Le règne d'Anne sur le duché de Bretagne commence alors que le roi de France vient de remporter une victoire décisive en 1488 (Saint-Aubin-du-Cormier), peu avant la mort deFrançoisII. La cour de Bretagne essaie ensuite d'échapper à l'emprise royale en mariant en 1490 Anne avecMaximilien d'Autriche, régent desPays-Bas bourguignons[Note 2]. Mais ce mariage (par procuration), considéré comme un casus belli parCharlesVIII et par la régenteAnne de France, aboutit à l'offensive de 1491, à la prise de Rennes et au premier mariage royal le 6 décembre àLangeais. Anne s'efforce ensuite de maintenir l'autonomie du duché, qui ne sera véritablement intégré au royaume qu'après sa mort, en 1532 (union du duché au royaume de France).
Anne naît àNantes, dans une chambre du vieux logis duchâteau ducal[1]. Les historiens s'interrogent sur le jour précis de sa naissance[2], mais avec peu d'écart : selon les sources, le ou le[3],[Note 3]. Nous ne savons rien de son baptême ou de l'origine de son prénom[4].
Dans ses premières années, elle grandit entre trois villes :Nantes,Vannes etClisson. Son éducation est confiée àFrançoise de Dinan,comtesse de Laval, sa marraine[5]. Elle apprend à lire et à écrire enfrançais et enlatin, et est initiée à l'histoire[6].Plusieurs précepteurs[réf. nécessaire] s'occupent d'elle, notamment le poète de courJean Meschinot (de 1488 à sa mort en 1491), qui est aussi son maître d'hôtel, et qui va chasser au faucon avec elle. On lui aurait enseigné la danse, le chant et la musique[7].
Contrairement à ce que l’on trouve parfois dans l'historiographie bretonne, il est peu probable qu’elle ait appris legrec ou l’hébreu[8]. De même, ayant reçu une éducation classique, pas plus que les autres membres de la cour ducale elle ne maîtrisait lalangue bretonne. On faisait appel à des interprètes lorsqu'il fallait traduire depuis le breton[Note 4],[10],[11].
La loi successorale du duché de Bretagne est à cette époque définie par le premiertraité de Guérande (1365). Celui-ci prévoit la succession de mâle en mâle en priorité dans la famille desMontfort ; puis, dans celle descomtes de Penthièvre. Or, vers 1480, il n'y a dans les deux familles que des héritières : côté Montfort, Anne, puisIsabeau ; côté Penthièvre,Nicole de Châtillon, qui meurt le. Les Penthièvre cèdent alors àLouisXI leurs droits sur le duché de Bretagne pour 50 000 écus. La régenteAnne de France confirmera cet achat en1485 à la mort deJean de Brosse, époux de Nicole de Châtillon[12].
Au cas où naîtrait un fils de François II, Anne recevrait unedot de200 000 livres.
Anne reconnue comme héritière légitime par les États de Bretagne (1486)
MaisFrançoisII n'a pas d’héritier mâle, ce qui menace de replonger la Bretagne dans une crise dynastique.FrançoisII, voulant éviter toute intervention du roi de France, décide de transgresser le traité de Guérande en faisant sa fille comme héritière présomptive par lesÉtats de Bretagne réunis à Rennes (). Cela suscite des oppositions au duc au sein du duché et provoque le mécontentement de la cour de France. Anne devient aussi l'enjeu de nombreuses prétentions matrimoniales[13].
Pour légitimer cette demande,Marguerite de Foix commande un ouvrage à l'aumônier d'Anne,Pierre Le Baud, afin de réfuter l’opinion selon laquelle la succession a été constituée uniquement « en ligne masculine », et que les femmes « n’y ont point eu de lieu ». L'historien rédige une synthèse à partir d'ouvrages antérieurs pour prouver par l’histoire que la jeune Anne peut succéder à son père, témoignant de l'histoire de reines ou duchesses qui ont accédé au trône de Bretagne. Le manuscrit est terminé en 1486[14],[15].
FrançoisII promet sa fille à différents princes français ou étrangers afin d'obtenir une assistance militaire et financière et de renforcer sa position face au roi de France. La perspective pour ces princes de joindre le duché à leur domaine permet ainsi à François d'entamer plusieurs négociations de mariage et de nouer à cette occasion différentes alliances secrètes qui accompagnent le projet matrimonial.Anne devient l'enjeu de ces ambitions rivales, et son père, rassuré par la signature de ces alliances, peut se permettre de refuser différents projets et contrats de mariage[pas clair][Note 5]. Ces calculs politiques conduisent ainsi aux fiançailles d'Anne avec ces différents princes d'Europe[16] :
Elle est d'abord fiancée en1481 à Édouard, prince de Galles, fils du roi d'AngleterreÉdouardIV. À la mort de son père (avril 1483), il devient roi sous le nom d’ÉdouardV, mais disparaît peu après (probablement en septembre 1483).
