistes commeHenry Coston ou, de manière plus occasionnelle,François Brigneau, ainsi que dans des affaires médiatisées comme l'affaire de Carpentras, ou encore ladéclaration négationniste deJean-Marie Le Pen selon laquelle les chambres à gaz seraient « un point de détail de l'histoire de laSeconde Guerre mondiale »[82]. À ce sujet, l'historienMichel Winock souligne que« l'héritage de l'antisémitisme fait partie des bagages [du fondateur duFront national]. Le Pen s'en défend, mais depuis le mot du jeune député qu'il était à l'adresse de Mendès France le 11 février 1958 :« Vous n'ignorez pas que vous cristallisez sur votre personne un certain nombre de répulsions patriotiques et presque physiques », jusqu'à sa condamnation le 18 mars 1991 par la cour d'appel de Versailles pour avoir considéré les chambres à gaz comme un« point de détail », Jean-Marie Le Pen n'est pas innocenté sur ce terrain-là. SelonJean-Maurice Demarquet, son ancien ami et collègue à l'Assemblée nationale, c'est même chez lui une« obsession maladive ». Il ne contredit jamais ses proches, ses candidats ou ses éditorialistes moins prudents que lui, tels François Brigneau[83]. »
L'antisémitisme connaît une recrudescence vers la fin duXXe siècle, sous l'influence duconflit israélo-arabe[84],[85].
Les actes considérés comme antisémites, dès qu'ils sont connus, provoquent souvent l'indignation publique des hommes politiques. Il arrive cependant que des actes dénoncés comme antisémites soient montés de toutes pièces[86], ou soient soupçonnés d'être montés de toutes pièces[87], ou encore, bien que les faits soient réels, que l'on s'aperçoive que leur motivation n'est pas l'antisémitisme[88]. En, le président duconsistoire de Paris,Moïse Cohen, a déclaré que « c'est une erreur de réagir à un fait divers sans appliquer leprincipe de précaution » ; pourEsther Benbassa, historienne dujudaïsme, « l'extrême sensibilité de la communauté juive devrait être canalisée par les responsables communautaires, et les politiques devraient pouvoir attendre de savoir avant de réagir »[89]. À la suite de l'affaire « Marie L. »,Dominique de Villepin a déclaré vouloir « tirer les leçons de cette affaire », « tirer tous les enseignements des enquêtes et adopter la stratégie la mieux adaptée », « mieux connaître les causes [des actes racistes et antisémites] pour mieux les combattre »[90].

L'analyse de l'évolution des actes à caractère antisémite recensés en France entre 1998 et 2020 montre une augmentation brutale des dépôts de plaintes à partir de l'année 2000 et des résultats en dents de scie[91],[92],[93],[94],[95],[96],[97],[98].
Ces faits antijuifs désignent lesinjures, lesmenaces, lesdégradations de biens ou les actionsviolentes allant jusqu'à l'homicide, etc. à l'égard des Juifs, et qui ont fait l'objet d'undépôt de plainte[91]. Il est à noter que de manière générale, peu de victimes portent plainte[99] et que les résultats - restant toujours plus hauts qu'avant 2000[95] - peuvent accuser une baisse entre deux années, alors que le nombre d'injures a fléchi (hors internet qui n'entre pas dans ces études) quand celui des violences physiques a augmenté (voir notamment lemeurtre de Sarah Halimi en 2017 - année qui affiche une baisse de scores)[93].
| Année | 1998 | 1999 | 2000 | 2002 | 2004 | 2009 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Nombre de plaintes | 81 | 82 | 744 | 936 | 974 | 815 | 389 | 615 | 423 | 851 | 808 | 335 | 311 | 541 | 687 | 339 |
D'après la fondation pour la mémoire de la Shoah, en 2017, alors que les Français juifs représentent moins de 1 % de la population totale, ils subissent 33 % des actes racistes. Les villes les plus touchées par les actes antisémites cette année-là sontParis,Marseille,Strasbourg,Sarcelles etLes Lilas[92],[93].
D'aprèsDominique de Villepin, 75 « actions violentes à caractère antisémite » ont été recensées pendant les sept premiers mois de l'année2003, et 160 pendant les sept premiers mois de2004, dont 11 attribuées à l'extrême droite, 50 commises par des « individus d'originearabo-musulmane », et 99 qui ont obéi à des motivations floues[100]. La progression des violences antisémites a provoqué un mouvement d'émigration vers Israël, avec en 2002 2566 départs de français juifs vers ce pays[101]. Leministère de la Justice a recensé, entre le et le, 180 cas d'antisémitisme : 104 d'atteintes aux biens, 46 d'atteintes aux personnes, 30 infractions de presse[102].
SelonL'Express du[103] et du[104], on a recensé en France les nombres suivants de cas d'injures, menaces et violences antisémites : 743 en2000, 932 en2002, un recul non chiffré en2003, 974 (+ 61 % par rapport à 2003 dixit[105]) en 2004 ; et 504 en2005. Selon la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme), les violences et menaces recensées par le ministère de l’Intérieur ont été les suivantes : 571 en 2006 et 386 en 2007[réf. nécessaire].
Dans son rapport de 2007, la CNCDH attribue, pour l’année 2006, 28 % des violences antisémites aux milieux arabo-musulmans et 10 % à ceux de l’extrême droite ; la grande majorité (62 %) des auteurs d’actions violentes antisémites sont non identifiés[106].
Le SPCJ (Service de protection de la communauté juive) a recensé 389 actes antisémites en 2011, et 614 actes antisémites en 2012[94], dont l'attentat de Toulouse qui a fait quatre morts et un blessé grave. PourRichard Prasquier, président du CRIF, cette augmentation est liée aux attentats de Toulouse[107].
En, l'enquête sur un attentat le contre une épicerie juive deSarcelles[108] débouche sur le démantèlement d'une cellule islamiste radicale qui coûte la vie à l'auteur présumé de l'attentat de Sarcelles[109].
