Pour les articles homonymes, voirAlsace (homonymie) etMoselle.
Ne doit pas être confondu avecAlsace-Lorraine.
| Alsace-Moselle | |
L'Alsace-Moselle en rouge. | |
| Administration | |
|---|---|
| Pays | |
| Statut politique | Collectivité européenne (Alsace) Département (Moselle) |
| Capitale | Strasbourg (Alsace) Metz (Moselle) |
| Langues traditionnelles | Alsacien Français d'Alsace Français de Lorraine Franc-comtois Francique lorrain Lorrain Welche |
| Cultes concordataires | Calvinisme Catholicisme Judaïsme Luthéranisme |
| Démographie | |
| Gentilé | Alsaciens-Mosellans |
| Population | 2 933 111 hab.(2017) |
| Densité | 202 hab./km2 |
| Géographie | |
| Superficie | 14 496 km2 |
| Divers | |
| Indicatif téléphonique | 03 82/87/88/89/90 |
| Devise | Euro |
| Code ISO 3166-1 | FR-57FR-67FR-68 |
| modifier | |
L'appellationAlsace-Moselle désigne, enFrance, lacollectivité européenne d'Alsace et le département de laMoselle (Eurodépartement), territoires géographiques et administratifs historiquement en grande partie bilingues, situés le long de lafrontière franco-allemande, et qui ont la particularité de disposer d’undroit local spécifique. Cette entité correspond à l'ancien territoire impérial d'Alsace-Lorraine (Reichsland Elsaß-Lothringen), cédé par la France à l'Empire allemand en1871, en application dutraité de Francfort, puis redevenu juridiquement français après laPremière Guerre mondiale auTraité de Versailles. L'Alsace et la Moselle furent annexées par l'Allemagne nazie en1940 après laBataille de France, lors de laSeconde Guerre mondiale, mais amalgamées à des entités territoriales différentes, avant d'être réintégrées à laFrance à laLibération.
Les collectivités départementales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont fusionné au sein de lacollectivité européenne d'Alsace le1er janvier 2021. En revanche, il n'existe aucune collectivité ni circonscription administrative française regroupant l'Alsace et le département de la Moselle. Même si les deux entités font partie de la régionGrand Est, l'Alsace-Moselle n'a pas d'existence institutionnelle propre. L'expression est principalement utilisée dans un contexte historique, culturel, géographique ou juridique, notamment pour faire référence audroit local qui s'applique dans ces territoires.
L'Alsace et laLorraine sont deux régions d'Europe qui ont fait partie duSaint-Empire romain germanique duXe au XVIIIe siècle. Le Saint-Empire, fortement ébranlé par les guerres de religion desXVIe et XVIIe siècles, est alors entré dans un long processus de démembrement. Les divers territoires, villes libres, comtés, principautés, évêchés ou duchés, qui composaient jadis Alsace et Lorraine, ont été peu à peu rattachés auroyaume de France, entre leXVIe et la fin du XVIIIe siècle, notamment après laguerre de Trente Ans et les annexions des enclaves étrangères décrétées par laConvention en 1793.
Les campagnes destructrices menées en Rhénanie par les armées de Louis XIV et les ravages desguerres napoléoniennes dans les pays et provinces germanophones d'Europe y ont laissé des plaies. La fin duSaint Empire romain germanique en 1806 y est vécue comme une ultime humiliation. Lepangermanisme, en tant que volonté de reconstituer l'ancienne unité impériale perdue, s'est progressivement constitué. Cet esprit de revanche participe, entre autres motifs, à laguerre franco-allemande de 1870. À la suite de la défaite française, le deuxièmeEmpire allemand est proclamé le dans la galerie des glaces du palais de Versailles. La revendication territoriale des Allemands se fonde alors sur les particularités linguistiques et culturellesgermanophones d'une partie des populations lorraines et alsaciennes et à leur ancienne appartenance auSaint-Empire.
L'Alsace et lequart nord-est de la Lorraine sont revendiqués par le nouvel empire. La cession est validée par un vote du parlement français (546 voix pour la cession, 107 contre) puis ratifiée lors dutraité de Francfort de 1871.
Le terme employé couramment en France dès1871, pour garder en mémoire ces « territoires perdus », était « Alsace-Lorraine », correspondant à l'appellation allemande « Elsaß-Lothringen » désignant leReichsland Elsaß-Lothringen[n 1].