Plusieurs prétendants potentiels sont alors contactés successivement :
Henri Tudor (1457-1509) (HenriVII d'Angleterre à partir de 1485) , premier représentant mâle de lamaison Tudor, alors en exil en Bretagne en raison des vicissitudes de laguerre des Deux-Roses ; mais ce mariage ne l'intéresse pas ;
Le vicomteJeanII de Rohan, autre héritier présomptif,propose[Quand ?], soutenu par lemaréchal de Rieux, le double mariage de ses fils François et Jean avec Anne etIsabeau, maisFrançoisII s'y oppose.
Anne, duchesse de Bretagne, promet de rembourser à ses oncle et tante le roi et la reine de Castille et d’Aragon les sommes qu'ils ont avancées pour la défense de la Bretagne contre le roi de France. Rennes,. Charte scellée.Archives nationales.
En1488, la défaite des armées deFrançoisII àSaint-Aubin-du-Cormier, qui conclut laguerre folle, le contraint à accepter letraité du Verger, dont une clause stipule queFrançoisII ne pourra marier ses filles sans le consentement du roi de France[20].
À la mort deFrançoisII, le, quelques jours seulement après sa défaite, s’ouvre une nouvelle période de crise qui mène à unedernière guerre franco-bretonne – le duc, sur son lit de mort, ayant fait promettre à sa fille de ne jamais consentir à l'assujettissement à son voisin le royaume de France, et au roi son ennemi. Avant de mourir,FrançoisII a nommé lemaréchal de Rieux tuteur de sa fille, avec pour mission de la marier[21]. Le roi de France réclame la tutelle d'Anne et d'Isabeau, qui lui est refusée par Jean de Rieux, si bien queCharlesVIII entre officiellement en guerre contre leduché de Bretagne le. Le parti breton s'empresse alors, le, de proclamer Anne duchesse souveraine légitime de Bretagne. Le, la duchesse publie que seront reconnus coupables du crime delèse-majesté ceux de ses sujets qui la trahiraient et qui rallieraient le camp duroi de France[22].
Maximilien Ier, roi des Romains, ayant envoyé son ambassadeur Wolfgang de Polham (Wolfgang de Polham (Wolfgang Von Polheim)) muni d'une procuration officielle datée du 20 mai 1490 (original, archives départementales Nantes, E14) comme est d'usage à l'époque pour son mariage avec la duchesse Anne. Le mariage se fait dans lacathédrale de Rennes le, Anne épouse en premières noces etpar procuration leroi des Romains,MaximilienIer, veuf deMarie de Bourgogne. Ce faisant, elle devient reine des Romains et en porte le titre dans divers actes qu'elle fait rédiger, comme le 1er août 1491 : "Mandement de Maximilien et d'Anne, roi et reine des Romains, duc et duchesse de Bretagne, au receveur de Lesneven." (Original parchemin, signature Anne de Bretagne, Nantes archives départementales, E.153) conformément à la politique de son père.
En dépit de renforts anglais et castillans venus soutenir les troupes ducales, leprintemps 1491 voit de nouveaux succès deLa Trémoille (déjàvainqueur à Saint-Aubin-du-Cormier), et, se posant en héritier,CharlesVIII vientassiéger Rennes, où se trouve Anne, afin qu’elle renonce à ce mariage avec l’ennemi du royaume de France[Note 6].
Reine de France à la suite du mariage avec Charles VIII
Après deux mois de siège[Note 7], sans assistance et n'ayant plus aucun espoir de résister, la ville se rend etCharlesVIII, le jour où le parti breton se rallie au roi de France, y fait son entrée le. Les deux parties signent le traité de Rennes, qui met fin à laquatrième campagne militaire des troupes royales en Bretagne. Anne ayant refusé toutes les propositions de mariage avec des princes français, des fiançailles avecCharlesVIII auraient été célébrées à lachapelle des Jacobins de Rennes le[24] – selon la tradition historique. En réalité, aucune source d'époque ne prouve que cet événement, s'il a eu lieu, s'est passé aux Jacobins[25]. Puis Anne de Bretagne se rend, escortée de son armée (et donc supposée libre, ce qui était important pour la légitimité du mariage et du rattachement de la Bretagne[26]) jusqu'àLangeais pour les noces des deux fiancés. L'Autriche combat désormais sur le terrain diplomatique (notamment devant leSaint-Siège), soutenant que la duchesse vaincue a été enlevée par le roi de France et que leur descendance est donc illégitime.
