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Allomorphe

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Enlinguistique, le termeallomorphe désigne une variante d’unmorphème, celui-ci étant un élément abstrait, théorique, qui caractérise lalangue vue comme une abstraction dans lalinguistique structurale. Ce terme est en fait formé à partir du terme « morphe », appellation de l’élément concret qui réalise le morphème dans laparole, la correspondante concrète de la langue[1],[2],[3],[4]. Les termes « allomorphe », « morphe » et « morphème » ont été créés paranalogie avec « allophone », « phone » (son) et « phonème », respectivement, utilisés enphonologie[5].

Tout type de morphème peut avoir des allomorphes : unmot autonome qui est en même temps unradical, ou unaffixelexical (morphèmes lexicaux) ; un radical ne pouvant pas être un mot autonome (morphème lexico-grammatical) ; un affixe grammatical (morphème grammatical).

Les allomorphes apparaissent souvent à la suite de changements ayant eu lieu dans l’histoire de la langue. Ainsi, un morphème qui, dans une certaine période de l’histoire, était représenté par un seul morphe, arrive à être réalisé par plusieurs[4].

Les allomorphes peuvent n’avoir aucun conditionnement ou être conditionnés en général par deux catégories de facteurs :phonétiques etmorphologiques[3].

Allomorphes non conditionnés

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Certains allomorphes sans conditionnement sont en variation libre, c’est-à-dire qu’ils peuvent être choisis selon la volonté de l’utilisateur, ayant le même sens lexical ou grammatical, par exemple :

Les formesflexionnelles irrégulières sont également des allomorphes non conditionnés mais sans être en variation libre, ne pouvant être employés l’un à la place d’un autre[3]. C’est le cas, par exemple, enanglais, de la forme irrégulière de plurielmice « souris » (singuliermouse), un allomorphe du morphème de pluriel qui a d’autres allomorphes aussi, entre autres-s [s] dans le motcaps « bonnets » (singuliercap)[9].

Allomorphes conditionnés

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L’emploi des allomorphes phonétiques et de la plupart des allomorphes morphologiques est déterminé par leurcontexte (voisinage), c’est-à-dire qu’il n’y a pas de contexte où puisse apparaître plus d’un seul allomorphe d’un morphème. On dit que ce sont des variantes contextuelles en distribution complémentaire, et en général on peut prédire systématiquement et de façon régulière dans quel contexte ils apparaissent[10],[4].

Allomorphes phonétiques

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Ces allomorphes sont déterminés par divers phénomènes phonétiques, dont certains existent dans certaines langues seulement. La différence entre de tels allomorphes peut ou non être marquée à l’écrit, ou bien, dans une même langue, parfois être marquée et d’autres fois non, en fonction des règlesorthographiques de la langue donnée.

En français, par exemple, lesuffixe formateur de noms d’agent-ier a pour allomorphes ceux écrits en caractères gras dans les exemples suivants, les deux premiers ne se distinguant pas à l’écrit[11] :

  • jardinier [ʒardinje] aprèsconsonne ;
  • vitrier [vitrije] après consonne + [r] ;
  • conseiller [kɔ̃seje] après[j].

Le pluriel desarticlesles,des a une seule forme à l’écrit mais deux allomorphes à l’oral, déterminés par le type de phone qui les suit : consonne (les [le]parents) ouvoyelle (les [lez]enfants)[1].

L’assimilation (phénomène par lequel un phone emprunte un ou plusieurs traitsarticulatoires à un phone voisin ou proche du premier) crée des allomorphes en diverses langues. Exemples :

(fr) Lepréfixeab- a deux allomorphes qui ne se distinguent pas à l’écrit, [ab] (ex.abnégation) et [ap] (ex.absurde [apsyrd]). Dans le deuxième exemple, laconsonne sourde [s] rend sourde la consonne du préfixe, [b][12].
(en) Le morphème du pluriel a, entre autres, les allomorphes [s] (consonne sourde) et [z], sa correspondante voisée, les deux écrits-s. Le premier est précédé d’une consonne sourde (ex.caps), le second d’uneconsonne voisée qui assimile [s] (ex.logs [lɒɡz] « bûche »)[9].
(ro) Laprépositionîn « en, dans » a, lorsqu’elle devient préfixe, les allomorphes [ɨn] devant une voyelle (ex.îneca « noyer ») et [ɨm] devant [p] et [b] (ex.îmbuna « apaiser »), ces consonnes transmettant leur caractèrebilabial à [n][13].
(BCMS) Dans cette langue, les assimilations sont le plus souvent marquées à l’écrit. Par exemple dans le coupletežak « lourd » –teška « lourde », la consonne sourde du morphème duféminin assimile la consonne voisée du radical de la forme de masculin[14].
(hu) Lors de la formation d’unmot composé commevasgolyó [ˈvɒʒɡojoː] « bille de fer » (<vas [vɒʃ] « fer » +golyó [ɡojoː] « bille »), la consonne voisée initiale du deuxième composant assimile la consonne finale sourde du premier, sans que ce soit marqué à l’écrit[15].

Le hongrois, lefinnois et leturc, par exemple, sont des langues caractérisées par l’harmonie vocalique, un type d’assimilation consistant en la tendance de toutes les voyelles d’un mot à avoir en commun un certain trait ou certains traits[16]. Ce phénomène crée des allomorphes de suffixes qui s’harmonisent avec les voyelles du reste des mots. Exemples :

  • En hongrois, la désinence du casdatif a les allomorphes-nekvoyelle antérieure) et-nakvoyelle postérieure). On peut ajouter le premier à un mot commegyermek « enfant », ce qui donnea gyermeknek « à l’enfant », et le second à un mot commeház « maison » →a háznak « à la maison »[17].
  • En finnois, un exemple d’application de la règle de l’harmonie vocalique est celui de la désinence correspondant en français à la préposition « dans ». Cette désinence a les allomorphes-ssä (à voyelle antérieure) et-ssa (à voyelle postérieure), par conséquent :metsä « bois » →metsässä « dans le bois »,talo « maison » →talossa « dans la maison »[18].
  • En turc, le pluriel étant formé avec le suffixe ayant les allomorphes-ler et-lar, celui des mots suivant est :ev « maison » →evler « maisons »,at « cheval » →atlar « chevaux »[19].

