l'anarchisme, entendu comme une société qui a pour projet laliberté politique totale et l'émancipation des individus, passant par l'égalité économique et sociale, par unedémocratie directe,autogestionnaire et fédéraliste (l'unité volontaire, l'association libre...)[1],[4].
PourCarlo Cafiero, cofondateur du communisme libertaire, le communisme est synonyme d'égalité et l'anarchisme de liberté, il refuse alors de les opposer et cherche au contraire à les combiner, car ils sont pour lui « les deux termes nécessaires et indivisibles de la Révolution »[5],[6],[7].
Le est fondée l'Association internationale des travailleurs (AIT), également connue sous le nom dePremière Internationale, qui a pour objectif de coordonner le développement dumouvement ouvrier et qui réfléchit à des principes politiques de base comme l'administration des choses. Cependant, de nombreuses divergences existent entre les différentes tendances du socialisme en son sein : Les« mutuellistes » s'inspirant deProudhon, lescollectivistes s'inspirant deMichel Bakounine et lescommunistes s'inspirant notamment deKarl Marx.
Ces divergences finissent par éclater à plusieurs reprises en conflit ouvert. Au congrès de Bâle en1869, les partisans de Marx et de Bakounine, défendant la propriété collective, font bloc ensemble contre ceux de Proudhon, défendant plutôt une propriété individuelle. Puis au congrès de La Haye de1872, Marx s'oppose à Bakounine sur la question du pouvoir octroyé au Conseil général de Londres, Marx voulant le centraliser alors que Bakounine appeler à le décentraliser. Marx réussit à exclure Bakounine etJames Guillaume de la première Internationale par vote du congrès, ce qui malgré lui est un suicide de l'AIT, déjà affaiblie, menant à une division clair entre « marxistes » et « anarchistes » et entrainant une scission très importante[4].
L'association des termes « communisme libertaire » est revendiqué, par la Fédération italienne de l'Internationale anti-autoritaire deSt-Imier (créée en 1872), au congrès deFlorence de 1876 parErrico Malatesta etCarlo Cafiero[9]. Soit 19 ans après l’invention du terme « libertaire » et 36 ans après la mise en circulation de « communisme »[10]. Ce positionnement est pris en opposition aucollectivisme libertaire, qui est à cette époque la position officielle de l'Internationale anti-autoritaire (avec l'influence de Bakounine) et ce à cause de la crainte qu'un centralisme économique puisse être amené par la théorie collectiviste[11].
Ils ne veulent ni rejeter le communisme — comme le faisaient Bakounine et Proudhon —, ni mépriser l’anarchisme — comme le faisaient Marx et Engels —, mais faire une synthèse, voir un dépassement en comblant leurs lacunes, de l'anarchisme et du communisme[4],[6]. Cafiero résume sa pensée en cette formule : « Nous voulons la liberté, c’est-à-dire l’anarchie, et l’égalité, c’est-à-dire le communisme. » Son anarchie pourfend trois ennemis (l’autorité, le pouvoir et l’État) et son communisme entend s’emparer des richesses « au nom de l’humanité »[12].
Couverture du livreCommunisme et anarchie, dePierre Kropotkine (1903).
Quelques années plus tard en 1880, au congrès deLa Chaux-de-Fonds de l'Internationale anti-autoritaire,Élisée Reclus définit le communisme libertaire comme la « conséquence nécessaire et inévitable de la révolution sociale » et « expression de la nouvelle civilisation qu’inaugurera cette révolution », et qui implique notamment « la disparition de toute forme étatiste » et « le collectivisme avec toutes ses conséquences logiques, non seulement au point de vue de l’appropriation collective des moyens de production, mais aussi de la jouissance et de la consommation collectives des produits » (Le Révolté,)[13].
Par la suite d'autres penseurs du communisme libertaire poseront leur pierre à l'édifice de cette synthèse, commePierre Kropotkine pour qui « l’anarchie mène au communisme, et le communisme à l’anarchie »[14], et qui affirme également, en 1913 dansLa Science moderne et l’Anarchie, que le communisme dispose en lui de deux voies : l’oppression et la liberté, l’autoritarisme et l’anarchisme[6].
