Ne doit pas être confondu avecPacifisme.


L'antimilitarisme est uneidéologie qui s'oppose aumilitarisme, dans ses dimensions hiérarchiques etautoritaires, mais aussi bellicistes et nationalistes.
Antiautoritaires etinternationalistes, les antimilitaristes se distinguent despacifistes par le fait qu'ils ne s'opposent pas tous, par principe, au conflit armé (notamment dans le cadre de l'auto-défense sociale) mais à l'utilisation de l'institution militaire par l'État face à d'éventuels ennemis étrangers, à la nature aliénante de cette institution pour les individus et surtout au fait qu'elle garantisse un ordre social inégalitaire à l'intérieur du territoire national (l'« ennemi intérieur »)[1].
Un exemple historique illustre cette position : en Espagne, lors de larévolution sociale de 1936 lesmilices confédéralesanarcho-syndicalistes qui combattent par les armes lesfranquistes refusent lamilitarisation des milices par laSeconde République espagnole.
Le terme apparait à la fin duXIXe siècle. Pour leDictionnaire Larousse, l'antimilitarisme définit une« Hostilité à l'égard de l'esprit et des institutions militaires »[2]. LeCentre national de ressources textuelles et lexicales ajoute à cette hostilité une dimension« systématique envers l'armée et/ou son esprit »[3].
LaGran Enciclopèdia Catalana est plus précise : « Mouvement d'opposition à la domination de l'armée sur l'administration de l'État dans ses deux aspects : intérieur avec la militarisation de la société, et extérieur par une politique internationale agressive. »[4]
Selon leDictionnaire historique de la Suisse :« L'antimilitarisme s'oppose à la prépondérance des valeurs, des intérêts et des institutions militaires dans l'État et la société. Il n'implique pasa priori le refus de l'armée, à la différence duPacifisme, dont il se rapproche cependant souvent »[5].
Pour l'Encyclopédie anarchiste :« Comme le mot l’indique, l’Antimilitarisme a pour objet de disqualifier le militarisme, d’en dénoncer les redoutables et douloureuses conséquences, de combattre l’esprit belliciste et de caserne, de flétrir et de déshonorer la guerre, d’abolir le régime des Armées »[6].
Jean-Philippe Lecomte propose cette définition :« Les courants d’idées – et les attitudes et pratiques qui en découlent ou qu’ils suscitent (discours critiques, mobilisation, insoumission, etc.) – qui, d’une part, récusent la nécessité ou la légitimité des forces armées et des activités militaires, dans l’ordre externe ou dans l’ordre interne ; ou, d’autre part, dénoncent et condamnent l’emprise jugée excessive de l’armée, et singulièrement de l’armée de métier, comme du système de valeurs dont elle est supposée porteuse, sur la société et /ou le pouvoir politique »[7].
PourMarc Ferro dans sonHistoire de France :« Volontiers associé à l'anticléricalisme, l'antimilitarisme est, à l'origine, lié plus directement à l'évolution des régimes politiques. Il apparaît à la chute de Napoléon lorsque l'ordre militaire est discrédité et que le soldat semble comme une survivance du passé, destinée à disparaître ». Par ailleurs, l'historien distingue au moins deux courants :« l'antimilitarismelibertaire et l'antimilitarisme républicain »[8].
QuandVictor Hugo expose, en 1852, les quatre principaux obstacles à la réalisation de l'idéal démocratique, il place l'institution militaire en première place : « L'armée permanente, l'administration centralisée, le clergé fonctionnaire, la magistrature inamovible »[9].

Sous laTroisième République, la campagne de démystification menée par l'anarcho-syndicalisme est facilitée par la structure et l'esprit réactionnaire de la hiérarchie militaire et par l'utilisation de l'armée contre « l'ennemi intérieur », notamment contre les travailleurs en grève[10].
Un antimilitarisme populaire fait son apparition et se développe, mais à part un secteur limité depacifistes intégraux, il s'agit d'abord d'une luttecontre le militarisme, c'est-à-dire contre l'utilisation de l'armée au service du jeu international et colonial de la classe dirigeante et contre la structure quasi-féodale de la hiérarchie. Ce point est important, car le mot « antimilitarisme » exprime à la fois deux attitudes : opposition au principe militaire et/ou opposition à l'armée de la classe dirigeante[10].
La guerre de 1914-1918, ressentie par la majorité de la population comme une guerre pour la défense de la nation, et non pas comme une lutte entre deux impérialismes, a fortement affaibli l'antimilitarisme et cela d'autant que l'Entente est victorieuse. Toutefois, les révélations sur les terribles répressions du temps de guerre, les entreprises impérialistes de l'après-guerre et l'apparition en France d'un parti ouvrier mettant en cause non l'armée en soi, mais la défense nationale « bourgeoise », ont développé un nouvel antimilitarisme qui s'est associé à l'ancien, parfois en l'englobant, parfois en s'y opposant[10].