En réaction à laguerre de Gaza de 2014 plusieurs manifestationspro-palestiniennes ont lieu dans plusieurs villes le et notamment à Paris où des heurts éclatent entre militants pro-palestiniens, laLigue de défense juive, leBetar et les forces de l'ordre à proximité de lasynagogue de la rue des Tournelles et de larue de la Roquette[110]. SelonL'Obs, deux versions s'affrontent quant à l'origine de ces incidents : dans une vidéo publiée sur le site participatifCitizenside, on voit des membres de laLigue de défense juive (LDJ) lancer des projectiles sur des adversaires pro-palestiniens et les insulter alors que dans une autre vidéo publiée par le secrétaire général duConseil national du numérique Jean-Baptiste Soufron, qui se trouvait lui aussi à proximité des lieux, on voit des pro-Palestiniens viser leurs adversaires qui répliquent[111].SOS Racisme juge « inadmissible ce qu'il qualifie« d'attaque antisémite »[112].Pierre Jourde proteste dansLe Monde contre ce type de manifestation[113]. Le se déroule une manifestation, pourtant interdite par les autorités[114], dans le quartier deBarbès à Paris où des magasins juifs de laGoutte d'or sont saccagés aux cris de« À mort Israël » »[115]. Le, un nouveau rassemblement, interdit par les autorités, dégénère àGarges-Sarcelles devant la synagogue, l'accès à la synagogue deGarges est bloqué. Des commerces sont attaqués et pillés. Une épiceriecasher est entièrement brûlée.
Le, un jeune couple est séquestré et violenté àCréteil à son domicile. Les agresseurs cherchent de l'argent, car selon eux « être juif signifie que l'on a de l'argent »[116] et la jeune femme est violée[117]. Le président de la République,François Hollande, juge cette violence insupportable[118] et le ministre de l'Intérieur,Bernard Cazeneuve, appelle à « faire de la lutte contre l'antisémitisme une cause nationale »[116], ce que le président de la République François Hollande réaffirme lors de sonmessage de vœux pour 2015[119]. Pour la journaliste Lucie Delaporte, la ville de Créteil est devenue depuis l'agression le symbole de la montée de l'antisémitisme en France[120]. Toutefois, il faut attendre pour que leparquet de Créteil estime que les agresseurs ont ciblé leurs victimes à cause de leur religion et demande le renvoi des accusés devant lacour d'assises[121], ce que confirme lejuge d'instruction en[122].
Manuel Valls a déclaré :« Ce qui s’est passé à Sarcelles est intolérable, s’attaquer à une synagogue à une épicerie kasher, c’est tout simplement de l’antisémitisme, du racisme » et que« rien en France ne peut justifier la violence, rien ne peut justifier qu’on s’en prenne à des synagogues, à des épiceries, des magasins, des institutions juives »[123].Haïm Korsia, legrand-rabbin de France a déclaré que « dans notre société on ne peut tolérer qu’une partie de la population soit ainsi attaquée. Une fois de plus ce sont les juifs qui sont l’objet d’une haine profonde »[124].
Selon leConseil représentatif des institutions juives de France (Crif) le nombre d'actes antisémites recensés sur les sept premiers mois de l'année 2014 a augmenté de 91 %. L'association dénonce un « phénomène de masse » qui expliquerait la forte hausse du nombre d'aliyah des Juifs de France[125].
Après plusieurs agressions notamment deux au couteau àMarseille dont une revendiquée au nom de l'État islamique contre des juifs portant lakippa[126],[127], le président duConsistoire de Marseille conseille aux juifs, en, de ne plus porter de kippa dans la rue, ce qui suscite la réprobation du président duConsistoire central, celle du président duCRIF et celle du grand-rabbin de FranceHaïm Korsia qui suggère au contraire aux« supporteurs de l'Olympique de Marseille à revêtir mercredi 20 janvier un couvre-chef » à l'occasion d'un match defootball[128]. Le, c'est un jeune garçon juif de 8 ans, portant kippa qui est roué de coups dans une rue de Sarcelles[129], attaque condamnée par le président de la RépubliqueEmmanuel Macron et le premier ministreÉdouard Philippe[130].
Chaque année, laCommission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) publie le rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Le rapport 2021 montre que le nombre annuel de faits à caractère antisémite a considérablement augmenté à partir de l'an 2000 pour se maintenir à une exception près entre 300 et 1000 (589 en 2021). L’année 2021 est marquée par un retour à un niveau élevé[131].

Des personnalités contemporaines ont suscité la controverse par leurs positions qu'ils qualifiaient d'« antisionistes ». C'est le cas de l'humoristeDieudonné[132],[133], lui-même condamné pour incitation à la haine raciale[134] et qui, lors desélections européennes de 2009, a conduit uneListe antisioniste[135] », aux côtés de l'essayisteAlain Soral, président d'Égalité et Réconciliation, et de Yahia Gouasmi, créateur du Parti anti sioniste[136],[137],[138].

En, les représentations du spectacle de Dieudonné,le Mur, sont interdites car il « contient des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale »[139]. Cette interdiction est à l'origine de nombreux débats[140]. En, laguerre de Gaza entre Israël et leHamas renouvelle l'ardeur antisémite de Dieudonné et de son public[141].
Le, le magazineLes Inrockuptibles publie un article sur le « bal desquenelles », une représentation de Dieudonné à laquelle les organisateurs ont voulu donner une« dimension festive ». Dans le public, quelques centaines de personnes sont réunies,« adolescents, couples, parents, parfois avec leurs enfants ou leur chien, dans une ambiance joviale de fin d’après-midi estivale ». L'un des participants souligne cependant« qu’une partie de lafan base de Dieudonné n’est pas disponible aujourd’hui pour des raisons religieuses en raison duRamadan ». Parmi les stands installés sur place, se trouve celui d'Alain Soral où sont proposés divers ouvrages et au centre duquel figureMein Kampf,« un livre qui plaît beaucoup pour la nostalgie » explique l’un des vendeurs. Durant sa prestation, Dieudonné explique que« lecomplot juif lui aurait coûté sa carrière ». Il « blague » sur les Juifs qu'il qualifie sous les applaudissements de« gang des pyjamas de Cracovie », faisant référence à la tenue desdéportés dans lescamps d'extermination nazis. Parmi les « lauréats des quenelles d'or » attribuées à des figures de lafachosphère sont distingués Alain Benajam, l'un des fondateurs duRéseau Voltaire, qui se vante d'avoir« fait le buzz sur internet avec une belle quenelle, en tant que juif »,« geste que revendique également Jacob Cohen, connaissance de longue date de Dieudonné qui est aujourd’hui accusé d’incitation à la haine raciale »[142].

Le groupusculeTribu Ka, dirigé parKémi Séba, a été dissout en2006 par le gouvernement pour antisémitisme et« actions menaçantes à l'égard de personnes de confession juive »[143].