Le à l'aube, Anne épouse officiellement, dans la grande salle duchâteau de Langeais, le roi de FranceCharlesVIII. Ce mariage est uneunion personnelle entre couronnes, il est discret et conclu sans l'accord du Pape. Il n'est validé qu'après coup par le papeInnocentVIII, qui se décide, en échange de concessions appréciables, à adresser à la cour de France, le, l’acte dereconnaissance de nullité antidaté[Note 9] dumariage par procuration[Note 10] d'Anne avec Maximilien, et la dispense concernant la parenté au quatrième degré d'Anne et de Charles par labulle du[27]. Par lecontrat de mariage, signé la veille des noces, Anne institueCharlesVIII, nouveau duc de Bretagne, comme prince consort, son procureur perpétuel. Le contrat comprend une clause de donation mutuelle au dernier vivant de leurs droits sur le duché de Bretagne. En cas d'absence d'héritier mâle, il est convenu qu’elle ne pourra épouser que le successeur deCharlesVIII[28]. La donation royale, en cas de décès deCharlesVIII, n'est cependant pas recevable : les droits de la couronne de France étant inaliénables, le roi n'en est pas le propriétaire mais seulement l'administrateur. Ce contrat n'officialise pas l'annexion de la Bretagne au domaine royal[29], car il s'agit d'uneunion personnelle, entredeux couronnes. Ce n'est pas uneunion réelle. À la mort deCharlesVIII, il y a séparation des couronnes (clause du contrat). Anne de Bretagne redevient souveraine légitime de son duché ; dès le deuxième jour d', elle rétablit la chancellerie en Bretagne. Rien ne l'oblige à se marier au roi de France.
De cette union naissent six enfants, tous morts en bas âge[30].
Par le mariage de 1491, Anne de Bretagne est reine de France. Soncontrat de mariage précise qu’il est conclu « pour assurer la paix entre le duché de Bretagne et le royaume de France ». Il fait deCharlesVIII son procureur perpétuel. Le, Anne est sacrée et couronnée reine de France àSaint-Denis. Elle est la première reine couronnée dans cette basilique[Note 11] et sacrée, « oincte, chef et poitrine », parAndré d'Espinay,archevêque de Bordeaux[31]. Son époux lui interdit de porter le titre de duchesse de Bretagne[32].Gabriel Miron sera chancelier de la reine et premier médecin.
Elle passe beaucoup de temps en grossesses (avec un enfant tous les quatorze mois en moyenne). Lors desguerres d’Italie, la régence est attribuée àAnne de Beaujeu, qui a déjà tenu ce rôle de 1483 à 1491. Anne de Bretagne est encore jeune et sa belle-sœur la suspecte[33]. Elle n'a qu’un rôle réduit en France comme en Bretagne et doit parfois accepter d'être séparée de ses enfants en bas-âge. Anne vit essentiellement dans les châteaux royaux d'Amboise, deLoches et duPlessis, ou dans les villes deLyon,Grenoble ouMoulins (lorsque le roi est en Italie). À Amboise,CharlesVIII fait faire des travaux, tandis qu'elle réside à côté, auClos Lucé, où le roi lui fait construire une chapelle[34].
Elle devient reine deNaples et deJérusalem après la conquête de Naples parCharlesVIII.
Dès la mort deCharlesVIII, héritière légitime des droits des ducs de Bretagne sur le duché de Bretagne, elle reprend la tête de l'administration du duché de Bretagne (clause du contrat). Elle fait acte de souveraineté en tant que chef d'État du duché par les nombreux actes qu'elle adopte : elle restaure notamment lachancellerie de Bretagne au profit du fidèlePhilippe de Montauban, nomme lieutenant général de Bretagne son héritierJean de Chalon, convoque lesétats de Bretagne, émet une monnaie à son nom (une monnaie d'or à son effigie[Note 12])[35],[36]. Elle nomme aussi responsable duchâteau de Brest son écuyerGilles de Texue.
Médaille d'Anne de Bretagne réalisée pour son passage à Lyon en 1499.