LeReichsland Elsaß-Lothringen correspondait aux départements actuels duHaut-Rhin, duBas-Rhin et de laMoselle[n 2]. Des anciens départements français créés en1790, le nouveauReichsland intégrait les éléments suivants :
La cession concernait donc seulement un quart de la Lorraine — trois quarts de l'ancien département Moselle, un quart de l'ancien département de la Meurthe et trois cantons de l'ancien département des Vosges — Mais elle comprend la plus grande partie de l'Alsace ; seul l'arrondissement de Belfort n'est pas concerné.
Du côté français, l'arrondissement de Belfort fut séparé du Haut-Rhin et demeura français. Ce n'est qu'en 1922 qu'il devient un véritable département sous le nom deTerritoire de Belfort.Le département deMeurthe-et-Moselle fut formé par la fusion des parties restées françaises des anciens départements de la Meurthe et de la Moselle, lui donnant la forme atypique qu’il a encore auXXIe siècle. Les physionomies et organisations actuelles desdépartements du Territoire de Belfort, des Vosges et de Meurthe-et-Moselle, ont été fortement influencés par les restructurations territoriales de l'époque.
Pour éviter la confusion avec le reste de laLorraine (Meurthe-et-Moselle,Meuse etVosges) les textes administratifs français contemporains, surtout quand il s'agit dudroit spécifique hérité de la période allemande de 1871 à 1918, parlent de l'« Alsace-Moselle ». Jusqu'à la fin de laPremière Guerre mondiale, on parlait d'« Alsace-Lorraine », mais en 1920, une directive[n 3] interdit l'usage de ce terme pour désigner les trois départements : le terme « Alsace-Moselle » s'impose alors. La limite actuelle entre les trois départements d'Alsace-Moselle et les départements environnants correspond toujours à lafrontière franco-allemande telle que délimitée en 1871.

Le nouveau pouvoir impérial allemand répartit les territoires annexés en trois districts administratifs appelés "Bezirke" :Bezirk Unterelsass (district de Basse Alsace),Bezirk Oberelsass (district de Haute-Alsace),Bezirk Lothringen (district de Lorraine).
Pour la première annexion, « de droit », à l'Empire allemand, on peut relever schématiquement les périodes suivantes :

L'Alsace-Moselle a été réintégrée à la France à la suite de la défaite allemande de laPremière Guerre mondiale. D'abord lors d'une période d'« occupation » militaire, selon les termes de l'armistice (11 novembre 1918), puis juridiquement le 28, lors dutraité de Versailles. Le retour officiel à la France en 1919 correspond au début de la période de l'entre-deux guerres.
Après le refus du référendum d'autodétermination promis pour leReichsland par le président Wilson, débute une campagne d'expulsion des personnes originaires d'autres parties de l'Allemagne, ainsi que des Alsaciens-Lorrains s'étant, du point de vue français, « compromis » avec les autorités allemandes. Les commissions d'épuration organisées par le nouvel État voient le jour. Elles répartissent la population en quatre catégories, des personnes pouvant prouver leur ascendante alsacienne ou lorraine jusqu'aux Allemands venus s'installer dans le Reichsland, en passant par les situations intermédiaires, notamment les époux ou enfants de mariage « mixtes ». Les chiffres des expulsions de ces populations sont encore controversés, la fourchette oscille entre un minimum de 30 000 personnes et un maximum de 120 000. Il s'agit là d'une exception notable dans le droit français, puisque au droit du sol est substitué le droit du sang[2].
Les limites de l'Alsace-Moselle n'ont pas été modifiées par le traité de Versailles, car le territoire fonctionnait sous l'égide d'un droit sensiblement différent au reste de la France et bénéficiait d'une législation sociale perçue comme avantageuse par la population. Mais aussi du fait que certaines lois fondamentales de la République française (loi de séparation des Églises et de l'État[3], etc.), qui ont été votées dans la « France de l'intérieur » pendant la période allemande, n'y ont pas cours.
La France conserve telles quelles les délimitations géographiques des trois anciensBezirke du Reichsland, et les transforme en nouveaux départements français. À l'exBezirk Unterelsass est attribué l'ancien terme dedépartement du Bas-Rhin, à l'exBezirk Oberelsass est attribué l'ancien terme dedépartement du Haut-Rhin, à l'exBezirk Lothringen est attribué l'ancien terme dedépartement de la Moselle. Les trois nouveaux départements, s'ils ne sont pas unis dans une collectivité territorialead hoc, constituent cependant un territoire spécifique de fait ; ils sont notamment réunis dans la première grande tentative de régionalisation en France, les groupements d'intérêts régionauxÉtienne Clémentel, qui figurent les ancêtres des régions françaises.