Larhétorique antijuive se retrouve dans les textes de l'auteur françaisHervé Ryssen, plusieurs fois condamné pour la tonalité antisémite de ses écrits[144]. En, Hervé Ryssen a été condamné à une peine de prison ferme[145].
Le, la manifestationJour de colère à Paris contre le présidentFrançois Hollande rassemble selon la police 17 000 personnes, groupes hétéroclites d'intégristes catholiques, dontCivitas, d'opposants aumariage homosexuel, de partisans deDieudonné, d'identitaires, de patrons en colère ou encore de familles.Slogans antisémites, saluts nazis,quenelles, insultes, violences[146] ont marqué cette manifestation condamnée par lesassociations antiracistes[147],[148] et l'essentiel de la classe politique[149]. SelonRobert Badinter, « c'est la première fois depuis la fin de l'Occupation que l'on entend hurler dans les rues de Paris "dehors les Juifs" »[150]. Face à ces événements, l'historien israélienÉlie Barnavi, ancienambassadeur d'Israël en France, juge que« dans un climat social délétère, les inhibitions ont sauté et la parole judéophobe s’est déchaînée. Ainsi remontent à la surface, du tréfonds de l’inconscient national, de vieux miasmes que l’on croyait enfouis à jamais »[151].
En, on apprend queGallimard projette de publier un volume regroupant les pamphlets antisémites deLouis-Ferdinand Céline,Bagatelles pour un massacre,L'École des cadavres etLes Beaux draps, à paraître en sous le titreÉcrits polémiques[152]. Une vive controverse s'ensuit[153], qui conduit Gallimard à suspendre ce projet, le :« Au nom de ma liberté d'éditeur et de ma sensibilité à mon époque, je suspends ce projet, jugeant que les conditions méthodologiques et mémorielles ne sont pas réunies pour l'envisager sereinement », indiqueAntoine Gallimard dans un communiqué[154].
LeCercleÉdouard Drumont (du nom de l’auteur du pamphlet antisémiteLa France juive) se constitue en 2019 afin d'« honorer » ce « grand homme » et ce militant « nationaliste ». Pour le journaliste deLibération Pierre Plottu, ce cercle est proche d'« Amitié et Action française », une scission dissidente de l’Action française[155] dirigée par l’avocatElie Hatem qui organise également des réunions où« la liste des invités est un who’s who de l’extrême droite antisémite française :Yvan Benedetti mais aussiJérôme Bourbon (du journalnégationnisteRivarol),Alain Escada (chef desnationaux-catholiques deCivitas), la soralienneMarion Sigaut, Pierre-Antoine Plaquevent (obsédé parSoros et« l’invasion migratoire »), Stéphanie Bignon (de Terre et Famille, proche de Civitas), ou encore le princeSixte-Henri de Bourbon-Parme qui ne cache pas sa proximité avec des personnalités duRassemblement national »[156].
De 1945, fin de laDeuxième Guerre mondiale, à 1980, attentat de larue Copernic, aucun crime à caractère antisémite n'a été recensé. L'assassinat deSébastien Selam, en 2003, par un ami d'enfance qui avait crié « J'ai tué un juif, j'irai au paradis », a été jugé comme relevant de lafolie et non de l'antisémitisme ; l'hôpital psychiatrique a en revanche été jugé responsable de carences dans le suivi médical[157].
De 2006 avec le meurtre d'Ilan Halimi à 2018, on compte onze assassinats[158] — assassinats de Sarah Halimi et de Mireille Knoll compris — et deux tentatives de meurtre motivées par l'antisémitisme en France[159].


En 2006, l'opinion publique française est particulièrement choquée par l'affaire du gang des barbares, au cours de laquelle un jeune homme juif, Ilan Halimi, est enlevé, puis torturé pendant trois semaines avant de succomber à ses blessures dans la banlieue parisienne.
Les motifs de l'enlèvement initial d'Halimi par unebande criminelle dirigée par Youssouf Fofana étaient essentiellement crapuleux, mais l'antisémitisme a joué un rôle notable dans la violence des malfaiteurs et dans leur choix d'une victime israélite, supposée fortunée. C'est la première fois, sur le territoire français, qu'un juif se fait assassiner en raison de sa religion, depuis la fin de laSeconde Guerre mondiale.
En, Youssouf Fofana arrive à faire publier une vidéo où il exprime sa haine des juifs et fait référence à Ilan Halimi ; il est condamné à 7 ans de prison pourapologie du terrorisme l'année suivante[161]. Plusieurs fois depuis, laplaque commémorative d'Ilan Halimi àBagneux est profanée, les arbres plantés en son souvenir sont sciés[162],[163],[95].

Durant latuerie de Toulouse, le, 3 enfants, Myriam Monsenego (8 ans),Gabriel (3 ans) et Aryeh Sandler (6 ans) et un professeur, leur père Jonathan Sandler (30 ans), sont assassinés ; un adolescent (15 ans) est grièvement blessé par balle, dans une école juive. Après les actes antisémites qui le suivent, le ministre de l'Intérieur,Manuel Valls s'inquiète alors de cet« "antisémitisme nouveau" depuis plusieurs années, "né dans nos quartiers, dans nos banlieues" »[164] puis le PrésidentFrançois Hollande, nouvellement élu, donne un lustre particulier à la commémoration du70e anniversaire de laRafle du Vel d'Hiv le, et déclare« L'antisémitisme n'est pas une opinion, c'est une abjection. Pour cela, il doit d'abord être regardé en face. Il doit être nommé et reconnu pour ce qu'il est. Partout où il se déploie, il sera démasqué et puni »[165].
Tandis que le président du CRIF,Richard Prasquier, prône une extrême vigilance face à l'islamisme radical, « comme avec lenazisme »[166],Le Monde, dans unéditorial, écrit :« Quand, pour la première fois depuis la fin de la guerre, des enfants sont tués en France parce qu'ils sont juifs, avec lescrimes perpétrés à Toulouse parMohamed Merah il y a plus de six mois. Quand une grenade est lancée en pleine journée dans une supérette casher de Sarcelles, dans la région parisienne, comme il y a deux semaines. Quand la police démantèle un réseau islamiste et le trouve en possession d'une liste de projets d'attaques contre des associations juives de France, comme ce samedi. Cette violence n'est pas indiscriminée ; elle est bel et bien ciblée. Elle est commise au nom de l'islam, censé inspirer un combat islamiste, djihadiste, al-qaïdiste. […] Elle réhabilitethéories du complot et archétypes les plus ignobles. C'est au nom de cet antisémitisme qu'Ilan Halimi a été enlevé puis torturé à mort par le "gang des barbares" en 2006. […] La prise de conscience doit être nationale : cette affaire-là nous concerne tous »[167].
