Président de l'Assemblée nationale,vice-président de la République du généralGamal Abdel Nasser, il exerce les fonctions deprésident de la République de1970 jusqu'à son assassinat, en1981. Il occupe également le poste deprésident du Conseil par deux fois durant sa présidence. Son régime se caractérise par des pratiques autocratiques, telles que des rafles de centaines d'opposants et des persécutions contre la presse. Il est toutefois admiré par plusieurs pour sa visite surprise enIsraël en, et sa décision de faire la paix avec ce pays.
Sadate naît le à Mît Aboul-Kom, petit bourg duDelta du Nil situé à une soixantaine de kilomètres duCaire[1]. Il est issu d'une famille pauvre comptant treize enfants. Son père, Anouar Mohammed El Sadate, est originaire deHaute-Égypte tandis que sa mère, Sit Al-Berain, est d'originesoudanaise.
En l'absence de ses parents (son père travaille au Soudan dans une unité médicale de l'armée anglo-égyptienne), le jeune Anouar est élevé pendant la majeure partie de ses premières années par sa grand-mère paternelle. Il connaît une enfance heureuse, en dépit de conditions matérielles très modestes. D'abord élève dans une école coranique, il fréquente pendant quelques mois un établissement copte. En 1925, il doit cependant quitter son village natal pour Le Caire où son père, rentré du Soudan, a décidé de réunir la famille[2].
Il intègre la prestigieuse école secondaire du roiFouad Ier mais ses résultats médiocres l'obligent à changer plusieurs fois d'établissement avant l'obtention de son diplôme du secondaire. En tant que lycéen, il participe à des manifestations contre la présence britannique ou le gouvernement et tente, sans succès, de devenir comédien[3]. Grâce à l'intercession du médecin-major Fitzpatrick, une connaissance de son père, Sadate entre à l'académie militaire royale du Caire en et en sort diplômé en avec le grade de sous-lieutenant[4]. À l'issue de ses études, il est affecté au corps des télécommunications.
En 1949, il épouse en secondes nocesJihane Safwat Raouf, qui devient par la suite une défenseure des droits des femmes et des catégories défavorisées.
En1942, Sadate est emprisonné par les troupesbritanniques pour les activités qu'il mène contre l'occupation britannique en animantun réseau d'espionnage en faveur de l'Afrika Korps, les Allemands ayant promis en cas de victoire de libérer l'Égypte[5].
Anouar el-Sadate (à gauche) etNasser à l'Assemblée nationale en 1964.
De1960 à1968, après avoir assumé quelques fonctions ministérielles dans le gouvernement égyptien, il devient président de l'Assemblée du peuple[6]. Il est ensuite nommé vice-président de la République par le présidentGamal Abdel Nasser le[7].
Plus tard, il accusera ce dernier de manquer d'une vision claire pour l'évolution de l'Égypte et d'intérêt pour le bien-être des citoyens[8].
Le, après la mort de Gamal Abdel Nasser, en sa qualité de vice-président, il devient président de la République par intérim[9].
Du fait de son teint foncé, il est victime de racisme dans son pays[10].
Le, il est désigné par l'Union socialiste arabe — parti unique — comme candidat unique à la présidence de laRépublique arabe unie. Sa désignation par le parti surprend les experts qui voyaient comme successeur possible à Nasser le prosoviétique Ali Sabri ou le pro-américainZakaria Mohieddin[5].Henry Kissinger va jusqu’à déclarer àGolda Meir qu'Anouar el-Sadate est « un imbécile, un clown, un bouffon »[11].
Le, il est élu président de l’Égypte à la suite d'un referendum où il obtient 90 % des voix[6].
Décidé à réorienter la politique gouvernementale vers le capitalisme, il entre rapidement en conflit avec les ministres du gouvernement de Nasser. Ceux-ci sont arrêtés, ainsi que les chefs de l'armée, sous l'accusation de s’apprêter à mener un coup d’État[11].
