Antioche, ouAntioche-sur-l'Oronte (engrec ancien :Ἀντιόχεια ἡ ἐπὶ Ὀρόντου /Antiókheia hē epì Oróntou ; enlatin :Antiochia ad Orontem) afin de la distinguer des autres Antioche plus récentes, est une ville historique originellement fondée sur la rive gauche de l'Oronte dans laSyrie historique et qu'occupe la ville moderne d'Antakya, enTurquie. C'était l'une des villes d'arrivée de laroute de la soie.
Fondée vers parSéleucosIer Nicator après sa victoire d'Ipsos surAntigone le Borgne, il l'appelleAntiocheia (engrec ancien :Ἀντιόχεια) en souvenir de son pèreAntiochos. La ville connaît un essor démographique rapide car elle est créée parsynœcisme de plusieurs bourgs avoisinants, Iopolis, Jope, Meroe et Bottia, (le synœcisme est la réunion de plusieurs villages pour fonder unepolis), synœcisme amplifié par l'adjonction de 3 500 famillesmacédoniennes etgrecques déplacées d'Antigonie, l'ancienne capitale de son rival située 9 km en amont sur l'Oronte.
Bâtie initialement en retrait de la rive gauche dufleuve en raison des risques d'inondations, elle est conçue sur unplan hippodamien à l'image d'Alexandrie et des prestigieuses cités hellénistiques. Elle se veut en être la concurrente dans la région. Antioche devient l'une des grandes villes de l'époque. Les immigrants et en particulier, fait rare, lesJuifs, y obtiennent les mêmes droits que les autres habitants.
On la connaît aussi sous le nom d’Antioche sur l'Oronte afin de la distinguer des quinze autresAntioche créées par le monarque et d’Antioche épi [près de]Daphnè, du nom d'un bois sacré voisin consacré àApollon et dans lequel Séleucos éleva untemple audieu tutélaire desSéleucides.
La première Antioche, dont Séleucos confia la construction à une commission de trois superviseurs, Attaios, Péritas et Anaxicratès, ne comprenait que deux quartiers : ce qui devait devenir le quartier royal, dans l’île, et le quartier sud. Elle fut entourée d’une enceinte (dont il ne reste rien) conçue par l’architecte Xénaïos.
Légende tardive ou souvenir d’un rite barbare,Jean Malalas[1] explique que la fondation d’Antioche est marquée par un sacrifice humain, celui d’une jeune fille nommée Aimathè. Elle est alors considérée comme une déesse, laTyché (la Fortune), et son sanctuaire fondé par Séleucos devient l’un des plus importants de la cité. Le roi commande une statue au prestigieux sculpteurEutychidès de Sicyone, œuvre monumentale qui va devenir une des plus célèbres du monde grec : elle représentait la jeune fille voilée, couronnée de tours, tenant à la main des épis de blé, assise sur un rocher qui symbolise le montSilpios ; à ses pieds apparaît à partir de la taille un jeune nageur étendant les bras, et représentant l’Oronte. L'originale aurait été détruit par le terribletremblement de terre de l'an 115. Une copie romaine repose aujourd'hui aumusée du Vatican. Le roi fonde aussi d’autres sanctuaires pour la ville nouvelle : celui deZeus Bottaios, un dieu macédonien, et dans les environs un temple d’Athéna avec une belle statue de bronze pour les colons athéniens venus d’Antigonéia, ainsi qu’un bois sacré de cyprès à proximité du Daphneion, le « sanctuaire du Laurier » consacré àApollon, sur les hauteurs de Daphnè au sud-ouest.
Particulièrement bien située, à la charnière des voies conduisant vers l'Anatolie, laMésopotamie et laJudée, et sur l'Oronte alors navigable, Antioche devient la capitale du royaumeséleucide et l'un des principaux centres de diffusion de laculture hellénistique. La ville se pose très tôt en rivale d'Alexandrie.
La ville est dans la plaine fertile de l'Amuq, abritée par de petits massifs montagneux (lemont Staurin et lemont Silpion) qui défendent son approche et fournissent des piémonts aisés à fortifier. Elle est sans cesse agrandie, ce qui lui vaut la qualification deTétrapole (cité quadruple :Apamée, Laodicée de Syrie (Lattaquié), Antioche etSéleucie de Piérie) par le géographeStrabon[2]. Au milieu de l'Oronte, il y avait une île aménagée sousAntiochos III avec la construction du palais ou quartier royal, et au sud de cette île, la cité fondée par Séleucos avec ses rues parallèles au fleuve. Plus au sud encore le quartier d'Epiphaneia dontAntiochos IV Épiphane voulut faire le centre politique de la cité. Elle est peuplée deGrecs, deSyriens rapidement hellénisés. C’est une cité florissante et prospère (industrie textile, joaillerie, produits de luxe) mais qui ne peut rivaliser ni avecAlexandrie ni avecPergame comme foyer littéraire et artistique.