Dans ce contexte complexe, la volonté de l’État français d'imposer intégralement le droit national en Alsace-Moselle va susciter une forte mouvance autonomiste. En 1923-1924, le risque sécessionniste est évident. Le député mosellanRobert Schuman sera, entre autres, l'artisan de l'apaisement grâce à un compromis (ledroit local) dont l'essentiel subsiste encore auXXIe siècle[4].
Les élus d'Alsace-Moselle n'entendaient pas admettre qu'un rattachement à la France fasse perdre à leur population les avantages acquis sous l'Empire allemand (sécurité sociale, retraites, jours fériés, régime spécifique des cultes, etc.). Ils auraient été en droit de poser la question de leur rattachement ou de leur droit à disposer d'eux-mêmes devant laSociété des Nations, qui aurait organisé un référendum[n 4].Georges Clemenceau, après les immenses pertes humaines côté français dans l'espoir de ce rattachement, préféra éviter ce risque.
Droit local en Alsace et en Moselle : dans les trois départements, il est initié à partir de 1919 à partir des lois locales antérieures, françaises et allemandes confondues. Son contenu est précisé par le parlement en 1924, après une longue controverse entre partisans et opposants. Il concerne globalement trois domaines de la vie socio-économique et culturelle :
Par ailleurs, les trois départements bénéficient de deux jours fériés supplémentaires (Vendredi saint etSaint-Étienne, lendemain deNoël), par rapport au reste de la France. De même, en Alsace-Moselle, lestrains circulent à droite comme en Allemagne[6], alors que dans le reste de la France, ils circulent à gauche[7]. Le système bancaire est structuré différemment, avec une domination des guichets locaux mutualistes, issus du système bancaire de solidarité rurale inventé parFriedrich Wilhelm Raiffeisen. Séparé des branches allemandes, ce réseau a donné naissance, en Alsace-Moselle, auCrédit mutuel, qui s'est développé par la suite en banque nationale française, puis internationale. Enfin, des particularités juridico-commerciales aujourd'hui disparues, comme le régime particulier du vinaigreMelfor, ont longtemps figuré parmi les spécificités de l'Alsace-Moselle.
Après ces années de guerre au coût humain exorbitant, le retour à un état d'esprit consensuel explique aussi la spécificité desmonuments aux morts d'Alsace-Moselle, qui ne portent souvent que l'inscription lapidaire « À nos morts » et ne représentent jamais depoilus. Il était difficile de rendre hommage aux combattants morts pour la France dans des départements dont plus de 380 000 soldats avaient combattu en tant que citoyens allemands, sous l'uniforme allemand. La quasi-totalité d'entre eux n'avait jamais vécu sous un régime français. Aux yeux de la France, un voile pudique devait recouvrir le sacrifice de ces combattants ; 50 000 d'entre eux étaient tombés pour un drapeau et une patrie qui, au lendemain de l'armistice de 1918, n’étaient plus les leurs[n 5].
Le, le gouvernement français ordonne l'évacuation de 375 000 Alsaciens et 210 000 Mosellans. L'opération nommée « Exécutez Pas-de-Calais » avait été planifiée dès1935. Quelque 179 trains emmènent les réfugiés vers laDordogne, l’Indre, laHaute-Vienne, leLimousin et lePérigord[8].
Lors de laSeconde Guerre mondiale, les départements de laMoselle, duBas-Rhin et du Haut-Rhin sont annexés « de fait » (sans traité entre les nations concernées) par leTroisième Reich, entre 1940 et 1945. Mais le systèmenazi a pris la précaution de séparer administrativement l'Alsace et la Moselle, connaissant le rejet de l'annexion et le peu de fiabilité des populations envers un régime très impopulaire. Afin de mieux contrôler ces deux entités, l'Alsace a été rattachée aupays de Bade, pour former leGau Baden-Elsass, tandis que laMoselle a été rattachée à la Sarre et au Palatinat pour former leGau Westmark. Les jeunes hommes ont dans un premier temps été encouragés à s'engager volontairement dans les armées nazies. Devant le peu de succès de cette politique, lesGauleiter concernés décidèrent à l'été 1942 le service militaire obligatoire pour ces populations. Environ 103 000 Alsaciens et 31 000 Mosellans furent incorporés de force dans les armées du3e Reich, devenant ainsi les « Malgré-nous » d'Alsace et de Moselle. Environ 30 % furent tués ou portés disparus ; il y eut 30 000 blessés et 10 000 invalides. Dans le même temps, environ 15 000 « malgré-elles »[9] furent enrôlées dans des formations paramilitaires, la défense anti-aérienne, voire parfois laWehrmacht.