Le rôle de l'armée dans la répression de laCommune de Paris et son utilisation répétée dans la répression des grèves ouvrières nourrit un antimilitarisme ouvrier. Leboulangisme et surtout l'affaire Dreyfus, où l'armée est au cœur de la crise, renforcent ce courant[11].
En, alors qu'un grand nombre de dirigeants cégétistes sont en prison, leCongrès de Marseille de laConfédération générale du travail adopte une motion vigoureusement antimilitariste.
Selon lesyndicaliste révolutionnaireÉdouard Berth :« l'antimilitarisme ouvrier […] n'a pas sa source dans une horreur abstraite ou sentimentale de la guerre et de l'armée ; il a sa source dans lalutte de classe ; il est né de l'expérience desgrèves et des luttessyndicales, où toujours, en face de lui, l'ouvrier rencontre l'armée, gardienne du Capital et gardienne de l'Ordre, en sorte qu'elle lui est apparue comme un simple prolongement de l'atelier capitaliste, et par conséquent comme le symbole vivant de sa servitude. Mais dès lors, l'antimilitarisme n'est plus une protestation individuelle contre la caserne, au nom de principes plus ou moins abstraits ; il n'est plus la simple sécession d'individus se retirant de la collectivité nationale pour recouvrer une indépendance tout égoïste ; une simple désertion individuelle, pouvant être assimilée à une lâcheté ; il est la sécession d'individus se retirant de la collectivité nationale pour entrer dans la collectivité ouvrière ; et l'adoption d'une « patrie » nouvelle, à qui ils se dévouent corps et Ame, à la vie et à la mort. L'antimilitarisme ouvrier tire donc toute sa valeur et tout son sens de son union intime avec l'idée de lutte de classe ; séparez l'antimilitarisme de cette idée, et il n'est plus que l'expression d'une horreur tout individuelle pour ce que les « esprits forts » appellent l'abrutissement de la caserne »[12].

Comme le préciseGeorges Sorel la même année dansRéflexions sur la violence :« Le syndicalisme se trouve engagé, en France, dans une propagande antimilitariste qui montre clairement l’immense distance qui le sépare du socialisme parlementaire sur cette question de l’État. Beaucoup de journaux croient qu’il s’agit là seulement d’un mouvement humanitaire exagéré […] contre la dureté de la discipline, ou contre la durée du service militaire, ou contre la présence dans les grades supérieurs d’officiers hostiles aux institutions actuelles ; ces raisons-là sont celles qui ont conduit beaucoup de bourgeois à applaudir les déclamations contre l’armée au temps de l’affaire Dreyfus, mais ce ne sont pas les raisons des syndicalistes. L’armée est la manifestation la plus claire, la plus tangible et la plus solidement rattachée aux origines que l’on puisse avoir de l’État. Les syndicalistes ne se proposent pas de réformer l’État comme se le proposaient les hommes duXVIIIe siècle ; ils voudraient le détruire »[13].