Trois jours après la mort de son époux, le principe du mariage avecLouisXII est acquis[41], à la condition que Louis obtienne lareconnaissance de nullité de son mariage avant un an. Elle retourne pour la première fois en Bretagne en, après avoir échangé une promesse de mariage avec Louis XII, àÉtampes, le, quelques jours après le début du procès en reconnaissance de nullité de l’union entre Louis XII etJeanne de France[42].
Un contrat de mariage qui rend sa souveraineté au duché de Bretagne
Lecontrat de son troisième mariage, en1499, est conclu dans des conditions radicalement différentes de celles du second. À l'enfant vaincue a succédé une jeune reine douairière et duchesse souveraine de l'État breton désormais incontestée, en face de qui l'époux est un ancien allié, ami et prétendant. Contrairement aux dispositions du contrat de mariage avecCharlesVIII, le nouveau lui reconnaît l'intégralité des droits sur la Bretagne[43] comme seule héritière du duché et le titre de duchesse de Bretagne. Anne de Bretagne, souveraine du duché, et Louis XII souverain pour le royaume de France signent le contrat de mariage de la reine qui est uneunion personnelle entre lesdeux couronnes, ducale et royale, par la rédaction dedeux actes, — deux lettres ; une, publiée le, pour le mariage,cinq clauses, et l'autre, publiée le, traite des généralités du duché comprenanttreize clauses[44] —, Traité de Nantes[45] du, avec le roiLouisXII[46],[47]
En tant que duchesse de Milan, elle est représentée dans le tableau deCaspano deAlvise Donati. Le roi et la reine de France, identifiés comme des princes de Provence, sont agenouillés, le roi a dans ses mains la couronne qui apparaît sur les pièces frappées par la Monnaie de Milan. La reine est peinte avec l’Ordre de la Cordelière.
Leur filleClaude de France, héritière du duché, est fiancée àCharles de Luxembourg en1501, pour faciliter la conduite de la3e guerre d’Italie en renforçant ainsi l’alliance espagnole, et pour convenir au dessein d'Anne de lui faire épouser le petit-fils de son premier mari Maximilien d'Autriche. Ce contrat de mariage est signé le àLyon parFrançois de Busleyden,archevêque de Besançon,Guillaume de Croÿ,Nicolas de Rutter etPierre Lesseman, les ambassadeurs du roiPhilippeIer le Beau, père de Charles de Luxembourg. Les fiançailles sont annulées quand le risque d'encerclement plus complet du royaume peut être évité par l’absence d’un dauphin, à qui le contrat de mariage de Louis et Anne aurait interdit d'hériter de la Bretagne. C’est désormais au futurFrançois Ier que sa fille est fiancée. Anne refusera jusqu'au bout ce mariage, qui aura lieu quatre mois après sa mort, et tentera de revenir à l'alliance matrimoniale avec le futur Charles Quint. C'est à ce moment que, mécontente de cette alliance, elle commence son « tour de Bretagne », visitant bien des lieux qu’elle n’avait jamais pu fréquenter enfant. Officiellement, il s'agit d'un pèlerinage aux sanctuaires bretons (elle se rend notamment àSaint-Jean-du-Doigt et àLocronan[51]), mais, en réalité, il correspond à un voyage politique et à un acte d'indépendance qui vise à affirmer sa souveraineté sur ce duché. De à, ses vassaux la reçoivent fastueusement. Elle en profite pour s'assurer de la bonne collecte des impôts et pour se faire connaître du peuple à l'occasion de festivités, de pèlerinages et d'entrées triomphales dans les villes du duché[52].
La reineconsort possédait sa propre bibliothèque contenant une cinquantaine d’ouvrages sur la religion, la morale ou l’histoire[53]. On y trouve notamment deslivres d'heures : lesGrandes Heures (commande àJean Bourdichon), lesPetites Heures, lesTrès Petites Heures, lesHeures (inachevées), laVie de sainte Anne, lesVies des femmes célèbres de son confesseurAntoine Dufour, leDialogue de vertu militaire et de jeunesse française[54]. UnLivre d’heures d’Anne de Bretagne, illuminé parJean Poyer, est commandé par Anne pour Charles-Orland[55].
Une partie venait de ses parents. Elle en a commandé elle-même plusieurs et quelques-uns lui ont été offerts. Enfin, ses deux maris possédaient aussi de nombreux ouvrages (environ un millier sont ramenés à la suite de lapremière guerre d’Italie).