Après la Seconde Guerre mondiale et le retour effectif à la France, le département de la Moselle garde un temps des liens administratifs avec les départements alsaciens ; la Moselle fait par exemple partie de l'académie de Strasbourg jusqu'en 1972. Néanmoins, dans la perspective d'une future régionalisation, l’État français, contrairement aux limites envisagées par les « régionsClémentel », fait le choix de séparer Moselle et Alsace. Le département mosellan est intégré à la « région de programme de Lorraine » en 1956[10], le Bas-Rhin et le Haut-Rhin sont quant à eux intégrés dans la « région de programme d'Alsace » la même année[10]. Ces régions dites « de programme » deviennent des circonscriptions d'action régionale en 1960 puis des régions administratives en 1964. À partir de cette dernière date, lepréfet de la Moselle administre la Lorraine etcelui du Bas-Rhin administre l'Alsace.
En 1982, la loi dedécentralisation accorde aux régions françaises[n 6], jusque-là fort peu actives, le statut decollectivité territoriale, avec un transfert de compétences de l’État vers desassemblées élues localement. Le Bas-Rhin et le Haut-Rhin constituent alorscelle d'Alsace tandis que la Moselle, la Meurthe-et-Moselle, la Meuse et les Vosges constituentcelle de Lorraine.
En 2005, leMémorial d'Alsace-Moselle ouvre ses portes àSchirmeck, inauguré par le président de la républiqueJacques Chirac. Il figure, pour les trois départements, un lieu de mémoire sur les souffrances et les vicissitudes de l'histoire. En 2015, sous l'égide du Parlement Européen, le mémorial d'Alsace-Moselle évolue et se consacre également à l'histoire de laconstruction européenne ; il met ainsi en évidence une nouvelle symbolique, celle d'une résilience européenne si bien incarnée par ces deux territoires, longtemps déchirés entre deux nations et porteurs de deux cultures.
En 2015 est votée laNouvelle Organisation Territoriale de la République, (loi NOTRe) : les trois départements d'Alsace-Moselle sont inclus dans la nouvellerégion administrativeGrand Est depuis le aux côtés des trois autres départementslorrains et des quatre départements deChampagne-Ardenne.
Depuis, une association « Alsace+Moselle »[11] œuvre au rapprochement entre les trois départements ; elle s'engage en matière de défense et de promotion du bilinguisme et du Droit Local communs, pour la sauvegarde de ce dernier par une constitutionnalisation qui lui permette d'évoluer en tenant compte des souhaits de la population. Elle s'engage aussi pour une reconnaissance de la spécificité d'un espace rhénan de France, de ses particularités culturelles, linguistiques, juridiques et historiques, et milite pour que les trois départements puissent conduire des expériences innovantes en matière de relations transfrontalières de proximité[12].
En 2019 est signé letraité d'Aix-la-Chapelle sur la coopération et l'intégration franco-allemande. Il fait entrer les deux pays dans les perspectives d'une coopération du futur, avec ses engagements communs en matière de défense, d'écologie, de coopération culturelle approfondie[13]. Le traité comporte un volet transfrontalier (chapitre 4) qui prône l'ouverture de nouvelles expérimentations dans la coopération frontalière de proximité pour l'Alsace et la Moselle, qui ensemble recouvrent l'intégralité de lafrontière franco-allemande.
Le, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin sont regroupés au sein d'une nouvellecollectivité territoriale appeléecollectivité européenne d'Alsace[14]. Celle-ci dispose des compétences des départements mais aussi de compétences particulières, notamment en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de transports et d'organismes professionnels. La Moselle relevant des mêmes particularités, leprésident duconseil départemental de la Moselle indiquait dès 2019 :« Ce que l’Alsace obtiendra, la Moselle le demandera »[15] ; un vote solennel aboutit à la formulation d'une demande de différenciation territoriale. Ce baptême de l'« Eurodépartement Moselle » ouvre la voie à l'obtention, à terme, des mêmes compétences élargies que l'Alsace[16],[17],[18].