Amédée désire épouserMarie-Victoire dal Pozzo, princesse deLa Cisterne, mais Victor-Emmanuel II est opposé à ce mariage car la famille de la jeune fille n'est pas d'un rang suffisamment élevé. La reine d'Espagne, qui soutient ses cousins italiens détrônés, ayant refusé la main de sa fille aînée, il espère marier son fils à une princesse allemande[3]. Cependant, le roi cède à l'insistance du député Francisco Cassins, et le, le mariage a lieu.
Malgré son titre de princesse, Marie-Victoire n'est pas de sang royal, sa famille appartient plutôt à lanoblessepiémontaise. Elle est, cependant, la seule héritière de l'immense fortune de son père[3], dont lesducs d'Aoste hériteront par la suite en plus de l'apanage et de la dotation des rois d'Italie. Sa mère,Louise de Mérode, petite-fille du prince de Rubempré et de la princesse de Grimberghe, appartient à une des premières familles nobles deBelgique et a épousé le prince deLa Cisterna en 1846 lors d'un double mariage par lequel sa plus jeune sœur,Antoinette de Mérode, a épouséCharles III, leprince régnant de Monaco[3].
Le roiFerdinand VII meurt en 1833 sans laisser d'héritier mâle. Pour remédier à cela, il avait fait abolir laloi salique en faveur de sa fille, encore enfant, qui allait devenir la reineIsabelle II. Mais la succession est contestée par l'infantdon Carlos, frère du roi défunt.
La question est donc latente depuis 1830 et a donné naissance aucarlisme. Mais quand la reine Isabelle II est renversée en 1868, les carlistes sont exclus du jeu politique car ils représentaient le parti le plus réactionnaire. Victor-Emmanuel II travaille alors activement afin qu'un membre de sa maison monte sur le trône d'Espagneen vertu d'un droit qui aurait été accordé en 1718 au ducVictor-Amédée II de Savoie lors de l'échange de laSicile contre laSardaigne, et le droit de monter sur le trône d'Espagne si labranche espagnole des Bourbons devait s'éteindre[réf. nécessaire].
En1869, le roi d'Italie nomme donc un nouvel ambassadeur àMadrid en la personne du général et sénateurEnrico Cialdini, qui connaît bien l'Espagne pour y avoir été en poste entre 1835 et 1848. Il agit dans les faits en qualité de représentant personnel du roi d'Italie.
L'abdication d'Isabelle II et l'élection d'AmédéeIer
Après larévolution de 1868, Isabelle II s'exile et abdique en faveur de son fils, le futurAlphonse XII. Mais leParlement espagnol prononce la déchéance de lamaison de Bourbon et adopte une Constitution en 1869, faisant de l'Espagne unemonarchie constitutionnelle. Le généralFrancisco Serrano,régent du royaume, et lesCortes se mettent à la recherche d'un roi, tâche ardue, et il faut attendre le pour trouver un candidat qui accepte de monter sur le trône. Sur les 301 députés, 191 portent leurs voix sur le duc d'Aoste, 63 se déclarent pour la République, 27 pour leduc de Montpensier (fils deLouis-Philippe Ier,roi des Français, beau-frère d'Isabelle II), 8 pour legénéral Espartero, 2 pourAlphonse, fils d'Isabelle II, et 1 pour la duchesse de Montpensier, sœur de la reine déchue ; les 19 derniers votent blanc. Le président de l'Assemblée constituante,Manuel Ruiz Zorrilla, déclare : « Monseigneur le Duc d'Aoste est élu Roi des Espagnols ».
Une difficulté inhérente au changement de régime a été de trouver une personne qui accepte de devenir roi d'Espagne puisqu'en ces temps-là, le pays était appauvri et se trouvait dans une situation instable. Il fallait en plus trouver un monarque qui accepte de gouverner de manière constitutionnelle. Amédée de Savoie, duc d'Aoste remplissait toutes les conditions, provenait d'une dynastie ancienne liée à la famille royale espagnole, il étaitprogressiste,catholique maismaçon[2].
Une commission parlementaire se rend alors àFlorence pour informer le duc qui accepte officiellement son élection le et quitte l'Italie pour l'Espagne peu après. Mais le généralJuan Prim, son principal allié, meurt le avant son arrivée àMadrid, à la suite d'un attentat survenu trois jours plus tôt.
