Pour les articles homonymes, voirNoailles.
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| Sépulture | Cimetière du Père-Lachaise, tombeau de Noailles(d) |
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| Mère | Ralouka Bibesco-Bassaraba(d) |
| Fratrie | Constantin de Brancovan(d) |
| Conjoint | Mathieu de Noailles |
| Enfant | Anne Jules de Noailles |
| Parentèle | Hélène Bibesco (tante paternelle) Antoine Bibesco (cousin germain) Emmanuel Bibesco(d) (cousin germain) |
| Membre de | |
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| Genre artistique | |
| Distinctions | Liste détaillée |
Anna de Noailles, néeAnna Elisabeth Bassaraba de Brancovan, est unepoétesse et uneromancièrefrançaise d'originesroumaine etgrecque, née àParis le et morte dans la même ville le.
Née au 22,boulevard de La Tour-Maubourg àParis, dans une très riche famille de lanoblesse roumaine[1], Anna est la fille d'un expatriéroumain, ancien deSaint-Cyr[2], âgé de 50 ans, leboyard Grigore Bibescu Basarab Brâncoveanu[3], lui-même fils duprince valaqueGheorghe Bibescu et de laprincesse Zoe Mavrocordato, héritière du prince Grégoire Bassaraba de Brancovan (Basarab-Brâncoveanu) issu de la dynastie desCraiovescu.
Sa mère, plus jeune de 21 ans que son mari, est née àConstantinople et a été élevée àLondres : Raluca, dite Rachel, Moussouros (d'une famillephanariotechrétienne orthodoxe d'origine grecquecrétoise, dont les origines remontent auXVe siècle)[4],[5] ; le père de celle-ci, Constantin Musurus, était ambassadeur de l'Empire ottoman auprès de lareine Victoria[6]. La mère d'Anna était une remarquable pianiste, à quiPaderewski a dédié nombre de ses compositions.
Sa tante, la princesseHélène Bibesco, a joué un rôle actif dans la vie artistique parisienne à la fin duXIXe siècle jusqu'à sa mort en 1902. Anna est ainsi la cousine germaine des princesEmmanuel et surtoutAntoine Bibesco, ami intime deProust que celui-ci décrira sous les traits deRobert de Saint-Loup dans son romanÀ la recherche du temps perdu.
Avec son frère aîné Constantin (1875-1967)[7] et sa sœur cadette Hélène (1878-1929)[8] qui épousera Alexandre de Riquet, prince de Caraman-Chimay[9], Anna mène une vie privilégiée : elle a ses propres précepteurs et reçoit son instruction au foyer familial, parle l'anglais et l'allemand en plus dufrançais, duroumain et dugrec, et reçoit une éducation tournée vers les arts, particulièrement lamusique et lapoésie. La famille passe l'hiver à Paris et le reste de l'année dans sa propriété, laVilla Bessaraba àAmphion, près d'Évian sur la rive française duLéman.
La poésie d'Anna de Noailles portera plus tard témoignage de sa préférence pour la beauté tranquille et l'exubérance de la nature, alors encore sauvage, des bords du lac, contrastant avec l'environnement urbain dans lequel elle passera la suite de sa vie[10].
Un rareguéridon au piétement en bois sculpté d'unsphinx ailé (vers 1800) provenant de la collection Antocolsky dispersée en 1906, fut alors acquis par Anna pour sa maison d'Amphion, décorée parEmilio Terry : il fut exposé en 1988 par la galerie Camoin Demachy lors de la14e biennale des Antiquaires de Paris[11].
Le Anne-Élisabeth[12], devient Anna de Noailles en épousant à l'âge de 19 ans lecomte Mathieu deNoailles (1873-1942), quatrième fils du septièmeduc de Noailles. Le couple, qui fait partie de la haute société parisienne de l'époque, aura un fils, le comte Anne Jules (1900-1979), qui, d'Hélène deWendel (fille deGuy de Wendel et deCatherine Argyropoulos) aura un fils unique, Gilles (1934-1979), mort sans postérité peu avant son père.
