Enlinguistique, l’alternancephonétique est un phénomènemorphophonologique par lequel leradical d’un mot présente une variation dans sa réalisation sonore. L’alternance a lieu entre deuxphones (sons) ou groupe de phones, ou bien entre un son/groupe de sons et son absence. Elle se produit au cours de laflexion ou de ladérivation, en marquant toute seule ou associée à unaffixe, lestraits grammaticaux du mot, c’est-à-dire, selon lalangue en cause, sonnombre, songenre, soncas, sa formeverbale, etc., respectivement elle différencie lemot dérivé du mot base[1],[2],[3],[4].
Les sons ou groupes de sons qui alternent sont parfois considérés comme desinfixes, c’est-à-dire des moyens d’une flexion ou d’une dérivation appelées internes. Enanglais, par exemple, il y a des infixes comme lesvoyelles des motssing (forme de base duverbe « chanter » ~sang (passé simple du verbe) ~sung (participe du verbe) ~song (lenom « chanson »)[5].
Si une alternance n’est pas associée à l’ajout d’un affixe, comme dans l’exemple ci-dessus, elle est appelée indépendante. Si, par contre, elle est causée par l’ajout d’un affixe, il s’agit d’une alternance combinatoire, appelée aussi conditionnée[1].
L’alternance peut se produire entre voyelles, comme dans l’exemple précédent, entre une voyelle et unesemi-voyelle, entre une voyelle et unediphtongue, entre diphtongues, entre une voyelle et uneconsonne, entre consonnes ou groupes de consonnes, et une alternance vocalique peut avoir lieu en même temps avec une alternance consonantique. Il y a aussi des cas où un son ou un groupe de sons alterne avec zéro.
Les alternances sont desmodifications phonétiques qui ont lieu dans l’état de la langue à un moment donné, elles sontsynchroniques. Certaines existent en vertu de modifications produites dans une certaine période de l’évolution de la langue (diachroniques). Un exemple de telle alternance est, enroumain, [o] ~ [o̯a]. La diphtongue s’est formée au cours de l’évolution dulatin au roumain, modification conditionnée par la présence d’un [a] dans lasyllabe suivante, qui est devenu[ə], ex.porta >poartă « portail ». En roumain, cette modification reste combinatoire, par conséquent, si dans la syllabe suivante il n’y a plus de [ə], la diphtongue redevient [o] :poartă ~porți « portails »[3].
L’alternance phonétique, surtout l’indépendante, est caractéristique pour les langues appeléesflexionnelles mais, comme les types de langues ne sont pas exclusifs, elle se trouve dans des langues d’autres types aussi.
Enfrançais il y a des alternances des types suivants :
Le roumain se distingue parmi les langues romanes par son système complexe d’alternances. Elles peuvent être :
Le nombre de membres des alternances phonétiques dans un mêmeparadigme peut être de deux en roumain (les exemples ci-dessus) ou de trois :să vadă « qu’il/elle voie » ~văd « je vois » ~vede « il/elle voit » ,port « je porte » ~poartă « il/elle porte » ~purtăm « nous portons »,rămas « resté »~rămăsei « je restai » ~rămân « je reste »[3].
Enallemand :Haus « maison » ~Häuser « maisons » ~Häuschen « maisonnette »[9].
En latin :facio « je fais » ~feci « je fis » ~efficio « j’achève »[1].
Enespagnol :hace « il/elle fait » ~hice « je fis » ~hecho « fait » (participe)[10].
Enarabe :kitab « livre » ~katib « scribe, écrivain » ~kataba « a écrit »[11].
Bien que ce soit unelangue agglutinante, il existe enhongrois aussi des alternances semblables aux précédentes, mais seulement de nature combinatoire.
L’ajout de certainssuffixes provoque la modification de laquantité de la voyelle la plus proche du suffixe, de longue à brève. Exemples d’alternance à l’ajout du suffixe depluriel :víz « eaux » ~vizek,tűz « feu » ~tüzek,út « chemin » ~utak,szótő « radical de mot » ~szótövek,ló « cheval » ~lovak. Dans le cas des voyellesá [aː] eté [eː] il y a en même temps modification de quantité et dedegré d’aperture :nyár [ɲaːr] « été » ~nyarak [ɲɒrɒk],kéz [keːz] « main » ~kezek [kɛzɛk][12].
Un phénomène plus général que celui ci-dessus concerne les voyellesa[ɒ] ete[ɛ] quand elles sont finales de radical ou de suffixe. Alors, avec relativement beaucoup de suffixes, la modification est inverse :alma « pomme » ~almás « aux pommes »,medve « ours » (casnominatif) ~medvét (casaccusatif)[13].
Il y a aussi des alternances voyelle ~ zéro, dans le cas de certains mots :bokor « buisson » ~bokrok « buissons »,fürödtem « je me suis baigné(e) » ~fürdik « il/elle se baigne »,terem « salle » (cas nominatif) ~termet (cas accusatif)[14],fekete « noir(e) » ~feketít « il/elle noircit »[15].
Dans certains radicaux verbaux il y a, en tant qu’irrégularités, alternance consonne ~ consonne ou consonne ~ zéro, par exempleeszünk « nous mangeons » ~ehet « il/elle peut manger » (le radicale + le suffixe-het) ~evés « action de manger »[16].