Avant laPremière Guerre mondiale, l'antimilitarisme est représenté enFrance et enBelgique par des militantssocialistes,anarchistes etsyndicalistes révolutionnaires.
Il s'agit pour ces militants de miner la société capitaliste en cherchant à affaiblir et démoraliser sa principale institution défensive, l’armée. Sous prétexte de défendre la patrie, le régime capitaliste s’appuie sur celle-ci pour écraser les mouvements de révolte : de lafusillade de Fourmies (le) à celle deNarbonne et de Raon-l’Étape (juillet et aout 1907), l’armée française a donné auprolétariat la confirmation répétée de cette thèse[14].
En 1886 en France,Joseph Tortelier,Émile Bidault,Octave Jahn, etc. fondent laLigue des antipatriotes en opposition à laLigue des patriotes.
La même année, legénéral Boulanger crée leCarnet B, instrument principal de surveillance des « suspects », français ou étrangers, sous laTroisième République. Géré par le ministère de l'Intérieur, ce fichier est progressivement étendu à tous les individus pouvant troubler l'ordre public ou antimilitaristes qui pourraient s'opposer à la mobilisation nationale. Le, le ministre de l'IntérieurLouis Malvy décide de ne pas le mettre en œuvre lors du déclenchement de laPremière Guerre mondiale. À la fin de la guerre, il est conservé et repris aux fins de surveillance générale, en particulier des étrangers. Il n'est abrogé qu'en 1947.
En, laLigue antimilitariste animée notamment parParaf-Javal etAlbert Libertad, prône la suppression des armées et comme seule méthode de lutte ladésertion[15].
En, se tient leCongrès antimilitariste d'Amsterdam, organisé parDomela Nieuwenhuis qui débouche sur la création de l'Association internationale antimilitariste. Ses statuts n'évoquent pas explicitement l'« anarchisme », mais seulement l'« antimilitarisme révolutionnaire » et préconisent, à plus ou moins court terme, l'« actioninsurrectionnelle » comme moyen d'action : « À l'ordre de mobilisation vous répondrez par la grève immédiate et l'insurrection ». Les cadres de l'association sont toutefois tous anarchistes ousyndicalistes révolutionnaires.
Dès, la direction de la section française de l'Association internationale antimilitariste est frappée par la répression : 28 dirigeants sont inculpés lors du procès qui se tient du 26 au, et 26 d'entre eux condamnés à 36 ans de prison pour avoir publié une affiche appelant les contingents à semutiner ou à répondre à la mobilisation par la grève insurrectionnelle.
En, une quarantaine de jeunes militantslibertaires refusent publiquement la conscription et se réfugient à l’étranger. LaFédération communiste anarchiste couvre de son sigle leur manifeste reproduit sur 2000 affiches et 80000 tracts, intitulé « Aujourd'huiinsoumis, demainréfractaires, plus tarddéserteurs ».Louis Lecoin assume les poursuites judiciaires et le, prononce de surcroît un discours appelant au sabotage de la mobilisation dans un meeting. Il est condamné le à cinq ans de prison pour « provocation au meurtre, à l'incendie et au pillage »[16],[17].

En France, le courant antimilitariste s’exprime principalement dans un journal hebdomadaire,La Guerre sociale, fondé en, parGustave Hervé, pour promouvoir une stratégie de « concentration révolutionnaire » centrée sur un antimilitarisme « insurrectionnel ». Le journal connait un succès grandissant jusque vers 1912 où il fléchit. Il accueille des militants venus de l’anarchisme, comme son secrétaire de rédaction,Miguel Almereyda, commeVictor Méric, un de ses rédacteurs talentueux, comme son dessinateur attitré,Jules Grandjouan, mais il est proche aussi de syndicalistes,Alphonse Merrheim,Victor Griffuelhes,Benoît Broutchoux,Jean De Boë et contribue à entrainer laCGT dans une radicalisation antimilitariste[18].
Le journal n’est pas opposé à la guerre, pourvu qu'elle soit révolutionnaire : si l’effondrement du capitalisme et la révolution prolétarienne sont inévitables et imminents, il faut se montrer conséquent, renoncer à tout légalisme, faire tout pour s’y préparer, se préparer à la violence notamment par « l’action directe ». Si le socialisme doit être internationaliste, alors le vrai révolutionnaire doit répudier sa prétendue patrie et planter au fumier le drapeau tricolore, objet par excellence du culte patriotique[14].
Si on relève au cours des années d’avant-guerre un nombre croissant de cas d’insoumissions (3 % du contingent à partir de 1907[19]), de mutineries (dont la célèbre du17e régiment d'infanterie en 1907 à Béziers) et de désertions, et que le monde ouvrier est pénétré d'une forte et presque unanime hostilité envers l’institution militaire, les thèses insurrectionnelles en cas de mobilisation ne sont suivies que par de minces « minorités agissantes ». On le constatera dès[14].