Le président de la RépubliqueFrançois Hollande répond solennellement à ces menées antisémites, en présence du premier ministre israélienBenyamin Netanyahou, en participant à une cérémonie d'hommage aux victimes de la tuerie de Toulouse, le. Il y assure que l'antisémitisme« sera pourfendu dans toutes ses manifestations, les actes mais aussi les mots. Il sera pourchassé partout y compris derrière toutes les causes qui lui servent de masque (…). Il sera poursuivi par tous les moyens partout où il se diffuse, en particulier sur les réseaux sociaux qui accordent l’anonymat à la haine. […] Aucun enfant ne doit avoir peur en allant étudier, aucun parent ne doit avoir peur en laissant ses enfants partir en classe »[168].

Le, 2 jours après l'attentat contreCharlie Hebdo, quatre hommes sont assassinés durant uneprise d'otages dans un supermarché cachère,porte de Vincennes à Paris. Il s'agit de Philippe Braham (45 ans), Yohan Cohen (20 ans), Yoav Hattab (21 ans) et François-Michel Saada (64 ans).
Leterroriste islamisteAmedy Coulibaly, qui n'avait pas caché ses motivations antisémites, est tué lors de l'assaut de la police[169].
Le lendemain, le premier ministre,Manuel Valls, comme le président de la RépubliqueFrançois Hollande, appelle les Français à participer à lamarche républicaine prévue le dimanche suivant et ajoute à ce sujet :« Nous sommes une nation, pas une addition de communautés. L'antisémitisme, le racisme, les actes anti-chrétiens sont des délits. Il y a un an face àDieudonné, je me suis senti un peu seul »[170].
Le, àBelleville, l'assassinat d'une femme juive de soixante-cinq ans, Sarah Halimi, mère de trois enfants, grand-mère, médecin puis directrice de crèche retraitée, torturée et défenestrée par un jeune voisin musulman d'origine malienne, Kobili Traoré, suscite une vive émotion dans la communauté juive[171], que les responsables de la Communauté ont peine à endiguer[172]. Ses avocats dénoncent un acte antisémite[173].
Le, lapartie civile demande que soit reconnue lacirconstance aggravante à caractère antisémite, ainsi que la séquestration, les actes de torture et de barbarie[174].Le,Alexandra Laignel-Lavastine publie surAtlantico une lettre ouverte intitulée « d’Ilan à Sarah Halimi, la France indigne » àGérard Collomb, nomméministre de l’Intérieur une semaine plus tôt, dans laquelle elle fustige« un pays où il est redevenu possible d’assassiner des Juifs sans que nos compatriotes ne s’en émeuvent outre mesure » et« l’atmosphère déliquescente qui règne au pays deDieudonné »[175]. Le, dix-sept intellectuels, dontMichel Onfray,Jacques Julliard ouMarcel Gauchet publient une tribune dansle Figaro demandant « que toute la lumière soit faite sur la mort de cette Française de confession juive tuée aux cris d'« Allah akbar ». Ils dénoncent « le déni du réel » et le fait que« ce crime d'une barbarie rare, qui a eu lieu en pleinecampagne présidentielle, a reçu peu d'attention des médias »[176]. ».
Le, Kobili Traoré est mis en examen pour « homicide volontaire » sans que l'antisémitisme soit retenu[177] jusqu'à ce qu'en, après le rapport du psychiatre chargé de l'expertise, le parquet de Paris demande à la juge chargée de l'enquête que le caractère antisémite soit retenu dans cette affaire[178]. Finalement, le, le caractère antisémite du meurtre est retenu commecirconstance aggravante par la juge d'instruction chargée de l'enquête[179].
Le, près d'un an après le meurtre de Sarah Halimi, le meurtre de Mireille Knoll, une octogénaire juive assassinée dans son appartement ensuite incendié, lui fait tristement écho. Le caractère antisémite est tout de suite souligné par le parquet[180].
La décision de laCour de cassation déclarant le irresponsable le meurtrier deSarah Halimi tout en reconnaissant le côté antisémite de son crime suscite la totale incompréhension de nombreux responsables de la communauté juive française[181].
Quoique les assassinats de Juifs en France ne soient pas tous reconnus par les juges comme ayant un caractère antisémite, leur fréquence en augmentation pose question. Ainsi, après l'assassinat de Yvan Eyal Haddad le 19 août 2022[182],[183], le député françaisMeyer Habib déclarait : « Après leDJ Sellam,Ilan Halimi,Sarah Halimi,Mireille Knoll, René Hadjaj,Myriam Monsonego,Jonathan,Arié et Gabriel Sandler,Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab, Francois-Michel Saada, encore un meurtre, encore un juif tué par un musulman, c’est le triste destin d’une France du21e siècle où l’antisémitisme et son nouveau visage, l’antisionisme, est plus vivant que jamais »[184],[185].
Dès 2002, l'historienGeorges Bensoussan dans son ouvrageLes Territoires perdus de la République (2002), se penche sur la résurgence de l'antisémitisme dans les banlieues françaises et plus particulièrement parmi les jeunes d'originemaghrébine.
En2004,Jean-Christophe Rufin, président d'Action contre la faim et ancien vice-président deMédecins sans frontières, à la demande duministre de l'Intérieur, rend un rapport sur le racisme et l'antisémitisme montrant que l'antisémitisme de l'extrême droite semble diminuer parmi les causes des violences antisémites alors qu'apparait une augmentation du rôle celui d'une frange de la jeunesse issue de l'immigration, ce qui est confirmé par l'enquête de 2014[186]. Ce rapport récuse cependant la perception que le nouvel antisémitisme en France ne proviendrait uniquement que des immigrés d'Afrique du Nord et que de l'extrême droite[187],[188]. Dans son rapport daté d', Rufin écrit que« le nouvel antisémitisme apparaît plus hétérogène » et identifie ce qu'il appelle une nouvelle et« subtile » forme d'antisémitisme dans « l'antisionisme radical » tel qu'il est exprimé par les mouvements d'extrême gauche et d'antimondialisation, dans laquelle la critique des Juifs et d'Israël est utilisée comme prétexte pour« légitimer le conflit armé palestinien »[189],[190].