Le danger quant auquel Kropotkine mettait en garde semble finalement s'être réalisé durant larévolution russe en 1917, où lesbolcheviques, sous la direction deLénine, se sont approprié le mot « communisme », avec une mise en pratique bien différente du communisme libertaire : un parti d’avant-garde, un État centralisateur et répressif, un productivisme de principe[10]... Pour les communistes libertaires, lesÉtatsmarxistes-léninistes n'ont rien de communiste et se rapprochent plus d'un collectivisme d'État, voire d'uncapitalisme d'État, puisque pour eux le communisme est un mode d'organisation sans État.
En même temps que le reste du mouvement anarchiste, le communisme libertaire connaît de nombreuses réflexions, questions et évolution de ses modes d'organisations et de stratégies. Sa doctrine adopte à ses débuts une stratégieinsurrectionnaliste. Elle est pratiquée en Italie parErrico Malatesta,Carlo Cafiero ouSaviero Merlino, qui en avril 1877 lancent une insurrection dans le massif montagneux duMatese (dans laprovince de Bénévent), dans le but de provoquer un soulèvement dans cette région[15]. Même si ce fut un échec, des actes de propriété communales furent brûlés et le communisme libertaire proclamé pendant un temps.
Dans lesannées 1920 à la suite de larévolution russe — où pour la première fois dans l’histoire, les principes du communisme libertaire furent mis en application au sein d'uneUkraine libertaire[18] — un groupe de communistes libertaires exilés d'Ukraine et de Russie fuyant le régime bolchevique dresse un bilan critique afin de comprendre l'échec du mouvement libertaire durant cette révolution et élabore une nouvelle forme d'organisation. C'est ainsi qu'est publié, en 1926, la« Plate-forme organisationnelle de l’union générale des anarchistes » écrit parArchinov,Nestor Makhno,Ida Mett,Valesvsky etLinsky, appelant à la construction d'une grande organisation spécifiquement communiste libertaire, qui cherche à apprendre de « la leçon du passé » et à sortir l’anarchisme des « limites étriquées d’une pensée marginale et revendiquée uniquement par quelques groupuscules aux actions isolées » afin de gagner les masses et d'« accomplir les tâches de l’anarchisme, non seulement lors de la préparation de la révolution sociale, mais également à ses lendemains »[19],[20], le tout en assumant « une ligne générale tactique et politique, qui servirait de guide à tout le mouvement »[21].
D'autres communistes libertaires (dont Malatesta,Faure,Voline...) répondent négativement au nouveau modèle plate-formiste (lui trouvant des insuffisances théoriques pouvant permettre à une forme d'autoritarisme de s'installer au sein de son organisation). En opposition, est alors élaboré un contre modèle d'organisation, lasynthèse anarchiste, qui cherche à rassembler toutes les différentes tendances de la tradition anarchiste : individualiste, anarcho-syndicaliste et socialiste-communiste[20].
Au cours de la seconde moitié duXXe siècle, une nouvelle forme d'organisation proche duplateformisme se développe au sein du mouvement communiste libertairesud américain : lespécifisme. On y retrouve la nécessité d’une organisation spécifiquement anarchiste unie théoriquement, dans le but d'y théoriser et développer un travail politique et d’organisation stratégique, afin de participer activement à des mouvements sociaux autonomes et populaires[22].
Aujourd'hui les termes de plateformisme, de spécifisme et de dualisme organisationnel (s'organiser à la fois dans l'organisation politique et dans les organisations de masses[23]) sont relativement interchangables. Outre des petites différences en fonction de lieu et de la période, l'on retrouve ces pratiques dans l'ensemble des organisations communistes libertaires à travers le monde[24].
