Alpha Ursae Minoris (α Ursae Minoris / α UMi, selon ladésignation de Bayer) est l’étoile la plus brillante de laconstellation de laPetite Ourse. Elle est connue pour correspondre avec une bonne précision à la direction dupôle nord céleste, ce qui lui vaut l’appellation commune d’étoile Polaire ou plus simplement dePolaire. Sa distance angulaire au pôle céleste est aujourd’hui d'environ 0°45'. Du fait de cette propriété cruciale pour le repérage, en particulier dans le contexte de lanavigation, la plupart des civilisations de l'hémisphère nord lui ont donné un nom traditionnel.
Alruccabah fut introduit autour de l’an mil avec Llobet de Barcelone[4]. Cette appellation s’explique par le déplacement du nom الركبةal-Rukba, « le Genou », qui correspond, dans la représentation gréco-arabe, c’est-à-dire celle que les astronomes arabes ont emprunté aux Grecs auIXe siècle, à l’étoileθ UMa[5],[6],[7].
Autres noms d’origine arabe :
Algedi est l’arabe الجديal-Ğudayy, « le Chevreau », noté par Richard Winckley Allen[8]. Dans la mythologie arabe,al-Ğudayy est un personnage divin attesté dans lesinscriptions safaïtiques. Selon une légende du désert de Syrie, c’est lui qui est accusé d’avoir tué نعشNacš, et sesfilles (بناتهBanāthu) poursuivent leur vengeance dans une ronde éternelle autour du pôle[9].
Mismar. C'est l'arabe المسمار al-Mismār, « le Clou », nom populaire du pôle en Syrie, selon les écrits du bibliste J. G. Wetzstein, cité par R. H. Allen et R. Laffitte[10],[11].
Alpha Ursae Minoris est uneétoile multiple dont les cinq composantes sont : l'étoile principale,Alpha Ursae Minoris Aa (α UMi Aa), une supergéante ; deux compagnons proches,Alpha Ursae Minoris Ab (α UMi Ab) etAlpha Ursae Minoris B (α UMi B)[12] ; et deux composantes éloignées,Alpha Ursae Minoris C (α UMi C)[13] etAlpha Ursae Minoris D (α UMi D)[14].
Du fait de sa position quasiment confondue avec la direction de l'axe de rotationterrestre, toutes les autres étoiles du ciel paraissent tourner autour d'elle, et dans l'hémisphère nord elle ne se couche jamais, tandis qu'elle n'est jamais visible dans l'hémisphère sud.
Bien que le processus soit imperceptible à l'échelle d'une vie humaine, le pôle nord céleste change en fait de position au fil des siècles du fait de laprécession des équinoxes, c'est-à-dire un lent changement de la direction de l'axe des pôles terrestres sur un cycle de période environ 25 800 ans[17].
Le pôle nord céleste continue à s'en approcher, à notre époque, jusqu'à atteindre une direction au plus proche de celle de Polaris le[18], après quoi il s'en éloignera pendant les millénaires suivants, jusqu'à en devenir distant d'environ 45°, au maximum. Puis, il sera destiné à s'en rapprocher de nouveau, petit à petit.
L'utilité de Polaris comme aide à la navigation (elle s'appelle aussiStella Maris,étoile de la mer) est attestée depuis les plus anciennes écrituresassyriennes. Il est facile de trouver Polaris en suivant la ligne tracée à partir deβ Ursae Majoris (Merak) à traversα Ursae Majoris (Dubhe), les deux étoiles au bord droit de la « casserole » caractéristique de laGrande Ourse. On peut aussi, à l'opposé, suivre la portion droite de la pointe centrale du « W » deCassiopée.
À notre époque, Polaris n'a pas d'équivalent au voisinage du pôle sud céleste ; l'étoile la plus proche du pôle sud céleste,σ Octantis, est très peu lumineuse. Cependant laCroix du Sud pointe vers le pôle sud et est utilisée pour le repérer (quoiqu'avec moins de précision qu'avec Polaris pour ce qui concerne le pôle nord).
La parallaxe stellaire est la base de définition duparsec, qui est la distance entre leSoleil et unobjet astronomique qui a un angle deparallaxe de uneseconde d'arc (1ua et 1pc ne sont pas à l'échelle, 1 pc = environ 206265 ua).
Beaucoup d'articles récents situent la distance de Polaris à environ 433années-lumière (133 parsecs)[19], en accord avec les mesures de parallaxe du satellite astrométriqueHipparcos. Les mesures de distance plus anciennes étaient souvent légèrement plus faibles, et des recherches récentes basées sur une analyse spectrale à haute résolution suggèrent qu'elle pourrait être jusqu'à 100 années-lumière plus proche (à 323 al, soit 99 pc)[20]. Polaris est lavariable céphéide la plus proche de la Terre et ses paramètres physiques sont d'une importance critique pour l'ensemble deséchelles de distance en astronomie[20]. C'est aussi la seule avec une masse mesurée dynamiquement.