En 2014, une étude de laFondation pour l'innovation politique (Fondapol) présidée parDominique Reynié[191] précise que« c'est l'émergence et l'affirmation d'un nouvel antisémitisme qui s'apprécient parmi lesmusulmans vivant en France ». Mais« cette enquête met fin à l'idée d'un parti [leFront national] qui s'est normalisé » :« Les sympathisants du FN et ses électeurs ressemblent davantage au discours du fondateur du parti qu'au discours plus policé que sa nouvelle présidente s'efforce de mettre en scène »[191]. L'étude dénonce aussi« le formidable outil de propagation des opinions antisémites que peut être le Web »[192]. La méthodologie d’enquête est fortement contestée, notamment parNonna Mayer : les critiques mettent en cause la représentativité discutable de l'échantillon et la méthode du questionnaire (interrogations dans la rue et avec des questions posées en mode binaire)[106].
Le, 250 personnalités du monde intellectuel, politique ou religieux[193] signent unManifeste contre le nouvel antisémitisme écrit parPhilippe Val dans lequel les signataires dénoncent une« épuration ethnique à bas bruit » qui a conduit 50 000 Juifs« à déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République », ce silence venant :
La publication du manifeste est suivie par celle d'un ouvrage collectif :Le Nouvel Antisémitisme en France.
La manifestation contre l'islamophobie du, où plusieurs personnes arboraient des étoiles jaunes à cinq branches est perçue par une grande partie de la communauté juive comme une banalisation dunégationnisme et une instrumentalisation dumartyr juif sous l’occupation[194],[195],[196]. L'imam de la mosquée de BordeauxTareq Oubrou déplore quant à lui, un « dérapage ».
Selon une étude de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA), conduite entre septembre et, 85 % des Juifs français estiment que« l'antisémitisme est un problème dans leur pays », contre 66 % au niveau européen. Ce sentiment s'est accru avec latuerie à l'école juiveOzar Hatorah àToulouse en 2012. 74 % d'entre eux ont déclaré« renoncer parfois à porter des signes distinctifs, tels que lakippa » et 10 % affirment avoir déjà fait l'objet de violences physiques ou des menaces de violence. Selon cette étude, Le nombre d'actes antisémites enregistrés en France a presque doublé entre 2011 et 2012. 75 % des Juifs français estiment que« le conflit israélo-arabe a un impact négatif sur leur vie quotidienne ». 73 % considèrent les extrémistes musulmans comme responsables de cette montée de l'antisémitisme, 67 % accusent les militants d'extrême gauche et 27 % ceux d'extrême droite. Henri Nickels, directeur de programme de cette agence a conclu cette étude en soulignant que ses résultats« démontrent un grave et indéniable sentiment d'insécurité des Juifs de France » et qu'il était important que la France« analyse les raisons de ce sentiment et mette en œuvre des politiques, afin de permettre aux Juifs de vivre pleinement leur identité, comme ils l'entendent, sans crainte et au grand jour »[197].
Une nouvelle étude publiée en, montre que la France est en « première ligne de l’antisémitisme » et qu'Internet« joue un rôle particulièrement néfaste dans la propagation de l’antisémitisme ». Le directeur de l'agence estime« qu'il est particulièrement pénible d’observer qu’internet, qui devrait être un outil de communication et de dialogue, est actuellement utilisé comme un instrument de harcèlement à caractère antisémite » et que l'Union européenne et les États membres devraient trouver« de toute urgence, des moyens efficaces de lutter contre le phénomène croissant de l’antisémitisme sur Internet ». L’agence propose la création d’unités de police spécialisées afin de surveiller et d’enquêter sur les « crimes de haine » en ligne et recommande« l’adoption de mesures pour encourager le signalement de contenus antisémites à la police. »[198].
Lors d'une interview dans l’émissionOn n'est pas couché le surFrance 2, le premier ministreManuel Valls revient sur les agressions, attentats et manifestations d’antisémitisme en France de ces dernières années. Il déclare que« l’antisémitisme a changé de nature, passant par exemple de l’extrême droite à l’extrême gauche par "haine d’Israël" et sous couvert d’antisionisme, mais touchant aussi désormais des milieux sans culture ». Il précise que« cet antisémitisme [inculte] est véhiculé par les paraboles, par internet, par les théories proches dudjihadisme qui a gagné une partie de nos quartiers »[199].
Selon l'enquête de la FRA publiée en, plus de 90 % des Juifs d'Europe (et 93 % des Juifs en France) estiment que le sentiment antisémite devient de plus en plus fort dans leurs pays - contre 85 % en 2012. Presque 30 % des Juifs déclarent avoir été harcelés du fait de leur origine religieuse mais 80 % d'entre eux ne l'ont pas rapporté à la police.« Par ailleurs, plus d'un tiers des personnes interrogées essayent de ne pas fréquenter d'événements juifs et 38 % considèrent la possibilité de quitter l'Union Européenne »[200].
La haine antisémite sur internet se manifeste à nouveau lorsque April Benayoum, Miss Provence 2020 et dauphine d'Amandine Petit (Miss France 2021) est visée le jour de l'élection par de nombreux commentaires antisémites sur les réseaux sociaux après avoir révélé que son père était d'origine israélienne. Amandine Petit, a jugé « extrêmement décevants » ces « propos déplacés » visant sa dauphine, à qui elle a apporté son « soutien ». De nombreux hommes politiques dont le ministre de l'Intérieur et laLICRA condamnent cette haine[201],[202].
Depuis 2000 et le début de ladeuxième Intifada, alors que l’alya de Juifs de France versIsraël n’est pas un phénomène nouveau, l’augmentation nette des violences antisémites a donné aux départs une signification nouvelle : les départs étaient d’environ 2 500 en 2004, ils sont de 7 900 en 2015, après l'attentat contre l'Hyper Cacher après avoir été de 7 200 en 2014. La France devient ainsi le premier pays contributeur à l'alya[203].
Dans ce contexte, le Premier ministre Manuel Valls a déclaré le à l'occasion d'une soirée hommage àYitzhak Rabin à l'Hôtel de Ville de Paris que « les Juifs sont encore et toujours pris pour cibles, victimes d'un antisémitisme virulent qui se dissimule derrière la haine d'Israël » et que la France « mettra et met toute sa force pour protéger les Juifs de France » contre l'antisémitisme qui frappe auProche-Orient et aussi en Europe. Il a aussi souligné la légitimité de l'attachement des Juifs français à laTerre d'Israël comme ils aiment la France qu'ils considèrent toujours« comme leur mère-patrie » et rappelé que la France et Israël étaient« deux nations sœurs dont l'amitié était exigeante et honnête »[204].