« Le Communisme - qu'il faut se garder de confondre avec le Parti Communiste - est une doctrine sociale qui, basée sur l'abolition de la propriété individuelle et sur la mise en commun de tous les moyens de production et de tous les produits, tend à substituer au régime capitaliste actuel une forme de société égalitaire et fraternelle. Il y a deux sortes de communisme : le communisme autoritaire qui nécessite le maintien de l'État et des Institutions qui en procèdent et le communisme libertaire qui en implique la disparition »
Les communistes libertaires sont desrévolutionnaires, qui pensent que l'abolition ducapitalisme et de l’État devra nécessairement passer par une révolution sociale surement violente afin d'aboutir aucommunisme[25]. Ils pensent que cette révolution doit être l'œuvre des masses elles-mêmes, de leur propre initiative et spontanéité, et rejettent toute avant garde ou chefs qui voudrait guider les masses[26].
Cette révolution est néanmoins comprise comme un processus, durant lequel leprolétariat prend de plus en plusconscience de lui-même, se mobilise et s'organise encontre-pouvoir, afin de partir à la conquête de ses aspirations populaires immédiates par les mouvements sociaux, à travers des pratiques de lutte anti-autoritaire, jusqu'à se substituer à l'État lui-même[25].
Malatesta parle alors degradualisme révolutionnaire : « L'anarchisme, doit être nécessairementgradualiste. On peut concevoir l'anarchisme comme la perfection et c'est un bien que cette conception reste toujours présente à notre esprit tel un phare idéal qui guide nos pas. Mais il est évident que cet idéal ne peut être atteint d'un seul bond, en passant d'un seul coup de l'enfer actuel au paradis rêvé. »[5]
Le but des communistes libertaires est l'établissement d'un nouvel ordre social juste et émancipateur (et non pas le « désordre » social), grâce à l'abolition conjointe du capitalisme et de l’État. Cette société communiste libertaire,décentralisée, fédérale, sansclasse sociale, niÉtat, doit garantir à la fois l'égalité sociale et la liberté des individus[25].
L’État, considéré comme oppresseur par nature, est remplacé par une libre fédération de communes associées et par unedémocratie directe fonctionnant de bas en haut avec desmandats impératifs, en opposition à la « démocratie représentative »[26],[27]. La police et l'armée cèderont leur place à une défense civile populaire contrôlée localement et démocratiquement par mandats révocables[25],[27].
L'économie capitaliste est remplacée par une économie communiste, où les moyens de production (les terres, les usines, les bureaux...) deviennent des biens communs gérés collectivement et où la production est gérée autogestionnairement par les travailleurs, organisés en associations ou en syndicats[26]. La planification de l'économie et de la production se fera démocratiquement par l'ensemble de la fédération, afin de produire pour les besoins humains et dans le respect de l'environnement, plutôt que pour la course au profit[27],[25],[2]. Par extension, les communistes libertaires proposent de substituer à lapropriété privée la « possession individuelle », ne garantissant aucun droit concernant l'accumulation des biens « non utilisés »[3].
Les liens entre communisme libertaire et communisme marxiste
Communisme libertaire et communisme marxiste ont cohabité au sein de laPremière Internationale. Des liens entre les deux ce sont alors fait très tôt, comme lorsqueCarlo Cafiero publie en 1879 sonAbrégé du Capital de Karl Marx, afin de faire une synthèse didactique permettant au plus grand nombre d'avoir accès au texte deKarl Marx[12].
Le communisme libertaire a en commun avec le communisme marxiste la critique dumode de production capitaliste qu'ils considèrent tous deux devoir être aboli par larévolution prolétarienne pour aboutir à une société communiste, c'est-à-dire une société sans classe sociale et sans État. Le communisme libertaire se distingue ducommunisme marxiste dans la méthode à suivre pour parvenir à cette fin. Le communisme libertaire refuse la centralisation économique et politique et prône l'abolition immédiate de l’État pour son remplacement par une organisation sociale fédérale reposant sur la libre association et limitant fortement le pouvoir des représentants politiques par lemandat impératif. Pour Marx, la société communiste se devait d'être le point d'aboutissement du processus révolutionnaire, mais contrairement aux anarchistes, il considérait qu'elle ne pouvait être atteinte directement. D'après lui, il faut en passer par la médiation d'unedictature du prolétariat suivie d'une extinction progressive du pouvoir étatique.
