Amenhotep Ier (« Amon est satisfait », ouAménophis selon lenom grec) est le deuxième souverain de laXVIIIe dynastie égyptienne (Nouvel Empire). Fils cadet d’Ahmôsis Ier et d’Ahmès-Néfertary, il n'est pas destiné au trône. Mais le décès de son frère aîné,Ahmosé-Ânkh, durant les huit dernières années du règne d’Ahmôsis Ier, fait de lui leprince héritier[1]. Après son accession au trône, il règne pendant environ vingt-et-un ans.
Manéthon, cité parFlavius Josèphe, l’appelleAmenophis et lui compte vingt ans et sept mois de règne, ce qui semble effectivement le cas. Son règne se situe entre 1525/1524 av. J.-C. et 1504/1503 av. J.-C. selon les auteurs[Note 1].
Au-delà, ses rapports possibles avec les autres membres de sa famille sont remis en question. Ahhotep III est souvent présentée comme sa femme et sa sœur[5], en dépit d'une théorie alternative qui en fait sa grand-mère[6]. Il a probablement un fils avec Ahhotep III, Amenemhat, qui décède très jeune[5]. Cette filiation est soutenue par les chercheurs, même s’il existe des arguments en sa défaveur[6]. Amenhotep Ier étant sans héritier,Thoutmôsis Ier lui succède car il a peut-être épousé sa sœurAhmès[5]. Mais celle-ci n'étant pas appelée « fille du roi », certains spécialistes doutent de cette relation[6].
Lenom d'Horus d’Amenhotep Ier, le « Taureau qui fait plier les terres », et sonnom de Nebty, « Grande est la crainte [qu'il inspire] », sont généralement interprétés comme signifiant que ce pharaon était destiné à dominer les nations environnantes[7]. Deux textes funéraires indiquent qu'il a mené des campagnes militaires enNubie. Les inscriptions du tombeau d’Ahmès, fils d'Abana, disent qu'Amenhotep a cherché à repousser la frontière de l'Égypte vers le sud en Nubie. Il a ainsi dirigé une armée d’invasion qui a battu celle de la Nubie dominée par lesIountyou Setyou[Note 3],[8]. La tombe d’Ahmès Pen-Nekhbet, un autre soldat contemporain du règne, indique qu'il a également entrepris une campagne dans le pays deKoush[9]. Il est possible que ces deux textes évoquent la même campagne[7].
Amenhotep construit un temple sur l'île de Saï, proclamant qu'il établit des colonies égyptiennes presque aussi loin que la troisièmecataracte[4]. Il place enfin, en l'an 7, à la tête des « terres étrangères du Sud », le commandant de la forteresse deBouhen, Ahmès, ditToure[10], qui deviendra le « fils royal, préposé aux terres du Sud » (sȝ nyswt jmj-rˁ ḫȝswt rsywt) sous son successeur[11].
Une référence unique dans le tombeau d'Ahmès Pen-Nekhbet documente une autre campagne à Lamu, dans la terre de Kehek[12], mais l'emplacement de Kehek est inconnu. On a longtemps pensé que Kehek était une référence à une tribu libyenne, Qeheq. Il a donc été supposé que des envahisseurs libyens avaient profité de la mort d'Ahmôsis pour envahir l'ouest dudelta du Nil[13]. Néanmoins, à l'encontre de cette théorie, le peuple Qeheq n’est apparu que plus tard, et l'identité de Kehek demeure inconnue. La Nubie est une possibilité, puisque le roi y a fait une campagne.
Le désert occidental et ses oasis ont également été proposés, celles-ci semblant être repassées sous contrôle égyptien[12]. Au cours de laDeuxième Période intermédiaire, l'Égypte avait perdu le désert occidental et ses oasis, mais lors de la révolte contre lesHyksôs,Ouadjkheperrê Kames entreprit de les reconquérir[14]. On ne sait pas quand cette région a été entièrement reprise, mais le titre de « prince-gouverneur de l'oasis » est inscrit sur une stèle[15], ce qui signifie que le règne d'Amenhotep forme leterminus ante quem du retour de la présence égyptienne[14].
Il est probable que c'est sous le règne d'Amenhotep Ier que le village desartisans deDeir el-Médineh est inauguré. Ces artisans étaient chargés de la construction et de la décoration des tombes de la nécropole deThèbes, destinées aux générations suivantes de pharaons et aux nobles[6]. Bien que le plus ancien tombeau découvert soit celui deThoutmôsis Ier, Amenhotep était manifestement une figure importante pour les ouvriers de la ville, puisque lui et sa mère en étaient les divinités protectrices[22].
Deux pièces importantes de la littérature ont été écrites au cours de cette période : leLivre de l'Amdouat, un des plus importants textes funéraires utilisés auNouvel Empire. Les égyptologues pensent qu’il a pris sa forme définitive pendant le règne d'Amenhotep, car il apparaît pour la première fois dans la tombe deThoutmôsis Ier[23] ; et lepapyrus Ebers, notre principale source d'information sur lamédecine de l'Égypte ancienne, et qui semble remonter à cette époque. La mention dulever héliaque de Sothis, par lequel les débuts de la chronologie duNouvel Empire sont généralement fixés, a été retrouvée sur le dos de ce document[23].