Le,IPSOS publie une étude d'opinion où il apparaît que« les préjugés antisémites sont fortement répandus au sein de la population française et transcendent tous les critères sociodémographiques et politiques ». Le rapport précise que« les préjugés antisémites sont largement répandus au sein de la population musulmane, plus que chez l'ensemble des Français ». Cet antisémitisme est« perçu par les juifs comme étant en forte progression et […] est devenu leur principale préoccupation ». Il s'y« ajoute un sentiment d’insécurité »[205].
Si l'opinion à l'égard des Juifs semble évoluer positivement[206], les actes antisémites progressent depuis 15 ans et alors que les juifs représentent moins de 1 % de la population française, ils ont été la cible de 40 % des actes racistes commis en France en 2015[206]. Depuis les années 1980, il faut, selonMichel Wieviorka, « y ajouter ceux qui se définissent d’abord commeantisionistes, mais qui finissent par assimiler les juifs à lapolitique d’Israël » et ceux d'extrême droite. Quant aux auteurs d’agressions antisémites, ce sont souvent des « hommes jeunes ayant un passé depetit délinquant » pour la sociologueNonna Mayer et « il s’agit souvent d'islamistes radicalisés » selonAlain Jakubowicz, le président de laLICRA[206]. Face à cette situation, les Juifs tendent à se faire discrets en évitant de porter deskippot (couvre-chefs traditionnels) et certainsémigrent vers Israël. Le gouvernement, pour sa part a créé la Dilcra (Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme et l’Antisémitisme) en 2014 et a désigné la lutte contre le racisme et l’antisémitisme commegrande cause nationale en 2015[206].
Le, lors de la cérémonie des vœux à la communauté juive, le premier ministre,Édouard Philippe, annonce un nouveau plan de lutte contre l’antisémitisme pour 2018-2020 dont l'objectif principal est de le combattre sur internet[207]. Ce plan est détaillé le et inclut une initiative pour faire modifier le cadre législatif européen. L'idée est de rendre les plates-formes financièrement responsables quand il y a diffusion de contenus illicites[208].
Le, plus de 250 personnalités (dont l’ancien président de la RépubliqueNicolas Sarkozy, trois anciens Premiers ministres ou l’ex-maire de ParisBertrand Delanoë) signent unmanifeste contre « le nouvel antisémitisme » dans une tribune duParisien[209]. Le texte dénonce « l'antisémitisme musulman » comme« la plus grande menace qui pèse sur l'islam duXXIe siècle » et appelle en conséquence à ce que« soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques » musulmanes,« les versets duCoran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, deschrétiens »[210] et desincroyants[211],« afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime »[212].
Trois jours plus tard, le, une trentaine d'imams de France, comprenant notamment le recteur de la grande mosquée de BordeauxTareq Oubrou, signent une tribune publiée le journalLe Monde pour faire part de leur compassion à l'égard des victimes de l'antisémitisme. Les imams y condamnent les lectures dévoyées du Coran qui génèrent parmi les musulmans « une anarchie religieuse, gangrenant toute la société ». Le texte reconnaît que certains imams, du fait de leur compréhension radicale, ont contribué à alimenter l'antisémitisme en France. Les signataires de cette tribune regrettent de voir « l’islam tomber dans les mains d’une jeunesse ignorante, perturbée et désœuvrée. Une jeunesse naïve, proie facile pour des idéologues qui exploitent son désarroi ». En s'alliant au combat contre l'antisémitisme, ces trente imams appellent « les intellectuels et les politiques à faire preuve de plus de discernement » dans leurcritique de l'Islam[213].
Le, le Premier ministre Édouard Philippe publie une tribune surFacebook où il s'alarme de« la très forte hausse (+ 69 %) » de l'antisémitisme en 2018. Il rappelle des décisions prises les mois précédents et annonce une modification de la loi afin de renforcer la lutte contre la « cyberhaine », en mettant la pression sur les opérateurs duNet[214].
Fin 2018 et début 2019, lemouvement des Gilets jaunes inquiète la communauté juive par ses dérives antisémites[215],[216],[217] et l'atmosphère antisémite délétère qui l'accompagne : tags antisémites (croix gammées, « Juden ») sur des devantures de magasins, sur des banderoles (« Macron pute à juifs »), injures antisémites devant une synagogue (« Rendez l'argent, sales juifs ! ») ou sur les réseaux sociaux[218],[219].


Le, quatre-vingt-seize tombes sont profanées dans lecimetière juif de Quatzenheim, dans le Bas-Rhin[220] avant que le président de la République et les présidents des deux Chambres se rendent auMémorial de la Shoah pour y déposer une gerbe[221] et que se déroule une soirée de manifestations contre l'antisémitisme appelée par la plupart des partis politiques et donnant lieu à un rassemblement de vingt mille personnesplace de la République à Paris[222] (en présence du Premier ministre, d'autres membres du gouvernement et d'anciens présidents de la République) et à d'autres, moins importants, à Toulouse[223],[224], à Marseille, à Strasbourg[222] et en tout dans une soixantaine de villes[225]. Simultanément, des rassemblements, de quelques centaines de personnes, alternatifs à celui de la place de la République, visant à dénoncer « l'instrumentalisation » de l'antisémitisme, et auquel ont répondu plusieurs organisations dont l'Union juive française pour la paix (UJFP), ont lieu[226].
Lors dudîner du CRIF du, les annonces d'Emmanuel Macron de mesures concrètes pour répondre à l’antisémitisme[227], dont un projet de loi pour lutter contre la haine sur Internet[228] et la mise en œuvre de la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste[229] adoptée par leParlement européen[Note 2], ont été suivies par une vague de tags antisémites, nazis et de croix gammées sur les murs de Paris[232]. Une semaine plus tard, le, une école juive de Montrouge reçoit une lettre antisémite au contenu virulent dont entre autres :« la France est une base arrière du sionisme en Europe » et« Adolphe Hitler, s’il avait exterminé tous les juifs, les pays arabes vivraient en paix »[233].
Le mercredi en Conseil des ministres, le ministre de l’intérieurChristophe Castaner a demandé la dissolution de quatre associations prêchant ledjihad armé : le Centre Zahra France, la Fédération chiite de France, leParti antisioniste et France Marianne Télé, les trois premières organisations étant présidées parYahia Gouasmi. SelonBenjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, « ce sont des associations ouvertement antisémites et dangereuses »[234].

