Pour les articles homonymes, voirKriegel.
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| Conjoints | Guy Besse(de à) Arthur Kriegel |
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Annie Kriegel, née Becker le àParis et morte le dans la même ville[1], est unehistoriennefrançaise.
Militante duPCF durant sa jeunesse, Annie Kriegel change progressivement d’orientation politique après lesévènements de 1956. Devenue ensuite éditorialiste auFigaro, elle porte un regard de plus en plus critique sur le passé ducommunisme français.
Annie Kriegel est issue d'une famille juive d'Alsace-Lorraine[2] installée àParis depuis 1870. Son père est représentant de commerce en jouets et ancien combattant de laPremière Guerre mondiale, et sa mère, ancienne institutrice, est devenue femme au foyer pour s'occuper de ses quatre enfants[3]. Son frère est l'historienJean-Jacques Becker.
Annie Kriegel a 13 ans lorsque laSeconde Guerre mondiale éclate[3]. Pendant l'invasion allemande de juin 1940, elle se réfugie avec sa famille àSion-sur-l'Océan, son père voulant aller en Angleterre[4]. Ils retournent ensuite à Paris. Son père ne travaillant plus, il l'incite à apprendre la dactylo et lasténotypie afin d'avoir un métier pour subvenir aux besoins de la famille ; elle suit des cours de sténotypie après le lycée, qu'elle quitte le second trimestre de 1942 pour travailler. Après larafle du Vel' d'Hiv' le, son père décide de partir en zone sud et la famille s’installe àGrenoble[5], alors sous contrôle italien. Elle peut reprendre ses études aulycée de Grenoble, tout en travaillant pour le journal catholiqueLe Réveil comme dactylo de presse. À dix-sept ans, Annie Kriegel s'engage dans laRésistance en rejoignant la Jeunesse communiste de laMain d'œuvre immigrée (MOI)[6].
En 1945, elle intègre l'École normale supérieure de jeunes filles et dans le prolongement de ses choix de jeunesse, elle adhère à19 ans auParti communiste français (PCF) enoctobre 1945[7] et prend part aux activités dumouvement de la jeunesse communiste au sein de l'Union de la jeunesse féminine de France (UJFF), section féminine de l'UJRF (Union de la jeunesse républicaine de France)[8]. Elle s'occupe de la revueClarté, diffusée auprès des étudiants communistes parisiens[3].
Agrégée d'histoire en 1948, elle exerce peu en raison de sa vie familiale[9] et de son statut de permanente appointée à la fédération de la Seine du PCF[10].
Elle fait partie du comité de rédaction de l'organe éditorial s'adressant aux intellectuels,La Nouvelle critique, sous-titréeRevue du marxisme militant. Le nom d'Annie Besse y apparaît jusqu'à la fin de l'année 1957[11]. Elle y publie15 articles « entremars 1950 etnovembre 1955 ». Dans ce secteur d'activité, elle déploie un militantisme stalinien certain[3], qu'elle ne cache pas dans l'ouvrage autobiographique qu'elle publie quarante ans plus tard,Ce que j'ai cru comprendre.
Elle prend ensuite ses distances, avant de quitter le parti en 1957, à la suite des révélations sur le stalinisme (déstalinisation). Ennovembre 1957, elle est exclue du comité de rédaction deLa Nouvelle critique lors d'une séance oùLaurent Casanova, responsable des « intellectuels » au sein de la direction du PCF, tient le rôle d'« excommunicateur »[12]. Après s'être ralliée augénéral de Gaulle enmai 1958, elle devient en 1977 chroniqueuse auFigaro à l'invitation deRaymond Aron[6].
Après avoir quitté le PCF, elle commence une thèse qu'elle finira en 1964[3] sous la direction dePierre Renouvin. Cette année-là, elle obtient le poste de maître-assistante au Collège littéraire et universitaire de Reims avant de partir à lafaculté de lettres de Reims diriger le département d'histoire[3]. En 1969, elle est élue à la première chaire universitaire de sociologie politique de l'université de Nanterre, où elle reste jusque sa retraite en 1992.
Elle consacre son travail à l'histoire du communisme, dont elle devient l'une des critiques les plus acerbes. Dans lesannées 1970, ses travaux sur la naissance du PCF font partie des premières recherches sur ce sujet délicat : ce segment de l'histoire devient un champ de recherche à part entière. En 1982, elle fonde avecStéphane Courtois la revueCommunisme.