Il choisit comme chef de gouvernement le pro-américainAziz Sedki et fait renvoyer les conseillers militaires soviétiques d’Égypte le. Par ailleurs, la religion obtient de nouveau une place prépondérante dans la société égyptienne. Laloi islamique, la charia, devient la source de législation de l’État[6].
Il élabore dans ce but une manœuvre militaire afin de masquer ses plans en faisant passer ses mouvements de troupes le long ducanal de Suez pour des exercices militaires, fréquents à l'époque dans l'armée égyptienne. Il met ainsi l'armée égyptienne dans une position favorable sans éveiller les soupçons israéliens. En parallèle, il s'assure suffisamment de soutien militaire et logistique, sans que ses alliés ne soient au courant du jour où l'armée passerait à l'offensive. SeulHafez el-Assad, président syrien, est informé afin de mener une offensive coordonnée avec l'assaut égyptien.
Le, jour deYom Kippour (jour du Grand Pardon, le jour le plus saint pour lesJuifs), alors que Sadate ordonne le début des hostilités, avec l'opération Badr, l'état-major israélien est surpris et doit se rendre à l'évidence : malgré une nette supériorité militaire deTsahal, les forces égyptiennes sont décidées à reprendre les territoires perdus en 1967, profitant de la diminution des effectifs du fait de lafête religieuse en Israël.
Même si l'effet escompté par Sadate est réussi, les Égyptiens tout comme les Syriens, ne peuvent contenir les contre-attaques israéliennes, qui repoussent l'armée syrienne sur leGolan, encerclent la3e armée égyptienne, retraversent lecanal de Suez et menacent le Caire. Finalement, uncessez-le-feu est négocié par lesÉtats-Unis et l'Union des républiques socialistes soviétiques, alliés respectifs d'Israël et de l'Égypte, et des pourparlers de désengagement peuvent alors débuter auKilomètre 101 de la route Le Caire-Suez.
Le sentiment général qui prédomine dans le monde arabe, et notamment en Égypte, est, paradoxalement, celui d'une grande victoire, en dépit de celle des Israéliens. Les Égyptiens ont de nouveau mis un pied dans le Sinaï, après en avoir été chassés en 1967. Anouar el-Sadate tire profit de cette situation et devient, à la suite de son rapprochement avec les Américains à la fin de la guerre du Kippour, un interlocuteur privilégié dans la région. Les Soviétiques perdent ainsi un de leurs alliés et la Syrie reste le dernier pays de la zone à leur être encore favorable. Cette dernière peut donc négocier avecMoscou en position de force[12].
Lemonde arabe sort grandi de cette guerre car il a prouvé, grâce au soutien militaire d'une dizaine de pays de la région, dont l'Algérie, l'Irak ou la Jordanie, qu'il pouvait compter sur ses différents membres dans les moments difficiles. Lepétrole, utilisé comme une arme, lui a aussi permis de donner une tribune internationale à ce conflit en obligeant lessuperpuissances américaine et soviétique à intervenir[12]. En Israël, même si la guerre a été gagnée militairement, elle a coûté la vie à 3 000 soldats, et le gouvernement se voit reprocher de ne pas avoir suffisamment anticipé l'attaque égypto-syrienne et d'avoir ainsi mis le pays en très fâcheuse posture pendant les tout premiers jours du conflit.
Sadate prononce un discours enarabe devant laKnesset (1977).
En, leLikoud deMenahem Begin accéda au pouvoir enIsraël, le Likoud préconisait dans son programme politique de négocier immédiatement avec les gouvernements arabes[13]. Sadate proposa alors, de sa propre initiative, d'effectuer une visite officielle en Israël, afin de rechercher un accord de paix permanent et de régler la question duSinaï (perdu lors de laguerre des Six Jours). Begin accepta la proposition. Le, Sadate devint donc le premier dirigeant arabe à effectuer une visite officielle en Israël. Il y rencontra le premier ministre Menahem Begin et prit la parole devant laKnesset àJérusalem. C'est une rencontre historique entre un ancien terroriste juif de l'Irgoun et un homme qui, quelques années plus tôt, voulait la destruction totale de l'Etat d'Israël. Les autorités du monde arabe ont très défavorablement réagi à cette visite de Sadate dans un État« voyou », symbole de l'impérialisme. Mais l'initiative de Sadate fut saluée en Occident, et le président égyptien a noué une amitié personnelle avec le premier ministre israélien[14]. Avant cette rencontre, Sadate s'est dit « investi d'une mission divine » pour faire la paix avec les israéliens, l'idée lui serait venue lors d'un pèlerinage dans le Sinaï, il ne regrettera jamais son voyage[15].