Le courant antimilitariste, si intransigeant et véhément pendant les années d'avant guerre, ne résiste pas à la menace de la guerre imminente en, qui va le dissoudre en une débandade soudaine accompagnée de reniements.
Mi-juillet à Paris, laSFIO tient un congrès largement consacré à la question de la grève générale en cas de mobilisation. Le congrès bien que divisé s'accorde finalement sur une motion :« Entre tous les moyens employés pour prévenir et empêcher la guerre et pour imposer aux gouvernants le recours à l’arbitrage, le congrès considère comme particulièrement efficace la grève générale ouvrière simultanément et internationalement organisée dans les pays intéressés ainsi que l’agitation et l’action populaires sous les formes les plus actives ».
Fin juillet éclate laPremière Guerre mondiale. La CGT rappelle sa thèse officielle, la grève générale, mais les dirigeants sont tenaillés par la peur, les hésitations. Dans l’atmosphère d’exaltation patriotique de ces journées, leurs convictions sont ébranlées. Aucun mot d’ordre précis n’est donné. L’échec de l’opposition à la guerre est évident. La SFIO comme la CGT glissent vers l’Union sacrée. Le 31, Jaurès est assassiné. Le même jour, Gustave Hervé, en éditorial deLa Guerre sociale, exige des socialistes le reniement des thèses qu’il avait cherché pendant toutes ces années à leur imposer : il faut, dit-il,« déclarer officiellement, solennellement, qu’on ne fera pas la grève générale préventive contre la guerre menaçante et qu’on ne fera pas la grève générale insurrectionnelle contre la guerre déclarée ». Le1er août, la mort de Jaurès est mise au service de la ligne nouvelle du journal :« Défense nationale d’abord ! Ils ont assassiné Jaurès, nous n’assassinerons pas la France »[14].
Lemouvement libertaire international se fracture entre partisans de l'Union sacrée rassemblés autour duManifeste des Seize et antimilitaristes radicaux. Pour ces derniers :« L'antimilitarisme n'est qu'une forme particulière de l'opposition à l'État, comme la guerre n'est qu'une manifestation particulière de l'organisation capitaliste et hiérarchique de la société »[20].
Après 1918, les antimilitaristes survivants sont arrivés avec deux « explications » convergentes et contradictoires sur« l’irrésistible courant de ferveur patriotique qui a balayé toutes les idéologies, toutes les divergences entre Français »[21] à l’été 1914 :« Nous avons été débordés par le chauvinisme » et« Il y avait un patriote de 1793 qui sommeillait en chacun de nous ».
La grande guerre impérialiste a laissé plus de huit millions de morts et certains historiens pensent qu’elle ne s’est achevée, qu’en 1945. Ce crime inexpiable qu’ils ont vu venir, oblige à créditer les antimilitaristes d’avant 1914 de lucidité partielle et de courage. Il n’exclut pas cependant de mesurer leur aveuglement sur le possible et le faisable[14].