L'héritage de Marx est contrasté en la matière. Mais à la suite de larévolution d'Octobre, avec la prise de pouvoirs des bolcheviks en Russie et la création de l'Internationale communiste, leléninisme devient la version dominante du marxisme. Une doctrine qui, loin de l'idée d'une extinction progressive du pouvoir étatique, renforça le pouvoir de l'État en Russie. Malgré ça, différentes tentatives de synthèse ou de prélèvement entre anarchisme et marxisme ont été élaborées par la suite.
Dans lesannées 1960-70,Daniel Guérin tente l'élaboration d'un courant qualifié de « marxiste libertaire », cherchant à faire la synthèse entreanarchisme etmarxisme. Il s'agit pour l'anarchisme de se réapproprier la conception matérialiste de l'histoire, et pour le marxisme majoritaire de se débarrasser de visées étatistes et autoritaires[4]. Ce concept a remis en lumière les points de convergence du« marxisme » et de l'« anarchisme », notamment sur la question de l'analyse économique et sociale.
Plutôt qu'une synthèse entre anarchisme et marxisme, le courant communiste libertaire va plutôt chercher à dépasser l'un et l'autre[28]. Il prélève de la doctrine marxiste tous les éléments, compatibles avec l’idéal libertaire[29], lui permettant de solidifier sa doctrine. Ainsi, il s'empare de concepts et d'outils marxistes comme lalutte des classes, mais également pour certains de laméthode dialectique[9]. Les communistes libertaires gardent néanmoins une attitude pragmatique et n'hésitent pas à ajouter des corrections et des actualisations à la pensée de Marx. C'est ce qu'on retrouve en1986, dans leProjet communiste libertaire de l'Union des travailleurs communistes libertaires, où le concept de lutte des classes est élargi au delà de la critique initiale des rapports d'exploitation avec une critique des rapports de pouvoir (L’État n'est plus vu comme un simple produit des rapports entre les classes sociales mais comme une institution autoritaire en soi, productrice d’une classe dominante)[30].
Cette dynamique mène donc également à une forme de rupture avec certains dogmes anarchistes, comme l'« absence de pouvoir », alors perçue comme une « pure vue de l'esprit », y préférant la construction d'un pouvoir populaire fonctionnant de bas en haut. Ou comme les « luttes de libération nationale » qui ne sont pas nécessairement comprises comme des diversions bourgeoise et nationaliste, mais pouvant pour les communistes libertaires aussi relever d'une dimension anticapitaliste et anti-impérialiste, les menant à adopter des soutiens critiques aux causes indépendantistes[31], tout en y encourageant « les forces liant émancipation nationale et émancipation sociale »[30].
Déjà dans les années 1840, alors que la France commence tout juste à se saisir politiquement du terme « communisme » et queProudhon, penseur français dusocialisme libertaire[32], popularise et loue le terme « anarchiste »[25], l'on retrouve des groupes précurseur du communisme libertaire, comme le journalL'Humanitaire deGabriel Charavay, qui selon l'historienMax Nettlau est le « premier organe communiste libertaire et l'unique enFrance pour quarante ans »[33].
En 1870-1871, on voit en France le soulèvement de plusieurscommunes insurrectionnelles, auxquels nombreux socialistes libertaires ont participé. CommeBakounine qui rédige le 25 septembre 1870 la proclamation de laFédération révolutionnaire des communes, en remplacement de l’État centralisé, appelant au soulèvement de la premièreCommune de Lyon auquel il participera[34]. Cette suite d'évènement, qui trouve sa fin à la chute de laCommune de Paris et laSemaine sanglante en mai 1871, est une référence historique importante pour les mouvementslibertaires, du fait que des organisations politiques basées sur ladémocratie directe y sont expérimentées.