Différentes miniatures de dédicace de livres commandés par Anne de Bretagne
L'éditeurAntoine Vérard donnant son ouvrageLe Trésor de l'Âme à Anne de Bretagne, BNF, Vélins350 f6r.
Anne de Bretagne recevant de son confesseurAntoine Dufour le manuscrit desVies des femmes célèbres.
l'auteur Claude de Seyssel donnant son ouvrage à sa commanditaire Anne de Bretagne
Jean Marot remet son ouvrage à Anne de Bretagne
Des miniatures qui montrent le travail diplomatique et politique d'Année de Bretagne, par l'écriture de lettres
Anne de Bretagne écrivant à Louis XII (1508)
Anne de Bretagne donnant une lettre à un messager à destination de Louis XII (1508)
Exposition du corps d'Anne de Bretagne dans la grande salle du château de Blois, par leMaître des Entrées parisiennes,Commémoration de la mort d'Anne de Bretagne de Pierre Choque, 1514,Bibliothèque de Rennes, Ms.332.
Usée par les nombreuses maternités et lesfausses couches, atteinte de lagravelle, elle meurt le vers six heures du matin auchâteau de Blois, après avoir dicté par testament la partition de son corps (dilaceratio corporis, « division du corps » en cœur, entrailles et ossements) avec des sépultures multiples, privilège de ladynastie capétienne. Elle permet ainsi la multiplication des cérémonies (funérailles du corps, la plus importante, et funérailles du cœur) et des lieux (tombeaux de corps et de cœur)[56].
Selon la volonté de la défunte, son cœur a été placé dans uncardiotaphe en or rehaussé d’émail, cette boîte en or étant enfermée dans une autre boîte en plomb puis une autre en fer. L'ensemble est transporté à Nantes en grande pompe pour être déposé, le, en lachapelle des Carmes. S'y trouve letombeau deFrançoisII de Bretagne, qu’elle a fait réaliser pour ses parents, son cœur est placé à la tête du tombeau. Saisi durant la Révolution, l'écrin est transféré à laMonnaie de Paris, où il manque de peu d'être fondu[60]. Depuis 1886, il est conservé au Musée Dobrée, à Nantes[61].
Clef de voûte de la cathédrale de Nantes.Blason d'Anne de Bretagne, les armes de son époux royal (fleurs de lys) à dextre, celles de son père (queues d'hermine) à senestre.
Anne avait hérité de ses prédécesseurs les emblèmes dynastiques bretons : hermine passante (deJeanIV), d'hermine plain (deJeanIII), cordelière (deFrançoisII). Veuve deCharlesVIII, elle s'inspire de cette figure paternelle pour créer en 1498 l'ordre de la Cordelière[67].
Elle fit usage aussi de son chiffre, la lettre A couronnée, du motNon mudera (« je ne changerai pas »), et d'une forme particulière de la cordelière paternelle, nouée en 8. Ses emblèmes furent joints, dans la décoration de ses châteaux et manuscrits, avec ceux de ses maris : l'épée enflammée pourCharlesVIII et le porc-épic pour Louis XII. Elle avait également comme mot "A ma vie". Cette formule a été utilisée par les ducs de Bretagne dès avant le règne deJeanIV. La tradition rapporte aussi le motPotius mori quam foedari : « Plutôt mourir que déshonorer », ou « Plutôt la mort que la souillure » (en breton : « Kentoc'h mervel eget bezañ saotret »). Il n'apparait qu'une seule fois dans unlivre d'heures dédié à Anne de Bretagne et semble être un ajout duXVIIe siècle[68].
On retrouve son blason dans de nombreux lieux où elle est passée, ou liés à ses fonctions (principalement de duchesse ou de reine) :
Dernière duchesse de Bretagne et deux fois reine de France, Anne de Bretagne est, avecsaint Yves, un des personnages historiques les plus populaires de Bretagne.
La noblesse bretonne, voulant préserver ses privilèges comme ses prérogatives, s'évertue à prouver par l'intermédiaire de l'historiographie régionale que sa dernière duchesse a résisté à cette annexion[Note 13]. Anne de Bretagne reste depuis lors dans la mémoire bretonne un personnage soucieux de défendre leduché face à l'appétit de la France. Parallèlement, elle est élevée dans la mémoire nationale comme un symbole de paix et de concorde dans le royaume dont elle a été sacrée la mère[73].