À la suite de l'annonce d'Emmanuel Macron de, le député LREMSylvain Maillard propose une résolution reprenant une définition de l'antisémitisme énoncée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA)[235]. Malgré l'opposition d'un collectif d'intellectuels juifs antisionistes du monde entier[236] et les remous qu'elle provoque au sein de la majorité LREM[237], cette résolution[238] déjà adoptée par vingt pays dont seize de l'Union européenne[239] l'est à son tour par l'Assemblée nationale française le avec un nombre record d'oppositions au sein même de la majorité[240]. Elle s'appuie sur la résolution du Parlement européen contre l'antisémitisme du[241],[242] et fait référence à la définition « opérationnelle » et « non contraignante » de l'antisémitisme de l'IHRA[243] :« L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte ». Les opposants reprochent essentiellement à cette définition son côté« hautement problématique » et l'assimilation (l' « amalgame ») de l'antisémitisme et de l'antisionisme,« déjà utilisée pour stigmatiser et réduire au silence les critiques de l'État d'Israël, notamment les organisations de défense des droits humains »[236]. Du côté du gouvernement, le Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) auprès du Premier ministre,Frédéric Potier, a assuré que« la définition (de l’IHRA) n’interdit pas la critique de la politique de l’État d’Israël » mais constitue« un instrument supplémentaire permettant de mieux décrypter la haine à l’encontre des juifs »[237].
Le aucimetière juif de Westhoffen (Bas-Rhin), 107 tombes ont été taguées de croix gammées[244].
Le, à l'occasion des cérémonies marquant le75e anniversaire de la libération descamps de la mort nazis, Emmanuel Macron, reprenant une idée déjà exprimée par exemple par le psychiatre et philosopheFrantz Fanon et par la rabbin Delphine Horvilleur[Note 3] déclare[245] :
« L’antisémitisme n’est pas seulement le problème des Juifs, non, c’est d’abord le problème des autres. »
Une enquête publiée en 2022 montre que l'antisémitisme est très ancré en France avec une prédominance dans les électeurs du Rassemblement National et de la France Insoumise[246]. Bien qu'en baisse en 2022, les actes antisémites représentent 62 % des actes anti-religieux en France alors que la population de confession juive constitue moins de 1 % de la population totale[247].
Le 30 janvier 2023, le gouvernement français présente un plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme pour les quatre prochaines années[248].
Le, lors d'un entretien sur la chaîneCNews, legénéral retraité Dominique Delawarde (signataire de la « tribune des généraux ») évoque une minorité contrôlant la« meute médiatique » ; à la question « Qui ? », il répond :« La communauté que vous connaissez bien ». Une enquête est ouverte pour propos antisémites[249],[250].
Le, sur le site Strategika, réputé proche d’Alain Soral[251], le général publie une mise au point démentant toute intention antisémite, il aurait voulu parler d’une« communauté d’affaires et d’intérêts, bien connue sous le vocable deDeep State aux États-Unis et d’« État profond » en France ».
Quelques semaines après l'interview du général Delawarde, certains manifestants anti-passe sanitaire défilent avec cette seule interrogation sur leurs pancartes. Celles-ci sont surtout visibles lors des rassemblements organisés parFlorian Philippot en juillet. Elles rejoignent les différents visuels qui ont déjà fait scandale au fil des rassemblements, mêlantétoiles jaunes, références aurégime de Vichy ou aunazisme[252].
Le, àMetz, ce slogan est repris en rouge sur une pancarte qui déploie également une liste de noms de personnalités majoritairement juives, lors d'une manifestation contre le passe sanitaire, l'enseignante vacataire (professeur d'allemand) qui brandit la pancarte fut proche duFront national, deLouis Aliot puis duParti de la France[250],[253]. Elle est placée en garde à vue, suspendue de ses fonctions puis inculpée de « provocation publique à la haine raciale »[254]. Elle est finalement est condamnée à six mois deprison avec sursis et au paiement d'une amende à des associationsantiracistes[255],[254].
Dès le lendemain de l'attaque d'Israël par le Hamas le ans se produit une explosion des actes antisémites[256] : du au, sont recensées 1 159 actes et 518 interpellations sont effectuées[257],[258]. Dans un entretien donné le, le ministre de l’Intérieur précise que parmi les 486 personnes interpellées, 102 sont étrangères[259].
Deux semaines après l'attaque du Hamas, le ministère de l'Intérieur constate que les actes antisémites se multiplient en France malgré les mesures de sécurité et de prévention prises par les ministères de l'Intérieur, de la Justice et de l'Enseignement supérieur[260].

Les présidents duSénat et de l'Assemblée nationale,Gérard Larcher etYaël Braun-Pivet lancent un appel à« une marche pour la République et contre l’antisémitisme »[261]. 182 000 personnes marchent le pour la République et contre l’antisémitisme dans toute la France dont 105 000 à Paris[262].LFI et la communauté musulmane ne sont pas officiellement représentées dans la manifestation parisienne[263],[264], en opposition notamment à la présence de l'extrême droite dans le défilé[265], mais participent à d'autres cortèges, comme à Bordeaux[266] ou à Strasbourg[267]. La participation duRassemblement national à cette marche est critiquée, y compris par des organisations juives[268].
Des féministes juives voulant dénoncer les viols et les meurtres commis par le Hamas sont empêchées de se joindre à une manifestation féministe contre les violences faites aux femmes lorsque des militants d'extrême gauche les en empêchent[269]. Une scène similaire se reproduit lors de la manifestation parisienne organisée à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2024 quand les manifestantes juives sont obligées de quitter la manifestation, protégées par la police, après avoir subi des envois de projectiles comme des œufs, des tessons de bouteilles et objets divers, lancés par des manifestants pro-palestiniens[270].
Dans un rapport de, leService statistique ministériel de la sécurité intérieure fait état d'une hausse importante des crimes et délits à caractère raciste en France en 2023, expliquée en grande partie par la recrudescence des actes antisémites depuis leattaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023[271].
Le, face à l'explosion des actes antisémites depuis le7 octobre 2023 et particulièrement dans les universités[272], la ministre déléguée chargée de la lutte contre les discriminations,Aurore Bergé, lance les premières assises de lutte contre l'antisémitisme en présence de représentants des cultes chrétiens, juifs et musulmans et d'associations de lutte contre la haine.