En 1879, est fondé le journal communiste libertaire,Le Révolté, fondé à Genève parPierre Kropotkine et qui déménage en France en 1885[35]. Prônant au début une stratégieinsurrectionnaliste etpropagandiste par le fait pour atteindre le communisme libertaire, des groupes anarchistes insurrectionnels l'utilisent pour revendiquer certaines de leurs actions.Le Révolté fini par réévaluer sa position stratégique en 1890 en tirant le bilan de l'échec de la« propagande par le fait » qui isole de plus en plus les anarchistes des masses ouvrières[36].
En même temps que le reste du courant communiste libertaire,Le Révolté se tourne vers lesyndicalisme révolutionnaire, préconisant la création d'un syndicalisme de masse[37] :« Il faut être avec le peuple et créer des unions monstres, englobant les millions de prolétaires contre les milliers et les millions d’or des exploiteurs » (La Révolte, 27 septembre 1890).
Malgré ce début de changement stratégique, leslois scélérates sont promulguées en 1893 et 1894 en réponse aux attentats anarchistes. L'interdiction de diffuser de la « propagande anarchiste », les arrestations, la fermeture des journaux libertaires[38]... font beaucoup de mal à l'ensemble du mouvement anarchiste français et par extension aux communistes libertaires.
Dès 1890, beaucoup de communistes libertaires militent activement au sein des syndicats. CommeFernand Pelloutier appelant les anarchistes à s'y investir, car c'est en leur sein que l'on trouve« le germe de groupes libres de producteurs par qui semble devoir se réaliser notre conception communiste et anarchiste »[39]; commePaul Delesalle qui veut rendre le mouvement syndical « communiste-anarchiste »[40]; et commeÉmile Pouget défendant lesyndicalisme révolutionnaire au sein de laConfédération générale du travail.
La tendance syndicaliste révolutionnaire, en grande partie composé de communiste libertaire, prend de plus en plus de place au sein de la CGT naissante. Du congrès de 1897, où la CGT adopte le principe dusabotage comme moyen d’action sur le patronat. Jusqu'au congrès de 1906, avec l'adoption de laCharte d'Amiens, donnant quelques-uns des traits spécifiques du syndicalisme de la CGT : lalutte des classes, la lutte quotidienne pour des améliorations immédiates mais aussi la lutte pour la disparition dusalariat et du patronat, ainsi que son indépendance vis-à-vis des organisations politiques, du patronat et de l'État. Dans cette continuité, le 5 octobre 1909, paraît le premier numéro de laVie ouvrière, journal de la CGT, qui se définit alors comme « syndicaliste Révolutionnaire, antiparlementaire ».
En 1892, est fondé laFédération des Bourses du travail[41], animé parFernand Pelloutier, elle est massivement investie par les syndicalistes révolutionnaires[42] et les anarcho-syndicalistes qui vont contribuer à faire desbourses du travail des lieux de rencontre de la classe ouvrière, de solidarité, d'élaboration de revendications, mais aussi un centre d'éducation populaire et de formation de militants, pouvant par exemple comporter des bibliothèques[43].
reconnaissance de l'illégalisme uniquement à des fins de propagande (récusant les actes de la "bande à Bonnot") ;
définition des termes "anarchiste", "communiste" et "révolutionnaire"[46].
Durant sa courte existence la FCA se montre très active sur la question de l'antimilitarisme[47], contre la guerre et contre laloi des trois ans. Mais en août 1914, au moment de l'entrée en guerre, l'organisation est démembrée, ses militants dispersés finissent en prison, en exil ou au front. Les derniers restés à l'arrière vont participer à l'action pacifiste et à la résistance à l'Union sacrée.
Pendant ce temps, au détriment des syndicalistes révolutionnaire, la CGT se rallie à l'Union sacrée[48] et, en opposition au reste du courant, des figures du communisme libertaire, commeJean Grave etPierre Kropotkine, publient leManifeste des Seize en soutien aux alliés contre l'Allemagne.
Par la suite, les militants de l’Union anarchiste vont jouer un rôle important durant lesgrèves de juin 1936. Les effectifs de l’organisation grimpent jusqu’à 4 000 adhérents[54][source insuffisante]. Mais en 1938-1939, la défaite de laRévolution espagnole et la montée vers la guerre entraînent une démoralisation au sein de l'Union anarchiste, qui maintient néanmoins sa ligne « pacifiste révolutionnaire »[55][source insuffisante]. Finalement en, lors de la déclaration de guerre, l’UA cesse d’exister.
