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| Naissance | |
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| Décès | (à 79 ans) Vénissieux |
| Nationalité | |
| Domiciles | Avenue Gambetta(jusqu'en),Montrouge(à partir de) |
| Activité | |
| Conjoint | Janine Sochaczewska, Ruth Ambrunn |
| Enfants | Pierre Goldman Évelyne Goldman(d) Jean-Jacques Goldman Robert Goldman |
| Membre de | |
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Alter Mojsze Goldman[1], né le àLublin et mort le àVénissieux[2], est unémigréjuifpolonais devenurésistant français. Décoré de laLégion d'honneur un mois avant sa mort[3], il est le père de quatre enfants dontPierre Goldman,Robert Goldman etJean-Jacques Goldman.
Alter Mojsze Goldman naît en Pologne àLublin, et devient orphelin de père à l'âge de 6 mois, Ida, sa sœur, est la grand-mère deLola Lafon[4]. À 15 ans, alors qu'il revendique déjà 4 ans d'appartenance à la branche communiste duBund, il quitte la Pologne en raison des discriminationsantisémites auxquelles il refuse d'être soumis.
Il travaille 6 mois en Allemagne où il envisage de manifester violemment lors de l'affaire Sacco et Vanzetti. Dissuadé de le faire par le parti communiste allemand, et ayant appris que des manifestations avaient lieu en France[5], pays symbolisant à ses yeux la liberté en raison de laRévolution française, il s'y rend la même année. Refusant de continuer à endosser le métier de tailleur trop connoté « métier de Juifs », il aspire à devenirprolétaire[6] dans l'industrie lourde et travaille dans des mines de plomb[7] àTrémuson enBretagne pendant une année[8],[6],[9], avant d'être ouvrier mécanicien dans un atelier de confection en région parisienne[6]. Il est membre du YASC (Yiddish Athletic Sporting Club), un club communautaire rattaché auparti communiste[10]. Il demande sa naturalisation et s'enrôle dans l'armée en 1930 au sein desChasseurs d'Afrique[6].
En 1936, il est àBarcelone pour participer auxolympiades alternatives, qui rassemblent plus de 6000 athlètes de tous pays[11], avec les membres de son équipe de basket-ball du Yasc.
Franco ayantpris le pouvoir la même semaine,Léon Blum incite les athlètes français à regagner le pays en bateau. Plus tard, une partie de ses camarades repartent en Espagne s'engager cette fois dans lacompagnie Botwin desbrigades internationales, fondée à l'hiver 1937-1938, qui a pour rôle non de rassembler mais de représenter "ontologiquement" les volontaires juifs de la classe ouvrière. Alter Goldman hésite avant de refuser de les suivre, ayant gardé en mémoires lesprocès de Moscou de 1936-1938 qu'il a trouvés très injustes, et ne comprenant pas pourquoi il devrait haïr des hommes qu'il a admirés[9],[6]. Entre-temps, à Paris, à Belleville,une pièce de théâtre racontant l'histoire de Naftali Botwin a un grand succès, et selon l'historien Arno Lustiger,Pierre Goldman garde parmi ses souvenirs d'enfance son père, bouleversé par cette pièce de théâtre où les acteurs crient « Vive le communisme ! », « Vive l'Internationale ! », « Vive le peuple juif ! »[12].
Il est mobilisé en 1939 et démobilisé en 1940. Il rejoint alors dans laZone libre un réseau de résistance juive[13] qui commence tout juste à s'organiser, au sein desFrancs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée[6]. Il y est chargé du travail militaire et de l'organisation de groupes de combat[6]. Ces deux mêmes années, en 1942 et 1943, son dossier est étudié à deux reprises par lacommission de révision des naturalisations mise en place par lerégime de Vichy, qui prive plus de 15 000 français récemment naturalisés de toute nationalité, sans possibilité de se défendre. Il échappe au statut d'apatride grâce à un passé peu bruyant et un commentaire dans son dossier faisant mention de ses blessures au combat, d'une citation et d'une période de captivité[9]. Il participe en tant que chef des commandos à la libération deVilleurbanne lors de l'insurrection de 1944[5].