« Le refus du service militaire est une assurance contre la mort, cette assurance sera viable dès qu'il y aura suffisamment d'assurés. »
— Léo Campion.
En 1933, en Belgique,Léo Campion etHem Day renvoient leurslivrets militaires et refusent un rappel sous les armes. Ce sont les deux premiersobjecteurs de conscience. Ils sont incarcérés et condamnés à plusieurs mois de prison. Après une grève de la faim, ils sont finalement renvoyés de l'armée car indignes de figurer plus longtemps dans ses rangs[22].
La même année, en France,Gérard Leretour fonde laLigue des objecteurs de conscience qui devient la section française de l'Internationale des résistants à la guerre. Arrêté fin 1933, pour avoir détruit la statue dePaul Déroulède (fondateur de laLigue des patriotes) dans un square de Paris, il est condamné à 18 mois de prison et fait une nouvelle grève de la faim pour obtenir le statut de prisonnier politique. LaLigue des objecteurs est dissoute officiellement mais reconstituée, en 1936, sous le nom deCentre de défense des objecteurs de conscience.
En,Louis Lecoin, déjàinsoumis lors de la guerre précédente, rédige un tract intitulé « Paix immédiate », distribué à 100 000 exemplaires avec l'aide de, notamment,Nicolas Faucier.
Après lecoup d'État militaire des 17 et 18 juillet 1936, lesmilices confédérales regroupent des travailleurs de laCNT et de laFAI. Elles jouent un rôle déterminant durant les premiers mois de laguerre d'Espagne dans la défense de laRépublique et de larévolution sociale en cours.
Dans ces milices, les anarchistes refusent l'uniforme, le salut militaire et autres marques de respect à la hiérarchie ; les officiers, élus, pouvaient se succéder rapidement à la tête d'un groupe et les hommes s'estimaient en droit de discuter les ordres et de ne les appliquer que s'ils étaient d'accord[23].
À partir d', le gouvernement tente de les intégrer dans la nouvelleArmée populaire de la République espagnole. Une grande partie des miliciens refusent cette intégration dans l'armée, et par conséquent leur militarisation. À l'été 1936, l'anarchisteBuenaventura Durruti explique les raisons idéologiques de cette opposition :« une milice ouvrière ne peut pas être dirigée selon les règles classiques de l'Armée. […] la discipline, la coordination et la réalisation d'un plan sont des choses indispensables. Mais tout cela ne doit pas être compris selon les critères qui avaient cours dans le monde que nous sommes en train de détruire. Nous devons bâtir sur de nouvelles bases. […] la solidarité entre les hommes est le meilleur stimulant pour éveiller la responsabilité individuelle, qui sait accepter la discipline comme un acte d'autodiscipline. […] le but de notre combat est le triomphe de la révolution. Cela signifie non seulement la victoire sur l'ennemi, mais aussi un changement radical de l'homme. Afin que se réalise cette transformation, il est essentiel que l'homme apprenne à vivre et à se conduire comme un homme libre, apprentissage où se développeront les facultés de la responsabilité et de la personnalité, qui le rendront maître de ses propres actes. […] Le combattant n'est rien d'autre qu'un ouvrier utilisant le fusil comme outil, et ses actes doivent tendre au même but que l'ouvrier. Dans la lutte, il ne peut pas se conduire comme un soldat qui se laisse commander, mais comme un homme conscient, qui comprend l'importance de ses actes. […] Si notre appareil militaire de la révolution doit être soutenu par la peur, alors nous n'aurons rien changé, si ce n'est la couleur de la peur. C'est seulement en se libérant de la peur que la société pourra se construire dans la liberté »[24]. Cependant, quelques heures avant sa mort il comptait en rediscuter avec Cipriano Mera, ex-antimilitariste finissant le plus haut gradé.
LaSeconde Guerre mondiale a donné naissance à un nouveau courant antimilitariste, et à des résistances parmi les conscrits destinés à combattre en Algérie et en Indochine. La guerre froide, avec ses menaces d’apocalypse nucléaire, la révolte de la jeunesse enMai 1968, laguerre du Viêt Nam et plus récemment, lesguerres du Golfe ou les opérations françaises en Afrique, ou encore la militarisation du secteur nucléaire civil ont suscité des mouvements d’hostilité aux armées et aux guerres.

En France en 1958, l'anarchisteLouis Lecoin lance une campagne pour l'obtention d'un statut pour lesobjecteurs de conscience.Albert Camus y participe activement. À l’automne 1958, le projet est étudié officieusement par le gouvernement et 10 objecteurs ayant accompli au moins cinq ans de leur peine, sont libérés. Mais face à l’hostilité de l’armée, le gouvernement tergiverse. Le, Louis Lecoin entame unegrève de la faim à l'âge de 74 ans. Il est notamment soutenu parLe Canard enchaîné oùHenri Jeanson interpelle les intellectuels par un retentissant « Holà ! Les Grandes Gueules ! Laisserez-vous mourir Louis Lecoin ? »[25]. Le il est admis de force à l’hôpital. Le soir même, 28 objecteurs sont libérés. Le, le Premier MinistreGeorges Pompidou lui transmet la promesse qu'unprojet de loi va être soumis au Parlement. Lecoin quitte l’hôpital le. Il faut néanmoins une nouvelle mobilisation en février et, dont une pétition de personnalités, pour que le projet soit effectivement étudié durant l’été 1963. Lecoin menace de reprendre sa grève de la faim et le statut, amendé, est adopté le à l’Assemblée nationale et promulgué le lendemain. Tous les objecteurs de conscience sont libérés.
En Belgique, à la suite descombats incessants deJean Van Lierde depuis 1949, l'objection de conscience est légalisée en 1964.
Le, est publié en France leManifeste des 121, titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », par desintellectuels, universitaires et artistes. Selon ses propres termes, il cherche à informer l’opinionfrançaise et internationale du mouvement de contestation contre laguerre d'Algérie. Les 121 y critiquent l'attitude équivoque de la France vis-à-vis dumouvement d'indépendance algérien, en appuyant le fait que la« population algérienne opprimée » ne cherche qu'à être reconnue« comme communauté indépendante ». Partant du constat de l'effondrement desempires coloniaux, ils mettent en exergue le rôle politique de l'armée dans le conflit, dénonçant notamment lemilitarisme et latorture, qui va« contre les institutions démocratiques ».
Le manifeste se termine sur trois propositions dont cet appel à soutenir les réfractaires :« Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien ». Parmi les signataires :Simone de Beauvoir,Maurice Blanchot,Pierre Boulez,André Breton,Guy Debord,René Dumont,Marguerite Duras,Daniel Guérin,Maurice Joyeux,Claude Lanzmann,Henri Lefebvre,Gérard Legrand,François Maspero,Théodore Monod,Alain Resnais,Françoise Sagan,Jean-Paul Sartre,Simone Signoret,François Truffaut,Pierre Vidal-Naquet.