En 1944, les militants issus de l'UA et de la Fédération anarchiste de langue française (FAF), présents dans le réseau anarchiste de la région parisienne, décident de se réunir au sein d'une fédération libertaire unifiée[59]. Ils participeront alors à la relance duLibertaire en, puis à la fondation de laFédération anarchiste de 1945[52].
Après laSeconde Guerre mondiale, dans un souci de rassembler les militants anarchistes dispersés durant la guerre, laFédération anarchiste de 1945 (FA) se construit afin d'unir tous les anarchistes dans une même structure[60].
Mais ce choix de lasynthèse anarchiste est contesté, et des militants communistes libertaires favorables à une unité et une discipline plus grande au sein de l’organisation entreprennent de la remodeler selon leur vision proche duplateformisme. Certains, au sein de la tendance clandestineOrganisation Pensée Bataille (OPB) animé parGeorges Fontenis. Ils parviennent à s’emparer définitivement de la FA lors du congrès de Paris de 1953, la transformant enFédération communiste libertaire (FCL « deuxième manière ») après en avoir exclu les tendances les moins compatibles avec la nouvelle lignecommuniste de l'organisation[60].
Parallèlement, en 1954, lessynthésistes, lesindividualistes et des opposants créés une nouvelle Fédération anarchiste[32]. Cette FA arrivera à se maintenir jusqu'à aujourd'hui.
En 1954, dès le lendemain de la «Toussaint rouge», la FCL s'engage dans le soutien aux indépendantistesalgériens. D'abord en collant sur les murs deParis des centaines d'affiches avec l'ICL « Vive l'Algérie libre », puis dans leur journal avec des articles soutenant l'insurrection ce répétant dans chaque numéro duLibertaire[64],[65],[52]. En, le premier militant français incarcéré pour son soutien à la cause algérienne était un ouvrier communiste libertaire, membre de la FCL :Pierre Morain[66]. Il fut condamné à un an de prison ferme[64].
Rapidement la police française entreprend de liquider la FCL[66]. Multipliant les saisies du journal et les condamnations de ses militants[25], l'organisation suspend progressivement ses activités, jusqu'en quandLeLibertaire, étranglé par les condamnations, les dettes, lacensure et les saisies de lapolice, cesse de paraître[67]. Certain militants commeGeorges Fontenis etPierre Morain passèrent alors à la clandestinité pour échapper aux poursuites[52],[68].
À l'été 1957, lorsque laDST arrête les derniers militants en cavale ou en clandestinité, la FCL disparait pour de bon. Certains rescapés, privé de l'existence d’une organisation spécifiquement communiste libertaire[69], arrivent néanmoins à poursuivent la lutte mais au sein deLa Voie communiste[66] opposition interne duParti communiste français.
Après le démantèlement de laFCL en 1957, le courant communiste libertaire français connaît plusieurs années de traversée du désert, ne subsiste que quelques revues (Noir et Rouge) ou quelques groupes locaux, parfois membres de laFédération anarchiste (FA), mais aucune organisation nationale d'envergure.Mai 68 offre aux communistes libertaires un nouveau dynamisme.
EnMai 68, des militants de l'ORA agissent sous leur propre sigle et non sur celui de la FA. Avec un « quartier général » à laSorbonne[71], un journalL'Insurgé[72] et l'organisation de barricades anarchistes lors de lanuit des barricades le 19 mai 1968[73]. Cette forte activité entraine un afflux de jeunes souhaitant rejoindre l'ORA sans adhérer à la FA[70],[71]. Cette situation ambiguë pousse l'ORA à se dissocier de la FA par étapes. Jusqu'en mars 1970 où l'ORA quitte la FA et devient une organisation à part entière.