Le destin posthume d'Anne de Bretagne est composé d'images déformées par son histoire façonnée par les calculs politiques et les jeux depropagande. D'où la nécessité de séparer l'historiographie objective d'Anne de Bretagne de l'imaginaire collectif qui fait régulièrement appel à cette référence culturelle dans des supports publicitaires, des spectacles et manifestations folkloriques, et de dépasser la vision antagoniste de certains historiens qui poursuivent, avec ce personnage, une mythification de son histoire, et une historiographie nationale voulant forger le mythe d'unenation française une et indivisible[74].
Après sa mort, elle tombe progressivement dans l'oubli dans l'historiographie nationale jusqu'au milieu duXIXe siècle, à la différence de l'historiographie bretonne. La noblesse bretonne commande une nouvelle histoire du duché,Histoire de Bretagne écrite de 1580 à 1582 parBertrand d'Argentré, qui fonde une historiographie régionale faisant d'Anne de Bretagne la femme qui a conservé l'autonomie du duché malgré ses mariages avec deux rois de France. Si cette historiographie bretonne de propagande ne peut nier l'inaction de la reine pendant le règne deCharlesVIII, elle amplifie l'emprise de la reine sur Louis XII[29]. Lesceltomanes puis les régionalistes bretons cherchent, dès la fondation en 1843 de l’Association bretonne, un personnage capable d’incarner leur idéal de renouveau agraire et régional, tout en manifestant leur attachement à la nation française[75]. Leur choix se porte sur la figure mythique et folklorique de la duchesse Anne, qui est progressivement dotée, dans les histoires de Bretagne, ducostume breton et qui la présentent comme une Bretonne proche du peuple (d'où la légende de la « duchesse en sabots »)[76],[77].
Plusieurs mythes entourent désormais Anne de Bretagne : celui d'une femme contrainte à un mariage forcé avecCharlesVIII ; celui d'une duchesse bretonne attachée à l’indépendance et au bonheur de son duché ou, au contraire, d'une reine symbole de l'union et de la paix entre la Bretagne et la France[74].
Cette figure hautement symbolique explique la parution, depuis200 ans, d'une cinquantaine de livres à son sujet qui n'ont pas fini d'en donner une vision contrastée, entre unGeorges Minois qui la présente comme une personne « bornée, mesquine et vindicative » et unPhilippe Tourault qui en fait une « personnalité tout à fait riche et positive, ardemment attachée à son pays et à son peuple »[80].
Si mort a mors, poème anonyme datant de ses funérailles, et repris parTri Yann. D'autres chansons du répertoire du groupe font référence à la duchesse, notamment l'instrumentalAnne de Bretagne de l'albumPortraits en 1995.
Dans la chansonC'est un pays,Soldat Louis évoque« une duchesse encore enfant qui s'est fait mettre d'une manière royale ».
Le groupe Stetrice l'évoque en chantant « Mais ici honte à qui délaisse la volonté de la duchesse » dans sa chansonNaoned e Breizh, de l'album homonyme en 2011.
Unfestival Anne de Bretagne itinérant a lieu chaque année dans une ville de Loire-Atlantique depuis 1995, par exemple en 2016 àChâteaubriant[84].
Lechâteau des ducs de Bretagne, àNantes est conçu comme une forteresse dans le contexte de la lutte pour l'indépendance duduché de Bretagne. Le système défensif du château est composé de sept tours reliées par des courtines et un chemin de ronde. Depuis le début desannées 1990, la ville de Nantes a mis en œuvre un programme de restauration et d'aménagement de grande envergure pour mettre en valeur ce site patrimonial en plein centre-ville, emblématique de l'histoire de Nantes et de la Bretagne. L'édifice restauré accueille le musée d'histoire de Nantes installé dans32 salles.
L'église Saint-Pierre de Montfort-l'Amaury (Yvelines) : église desXVe et XVIe siècles, d’une taille impressionnante et rare pour une petite cité, construite par la volonté d'Anne de Bretagne en lieu et place d’une église médiévale duXIe siècle.
lesmaisons d'Anne de Bretagne, àGuingamp,Morlaix,Saint-Malo et quelques autres villes, sont supposées avoir accueilli la duchesse lors de son tour de Bretagne (et non leTro Breiz, ce pèlerinage des sept saints de Bretagne étant confondu avec celui duFolgoët qu'elle réalise le en exécution d'un vœu si le roi guérissait, pèlerinage prolongé par le tour de la Bretagne pendant trois mois)[8] ;
Couronne en bronze doré à fleurs de lys incrustée decabochons offerte en 1505 par la duchesse Anne de Bretagne à la frairie de Trescalan.