Il semble aussi que la premièreclepsydre a été inventée durant le règne d'Amenhotep Ier[24]. L’astronome Amenemhat, de la cour d’Amenhotep, s'octroie en effet le mérite de cette invention dans sa biographie inscrite sur son tombeau, bien que la plus ancienne date connue relative à cet appareil se situe durant le règne d’Amenhotep III[25]. Cette invention a été d'une grande utilité pour le calcul du temps, car l'heure égyptienne n'est pas d’une durée fixe mais est mesurée ene de nuit[25]. En été, lorsque les nuits étaient courtes, ces horloges à eau pouvaient être ajustées pour mesurer la réduction du temps avec précision[25].
Certains savants ont affirmé qu’Amenhotep Ier avait prisThoutmôsis Ier comme corégent avant sa mort. Un seul indice le suggère, le nom deThoutmôsis Ier inscrit à côté de celui d'Amenhotep sur une barque utilisée comme remplissage pour le troisième pylône de Karnak[15]. Cet argument n'a pas convaincu la plupart des spécialistes, qui notent que ce n'est peut-être qu’un simple exemple où Thoutmôsis est associé à son royal prédécesseur[6]. Le texte peut aussi signifier qu’Amenhotep a nommé corégent son fils en bas âge, et que ce dernier l’a précédé dans la mort[29]. Les experts s’accordent pour dire qu'il n’y a pas suffisamment de preuves pour ces possibilités.
Le corps d’Amenhotep n’est pas resté dans son tombeau : il a en effet été retrouvé dans la « cachette royale » deDeir el-Bahari (tombeDB 320)[4] et est maintenant conservé auMusée égyptien du Caire. Grâce à son splendide masque funéraire, la momie d’Amenhotep est la seule à ne pas avoir été démaillotée et examinée par les égyptologues modernes[4]. Une étude par tomographie assistée par ordinateur; parue en décembre 2021, révèle que sa momie avait subi de nombreuses lésions post-mortem, sans doute infligées par des pilleurs de tombes. Les prêtres de laXXIe dynastie réparèrent tout ce qui pouvait l'être, notamment en rattachant le cou et la tête au corps à l'aide de bandages de lin traités à la résine. L'analyse du corps ne révèle ni maladie ni accident, une dentition complète et un péniscirconcis. L'âge de la mort est estimé à 35 ans[35].
Amenhotep Ier est divinisé après sa mort et devient la divinité protectrice du village qu'il a créé àDeir el-Médineh[6]. Sa mère, qui a vécu au moins un an de plus que lui, a également été divinisée après sa mort et elle est associée à son culte[3]. Comme mentionné précédemment, la grande majorité des statues d'Amenhotep se présente sous la forme de statues destinées à son culte funéraire ou divin au cours des périodes ultérieures. Son culte était divisé en trois facettes : « Amenhotep de la ville », « Amenhotep Aimé d'Amon » et « Amenhotep de l'esplanade ». Il était réputé être un dieu donnant des oracles[6]. Parmi les questions qui lui ont été posées, retrouvées sur desostraca à Deir el-Médineh, certaines semblent avoir été formulées de telle manière que l'idole du roi semblait acquiescer en guise de réponse[36].
Un autre éclairage sur le culte funéraire d'Amenhotep nous est donné par plusieurs documents qui semblent raconter en détail les rituels dédiés à Amenhotep[38]. Trois papyrus du règne deRamsès II expliquent la liturgie utilisée par lesprêtres, et les inscriptions des temples deKarnak et deMédinet Habou illustrent certains de ces rites et paroles[38]. La majeure partie des rituels se préoccupe de la préparation et l'exécution des offrandes journalières de libation pour l'idole, y compris de la récitation d'une formulehtp-di-nsw, ainsi que de la purification et la fermeture du sanctuaire à la fin de la journée[39]. Le reste des rites concerne la façon de mener les différentes fêtes tout au long de l'année[40]. Dans ces cas, l'idole d'Amenhotep, ou un prêtre qui le représente, officie effectivement au culte d'Amon, au lieu d'être lui-même adoré, ce qui n'était pas une pratique cultuelle typique de l'ancienne Égypte[41].
↑Selon Arnold, Dodson, Malek, Shaw, von Beckerath. Autres avis de spécialistes : -1551 à -1524 (Wente), -1545 à -1525 (Redford), -1529 à -1509 (Parker), -1527 à -1506 (Hornung), -1526 à -1506 (Grimal), -1515 à -1494 (Aldred), -1514 à -1493 (Krauss, Murnane), -1504 à -1483 (Helck).
↑Ce jeune fils de roi Ahmosé est parfois assimilé àAhmosé-Sipair.
(en)T. G. H.James, « Egypt: From the Expulsion of the Hyksos to Amenophis I »,The Cambridge Ancient History, Edwards, I.E.S, et al. Cambridge University Press,vol. 2,no 1,
La version du 23 novembre 2009 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.