En parallèle se constituent leMouvement communiste libertaire (MCL), fondé en mai 1969 et rassemblant divers groupes révolutionnaires, dont certains apparus à la faveur deMai 68. Très rapidement le MCL se pose la question d'une unification avec l'ORA. Un processus de fusion est entamé de l’automne 1969 à l’été 1971[74], mais il échouera. Malgré ça, en juillet 1971, trois groupes de l'ORA finissent par fusionner avec le MCL aboutissent à la fondation de l'Organisation communiste libertaire (OCL « première manière »). Une organisation ayant une existence aussi discrète qu’erratique, qui finit par s'autodissoudre en 1976[75].
L'OCL née en 1976, après le congrès d'Orléans de l'ORA. Dès ses débuts, le groupe parisien de l'OCL intègre lemouvement autonome, avant de rompre avec celui-ci au début desannées 1980[78]. Elle est par la suite traversé par d'autres débat sur l'organisation et le fédéralisme, elle finit par rejeter le modèleplateformiste au profit d'une organisation trèsdécentralisée et assembléiste. L'OCL développe une pratique d'intervention qu'elle nomme mouvementiste et rupturiste qui donne priorité au travail local, aux luttes autonomes et qui critique les syndicats et toute institutionnalisation des luttes[79].
L'OCL arrivera à se maintenir jusqu'à aujourd'hui.
Union des travailleurs communistes libertaires (1976-1991)
L'UTCL à la manifestation parisienne du 5 juin 1982, contre la visite deRonald Reagan en France.
Après son exclusion de l'ORA en 1976, et jusqu’à sonIer congrès en mars 1978, la tendanceUTCL se transforme en « Collectif pour une UTCL » avant de devenir une organisation à part entière. L’UTCL opte pour une stratégie de lutte tournée vers l’entreprise et le syndicat, en se référant directement ausyndicalisme révolutionnaire[78]. L'UTCL est au début très impliqués dans l’animation de la gaucheCFDT et est opposée au « recentrage » de la confédération dans les années 1980. En 1988, après un conflit politique en interne de la CFDT PTT, les militants de l'UTCL participent à la création de syndicats alternatif, dont les syndicatsSUD[78].
À partir de 1988, l’UTCL fait le pari de s’autodépasser au sein d’un rassemblement des communistes libertaires[81]. En mai 1989 est rendu public un « Appel pour une alternative libertaire » cosigné par plus de 150 personnes issues de différents horizons du mouvement[82]. Un processus d’unification débute donc, qui conduit à la fondation, en mai 1991, d’Alternative libertaire (AL). L’UTCL décidèrent alors de s’y autodissoudre.
LaCGA est créée en 2002, après une scission des groupes du sud de la France de laFA, en raison de leur refus de la pratique de l'unanimité dans le processus décisionnel de la FA, jugée « source d'immobilisme »[88]. Ces groupes se réunissent alors dans une nouvelle organisation se réclamant du communisme libertaire et du syndicalisme d'action directe[89].
En 2018, la CGA se rapproche d'AL et entame un projet de fusion[86], aboutissant à la fondation de l'UCL en 2019[87].
Le congrès fondateur de l'UCL s'est organisé dans l'Allier en juin 2019. Cette nouvelle organisation est née de la fusion d'AL et de laCGA, union rendue possible par la rédaction conjointe duManifeste de l'Union communiste libertaire[90].
L’UCL profite des apports idéologiques de ses aînés (l'UTCL,AL et laCGA), sa stratégie porte donc sur l'’implication de ses militants au sein des organisations de masses afin de construire descontre-pouvoirs dans l'ensemble de la société, dans l'espoir de former, à terme, un véritable pouvoir populaire capable de remplacer le pouvoir d’État puis de travailler à l’instauration d’un ordre social basé sur ladémocratie directe, l’autogestion et lefédéralisme[91]. Elle combine alors une implicationsyndicaliste révolutionnaire avec une présence dans les luttesantiracistes,féministes,LGBTI etécologistes[87].
Il y a des expériences de communisme libertaire enUkraine dans divers cantons ou villages qui sont cependant trop courtes pour que l'on puisse en retirer un enseignement, cependant, il reste des écrits deMakhno au sujet deGoulai Polié et de ses environs.