Le, lesaccords de Camp David sont signés àWashington en présence de Sadate, Begin et du président américainJimmy Carter[16]. Un mois plus tard, le, Sadate et Begin reçoivent leprix Nobel de la paix[17]. Néanmoins, cet accord est extrêmement impopulaire dans le monde arabe et musulman. L'Égypte est alors la plus puissante des nations arabes et une icône du nationalisme arabe. De nombreux espoirs reposaient dans la capacité de l'Égypte à obtenir des concessions d'Israël pour les réfugiés, principalement palestiniens, dans le monde arabe. En signant les accords, Sadate fait défection aux autres nations arabes qui doivent désormais négocier seules. Son action est considérée comme une trahison dupanarabisme de son prédécesseur Nasser, cela a détruit le front arabe uni. Les intégristes égyptiens, qu'il avait largement réhabilités, sont parmi les plus acharnés contre lui[18].
En conséquence, l'Égypte est expulsée de laLigue arabe le tandis que ses relations diplomatiques avec les pays membres de la ligue sont suspendues, à l'exception duSoudan et dusultanat d'Oman[19].
Sadate et les relations avec l'URSS.Sadate, Begin et Carter lors de la signature du traité de paix israélo-égyptien en 1979.
Sur le plan économique, il lance la politique de l'Infitah (ouverture) qui vise, en réduisant le rôle de l’État, à attirer les investissements étrangers et favorise les relations avec les États-Unis. Une classe de nouveaux riches se développe rapidement. En 1975, on compte plus de 500 millionnaires en Égypte mais plus de 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et des bidonvilles se développent autour de la capitale. Par ailleurs, le pays accumule une dette monumentale durant les années de l'Infitah. Pour la restructurer, leFMI demande la suppression de toutes les subventions aux produits de base ce qui provoque des émeutes en. Le gouvernement fait intervenir l'armée, générant un nombre de victimes inconnu[11].
La réorientation de l’économie conduit Sadate à rechercher le soutien des élites rurales traditionnelles, dont l'influence avait décliné sous le nassérisme. Des paysans sont expulsés des terres contestées[20]. Dans les villes, pour contrecarrer les organisations nasseriennes et marxistes, Sadate fait libérer des milliers de détenus islamistes et leur octroie des libertés politiques. En 1972, les autorités font transporter dans des véhicules de l’État des militants islamistes pour reprendre par la violence le contrôle des universités et les leaders étudiants de gauche sont arrêtés[11].
Confortée par cette alliance avec le pouvoir, laGamaa al-Islamiya gagne en influence et la société égyptienne s’islamise, également en raison du renforcement des relations avec l'Arabie saoudite. Finalement, la Gamaa al-Islamiy se scinde en deux factions : l'une favorable au gouvernement de Sadate, souhaitant poursuivre cette islamisation par des réformes, et l'autre qui s'oriente vers le terrorisme. Dans lesannées 1980, le gouvernement favorise le départ des militants de cette seconde faction vers l'Afghanistan, avec le soutien financier de l'Arabie saoudite[11].
En, Sadate lance une offensive majeure contre les intellectuels et les activistes de tout le spectre idéologique. Sont ainsi emprisonnés ou écartés dessocialistes, desnasséristes, desféministes, desislamistes, des professeurs d'université et des journalistes. Il fait également assigner le patriarche copte orthodoxeChénouda III à résidence et emprisonne aussi un grand nombre de prêtres et évêques de son Église. Au total, 1 536 personnes sont arrêtées[21]. Parallèlement, le soutien interne de Sadate disparaît sous la pression d'une crise économique, et en réaction à la violence de la répression des dissidents.