Le satelliteHipparcos a utilisé laparallaxe stellaire pour faire des mesures entre 1989 et 1993 avec une précision de 0,97milliseconde d'arc (970 microsecondes d'arc), et il a obtenu des mesures précises des distances stellaires jusqu'à 1000 pc de distance[25]. Les données d'Hipparcos ont été ré-examinées avec des techniques de correction d'erreur et des techniques statistiques plus avancées[2]. Malgré les avantages de la techniqueastrométrique d'Hipparcos, l'incertitude de ses données pour Polaris a été soulevée et certains chercheurs ont mis en doute la précision d'Hipparcos lors de la mesure de céphéides binaires comme Polaris[20]. Le traitement des données d'Hipparcos spécifiques à Polaris ont été réexaminées et réaffirmées mais il n'y a toujours pas d'accord global sur la distance[26].
La future avancée majeure dans les mesures de parallaxe de haute précision viendra deGaia, une mission spatiale d'astrométrie lancée en 2013 et conçue pour mesurer les parallaxes stellaires jusqu'à une précision de 25 microsecondes d'arc (μas)[27]. Il n'était pas prévu que Gaia soit capable de faire des mesures sur des étoiles brillantes telles que Polaris, mais il peut être utilisé pour des mesures sur d'autres membres d'associations présumées et à une échelle de distance galactique. Lesradiotélescopes ont également été utilisés pour réaliser des mesures précises de parallaxe à de grandes distances, mais ils nécessitent la présence d'une source radio compacte en association étroite avec l'étoile, ce qui est typiquement le cas pour des supergéantes froides avec desmasers dans leur matière circumstellaire[28]. Gaia a été lancé en et a commencé à enregistrer des données en.
Bien qu'il fût initialement prévu de limiter les observations de Gaia aux étoiles plus faibles que la magnitude 5,7, des tests réalisés lors de la phase de mise en service ont montré que Gaia pourrait identifier automatiquement des étoiles aussi brillantes que la magnitude 3. Quand Gaia est entré en opération scientifique régulière en, il a été configuré pour traiter automatiquement les étoiles dans la plage de magnitude 3 – 20[29]. Au-delà de cette limite, des procédures spéciales sont utilisées pour récupérer les données de balayage brutes des 230 étoiles restantes, plus brillantes que la magnitude 3 ; des méthodes pour traiter et analyser ces données sont en cours de développement ; et on s'attend à ce qu'il y ait une "couverture complète du ciel du côté brillant" avec des écarts-types de "quelques dizaines de µas"[30].
La détermination de la distance précise de Polaris est importante pour l'échelle des distances cosmiques parce que, jusqu'à ce que de nouvelles données arrivent, elle est la seule variable Céphéide pour laquelle des données précises de distance existent, ce qui a un effet de décalage sur les mesures de distance qui utilisent cette "règle"[31].
Elle avait commencé à se distinguer de toutes les autresétoiles variables en 1899 au moins (premières mesures précises). À cette époque, samagnitude apparente (luminosité), variait d'environ un dixième, sur un cycle de quatre jours, soit une variation d'éclat d'environ 25 %. Puis, l'amplitude de cette variation a commencé de diminuer, lentement d'abord, puis de plus en plus rapidement.
Le journaliste scientifiqueSerge Jodra[32],[33] a révélé en un fait bizarre et toujours peu connu des astronomes — ou en tout cas non commenté : en 1994, la luminosité de l'étoile s'est complètement stabilisée. Les variations de luminosité de Polaris semblent toutefois suivre un rythme complexe[34]. Elles ont d’ailleurs progressivement repris et sont en augmentation[35].
Polaris est le nom propre de l'étoile qui a été approuvé par l'Union astronomique internationale le[36]. Parmi les nombreux noms de Alpha Ursae Minoris, il y a celui d'originegrecque Kinosura, ou Cynosura (réminiscence du fait que la constellation initiale dont faisait partie cette étoile était unchien), ainsi que Yilduz, Mismar, Navigatoria, Tramontana, Phoenice (allusion à sa naturecircumpolaire), Polyarnaya, et Alruccaba, parfois orthographié Alruccabah ou Al'rukaba[37].
Alpha Ursae Minoris, en tant qu'étoile toujours visible de l'hémisphère nord et astre le plus brillant de la constellation de laPetite Ourse, est connue depuis laPréhistoire.
↑Llobet de Barcelone / Lupitus Barcelonensis,Astrolabii sententie, ms. Ripoll 225, dans José María Millás Vallicrosa,Assaig d’història de les idees fisiques i matemátiques a la Catalunya medieval [Estudis universitaris catalans. Sèrie monogràfica, I], Barcelona : Institució Patxot, 1931, 275-302.
↑Paul Kunitzszch,Arabische Sternnamen in Europa, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1959, p. 136.
↑Paul Kunitzszch & Tim Smart,A Dictionary of Modern Star Names : Cambridge (Ma) : Sky & Telescope, 1986, p. 38.
↑Roland Laffitte,Héritages arabes. Des noms arabes pour les étoiles, Paris : Geuthner, 2005, p. 179.
↑(en) Richard Hinkley Allen,Star-names and their meaning, New York & al., G. E. Stechert, 1899, réed. st.Star Names, Their Lore an Meaning, New-York: Dover Publications, 1963, p. 457.
↑Roland Laffitte,Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Paris : Geuthner, 2012, p. 38.
↑(en) Richard Hinkley Allen,Star-names…,op. cit., p. 457.
↑Roland Laffitte,Le ciel des Arabes…,op. cit., p. 38.