Durant la même période, il fait connaissance deJanine Sochaczewska[14], elle aussi émigrée juive polonaise engagée dans la résistance française, et communiste et qui bien que venant d'une famille très religieuse et conservatrice[15]participait aux grèves des mineurs dans leNord-Pas-de-Calais et du bassin de Saint-Etienne. Démise de ses fonctions importantes à la MOI en 1938[15],« comme les autres communistes polonais »[15], sur ordre deStaline[15], elle les conserve discrêtement grâce au« mineur du Nord qui devait la remplacer »[15] est emprisonnée dans un camp, simule un voyage au Mexique, puis gagne Lyon, où elle« vole des machines à écrire et des ronéos dans des dépôts »[15], monte plusieurs petites imprimeries clandestines et fournit du papier aux résistants polonais et italiens de Lyon qui en manquent, grâce à« l'argent de quelques juifs riches »[15].
Elle tient à avoir un enfant pendant cette période de guerre, alors que lui se demande si le moment est bien choisi. Leur premier fils nait en 1944 sous une fausse identité,Pierre. Elle rejoint la région grenobloise dont elle est nommée chef du réseau de la résistance, et confie son fils à des nourrices pour mener à bien ses activités.
À la Libération, le couple se retrouve et s'installe à Paris mais il n'a pas la même envie de militer que sa femme, appelée « la Pasionaria juive » dans la Résistance. Celle-ci, expulsée au moment de la très sévère répression contre lagrève des mineurs de 1948, décide de rentrer en Pologne et d'y emmener son fils Pierre. Alter s'y oppose violemment, refusant que son fils soit élevé dans un pays qu'il juge désormais« fasciste et antisémite ». Il enlève rapidement le bébé, dont la naissance avait été déclarée sous un faux nom, et le confie à sa sœur[6],[9].
En 1949, il épouse Ruth Ambrunn, une émigrée allemande juive de treize ans sa cadette. Ils habitentavenue Gambetta dans leXXe arrondissement de Paris avec Pierre, qu'ils ont récupéré. Ruth Goldman lui lit des passages de la Bible pour l'endormir le soir et abandonne son emploi dans unejardinière d'enfants pour tenir avec son mari le magasin familial d'articles de sports, et se consacrer à ses enfants :Pierre mais aussi Évelyne, née en 1950,Jean-Jacques, né en 1951 etRobert né en 1953.
Le 5 mars 1955, larue du Groupe-Manouchian est inaugurée juste en face de chez Alter Mojsze Goldman, chez qui "la foule de camarades" présents à la cérémonie "vient se réunir" ensuite[16], alors qu'une "violente discussion"[16] avait opposé un an plus tôt Alter Mojsze Goldman à un autre militant PCF de sa famille à lamort de Staline à cause ducomplot des blouses blanches[16]. Louis Aragon écrit un poème sur commande pour cette inauguration[17].
Pierre Goldman, le fils aîné d'Alter Mojsze Goldman, détaillera cet épisode en 1975, dansSouvenirs obscurs d'un juif né en France[18]. Alors âgé de onze ans, il développe une admiration militante pourMarcel Rayman, l'un des trois dirigeants duGroupe Manouchian-Boczov-Rayman qui vient de disparaitre du titre du poème d'Aragon et du nom de la rue. Il conserve ensuite en permanence une photo deMarcel Rayman dans son portefeuille[18] et en fera cadeau à son avocat lorsque la Justice l'acquitte, en appel, d'une accusation de double meurtre en 1976[18].
En 1955, ils emménagent dans un pavillon àMontrouge, et la même année Alter Goldman rompt définitivement avec le parti communiste, indigné qu'il ait refusé de condamner le stalinisme lors ducomplot des blouses blanches[9].
Par la suite, il cesse toute activité politique pour se consacrer à son commerce et à sa famille, qui est très affectée en 1970 par les accusations de meurtre portées contre Pierre et par sa condamnation à perpétuité en 1974, alors qu'Alter Goldman est convaincu de son innocence, puis en 1979 lorsqu'il est assassiné.
Alter Goldman meurt en 1988, quelques semaines après avoir reçu laLégion d'honneur en reconnaissance de ses activités durant la résistance, sur lesquelles il s'est montré discret toute sa vie.