La cité compte de 300 000 à 400 000 habitants à la fin de la période hellénistique. Son urbanisme (rues à angle droit) et ses institutions (boulè etarchontes) sont ceux d’unepolis (cité), qui peut se comporter à l’occasion comme un État souverain, surtout en cas d’affaiblissement du pouvoir royal. En, les Antiochiens n’hésitent pas à se détourner de la dynastie séleucide et à demander la protection du roi d’ArménieTigrane II.
Après la conquêteromaine en parPompée, elle devient la capitale de laprovince de Syrie et, loin de s'affaiblir, conserve le surnom de « Couronne de l'Orient ». Sous le règne deTibère, la ville est étendue vers le nord, reçoit une enceinte unique et son centre de gravité devient une avenue d'environ30 mètres de largeur comportant 3 200 colonnes, presque parallèle à l'Oronte, séparant le quartier d'Épiphanie du reste de la cité, et offerte parHérode le Grand. Antioche, troisième ville de l'Empire derrièreRome etAlexandrie, compte alors environ 500 000 habitants. Ce type d'urbanisme est ensuite imité par presque toutes les cités d'Orient.
Lors de l'invasion de la Syrie par les Persessassanides deChapourIer en 252 la cité, dont un notable nomméMariadès avait pris le contrôle, collabore un temps avec les Perses, qui se ravisent et la détruisent de fond en comble, déportant enIran une grande partie de la population. Elle est reconstruite parValérien, et peut-être reprise par les Perses en 260. AuIVe siècle, elle retrouve son importance, et est résidence impériale duCésarConstantius Gallus vers 350, qui fait régner dans la cité une atmosphère de terreur policière. Les Antiochiens étaient volontiers frondeurs, n'hésitant pas à critiquer les empereurs commeJulien qui y séjourne durant l'hiver 362/363. Les surnoms injurieux que lui infligent les Antiochiens l'irritent au point qu'il réplique par un discours pamphlet, leMisopogon[3]. En 387, un nouvel impôt déclenche la« révolte des statues », durant laquelle la population renverse les statues de la famille impériale.
Proposition de restitution de l'élévation du Grand Temple d'Antioche sur l'Oronte
Proposition de restitution de l'élévation en longueur du Grand Temple d'Antioche sur l'Oronte
Proposition de restitution du Grand Temple d'Antioche sur l'Oronte
Antioche — à ne pas confondre avecAntioche de Pisidie — est l'un des premiers appuis duchristianisme naissant. Une communauté de fidèles duChrist s'y développe dès les premières années duchristianisme et, selon lesActes des Apôtres (11, 26), c'est dans ce lieu que les disciples deJésus reçoivent pour la première fois le nom de« chrétiens »[4].
L'importance religieuse d'Antioche diminue progressivement avec la montée deConstantinople et l'érection deJérusalem en patriarcat. L'Église d'Antioche est affaiblie par leshérésiesarienne (Concile d'Antioche de 324), puisnestorienne etmonophysite.
La cité est détruite en grande partie par untremblement de terre en 526, lequel aurait fait plus de 250 000 victimes, puis prise et pillée de nouveau par lesPerses en 540 qui déportent une grande partie de sa population dans les environs d'Ecbatane. La ville est reconstruite parJustinien qui élève une nouvelle muraille, sur une superficie plus réduite, et la refonde sous le nom deThéoupolis (« Cité de Dieu »).
Un peu plus d'un siècle plus tard, en 1084, les Turcsseldjoukides s'en emparent.
La ville est conquise par lescroisés le. Les chroniqueurs chrétiens racontent la famine et le cannibalisme des croisés pendant le siège de huit mois, puis les massacres et les viols après la prise de la ville par traîtrise[7]. Les croisés en font la capitale d'uneprincipauté au profit deBohémondIer de Tarente, fils aîné deRobert Guiscard. Après la victoire de Saladin à labataille de Hattin (1187), cette principauté décline assez rapidement et se limite aux faubourgs d'Antioche. La ville estreprise et mise à sac par le sultanmameloukBaybars en 1268. Sa chute annonce la fin de la présence croisée enSyrie.
À la suite de sa destruction par Baybars, la ville, devenueAntakya, décline en importance au profit d'Iskenderun et d'Alep.
L'église Saint-Pierre est creusée dans la roche et est sans doute la première église chrétienne. Elle comporte un souterrain qui aurait permis aux premiers chrétiens de fuir en cas de persécutions.