Plusieurs actes antisémites commis en France sont soupçonnés de l'avoir été sous ingérence russe[273]. Pendant le mois de, des manipulations d'origine russe contribuent à cette atmosphère d'antisémitisme comme le taggage d'étoiles de David bleues sur les murs de Paris et leurs multiples reproductions sur Internet[274]. Dans la nuit du au, une vingtaine de mains rouges sont peintes sur le Mur desJustes, à l’extérieur duMémorial de la Shoah, à Paris, sur lequel figurent les noms de 3 900 hommes et femmes ayant contribué à sauver des juifs pendant la seconde guerre mondiale. Une dizaine d’autres bâtiments (école, crèche…) du quartier historique juif duMarais ont également été pareillement tagués. Ces mains rouges, déjà brandies par des manifestants pro-palestiniens, renvoient aulynchage de réservistes israéliens dans la ville palestinienne deRamallah en, au début de laseconde Intifada[275] mais seraient, selonle Canard enchaîné, le fait d’une manipulation orchestrée par la Russie, comme les étoiles de David bleues de[273].
Des mains peintes en rouges avaient déjà causé une polémique dans le cadre de la manifestation étudiante pro-palestinienne deSciences Po le. Les étudiants se sont défendus de ces accusations en soulignant que les mains rouges sont« un symbole activiste qui a été utilisé pour énormément de causes, rien de plus »[276].
Le, un individu armé d'un couteau et d'une barre de fer lance dans la synagogue deRouen uncocktail Molotov qui provoque un incendie maîtrisé par les pompiers. Leministre de l'intérieurGérald Darmanin annonce que l'homme a été abattu par le policier qu'il menaçait[277],[278],[279]. Similairement, le 24 août 2024, un homme ceint d'un drapeau palestinien tente d'incendier la synagogue dela Grande Motte à l'aide de bouteilles d'essence er de gaz et est interpellé dès le lendemain après un échange de tirs avec la police[280].
En, trois jeunes garçons mineurs, âgés de 12 et 13 ans, sontmis en examen pour avoir commisun viol à caractère antisémite sur une fille de douze ans, àCourbevoie[281],[282]. Le jour-même de l'annonce publique des faits, plus d’un millier de manifestants se réunissent sur le parvis de l’hôtel de Ville de Paris[283]. Deux des garçons sont condamnés à neuf et sept ans de prison ferme en juin 2025[284].
Le, les procureurs français inculpent un jeune de 19 ans et un mineur de planification et de collecte d'armes en vue d'un violent « complot terroriste » contre des cibles juives[285].
Le rapport de laCommission nationale consultative des droits de l'homme remis le au gouvernement pointe une forte baisse de la tolérance envers les minorités et en particulier par rapport aux Juifs, et une multiplication par 4 des actes antisémites entre 2022 et 2023, hausse qualifiée d'inédite depuis laseconde Intifada en 2000[286]. Ce même rapport juge l'action du gouvernement insuffisante et « trop attentiste » face à la montée de l'antisémitisme[286].
Selon une enquête deL'Express du, près d'un an après le début de laguerre à Gaza, les agressions antisémites représentent désormais 57 % de l’ensemble des agressions racistes et antireligieuses dans le pays, alors que les juifs comptent pour moins de 1 % de la population française[287].
En, une enquête menée par Ipsos pour le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) met en lumière une progression notable de l'antisémitisme en France. Selon l'étude, 46 % des Français adhèrent à plus de six préjugés antisémites, contre 37 % en 2020. Une augmentation sensible s'observe dans les jeunes générations[288],[289],[290].
En, le ministère de l'Intérieur communique au CRIF que 1 570 plaintes pour acte antisémite ont été comptabilisées en 2024, un chiffre du même ordre de grandeur que celui de 2023 (1 676), toujours en très forte augmentation par rapport à 2022 (436)[291].
Le, le rabbin d'Orléans, Arié Engelberg, est agressé en pleine rue alors qu'il revenait chez lui avec son fils de 9 ans de l'office duchabbat. L'interposition d'un témoin permet de faire fuir l'agresseur mineur de nationalité marocaine arrêté deux jours plus tard[292],[293],[294] et condamné à 16 mois de prison ferme[295]. En mai puis, c'est le rabbin Élie Lemmel qui est victime de deux agressions successives[296].
Le, leMinistère de l'Intérieur révèle ses chiffres pour les cinq premiers mois de l'année. Entre et, il a recensé504 actes antisémites, soit une baisse de 24 % par rapport à la même période en 2024 mais une hausse de 134 % par rapport à la même période en 2023. Il juge par ailleurs le niveau d'actes antisémites« très élevé »[297].
À partir du 7 octobre 2023, l'expression « antisémitisme d'atmosphère » apparaît[298] puis se répand[299] au point qu'un rapport sénatorial le définisse comme« difficile à repérer, se traduisant dans les établissements universitaires par du harcèlement, des bousculades, des changements de place dans les amphis, un isolement d’étudiants au moment de confectionner des groupes » – un ensemble de comportements qui, sans être en général légalement répréhensibles, engendrent un malaise palpable chez les Juifs de France. Le phénomène est perçu « non comme une forme nouvelle d’antisémitisme, mais comme la puissante résurgence, via une expression politique voire idéologique, d’un antisémitisme latent qui tire sa légitimation du conflit israélo-palestinien[299]. L'expression est reprise dans l'exposé des motifs de la Loi n° 2025-732 du 31 juillet 2025 relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur[300] qui précise qu'« au-delà des actes manifestes se développe un climat latent d'hostilité envers les étudiants et personnels juifs, créant un sentiment d'insécurité et d'exclusion inacceptable dans nos institutions ».
Des appels au boycott sont lancés contre des artistes ayant soutenu Israël dans le conflit, comme les chanteursAmir[301] ouEnrico Macias[302]. Les menaces de boycott s'étendent et touchent aussi des artistes qui ont seulement demandé la libération des otages détenus par le Hamas, comme Lisa Spada, ou n'ayant pas exprimé publiquement d'opinion sur le conflit, comme Théo Aboukrat, dont le manager qualifie d'antisémite la déprogrammation de son concert, que l'organisateur justifie par le risque financier et réputationnel en cas de boycott[303]. Le guitariste David Konopnicki, qui joue de lamusique juiveklezmer, dénonce des injures antisémites aux abords de ses concerts, ainsi que la difficulté de trouver des salles de concert[303] dont il se demande si c'est l'expression de l'antisémitisme des propriétaires des salles ou une« pure crainte sécuritaire »[304].
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