Le même jour, Amédée débarque àCarthagène et arrive à Madrid le. Il se rend d'abord à labasilique Notre-Dame d'Atocha pour se recueillir devant la dépouille de Prim, avant de se présenter devant lesCortes pour prononcer le serment qui fait de lui officiellement le roi d'Espagne AmédéeIer.
Le manque de légitimité et les difficultés à gouverner
Les principaux problèmes du règne sont laguerre des Dix Ans àCuba et àPuerto Rico, laTroisième guerre carliste, et surtout son problème de légitimité aux yeux des Espagnols car il n'est reconnu ni des nobles, ni des libéraux, ni des républicains.
En Espagne, lamaison de Savoie jouit d'un prestige important en raison de l'unité italienne mais Amédée doit tout de même faire face au rejet systématique des carlistes et des républicains, mais aussi de l'aristocratie favorable au retour desBourbons qui le considère comme un étranger, de l'Église en raison dudésamortissement et pour être le fils du roi qui a envahi lesÉtats pontificaux, et enfin du peuple pour son manque de contact avec lui et sa difficulté à apprendre l'espagnol.
Le souverain doit régner avec pas moins de six gouvernements différents en un peu plus de deux ans de règne. Le gouvernement mis en place parJuan Prim éclate peu après sa mort. L'Union libérale, à l'exception deFrancisco Serrano et quelques autres, embrasse la cause desBourbons. Lesprogressistes se sont scindés entre lesradicaux dirigés parRuiz Zorrilla et les constitutionnalistes avecSagasta à leur tête[4].
Le, il échappe à un attentat en rentrant du théâtre avec la reine. Voulant sauver son épouse, le roi se lève et dit « tirez sur moi ! ». Un des assassins et un policier meurent mais ni le roi, ni la reine ne sont blessés dans l'attentat[1]. Il déclare alors : « Ah, perbacco, io non capisco niente. Siamo una gabbia di pazzi » (« Ah, nom d'un chien, je n'y comprends rien. C'est une maison de fous »). La situation ne promet pas de s'améliorer en raison de l'éclatement de la Troisième guerre carliste et de la recrudescence de la guerre à Cuba. Enfin, au début de l'année 1873, la coalition gouvernementale se sépare définitivement, chaque parti se présentant séparément aux élections[4].
Ne se sentant pas accepté et incapable de mettre de l'ordre dans le climat politique troublé de l'époque, malgré de la bonne volonté et une certaine compétence politique, il abdique le. L'histoire raconte que ce jour-là à midi, il se trouve avec sa famille au restaurant Café de Fornos, il demande unegrappa, rassemble ses proches et sans attendre l'autorisation des députés (en accord avec l'article 74.4 de laConstitution de 1869), et sans consulter personne, il se réfugie à l'ambassade d'Italie. Son célèbre message d'abdication qui tombe comme un coup de foudre sur l'Espagne se termine ainsi :« Mes adversaires seraient des étrangers, que je resterais pour les combattre, mais comme ce sont des Espagnols, je m'en vais. »
Après son abdication, il part pourLisbonne accompagné de son chef de gouvernement et son dernier allié,Manuel Ruiz Zorrilla. Il retourne ensuite àTurin enItalie où il s'installe avec son épouse et ses trois fils[5].
Après la mort prématurée de sa première épouse le et une longue période de veuvage, Amédée se marie le à Turin avec sa nièce, la princesse françaiseMarie-Laetitia Bonaparte, fille de sa sœur,Marie-Clotilde de Savoie.
Il meurt à Turin le d'une pneumonie aiguë et conformément à sa demande testamentaire, son corps ne sera ni embaumé, ni exposé[1]. Il est inhumé dans la crypte de labasilique de Superga.
En 2014, le réalisateurLuis Miñarro tourne un long-métrage intitulé « Étoile filante » (Estrella fugaz en espagnol [titre originalStella cadente]) basé sur la vie du roi Amédée et de la reineMaria Vittoria d'Espagne. Le rôle d'Amédée est interprété [en catalan] par l'acteurÀlex Brendemühl[7],[8].