En 1505, la reine Anne fit cadeau de trois couronnes de mariage liées, selon plusieurs traditions historiographiques concordantes, aux relations qu'elle a entretenues avec les cités de la presqu'île guérandaise[74] :
On attribue à Anne de Bretagne le don du grand calice et de sa patène en argent doré présents dans letrésor de Saint-Jean-du-Doigt. Ces œuvres réalisées selon la tradition parGuillaume Floch, sont en fait plus anciennes, leur inspiration étant clairementRenaissance italienne[93].
↑En robe de soie à larges manches à parements doublés de fourrure, qui porte sur unbéguin de soie blanche un chaperon noir cerclé d’un rang de joyaux. Cette coiffure évoluera en bonnet-chaperon. Source :Le Fur 2000,p. 63.
↑Maximilien d'Autriche a épousé en 1477Marie de Bourgogne (morte en 1482), fille deCharles le Téméraire. Il gouverne les Pays-Bas en tant que régent au nom de son filsPhilippe. L'idée qu'il soit à la fois maître desPays-Bas et de la Bretagne ne peut pas être accepté à la cour de France. D'où l'intervention militaire. En épousant Anne,CharlesVIII rompt d'ailleurs ses fiançailles (1482) avec la fille de Maximilien,Marguerite, renonçant ainsi à une dot importante. Maximilien, fils de l'empereurFrédéricIII, est éluroi des Romains en 1486.
↑« SiAlain Bouchart, dans sesGrandes Chroniques de Bretagne met en avant la date du, d'autres auteurs contemporains, tel Jean de Penguern dit Dizarvoez, dans saGénéalogie de très haulte, très puissante, très excellente et très chrétienne royne de France et duchesse de Bretagne (1510), proposent le pour sa naissance » (cf.Collectif,Anne de Bretagne. Une histoire, un mythe, Somogy,,p. 21).Le correspond auancien style (en ancien style, l’année commençait à Pâques)[pas clair] (le calendrier grégorien date de 1482, il n'a pas spécialement à être évoqué à propos de la naissance d'Anne.
↑À cette époque, les projets matrimoniaux ne se concrétisent qu'après de longs calculs politiques et d'âpres négociations, les promis n'étant parfois pas nés au moment du contrat. Ces projets peuvent donc varier au rythme des aléas politiques et beaucoup d'entre eux n'aboutissent pas. (cf.Le Fur 2000,p. 17.
↑Yolande Labande-Mailfert, dansCharlesVIII et son milieu (1470-1498) - La jeunesse au pouvoir (1975) montre en effet que le camp royal a été long à se décider au mariage breton, qui lui faisait abandonner le mariage bourguignonVoir aussiDominiqueLe Page et Michel Nassiet,L’Union de la Bretagne à la France, Morlaix, Éditions Skol Vreizh,(ISBN2-911447-84-0).
↑Le, convoqués à Vannes parCharlesVIII, lesÉtats de Bretagne conseillent à Anne d’épouser le roi de France.
↑Cette reconstitution, accompagnée d'une bande-son, met en scène l'établissement du contrat de mariage qui a eu lieu dans la salle des gardes du château (scène de droite), et la cérémonie religieuse qui a eu lieu à l’étage (scène de gauche). Quinze personnages en cire et à taille réelle, réalisés par le sculpteurDaniel Druet et mis en costume par Daniel Ogier en 1987, sont présentés :CharlesVIII et Anne de Bretagne (en robe debrocart d'or garnie de160 peaux de zibeline et sur laquelle a été brodé à la hâte l'ordre de Saint-Michel), derrière à gaucheAnne etPierre de Beaujeu, à droite les évêques Louis etGeorges d'Amboise, trois demoiselles d'honneur, enfin deux soldats de la garde du roi ; le chancelier de FranceGuillaume de Rochefort donne lecture du contrat établi par le notaire de apostolique Pierre Bourreau assis à sa droite, devant les témoinsLouis d'Orléans et leprince d'Orange. Source :Geneviève-Morgane Tanguy,Les jardins secrets d'Anne de Bretagne, Fernand Lanore,,p. 42.
↑Ce mariage par procuration fut ainsi considéré comme n'ayant jamais existé grâce audroit canonique qui pouvait invalider lemariage non consommé et une cérémonie entérinée par le nombre de personnes non prévu par ce droit.