Une « Association d'études et de recherches en sciences sociales Annie Kriegel » a été fondée après sa mort à l'initiative de l'historienKarel Bartošek. Les historiensEmmanuel Le Roy Ladurie (président), Stéphane Courtois (secrétaire général),Jean-Jacques Becker,Pascal Cauchy,Alain Besançon, ainsi quePatrick Guis etArthur Kriegel en font notamment partie. Plusieurs colloques qui se sont tenus à l'université Paris X Nanterre, laFondation Singer-Polignac et l'Institut d'études politiques de Paris, ont été publiés.
Son travail sur le communisme a été salué par ses pairs, dont l'historienRobert O. Paxton, qui déclare lors de la publication de la version anglaise de son ouvrage sur le Parti communiste :« C'est le travail le plus convaincant qui ait été écrit sur le parti communiste français et peut-être sur n'importe quel parti communiste occidental[13]. »
En 1982, dans son ouvrageIsraël est-il coupable ?, elle attribue les critiques qui s'attaquent à la politique israélienne à la suite dumassacre de Sabra et Chatila à l'influence de l'Union soviétique et aux mouvements d'extrême gauche[14].
En 1990, elle combat fermement laloi Gayssot réintroduisant, selon elle, le délit d’opinion dans le droit français et fustige alors une« insupportable police juive de la pensée »[15].
Annie Kriegel épouse en premières noces le philosopheGuy Besse, puisArthur Kriegel, frère deMaurice Kriegel-Valrimont, mariages desquels naissent deux fils (Maurice, Emmanuel) et trois filles (Danièle, Irène, Bérénice).
Annie Kriegel vivait dans le9e arrondissement de Paris dans unhôtel particulier[16].
Le grand œuvre d'Annie Kriegel est son travail de thèse universitaire de doctorat, mené sous la direction (très « libérale » écrit-elle dans la préface du livre) du professeurErnest Labrousse. Débutée en 1955, cette thèse est achevée, soutenue et publiée en 1964 :
Ce travail fondateur de près de 1 000 pages est ensuite réparti en plusieurs ouvrages reprenant une partie de la recherche :
Une thèse complémentaire est publiée en 1966 :
Cette double approche politique et syndicale du mouvement ouvrier français lui permet de publier, en collaboration avecJean-Jacques Becker, un autre ouvrage de format « poche » :
Elle publie encore en 1964 un troisième opus de vulgarisation de ses travaux universitaires :
La suite de sa production bibliographique est constituée de quelques ouvrages et de nombreux articles dans des revues spécialisées.
Dans la première catégorie :
Boris Souvarine, un des premiers communistes en France, précurseur de lasoviétologie et de la critique du stalinisme, a vivement critiqué son ouvrage datant de 1964 sur lecongrès de Tours, tout en critiquant son passé stalinien et en particulier son attitude en 1953 concernant l’affaire des blouses blanches :
« […] une sorte de fourre-tout compilé par une stalinienne défroquée, mais moralement incurable, dont la compétence remonte à la dénonciation des « médecins terroristes » du Kremlin, complices du sionisme (), et approuvant l’emploi des tortures pour extorquer aux« « assassins en blouse blanche » des aveux fantasmagoriques, prélude à une « solution finale » pogromiste[17]. »
L'historien et militant trotskistePierre Broué écrit :
« En cherchant à humilier, plus encore que ne le fit Staline, la mémoire deRakovsky, et à tourner en dérision le choix qui fit de lui un martyr, Annie Kriegel donne un témoignage cru de son parti pris. Pour elle, un communiste honnête et attirant ne serait-il pas, comme pour les bourgeois réactionnaires français de 1927, le pire des communistes, qu'il s'agit dans ce cas d'assassiner moralement si Staline n'y a pas suffi[18]? »
« En confiant au pouvoir judiciaire la tâche détestable de paraître traquer le délit d'opinion et d'expression, en espérant de la concurrence entre organisations “antiracistes” une obsessionnelle chasse aux sorcières qui présente les mêmes excès que n'importe quelle chasse de cette nature, en s'abritant derrière des institutions juives inquiètes pour légitimer une insupportable police juive de la pensée — par exemple dans un cas navrant récent, où on a suspendu un professeur d'université coupable d'avoir laissé s'exprimer un jeune collègue qui exposait des énormités (comme si l'université, depuis vingt ans n'avait entendu que des propos équilibrés et raisonnables) —Michel Rocard devrait s'interroger en conscience s'il ne se prête pas à une assez répugnante instrumentalisation des concepts de racisme et d'antisémitisme en vue d'objectifs peu avouables. »
— « Le leurre de l'antisémitisme »,Le Figaro, 3 avril 1990, p. 2.