En, le généralJacques Pâris de Bollardière démissionne de l'armée française suite auputsch des généraux. Il déclare à cette occasion :« Le putsch militaire d’Alger me détermine à quitter une armée qui se dresse contre le pays. Il ne pouvait être question pour moi de devenir le complice d’une aventure totalitaire. » Il décide alors de rompre totalement ses liens avec l'armée et de s'engager en faveur de l'antimilitarisme et de lanonviolence[26],[27]
Durant laguerre du Viêt Nam, on compte aux États-Unis, des dizaines de milliers d'actes de désertion et/ou d'insoumission. Les chiffres divergent selon les sources.
De 30 000[28] à 50 000 insoumis se réfugient au Canada. En 1969, lepremier ministre du CanadaPierre Elliott Trudeau déclare que le Canada« est un refuge contre le militarisme » et accorde le statut de résident permanent aux objecteurs de conscience[29]. L'insoumission n'est pas une infraction pénale en vertu du droit canadien[30].
Selon un article de 2006 d'un site anarchiste - qui n'apporte pas de références - l'armée de terre des États-Unis compte, entre et, 354 112 militaires ayant quitté leur poste sans permission et, à la signature des accords de paix, 98 324 d'entre eux sont portés manquants[31].
Dans les années 1970 en France, une centaine decomités de soldats voient le jour, notamment après le vote de la loi deMichel Debré, en 1973, remettant en cause les sursis d'incorporation des étudiants dans l'armée. En, le syndicaliste Gérard Jussiaux, secrétaire de l'union localeCFDT de Besançon est emprisonné pour avoir accompagné des militaires du contingent d'un des régiments de la ville constitués en comité de soldats et voulant le transformer en section syndicale. Un mouvement de solidarité se lève dans le pays. En tout, 53 personnes sont inculpées d'atteinte au moral de l'armée devant lacour de sûreté de l'État et 26 sont emprisonnées. En 1978, un non-lieu général est rendu. La cour de sûreté de l'État est dissoute en 1981. En 2001, laconscription est abandonnée et remplacée par l'armée de métier[32].
De 1976 à 1982, des Marches internationales non-violentes pour la démilitarisation ont parcouru les pays d'Europe de l'Est et de l'Ouest pour s'opposer à la fois à l'OTAN et auPacte de Varsovie[33].
L'antimilitarisme influence laculture populaire et laculture alternative. Le mouvementhippie et son opposition à laguerre du Viêt Nam, de nombreux groupes de rock progressif des années 1980, et la musiquepunk se revendiquent souvent de l'antimilitarisme.
Le (jour de la débâcle de Diên Biên Phu),Boris Vian chanteLe Déserteur : une lettre adressée au président de la République, longtemps interdite sur les ondes. La fin du texte a donné lieu à des discussions passionnées, pour savoir si le déserteur était résolument désarmé ou plutôt combattant : Boris Vian chantait initialement « Prévenez vos gendarmes / Que je tiendrai une arme / Et que je sais tirer »[34], paroles auxquellesMouloudji, premier interprète, aurait préféré une version plus neutre, qui s’est finalement imposée : « Prévenez vos gendarmes / Que je n’aurai pas d’armes / Et qu’ils pourront tirer »[35].
Érigée en hymne antimilitariste, la chanson de Vian connaît dans les années qui suivent une popularité dépassant le contexte historique de la décolonisation. Elle est reprise par de nombreux artistes, par exemple en France par Renaud (contre le service militaire),Serge Reggiani,Johnny Hallyday ou Marc Lavoine. Hors de France elle est chantée, pour protester contre laguerre du Viêt Nam, par l’américaineJoan Baez.

« Les Rois nous saoulaient de fumées,
Paix entre nous, guerre aux tyrans !
Appliquons la grève aux armées,
Crosse en l'air et rompons les rangs !
S'ils s'obstinent, ces cannibales,
A faire de nous des héros,
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux. »
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