Anna de Noailles entretint une liaison avecHenri Franck, dont elle fut la muse. Normalien et poète patriote proche deMaurice Barrès, frère deLisette de Brinon[13] et cousin d'Emmanuel Berl, il meurt de tuberculose en 1912[14].

En 1909, le jeuneCharles Demange tombe amoureux d'Anna de Noailles, qu'il a connue par son oncleMaurice Barrès. Mais Anna a des soucis de santé et part à l'été avec son fils et son personnel pour se faire soigner à Strasbourg par le docteurPierre Bucher. À la demande d'Anna, Demange et elle se rencontrent brièvement à la gare de Nancy. Charles est persuadé qu'Anna a un amant et se suicide peu après, laissant plusieurs lettres dont une pour Anna[16].L'entourage de Demange la rend responsable de son suicide. Elle est calomniée dans un article anonyme duRuy Blas intitulé « Les causes d’un suicide » qui la dépeint comme « une coquette doublée d’une détraquée »[17].Dans une lettre àLucien Corpechot, elle se défend : « Je suis si malheureuse de l’indignité humaine ; je ne peux la supporter, l’ayant si peu, si peu vraiment méritée »[18].
Au début duXXe siècle, son salon de l'avenue Hoche attire l'élite intellectuelle, littéraire et artistique de l'époque parmi lesquelsEdmond Rostand,Francis Jammes,Paul Claudel,Colette,André Gide,Maurice Barrès,René Benjamin,Frédéric Mistral,Robert de Montesquiou,Paul Valéry,Jean Cocteau,Léon Daudet,Pierre Loti,Paul Hervieu, l'abbé Mugnier ou encoreMax Jacob,Robert Vallery-Radot etFrançois Mauriac. C'est également une amie deGeorges Clemenceau.

Le, elle enregistreJ'écris pour que le jour etJeunesse aux Archives de la Parole, documents sonores conservés à laBibliothèque nationale de France et écoutables surGallica[19].
Au printemps 1922,Albert Einstein est de passage à Paris. Anna de Noailles souhaite le rencontrer etMarguerite Borel organise un dîner en son honneur :
« Ce fut un événement mondain. Anna de Noailles, avec laquelle nous étions en relation, souhaita le connaître. Nous organisâmes un dîner, au printemps, chez nous, rue du Bac. Paul Painlevé, Paul Langevin,Jean Perrin,Élie Cartan,Mme Curie, mes parents y prirent part. On s’entretint de tout, sauf de sciences. Mme Curie parla peu. Mme de Noailles charma Einstein par son intelligente volubilité. Il souriait sous ses cheveux en désordre[20]. »

On peut la voir sur des clichés[21],[22] de la même époque aux côtés d'Albert Einstein,Paul Langevin,Paul Painlevé, Thomas Barclay, Leo Strisower,Paul Appell,Emile Borel, et Henri Lichtenberger, des grands noms du monde scientifique.
Dans les années 1925, elle fréquente le salon littéraire du docteurHenri Le Savoureux et de son épouse avec d'autres personnalités comme l'abbéArthur Mugnier, prêtre catholique mondain confesseur du Tout-Paris, ainsi que la princesse et femme de lettresMarthe Bibesco, cousine d'Anna,Berenice Abbott,Henri de Régnier,Julien Benda,Édouard Herriot,Antoine de Saint-Exupéry,Jean Fautrier,Vladimir Jankélévitch,Paul Morand,Jean Paulhan,René Pleven,Francis Ponge,Jacques Audibert,Claude Sernet,Marc Bernard,Gaëtan Gatian de Clérambault,Paul Valéry,Jules Supervielle etMarc Chagall.