Des allomorphes créés parsyncope au cours de l’histoire de la langue sont, par exemple,(hu)terem « salle » etterm. Le premier est un mot à l’état libre et le radical de certaines formescasuelles, comme dansateremben « dans la salle » ; le second est le radical de la forme de pluriel, entre autres (termek)[20].

Allomorphes morphologiques

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Si un allomorphe n’est pas conditionné phonétiquement, alors il s’agit en général d’un allomorphe morphologique.

L’allomorphie peut concerner les radicaux, étant déterminée par des morphèmes qu’on leur ajoute. En français, par exemple, la forme écritelait peut être celle d’un mot à l’état libre ou celle d’un radical auquel on ajoute des suffixes dedérivation lexicale. C’est un morphème à deux allomorphes, prononcés [lɛ] dans le premier cas et [lɛt] dans le second, dans les motslaiterie [lɛtri],laitier [lɛtje],laitage [lɛtaʒ][11].

Dans le cas d’un verbe irrégulier par le fait d’avoir des radicaux différents, ceux-ci sont des allomorphes morphologiques déterminés par les morphèmes avec lesquels ils se combinent. Ainsi, le verbealler a trois allomorphes :all- dansnousallons, etc. ;v- dansjevais, etc. ;i- dansj’irai, etc. Dans le domaine du lexique, on parle de relation d’allomorphie entre deux morphèmes bases de dérivation si une telle relation concerne plusieurs couples, ex.selsalin,mermarin. On dit de tels allomorphes que ce sont des formessupplétives[21].

On considère également comme des allomorphes les formes différentes d’un radical dans lequel au moins une voyelle change seulement parflexion interne, sans qu’on lui ajoute aucun affixe[2] :

(fr)il/elle peut ~il/elle put,il/elle sait ~il/elle sut[22] ;
(en)sing « chanter » ~sang (passé simple) ~sung (participe passé) ~song « chanson »[23],foot « pied » ~feet « pieds »[24] ;
(es)hace « il/elle fait » ~hice « je fis »[25] ;
(ar)kitab « livre » ~katib « écrivain »[26].

Les affixes aussi peuvent avoir des allomorphes morphologiques. En roumain, par exemple, le suffixe dugérondif a les allomorphes-ând [ɨnd] et-ind [ind], déterminés par la classe deconjugaison du verbe, ex.cânta « chanter » →cântând « en chantant », maisciti « lire » →citind « en lisant »)[3].

Allomorphes stylistiques

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Dans la littérature linguistique on peut trouver au sujet des allomorphes la condition qu’ils doivent être identiques aussi bien du point de vue de leur sens lexical, que du point de vue stylistique, autrement dit, ils doivent appartenir à la mêmevariété de langue. En français il y a des morphèmes radicaux qui ont des formes différentes avec le même sens lexical, l’une hérité dulatin, l’autreemprunté à cette langue, par exempleécole, respectivementscol- (ex. dans l’adjectifscolaire). SelonBoukreeva 1996, ce sont des allomorphes, puisqu’ils sont identiques du point de vue stylistique aussi. Par contre,étoile etstell- (dansstellaire) ne le sont pas, carétoile a un sens plus général et il existe l’adjectifétoilé, alors questellaire a une nuance plutôt scientifique ; ils ne sont donc pas identiques[27].

Cependant, certains auteurs mentionnent l’existence d’allomorphes stylistiques[28]. Ainsi, une variation stylistique existe entreje peux etje puis, en distribution quasi-complémentaire dans certainsdialectes du français, oùpeux etpuis seraient des allomorphes d’un même morphème[29].

Notes et références

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  1. a etbDubois 2002,p. 25.
  2. a etbBussmann 1998,p. 43.
  3. abcd eteBidu-Vrănceanu 1997,p. 38.
  4. abc etdKálmán et Trón 2007,p. 78-79.
  5. Bussmann 1998,p. 42.
  6. Grevisse et Goosse 2007,p. 1069.
  7. Bosnien,croate,monténégrin etserbe.
  8. Klajn 2005,p. 72 (grammaireserbe).
  9. a etbCrystal 2008,p. 20.
  10. Dubois 2002,p. 101.
  11. a etbTamine 1981,p. 38.
  12. Dubois 2002,p. 55.
  13. Constantinescu-Dobridor 1998, articleasimilare.
  14. Klajn 2005,p. 29.
  15. A. Jászó 2007,p. 127.
  16. Crystal 2008,p. 225.
  17. Bokor 2007,p. 288.
  18. Dubois 2002,p. 230.
  19. Bussmann 1998,p. 1277.
  20. Kálmán et Trón 2007,p. 110.
  21. Dubois 2002,p. 457-458.
  22. Fiodorov 2008,p. 26.
  23. Crystal 2008,p. 216.
  24. Bussmann 1998,p. 770.
  25. Kattán-Ibarra et Pountain 2003,p. 429.
  26. Dubois 2002,p. 21.
  27. Boukreeva 1996,p. 147.
  28. Par exempleLembessi 2006,p. 100.
  29. Dubé 2009,p. 3, note 1.

Bibliographie

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Articles connexes

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