↑Lacadière portant sur l'avers la mention traduite du latin « Anne reine des Français par la grâce de Dieu et duchesse des Bretons » et sur le revers l'antique devise des monnaies royales « Que le nom de Dieu soit béni ».
↑Afin d'asseoir ses revendications, cette noblesse commanda une nouvelle histoire du duché,Histoire de Bretagne écrite de 1580 à 1582 parBertrand d'Argentré.
↑« Cet oratorio est la seule et unique œuvre du patrimoine musical mettant en scène les personnages clés de l'histoire de l'alliance du duché de Bretagne au royaume de France :CharlesVIII, la reine-duchesse Anne etLouise de Savoie, tous réunis autour du thaumaturge François de Paule »,in plaquette de présentation du29e festival deLanvellec,.
↑Bret vient de la « petite Brette » ou « chère Brette », surnom donné à Anne de Bretagne par Louis XII, dans l'intimité.
↑Michael Jones, « L’usage du français dans les archives de la Bretagne médiévale »,Mémoires, la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne,(lire en ligne)
↑Jean-Christophe Cassard, « Un historien au travail : Pierre Le Baud »,Mémoires, Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne,,p. 68(lire en ligne)
↑Jean Kerhervé,Bretagne et pays celtiques. Mélanges offerts à Léon Fleuriot, Saint-Brieuc-Rennes,(BNF36662747,présentation en ligne), « La généalogie des rois, ducs et princes de Bretagne, par Pierre Le Baud »,p. 519-560
↑Christelle Cazaux,La musique à la cour deFrançoisIer, Librairie Droz,,p. 39-40.
↑Caroline Vrand, Thèse de doctorat en histoire de l'art, « Les collections d'art de Anne de Bretagne. Au rythme de la vie de cour », École des Chartes, 2016.
↑Sophie Cassagnes-Brouquet,Un manuscrit d'Anne de Bretagne, Ouest-France,,p. 12.
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↑Wickersheimer (Ernest, Jacquart (Danielle),Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Âge, 1979,t. 1,p. 161-162.
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↑Pierre Cabanne,Guide artistique de la France, Librairie Hachette,,p. 180.
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↑Jacques BREJON DE LAVERGNEE, « L'Emblématique d'Anne de Bretagne d'après les manuscrits à peintures. (XVe – XVIe siècles). »,Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne,vol. 45,, p. 83-95
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Commémoration de la mort d'Anne de Bretagne, par Pierre Choque (lire en ligne sur le site des Tablettes rennaises oulire en ligne sur le site de la bibliothèque municipale de Nantes). Ces manuscrits ont été copiés peu après le décès d'Anne de Bretagne pour relater l'événement.
Copie des Actes d'Anne de Bretagne, organisant la chancellerie de Bretagne (17 avril 1498) et compte des gages payés aux officiers de ladite chancellerie jusqu'en mars 1512-1513 (lire en ligne sur le site de la Bibliothèque municipale de Nantes).
Elizabeth A. R. Brown, Cynthia J. Brown et Jean-Luc Deuffic,Les funérailles d'une reine : Anne de Bretagne, 1514 : "Qu'il mecte ma povre ame en celeste lumiere", Turnhout (Belgique), Brepols Publishers,(OCLC881375342,présentation en ligne)
SophieCassagnes-Brouquet,Un manuscrit d'Anne de Bretagne : La vie des femmes célèbres d'Antoine Dufour, Rennes, Editions Ouest-France,, 237 p.
Henri Stein, « Le sacre d'Anne de Bretagne et son entrée à Paris en 1504 »,Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France,t. 29,,p. 268-304(lire en ligne)
Collectif d'universitaires des universités de Brest, Nantes, Rennes,Toute l’histoire de Bretagne, dans l’Île de Bretagne et sur le continent, Morlaix, éditions Skol-Vreizh,, 800 p., in-8o.
Yvonne Labande-Mailfert,« Le mariage d'Anne de Bretagne avec Charles VIII, vu par Erasme Brasca », p. 17-42 ;(lire en ligne)
Michael Jones,« Les manuscrits d'Anne de Bretagne, reine de France, duchesse de Bretagne », p. 43-82 ;(lire en ligne)
Jacques Bréjon de Lavergnée,« L’Emblématique d’Anne de Bretagne, d’après les manuscrits à peintures (xve – xvie siècles) », p. 83-96 ;(lire en ligne)
Auguste-Pierre Segalen,« Esquisse d’un état des recherches sur « Anne de Bretagne et la littérature de son temps » (1477-1514) », p. 97-110.(lire en ligne)