Elle meurt à 56 ans en 1933 dans son appartement du 40,rue Scheffer (avant 1910, elle habitait au 109,avenue Henri-Martin[23],[24]) et est inhumée à Paris aucimetière du Père-Lachaise (division 28), tandis que son cœur repose dans l'urne placée au centre du temple du parc de son ancien domaine d'Amphion-les-Bains.
Anna de Noailles est morte sans cause médicale attestée, ni même connue. Une de ses dernières paroles fut, selon la comtesse Murat :« Aucun organe essentiel n’est atteint chez moi, et cependant je m’en vais. Je meurs de moi-même…[25] »
De leur rencontre en 1893 jusqu'à la mort de l'écrivain en 1922,Marcel Proust et Anna de Noailles entretiennent une longue correspondance portant essentiellement sur la poésie d'Anna de Noailles.Marcel Proust lui écrit avec abondance de longues lettres, Anna de Noailles écrit peu et assez rarement[26].
Ils s'écrivent plus qu’ils ne se fréquentent et Proust note dans une lettre adressée à Emmanuel Berl en 1916 :
Je la connais depuis très longtemps, je l’ai connue jeune fille. Je n’admire aucun écrivain plus qu’elle, j’ai pour elle une profonde amitié […]. Pourtant […] depuis quinze ans, je n’ai pas essayé de la voir trois fois[27].
En 1919, Proust et Anna de Noailles reçoivent la Légion d'honneur en même temps que Colette.
En novembre 1922, à la mort de Proust, Anna de Noailles publie dans la revueL’Intransigeant un « Adieu à Marcel Proust » ainsi qu'un autre hommage dans le numéro spécial de laNRF du 8 janvier 1923.
En 1931, elle publie la cinquantaine de lettres reçues de Proust et lui rend hommage comme mentor dans la préface de saCorrespondance générale :
Sans Marcel Proust, sans ses hymnes du matin, ses angélus du soir, qui me parvenaient en des enveloppes surchargées de taxes supplémentaires […] je n’eusse pas écrit les poèmes que la prédilection de Marcel Proust réclamait. Son éblouissante amitié m’a influencée, modifiée, comme seul en est capable un noble amour du verbe[28].
En 1904, avec d'autres femmes de lettres, parmi lesquellesJane Dieulafoy,Julia Daudet,Daniel Lesueur (pseudonyme de plume de Jeanne Loiseau),Séverine etJudith Gautier, fille deThéophile Gautier, Anna de Noailles crée le prix« Vie Heureuse », issu de la revueLa Vie heureuse, qui deviendra en 1922 leprix Fémina, récompensant la meilleure œuvre française écrite en prose ou en poésie.
Elle en est la présidente la première année, et laisse sa place l'année suivante àJane Dieulafoy.
Avec le prix « Vie heureuse », les fondatrices partent du constat que vraisemblablement leprix Goncourt ne sera jamais attribué à une œuvre de femme. Le prix Goncourt devait en effet être attribué à un homme de lettres, auteur du meilleur roman de l’année, éliminant aussi bien les femmes que les autres genres littéraires dont la poésie.
Le prix Vie heureuse devait lever cette double restriction et être attribué chaque année par un jury composé de femmes de lettres et destiné au meilleur ouvrage de l’année imprimé en langue française, que l’auteur soit un homme ou une femme, qu’il soit écrit en vers ou en prose et quelle que soit sa forme : roman, mémoires, drame, etc.[29].
Elle est membre honorifique de l'Académie roumaine et a été décorée de l'ordre du Sauveur de Grèce et de Pologne.
En 1902, elle reçoit leprix Archon-Despérouses[30].
En 1920, son premier recueil de poèmes (Le Cœur innombrable) est couronné par l'Académie française.
En 1921, elle en reçoit le grand prix de littérature. Plus tard, l'Académie française créera leprix Anna-de-Noailles en son honneur[31].
En 1931, Anna de Noailles est la première femme promue au grade de commandeur de laLégion d'honneur[32]et la première femme reçue à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (au fauteuil 33, où lui ont succédéColette puisJean Cocteau).
Anna de Noailles a écrit quatre romans, une autobiographie et un grand nombre de poèmes.
Son lyrisme passionné s'exalte dans une œuvre qui développe, d'une manière très personnelle, les grands thèmes de l'amour, de la nature et de la mort mais elle sait aussi manier l'humour dans ses chroniques journalistiques.
Anna de Noailles s'intéresse très jeune à la littérature et la poésie.En 1887, après la mort de son père, Anna voyage en Orient-Express avec sa famille et visite Vienne, Bucarest etConstantinople où son cousin Paul Musurus l'initie à lapoésie parnassienne. Elle croise également Pierre Loti.Sa mère lui fait découvrir dès sa parution en 1888Le Rêve publié de Zola.En 1893 Anna fait la connaissance de Marcel Proust qui accompagne Robert de Montesquiou à la villa familiale d'Amphion, sur les bords du Léman. Anna s’intéresse à cette époque aux poètes décadents et au scientisme et lit Sully Prudhomme, Renan, Zola, Camille Flammarion[33].En 1895, les poèmes manuscrits d'Anna commencent à circuler dans les salons et une publication est envisagée. C'est à cette époque qu'Anna écrit les poèmes qui figureront dansLe Cœur Innombrable publié en 1901.
En 1897, Anna épouse le comte Mathieu de Noailles. Proust y fait allusion dansLe Côté de Guermantes et la décrit comme une poétesse de talent comparable à Victor Hugo et Alfred de Vigny mais perçue faussement par son apparence et son milieu comme une sorte de princesse orientale :
« C'est ainsi qu'un cousin de Saint-Loup avait épousé une jeune princesse d'Orient qui, disait-on, faisait des vers aussi beaux que ceux de Victor Hugo ou d'Alfred de Vigny et à qui, malgré cela, on supposait un esprit autre que ce qu'on pouvait concevoir, un esprit de princesse d'Orient recluse dans un palais des Mille et Une Nuits. Aux écrivains qui eurent le privilège de l'approcher fut réservée la déception, ou plutôt la joie, d'entendre une conversation qui donnait l'idée non de Schéhérazade, mais d'un être de génie du genre d'Alfred de Vigny ou de Victor Hugo[34]. »
En mai 1901 paraît le premier recueil de poésie d'Anna de NoaillesLe Cœur Innombrable.L'Ombre des jours paraît en 1902.
Puis Anna se consacre essentiellement au roman avecLa Nouvelle Espérance (1903),Le Visage émerveillé (1904) etLa Domination(1905).De la rive d'Europe à la rive d'Asie (1913) relatera ses souvenirs d'enfance. Le recueil de nouvellesLes Innocentes ou la sagesse des femmes (1923) est issu du manuscrit d'un roman inachevé,Octave.
Anna de Noailles menait plusieurs activités littéraires en parallèle. Elle revient à la poésie en 1913 avecLes Vivants et les Morts, puis à nouveau dans les années 1920 et 1930 jusqu'à sa mort en 1933.
Elle a également rédigé une cinquantaine d'articles pour des revues et des journaux sur des événements contemporains comme lesBallets russes et la Première Guerre mondiale. En 1926 elle rédige une chronique en douze épisodes pour lemagazine Vogue[35].
— André Gide,Journal, 20 janvier 1910, Gallimard (Folio :Une anthologie), 1951/2012,p. 109-110.
— Abbé Mugnier,Journal, 24 novembre 1908 - Mercure de France, coll. « Le Temps retrouvé », 1985,p. 174
« Achevé le roman : Le Visage émerveillé […] pour la forme, il y a là du nouveau, des instantanés, et des inattendus. Des sensations qui deviennent des sentiments. Des couleurs, des saveurs, des odeurs prêtées à ce qui n'en avait pas jusqu'ici.Mme de Noailles a renchéri sur Saint-François d'Assise : elle se penche encore plus bas, elle dit au melon blanc : " Vous êtes mon frère", à la framboise, “Vous êtes ma sœur” ! Et il y a encore et surtout des joies subites, des désirs qui brûlent, de l'infini dans la limite […] »
— Abbé Mugnier,Journal,1er décembre 1910,p. 197
« Le poète desÉblouissements était au lit, dans une chambre sans luxe […] Une volubilité d'esprit et de paroles qui ne me permettait pas toujours de la suivre […] Elle m'a dit combien elle aimaitMichelet, l'idole préférée, admireVictor Hugo, aime moinsLamartine, admireVoltaire,Rousseau, préfèreGeorge Sand àMusset […] Aujourd'hui, elle n'a plus de vanité […] Même ses vers les plus lyriques sur le soleil, elle les écrivait avec le désir de la mort. Elle n'était pas joyeuse […] Très amusantes anecdotes sur la belle-mère, à Champlâtreux, contées avec un esprit voltairien […] Elle avait pensé à cette chapelle en écrivant le Visage émerveillé. Elle a écrit sur la Sicile des vers encore inédits […] à l'intelligence, elle préfère encore la bonté". »
— Abbé Mugnier,Journal, 2 décembre 1910,p. 198 et 199
« Elle était plus intelligente, plus malicieuse que personne. Ce poète avait la sagacité psychologique d'un Marcel Proust, l'âpreté d'un Mirbeau, la cruelle netteté d'un Jules Renard. »
— Jean Rostand, préface àChoix de poésies d'Anna de Noailles, 1960[38]
« Sacha Guitry admirait infinimentMme de Noailles, mais qui n'admirait pas Anna de Noailles ? C'était un personnage extraordinaire, qui avait l'air d'un petit perroquet noir toujours en colère, et qui ne laissait jamais placer un mot à personne. Elle recevait dans son lit, les gens se pressaient en foule dans sa ruelle […] et cela aurait pu être un dialogue étourdissant mais c'était un monologue bien plus étourdissant encore […] Sacha m'a dit d'elle : quand on l'entend monter l'escalier on a toujours l'impression qu'il y a deux personnes en train de se parler, et quand elle redescend, il semble qu'une foule s'éloigne. »
— Hervé Lauwick,Sacha Guitry et les femmes[39]
« Elle surgit d'une porte-fenêtre, précédée d'un multitude de cousins multicolores comme dans un ballet russe. Elle avait l'air d'une fée-oiselle condamnée par le maléfice d'un enchanteur à la pénible condition de femme […]. Il me semblait que si j'avais pu prononcer le mot magique, faire le geste prescrit, elle eût, recouvrant son plumage originel, volé tout droit dans l'arbre d'or où elle nichait, sans doute, depuis la création du monde. Puisque c'était impossible, elle parlait. Pour elle seule. Elle parla de la vie, de la mort, les yeux fixés sur Lausanne, moi regardant son profil. Elle ne m'écoutait pas. Il était rare qu'elle le fit. Malheureusement, elle n'avait pas besoin d'écouter pour comprendre […]. Je reçus tout à coup, en pleine figure, ses énormes yeux, elle rit de toutes ses dents et me dit : « Comment pouvez-vous aimer les jeunes filles, ces petits monstres gros de tout le mal qu'ils feront pendant cinquante ans ? »
— Emmanuel Berl,Sylvia, Gallimard, 1952, réédition 1994,p. 89-90
« Octave Mirbeau la ridiculise dansLa 628-E8 (passage repris dans laRevue des Lettres et des Arts du), la montrant comme une « idole » entourée de « prêtresses » : « Nous avons en France, une femme, une poétesse, qui a des dons merveilleux, une sensibilité abondante et neuve, un jaillissement de source, qui a même un peu de génie… Comme nous serions fiers d’elle !… Comme elle serait émouvante, adorable, si elle pouvait rester une simple femme, et ne point accepter ce rôle burlesque d’idole que lui font jouer tant et de si insupportables petites perruches de salon ! Tenez ! la voici chez elle, toute blanche, toute vaporeuse, orientale, étendue nonchalamment sur des coussins… Des amies, j’allais dire des prêtresses, l’entourent, extasiées de la regarder et de lui parler. / L'une dit, en balançant une fleur à longue tige : /— Vous êtes plus sublime que Lamartine ! /— Oh !… oh !… fait la dame, avec de petits cris d’oiseau effarouché… Lamartine !… C’est trop !… C’est trop ! / — Plus triste que Vigny ! / — Oh ! chérie !… chérie !… Vigny !… Est-ce possible ? / — Plus barbare que Leconte de Lisle… plus mystérieuse que Mæterlinck ! / — Taisez-vous !… Taisez-vous ! / — Plus universelle que Hugo ! / — Hugo !… Hugo !… Hugo !… Ne dites pas ça !… C’est le ciel !… c’est le ciel ! / — Plus divine que Beethoven !… /— Non… non… pas Beethoven… Beethoven !… Ah ! je vais mourir ! /Et, presque pâmée, elle passe ses doigts longs, mols, onduleux, dans la chevelure de la prêtresse qui continue ses litanies, éperdue d’adoration.— Encore ! encore !… Dites encore ! » »
— Octave Mirbeau,La 628-E8, 1907, réédition Éditions du Boucher, 2003,p. 400.
L'orientation de ce portrait est reprise par l'ambassadeur de France àBucarest le comte de Saint-Aulaire, dans ses mémoires[40] qui la montre sans-gêne, prétentieuse et monopolisant la conversation.
Charles Maurras fait d'Anna de Noailles l'une des quatre femmes de lettres qu'il prend comme exemplaires du romantisme féminin[41] dont il voit une résurgence à la fin duXIXe siècle, aux côtés deRenée Vivien,Marie de Régnier etLucie Delarue-Mardrus. Ces qualités sont aussi vantées par les travaux de la critique littéraire antiféministeMarthe Borély[42].
Les établissements d'enseignement suivants portent son nom :
Lesquare Anna-de-Noailles, à Paris, dans le16e arrondissement, porte son nom, également donné à une station de laligne 3b du tramway d'Île-de-France (ouverte à la circulation en 2024) proche de ce square[43].
En 2018, à l'occasion du centenaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale, le duoBirds on a Wire (Rosemary Standley etDom La Nena) met en musiqueLa jeunesse des morts pour le New European Songbook[44].La jeunesse des morts est tiré du recueilLes Forces éternelles de 1920.
Le portrait d'Anna de Noailles parJean-Louis Forain est conservé aumusée Carnavalet. Il lui a été légué par le comte Anne-Jules de Noailles en 1979[45].
Célébrité de son temps, plusieurs peintres de renom de l'époque firent son portrait, commeAntonio de la Gandara[46],Kees van Dongen[47],Jacques-Émile Blanche[48],Jean de Gaigneron ouPhilip Alexius de Laszlo (illustration sur cette page).
En 1906, elle fut le modèle d'un buste en marbre parAuguste Rodin, aujourd'hui exposé auMetropolitan Museum of Art à New York ; le modèle en terre glaise, qui lui donne comme un bec d'oiseau, comme le portrait-charge de profil par Sem reproduit sur cette page, est lui exposé auMusée Rodin à Paris[49]. Anna de Noailles avait refusé ce portrait, c'est pourquoi le marbre du Metropolitan porte la mention : « Portrait de Madame X »[50]
La Poste française a émis pour le centenaire de sa naissance, en 1976, un timbre-poste à son effigie, dessiné parPierrette Lambert et gravé en taille-douce parEugène Lacaque.
Deux portraits photographiques d'elle,Anna de Noailles auvison (vers 1905) etAnna de Noailles au manchon parOtto Wegener (1849-1924) ont été acquis en vente publique à Paris le 8 novembre 2018, respectivement par les villes d'Évian et deCabourg, pour 1664 euros et 960 euros[51].
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