Anouar el-Sadate en 1978.
Le, un mois après la vague d'arrestations,Sadate est assassiné alors qu'il préside une parade militaire auCaire dans le quartier deNasr City(en) par des membres de l'armée qui appartiennent à l'organisation duJihad islamique égyptien, fondée par d'anciens membres desFrères musulmans. Ils s'opposaient à la négociation entamée par Sadate avecIsraël ainsi qu'à son usage de la force durant l'opération de septembre. Unefatwa approuvant l'assassinat avait été émise parOmar Abdel Rahman, un imam qui sera par la suite inculpé par les États-Unis pour son rôle dansl'attaque à la bombe duWorld Trade Center le. Des règles de retrait des munitions lors de la parade avaient été mises en place afin de parer à tout risque de révolte, mais les officiers chargés de leur application étaient en pèlerinage àLa Mecque. Selon une estimation ultérieure du ministère de l'Intérieur, 70 % des militants de ce groupe avaient initialement été recrutés par les autorités pour soutenir la politique de Sadate[11]. Le défilé est filmé et le déroulement de l'attentat est saisi par les caméras[22].
Au passage des avions de combat Mirage, un camion de transport de troupes, simulant une panne, s'arrête devant la tribune présidentielle, le lieutenantKhalid Islambouli (qui avait vu son frère cadet Mohamed el-islambouli arrêté au cours d'une rafle d'islamistes) en sort, et se dirige vers le président. Sadate se tient debout pour recevoir son salut, lorsqu'Islambouli jette une grenade fumigène, signal de l'assaut. Les trois autres conjurés sortent alors du camion, lancent des grenades et tirent à l'aide de fusils d'assaut. Khalid Islambouli fait feu à plusieurs reprises sur le président égyptien, secondé par d'autres assaillants, au cri de :« Mort auPharaon ! » Il sera par la suite jugé coupable de cet acte et exécuté en. De nombreux dignitaires présents sont blessés, parmi lesquelsJames Tully, alors ministreirlandais de la Défense[23].
Dans la fusillade qui s'ensuit, sept personnes sont tuées, dont l'ambassadeur deCuba et un évêque copte orthodoxe, et vingt-huit sont blessées. Sadate est aérotransporté dans un hôpital militaire où onze médecins l'opèrent. Il est déclaré mort deux heures après son arrivée à l'hôpital. Le vice-présidentHosni Moubarak, qui a été blessé à la main durant l'attaque, lui succède. Un nombre record de dignitaires du monde entier se rendent aux funérailles de Sadate, incluant notamment les trois anciens présidents américainsGerald Ford,Jimmy Carter etRichard Nixon, mais en l'absence du président en exerciceRonald Reagan pour des raisons de sécurité. Le Premier ministre israélienMenahem Begin est présent[24]. Aucun dirigeant arabe ni musulman n'assiste aux obsèques. Contrairement à ce qui s'était produit pourNasser, en 1970, la cérémonie, très sobre, n'est pas perturbée par un débordement de foule : les autorités ont ordonné de tenir le peuple à l'écart, en faisant boucler les rues proches du monument au soldat inconnu. C'est aux côtés de la dépouille de ce dernier qu'est inhumé Anouar el-Sadate[23].
Tombeau d'Anouar el-Sadate dans le mausolée du Soldat inconnu,Le Caire.
Un buste en glaise d'Anouar el-Sadate fut réalisé par le sculpteur françaisDaniel Druet[26].
La chanteuse française d'origine italienneDalida, née en Égypte, lui rend hommage avec une chanson, « Comment l'oublier » (1981).
Le chanteurEnrico Macias lui rend hommage avec une chanson, « Un berger vient de tomber » (1981).
Des rues « Anouar El Sadate » sont nommées en France, notamment dans les villes deBelfort etArras. ÀQuimper une rue et un arrêt de bus se nomment « Président Sadate » On trouve également un arrêt de bus nommé « Anouar El Sadate » àAix-en-Provence.
(en)Curriculum vitae sur le site de lafondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — leNobel Lecture — qui détaille ses apports)