Pour les articles homonymes, voirAnglo-normand.
| Anglo-normand | |
| Région | Grande-Bretagne,Irlande,Normandie |
|---|---|
| Nom des locuteurs | Anglo-normands |
| Typologie | SVO |
| Classification par famille | |
| Codes de langue | |
| IETF | xno |
| ISO 639-2 | xno |
| ISO 639-3 | xno |
| Étendue | langue individuelle |
| Type | langue historique |
| Linguasphere | 51-AAA-hc |
| État de conservation | |
Langueéteinte (EX) au sens de l’Atlas des langues en danger dans le monde | |
| Échantillon | |
| Quan uns granz biens est mult oïz, dunc a primes est il fluriz, e quant loëz est de plusurs, dunc a espandues ses flurs. (Lais deMarie de France, « Prologue ») | |
| Carte | |
L'omission du[h] expiré en anglais remonte auXIIIe siècle et s'explique en partie par l'influence de l'anglo-normand tardif, alors que paradoxalement lenormand conservait pour l'essentiel un [h] expiré, ou avait développé un[χ][1] | |
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L'anglo-normand est un ensemble dedialectes de l'ancien français (langue d'oïl) parlés dans l'Angleterre médiévale au sein de lacour royale, de l'aristocratie anglo-normande et d'une partie de la classe moyenne.
Laconquête du royaume d'Angleterre en 1066 parGuillaume le Conquérant (ou Guillaume Ier d'Angleterre) eut pour conséquence l'utilisation de la languenormande dans une contrée où dominaient levieil anglais (northumbrien,mercien,saxon occidental,kentien) et leslangues celtiques (gallois,cornique,cambrien,gaélique écossais).
Les membres de la Cour et les barons venus deFrance parlaient unelangue d'oïl appartenant globalement aux dialectes duGrand Ouest, fortement teintée denormand septentrional parlé au nord de laligne Joret (même si quelques compagnons d'armes de Guillaume le Conquérant venaient d'autres régions que de Normandie[Note 1]). C'est ce « normand insulaire » (André Crépin parle de « français insulaire », estimant que la langue n'est « ni anglaise ni normande[2] ») qu'on appelle anglo-normand par commodité.
Guillaume et ses successeurs immédiats sur le trône anglais ne tentèrent pas d'imposer l'anglo-normand comme langue officielle, préférant attribuer cette fonction aulatin, comme sur le continent — ce qui était également l'usage duclergé local. Les populations locales d'origine anglo-saxonne continuèrent d'utiliser levieil anglais, qui évolua peu à peu vers lemoyen anglais au contact de l'anglo-normand. Cette influence est explicable par la coexistence des deux langues parlées sur le sol anglais et le bilinguisme d'une partie de la société : la langue vernaculaire, le vieil anglais, et la langue véhiculaire, la langue d'oïl, langue des échanges aussi bien avec le continent qu'en Grande-Bretagne, voire en Irlande. Une partie non négligeable de la classe que l'on qualifierait de « moyenne », c'est-à-dire des commerçants et artisans, parfois immigrés du continent (à l'instar de la famille deThomas Becket, maîtres d'œuvre de l'architecture romane, puis gothique) utilisait cette langue d'oïl, soit comme langue maternelle, soit comme seconde langue.
De même, tout en connaissant le moyen anglais et en écrivant en latin, les clercs employaient également l'anglo-normand. Ce dernier, en tant que langue de cour, était aussi la langue de la culture : ainsi, lalittérature anglo-normande comprenait deschroniques, desgestes, deshagiographies, des chansons ou encore de la littérature didactique et religieuse. Quelques-uns des premiers textes d'une littérature que l'on peut qualifier de « française » furent écrits non pas sur lesrives de la Seine, mais sur celles de laTamise. Un normand insulaire présentant des caractéristiques phonétiques, morphologiques et syntaxiques plus proche dufrançais central se développa par la suite à la cour anglaise desPlantagenêt, et les textes officiels, comme laMagna Carta, furent promulgués dans cette langue[3]. Dans le même temps, l'aristocratie anglo-normande l'utilisait de moins en moins au quotidien, car elle avait perdu ses contacts avec le continent après 1204[4] et s'intégrait de plus en plus au monde anglophone environnant.
Cependant, l'anglo-normand se perpétua jusqu'à la fin duXIVe siècle dans la littérature, l'éducation, le droit et les textes officiels de la cour d'Angleterre[4] — notamment les ordonnances royales (acts oudeclarations), comme leTreason Act de 1351 (en), qui continuèrent longtemps d'être promulguées en un anglo-normand plus francisé.
En revanche, lesîles Anglo-Normandes ne parlaient pas anglo-normand, mais une ou plusieurs variétés denormand. Certaines se sont conservées et ont même un statut officiel, comme lejersiais.
| Latin | ≈29% |
| Français (d'abord français anglo-normand, puis français) | ≈29% |
| Germanique | ≈26% |
| Grec | ≈6% |
| Autres | ≈10% |
Si l'anglo-normand a disparu, il a cependant fourni à l'anglais moderne un lexique important en se fondant dans le moyen anglais. Un recensement de ces termes en a donné plus de 5 000[réf. souhaitée]. Par exemple,to catch, un verbe qui semble autochtone, car doté d'un prétérit et d'un participe passé irrégulier (caught), remonte en fait au normand septentrionalcachier (aujourd'huicachî ennormand du Cotentin etcacher ennormand du Pays de Caux ; de même étymologie que le françaischasser)[Note 2].
Même des termes germaniques occidentaux et d'ancien scandinave sont passés d'abord par l'anglo-normand avant de se fondre dans l'anglais :liste de mots romans en anglais d'origine germanique (en).
L'anglaisgarden est issu du normand septentrionalgardin[8] (correspondant àjardin en français), lui-même issu dubas latin(hortus) gardinus, mot emprunté auvieux-francique*gart ou*gardo « clôture » (cf., pour le sens, legotiquegarda, « clôture »[9] ; et, pour la forme, lemoyen néerlandaisgaert, lenéerlandaisgaard, levieux haut allemandgart,garto et l'allemandGarten, qui signifient tous « jardin » — ainsi que l'anglaisyard, « cour, enclos »).
De même,war, « guerre », qui, sans analyse préalable, semble à première vue d'origineanglo-saxonne, constitue en fait un emprunt au normandwerre (correspondant àguerre en français), tout comme son pendantpeace, « paix » (ancien françaispais etpes)[10].
Ainsi, ces trois marqueurs consonantiques sont les indices les plus sûrs d'un emprunt par l'anglais au normand septentrional, via l'anglo-normand :
| normand | anglais | français |
|---|---|---|
| caboche | cabbage | chou |
| câtel (anc.castel) | castle | château |
| cachier | catch | chasser |
| cat | cat | chat |
| acater | cater | acheter |
| cauchie | causeway | chaussée |
| caire (maischaire dans certains parlers) | chair | chaise |
| féchoun | fashion | façon |
| fourque | fork | fourche |
| gardin | garden | jardin |
| mogue,moque | mug | (grande) tasse |
| pouquette | poche | |
| poure,paure | poor | pauvre |
| tâque (anc.taske) | task | tâche |
| vage | wage | gage |
| waitier (anc.) | wait | guetter |
| werre (anc.) | war | guerre |
| warde (anc.) | ward | garde |
| varantie | warranty | garantie |
| viquet | wicket | guichet |
Aujourd'hui encore, leParlement britannique a recours à des expressions d'anglo-normand pour la promulgation de certaines lois :