L'expérience la plus importante qui ait existé de mise en pratique du communisme libertaire a eu lieu enEspagne durant la période révolutionnaire allant de1936 à1938.
Dès le18 juillet, jour de l'insurrection, une collectivisation des terres et des usines se fait dans quasiment toute l'Espagne « républicaine » avec plus ou moins d'intensité selon les régions et selon la force ouvrière et paysanne présente et influencée par les anarchistes. Dans certaines parties les communes ou collectivités vivent selon le communisme libertaire, dans d'autres parties le collectivisme libertaire. L'expérience espagnole est controversée dans la mesure où certains mettent en avant le vécu démocratique et populaire, tandis que d'autres soulignent que les idées anarchistes n'ont pas permis d'organiser la victoire contre le soulèvement fasciste.
L'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) dans la province mexicaine duChiapas organise les zones qu'elle contrôle sur un modèle proche du communisme libertaire : les paysans mettent en commun les terres et s'associent au sein de communautés pour traiter librement de l'organisation de leur société. Ces structures constituent une véritable administration qui remplace l'État dans certaines parties de cette région, où son autorité est presque absente depuis1994[92].
Il y a eu d'autres exemples de mise en pratique de communisme libertaire : collectivités libertaires à l'époque desSoviets en URSS, initiatives autogestionnaires en Argentine, en France, etc.
Certains commePierre Clastres considèrent que le mode d'organisation de certaines sociétés traditionnelles extra-occidentales (à l'instar des Guayaki[93]) situées dans différentes parties du monde (Amériques, Afrique, Asie, Polynésie), et qui ont perduré durant des millénaires, sont assez similaire au moins en partie à l'anarcho-communisme[94]. Ces systèmes d'organisation mettent en valeur la satisfaction du besoin de chacun, et non le surplus et le bénéfice de quelques-uns au détriment de tous.
↑En effet, cette théorie propose de quantifier la valeur du travail, et ceci selon le temps ou la tâche effectuée. Cela implique qu'il y ait un centralisme économique qui définisse cette valeur (en monnaie ou en bons de consommation), et donc des personnes spécialisées dans l'estimation de la valeur du travail ; théoriquement et pratiquement, cela est inacceptable pour les anarchistes, car il n'est pas possible ni souhaitable de définir une valeur à l'activité humaine. La théorie communiste libertaire balaie toutes ces contraintes ou manquements associés au collectivisme libertaire, et le communisme devient pour une bonne part des anarchistes le successeur du collectivisme dans de nombreuses contrées. Les Espagnols garderont longtemps le collectivisme comme base économique envisagée, et ceci jusqu'au début des années trente, où ils considéreront alors le communisme libertaire comme but.
↑Alexandre LeBlanc,Relecture de l’anarchisme classique à partir du concept d’éducationnisme-réalisateur, maîtrise en science politique, Université de Montréal, août 2014,lire en ligne.
↑René Bianco,Répertoire des périodiques anarchistes de langue française : un siècle de presse anarchiste d’expression française, 1880-1983, Thèse de doctorat, Université d’Aix-Marseille, 1987,Le Révolté, organe communiste anarchiste.
↑GuillaumeDavranche,« PELLOUTIER Fernand, Léonce, Émile », dansDictionnaire des anarchistes, Maitron/Editions de l'Atelier,(lire en ligne)
↑ColetteChambelland et GuillaumeDavranche,« DELESALLE Paul [Maurice, Paul, dit] », dansDictionnaire des anarchistes, Maitron/Editions de l'Atelier,(lire en ligne)
↑« La Fédération des bourses du travail de France et des colonies est une organisation syndicale »,(BNF10761520).
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Danielguerin.info Site consacré à la vie et à l'œuvre de Daniel Guérin (1904-1988), figure de l'extrême gauche française, l'un des principaux théoriciens de la synthèse du communisme et de l'anarchisme.
Nestormakhno.info Site archivant des écrits autours de Nestor Makhno (1888-1934), communiste libertaire ukrainien fondateur de l'Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne.