En 1930, Alice, convertie à l'orthodoxie grecque, connaît une crise mystique qui conduit à son internement enSuisse. Libérée de sa clinique fin 1932, elle choisit de vivre séparée de son mari et de sa famille jusqu'en 1937, année où sa filleCécile, l'époux de celle-ci et leurs enfantspérissent dans un accident d'avion à Ostende. Réconciliée avec sa famille, mais toujours séparée de son époux, Alice revient finalement vivre àAthènes en 1938 et y reste pendant toute laSeconde Guerre mondiale. Alors que presque tous les autres membres de la famille royale choisissent la voie de l'exil, la princesse organise dessoupes populaires et abrite chez elle une famille juive, ce qui lui vaut de recevoir, de façon posthume, le titre de « Juste parmi les nations » en 1993.
Une fois la guerre terminée et devenue veuve du prince André en 1944, la princesse continue à vivre en Grèce, où elle fonde une communauté monastique, qui périclite dès 1959. Après l'instauration de ladictature des colonels en 1967, Alice quitte toutefois son pays pour s'installer auprès de son filsPhilip, marié à la reineÉlisabeth II depuis 1947. La princesse passe ainsi ses dernières années aupalais de Buckingham, où elle meurt deux mois après avoir perdu sa filleThéodora. D'abord inhumée àWindsor, la dépouille d'Alice est finalement transférée à l'église Sainte-Marie-Madeleine de Jérusalem en 1988.
Quatre générations royales en 1886 : Alice (bébé), sa mèreVictoria (sur les genoux de laquelle elle est assise), sa grand-tanteBéatrice (derrière) et son arrière-grand-mèreVictoria (à gauche).
Alice grandit au sein d'un foyer uni[5], qui s'élargit progressivement avec les naissances de la princesseLouise (en 1889)[6], du princeGeorge (en 1892)[7] et du princeLouis (en 1900)[8]. La petite fille partage son enfance entre laHesse (où ses parents héritent duchâteau d'Heiligenberg en 1888)[9], laGrande-Bretagne (où les Battenberg sont régulièrement conviés par la reine Victoria)[10] et l'île deMalte (où Louis de Battenberg est fréquemment stationné en tant qu'officier de lamarine britannique)[11]. Alice effectue en outre plusieurs séjours dans d'autres régions d'Europe, comme leSchleswig-Holstein (chez sa tante la princesseIrène)[12], lacôte d'Azur (avec la reine Victoria)[13] et laRussie (chez sa tante la tsarineAlexandra Feodorovna)[3],[14].
Proche de ses parents, Alice l'est également de sa grand-mère paternelle, Julia Hauke, avec laquelle elle entretient une relation privilégiée[15]. La reine Victoria joue aussi un rôle primordial dans la vie de la petite fille, qui conserve d'elle le souvenir d'une aïeule aimante[16]. Parmi les tantes d'Alice, la grande-duchesse Élisabeth Feodorovna occupe également une place importante, à la fois à cause de l'affection qu'elle lui démontre et de l'image de grande bonté qui ressort d'elle[17]. Parmi ses oncles,Ernest-Louis de Hesse-Darmstadt est celui dont la présence est la plus importante durant son enfance et son adolescence[18].
Considérée par sa famille comme une enfant particulièrement jolie[22], Alice démontre, dès son plus jeune âge, un fort caractère. Ainsi, un jour que la reineVictoria lui tape sur la main parce qu'elle refuse de la saluer, Alice frappe son arrière-grand-mère en retour, ce qui met la souveraine dans une colère noire[3],[23],[24].
Victoria de Hesse-Darmstadt remarque, dès 1887, que sa fille met du temps àapprendre à parler et s'inquiète de sa prononciation défaillante[25]. Quelque temps après, Julia Hauke identifie l'origine du problème de sa petite-fille et l'emmène passer des examens auditifs. Les médecins lui diagnostiquent alors unesurdité congénitale, causée par l'étroitesse de sestrompes d'Eustache[26]. Malgré son handicap et grâce au soutien de sa mère, qui passe de longues heures à travailler avec elle, Alice parvient cependant à apprendre àlire sur les lèvres et à parleranglais etallemand[27]. Plus tard, elle réussit également à maîtriser lefrançais[28] et legrec moderne[29]. Au fil des années, la surdité d'Alice s'atténue quelque peu mais elle ne parvient jamais à percevoir davantage que des sons épars, comme le bruit d'uncoucou ou les pas d'un groupe de soldats dans la cour d'un château[27].
L'éducation d'Alice est d'abord supervisée par sa mère, qui lui apprend à lire et à écrire en allemand et en anglais[22]. À l'âge de7 ans, l'enfant est toutefois confiée aux soins d'une tutrice,Miss Robson[30]. À partir de 1898, sa formation est complétée parFraülein Textor, la directrice d'unefinishing school, qui lui fait notamment découvrir lethéâtre[31],[32]. Peu avant son mariage, la princesse s'initie en outre à lalittérature anglaise, à l'histoire de la musique et aupiano avec différents professeurs privés[28].
En, Alice fait la connaissance d'André de Grèce, quatrième fils duroi des HellènesGeorges Ier, lorsqu'elle se rend àLondres avec sa famille pour lecouronnement de son grand-oncle, le roiÉdouard VII du Royaume-Uni[33],[34]. Rapidement, les deux jeunes gens se séduisent et une idylle se développe entre eux[35]. Des années plus tard, Alice raconte ainsi à l'un de ses petits-fils, leprince de Galles, que, lors de leur première rencontre, André lui est apparu comme« un véritable dieu grec »[3],[33].
La date du couronnement ayant été différée à cause des problèmes de santé du roi, Alice et André retournent dans leurs pays respectifs début juillet. Ils se retrouvent cependant un mois plus tard lorsque lesacre est finalement organisé[35]. En dépit de la réticence des Battenberg, qui jugent leur fille trop jeune pour le mariage[35], Alice et André profitent de leurs retrouvailles pour se promettre l'un à l'autre[36].
Contraints de se séparer à nouveau à la mi-août, Alice et André échangent une correspondance nourrie durant dix mois[36]. Le couple se retrouve finalement à Londres en et ses fiançailles sont annoncées officiellement le 10, avec l'approbation d'Édouard VII. À l'époque, Alice a tout juste18 ans et André en a vingt-et-un[28]. L'annonce de leur engagement n'est donc pas sans causer de surprise, d'autant que ni l'un ni l'autre ne possède une quelconque fortune personnelle[37]. Après un mois passé ensemble, André part le àDarmstadt, où le roi des Hellènes l'a autorisé à servir quelque temps dans le23e régiment dedragons[3],[38],[39]. Rentrée enHesse fin juillet, Alice a le plaisir de retrouver son fiancé à plusieurs occasions avant leur mariage[40].
Le roiGeorges Ier et la reineOlga entourés de leurs enfants et petits-enfants (1904).
Après quelques mois passés enHesse, oùAndré continue à servir dans les dragons, Alice et son époux rejoignent laGrèce début 1904[46]. Arrivé àAthènes le, le couple y reçoit un accueil chaleureux[47]. Rapidement intégrée au sein de sabelle-famille[48], Alice s'installe avec son mari aupalais royal, où résident également leroi et lareine des Hellènes ainsi que le princeChristophe, plus jeune frère d'André[49]. Tandis que son époux vaque à ses occupations militaires[50], Alice s'implique dans diverses œuvres sociales et notamment dans une école debroderie traditionnelle, fondée pour venir en aide aux jeunes filles issues de milieux défavorisés[51],[52].
Heureuse en ménage[53], Alice ne tarde pas à donner le jour à deux petites filles, les princessesMarguerite (née en 1905)[54] etThéodora (née en 1906)[55],[56]. Les méandres de la vie politique grecque viennent cependant bouleverser le quotidien de la famille. À partir de 1907, la presse hellène critique en effet régulièrement André et ses frères, les accusant de se conduire en parasites[57]. Soumis à des attaques de plus en plus régulières, les princes grecs trouvent alors refuge dans les voyages[58]. Durant l'été 1907, Alice et André se rendent ainsi à Londres pour assister à des festivités organisées par le roiÉdouard VII et la reineAlexandra[59]. En, Alice part àMalte avec ses filles pour y retrouver ses parents[60]. Puis, d'avril à, la princesse et son époux séjournent enRussie, enSuède et auDanemark à l'occasion du mariage de la grande-duchesseMarie Pavlovna de Russie, fille d'Alexandra de Grèce, avec le princeGuillaume de Suède[61]. Pendant ce voyage, Alice s'entretient longuement avec sa tante, la grande-duchesseÉlisabeth Feodorovna, qui est sur le point de fonder unecommunauté de nonnesorthodoxes[62]. Après une halte àConstantinople, où le sultanAbdülhamid II refuse de les recevoir, Alice et André rentrent finalement à Athènes[63].
Peu après son retour en Grèce, le couple voit la situation politique du pays se dégrader du fait du refus du gouvernement d'apporter son soutien auxautorités crétoises, qui viennent pourtant deproclamer l'union de leur île, toujours soussuzeraineté ottomane, au royaume hellène. En, un groupe d'officiers insatisfaits forme alors une ligue nationaliste, laStratiotikos Syndesmos, qui réclame la réorganisation de l'armée. Le, cette ligue organise un coup d'État, connu sous le nom de « coup de Goudi ». En réponse, le roi Georges Ier nommeElefthérios Venizélos, homme politique nationaliste d'origine crétoise, à la tête du gouvernement[64],[65]. Parallèlement, les militaires de laStratiotikos Syndesmos font pression sur le gouvernement pour que les membres de la famille royale soient démis de leurs fonctions dans l'armée. Afin d'éviter au souverain la honte de devoir renvoyer ses propres fils, André et ses frères démissionnent d'eux-mêmes en septembre[66],[67].
Totalement désœuvré après son retrait de l'armée[68], le princeAndré se retire de la vie publique pour ne pas devoir apparaître en habits civils lors des cérémonies officielles[69]. En dépit de la fuite à l'étranger de son frère aîné, le diadoqueConstantin[67], André se résout à rester en Grèce et annule un séjour àBerlin[70]. À partir de, le prince et son épouse finissent même par accepter de participer, en compagnie d'autres membres de la dynastie, à des réceptions organisées par les légations étrangères[69].
L'incendie et le pillage dupalais royal d'Athènes, le, contraignent toutefois la famille royale à rester éloignée de la capitale[71]. En, Alice et ses proches se rendent ainsi àCorfou, où ils reçoivent la visite de la reineAlexandra du Royaume-Uni, sœur deGeorges Ier. En mai, Alice, André et leurs deux filles gagnent finalement la Grande-Bretagne, où ils assistent aux funérailles d'Édouard VII aux côtés des Battenberg[72]. Conscient de la précarité de sa situation, le couple envisage alors de s'installer définitivement à l'étranger[73]. Il retourne pourtant à Athènes en août[74], non sans avoir séjourné auparavant àParis et àDarmstadt[75].
Dans les cours européennes[84] comme enGrèce[85], le travail d'Alice soulève l'admiration et elle reçoit bientôt les remerciements du Premier ministreElefthérios Venizélos et du gouvernement[86]. Or, cette reconnaissance provoque la jalousie de la princesse royaleSophie, qui considère que sa belle-sœur empiète sur ses prérogatives[87]. Après quelques semaines de mise à l'écart, Alice reprend pourtant son travail médical enÉpire, où elle assiste à la prise deIoannina[88]. Peu de temps après, la guerre se termine, laissant la Grèce considérablement agrandie[89]. Cependant, la fin du conflit est assombrie par l'assassinat de Georges Ier à Thessalonique, le[90],[91].
Quelques mois plus tard, en, ladeuxième guerre balkanique éclate, opposant cette fois la Grèce et ses alliés à laBulgarie. Alice reprend alors son travail d'infirmière, et fonde de nouveaux hôpitaux militaires à Thessalonique et à Athènes[92]. Cette fois encore, le royaume hellène sort vainqueur du conflit, ce qui lui permet d'annexer de nouveaux territoires[93]. Une fois la paix revenue, Alice et André se rendent auRoyaume-Uni avec leurs filles[92]. La princesse est alors décorée par son cousin le roiGeorge V de laCroix rouge royale« en reconnaissance pour ses services en direction des malades et des blessés » ()[93].
La Première Guerre mondiale et la neutralité impossible
André ayant été posté en garnison à Thessalonique en[103], Alice y effectue plusieurs séjours pour retrouver son époux. Elle en profite alors pour tenter de convaincre lecomte de Granard, secrétaire militaire du commandant en chef des forces britanniques de la ville, des bonnes intentions du roi des Hellènes, sans grande réussite[104]. Envoyé à Londres et à Paris pour y plaider la cause de la Grèce en juillet-, André ne rencontre pas davantage de succès[105]. En dehors de ces quelques tentatives d'intervention dans la diplomatie européenne, Alice passe l'essentiel de la guerre à s'occuper de ses filles[103] et à patronner ses œuvres de charité. Elle travaille ainsi dans son école de broderie lorsque lepalais royal d'Athènes, où se trouvent alors ses filles, estbombardé par la flotte française, le[106],[107]. Par la suite, la princesse accompagne sa belle-sœur, la reineSophie, dans l'organisation desoupes populaires destinées aux enfants affamés de la capitale[106].
Après lachute du régime tsariste, en, la Grèce perd le dernier de ses soutiens dans le camp de l'Entente[106],[108]. Quelques mois plus tard, en, Constantin Ier est contraint par lesAlliés à abandonner le pouvoir en faveur de son deuxième fils,Alexandre Ier[109],[110]. La monarchie n'ayant pas été abolie, André et Alice espèrent d'abord pouvoir rester vivre en Grèce, mais ils sont finalement contraints de suivre le reste de la famille royale en exil enSuisse alémanique[111],[112],[113].
Peu après l'installation de sa famille à l'Hôtel National deSaint-Moritz, Alice obtient l'autorisation du gouvernement britannique de se rendre auRoyaume-Uni pour y retrouver ses parents. Arrivée sur l'île de Wight en[114], la princesse a le plaisir de constater que son père et sa mère se portent bien, malgré l'humiliation qu'a constitué pour eux l'obligation de renoncer à leurs nom, titres et prédicats allemands le[N 3],[115],[116]. La princesse retrouve ensuite sa sœurLouise àLondres avant de gagnerÉdimbourg, où son frèreGeorge lui présente son épouse,Nadejda de Torby. Alice rend ensuite visite à la reine douairièreAlexandra, qui la reçoit chaleureusement àSandringham[117]. En dépit de son caractère strictement privé, ce voyage de huit semaines est à l'origine de rumeurs qui affolent lesmilieux vénizélistes, effrayés à l'idée de voirConstantin Ier remonter sur le trône[118].
Alice consulte, par ailleurs, avec avidité les nouvelles venues deRussie. Elle s'inquiète en effet du sort de sa nombreuse parentèleRomanov, dont elle est presque sans nouvelle depuis le déclenchement de laRévolution. Après plusieurs mois d'attente, la princesse doit cependant se rendre à l'évidence quand sont annoncés les massacres de lafamille impériale et denombreux autres membres de la dynastie, parmi lesquels la grande-duchesseÉlisabeth Féodorovna àAlapaïevsk[124],[125]. Seule consolation à ces disparitions, la reine douairière des HellènesOlga Constantinovna de Russie parvient à quitter sa terre natale saine et sauve[126],[127].
Une autre source d'inquiétude majeure pour Alice est le sort de sa parentèle allemande. Pendant l'hiver 1918-1919, unevague de révolutions renverse en effet le KaiserGuillaume II et les autres souverains duReich[128]. Quelques mois plus tard, Alice organise des retrouvailles entre les Mountbatten, le princeFrançois-Joseph de Battenberg et le grand-ducErnest-Louis de Hesse, en Suisse. En dépit de la gêne qui l'accompagne, l'événement scelle la réconciliation des différentes branches de la famille de Hesse-Darmstadt[129].
La guerre gréco-turque et le procès du prince André
De retour en Grèce, Alice est accueillie par André, qui vient de quitter l'Asie mineure après une confrontation avec legénéral Papoúlas, commandant-en-chef des forces hellènes[141],[142]. Après quelques semaines de permission, le prince est envoyé àIoannina, où il prend la tête duVe corps d'armée[140],[143]. En mars-, Alice reçoit la visite desa mère et de sa sœurLouise àCorfou[144]. Deux mois plus tard, Alice retourne au Royaume-Uni pour assister avec ses enfants au mariage de son frèreLouis avec la richissimeEdwina Ashley. C'est l'occasion d'un séjour qui se poursuit jusqu'en[145]. À son retour en Grèce, la princesse retrouve son pays dans unesituation désastreuse[146],[147]. Jugé responsable de la défaite face à la Turquie, Constantin Ier est contraint d'abdiquer après lesoulèvement d'une partie de l'armée, conduite par lescolonels Plastíras etGonatás[148]. Proclamé roi à la suite de son père, le jeuneGeorges II se retrouve sous le joug des révolutionnaires[149], qui organisent une chasse aux responsables de la défaite militaire[150].
Fin, André est arrêté dans le cadre du « procès des Six »[150], qui aboutit à l'exécution de six personnalités politiques et militaires impliquées dans la direction de la guerre gréco-turque[151]. Accusé dedésertion face à l'ennemi, le prince est finalement condamné à mort le. Grâce à l'intervention des chancelleries étrangères, et notamment du gouvernement britannique, sa peine est cependant commuée enbannissement perpétuel[152],[153],[154]. La libération du prince obtenue, Alice et les siens fuient la Grèce à bord duHMS Calypso[155],[156], emportant avec eux, dans une caisse d'oranges transformée en couffin, le futur duc d'Édimbourg, alors âgé de dix-huit mois[157],[158].
Désormais apatrides[N 4] et largement désargentés, Alice,André et leurs enfants gagnent l'Italie le[159]. Ils passent ensuite enFrance et arrivent àParis le[160],[159],[161]. Le petit groupe tarde ensuite plusieurs jours à obtenir la permission d'entrer auRoyaume-Uni. Le roiGeorge V et son gouvernement, qui avaient promis l'asile à la famille d'Alice, s'inquiètent en effet des conséquences que pourrait avoir son séjour sur l'opinion publique anglaise[162],[163]. Le, les exilés parviennent toutefois en Grande-Bretagne. Deux jours plus tard, André se rend àBuckingham pour y remercier son cousin d'être intervenu en sa faveur, àAthènes[164]. Après quelques semaines, Alice et ses proches retournent finalement en France et s'installent àSaint-Cloud, où leur belle-sœur, la princesseMarie Bonaparte, leur procure une maison contiguë à la sienne, auno 5 de la rue du Mont-Valérien[165].
En, Alice et André entreprennent un voyage auxÉtats-Unis sur l'invitation du princeChristophe et de son épouse américaine,Nancy Stewart[165],[166],[167]. Ayant appris la mort deConstantin Ier durant sa traversée de l'Atlantique, les deux couples princiers participent à de nombreux offices religieux en faveur du monarque déchu, dont certains les mènent jusqu'auQuébec. Les voyageurs se dirigent ensuite versWashington etPalm Beach. Puis, les deux couples se séparent et Alice et son époux reviennent, seuls, à Saint-Cloud, le[N 5],[168].
Pendant ce temps, la situation politique continue à se dégrader enGrèce etGeorges II est invité à quitter son pays le. Quelques mois plus tard, le, laRépublique est proclamée à Athènes, ce qui éloigne davantage toute perspective de retour de l'ancienne dynastie dans son pays[169]. L'époux d'Alice continuant à attirer les foudres dugénéral Pángalos[N 6], il décide de louerMon Repos à son beau-frère,Louis Mountbatten, afin d'assurer à la villa une sorte de protection de la part du gouvernement britannique[170],[171]. Bien qu'ils ne soient pas entièrement démunis[172],[N 7], Alice et les siens vivent surtout, durant leur exil, grâce à la générosité de leurs riches belles-sœurs : d'abord Nancy Stewart[173],[174] puis Marie Bonaparte[175],[176],[177] etEdwina Ashley[178],[179]. Cela n'empêche cependant pas la famille d'être fréquemment ennuyée pour des factures impayées[180],[181].
Durant sept ans, Alice et sa famille mènent, àSaint-Cloud, une vie relativement simple et oisive[182]. La princesse passe ainsi beaucoup de temps avec ses enfants, et notamment avec les trois plus jeunes,Sophie,Cécile etPhilippe[183]. Désireuse de se rendre utile malgré l'exil, Alice reprend aussi ses activités caritatives en ouvrant, dans lefaubourg Saint-Honoré, une boutique où sont vendus broderies traditionnelles, tapis, médaillons et autres articles issus de l'artisanat grec au profit desréfugiés d'Asie mineure[180],[184].
Appelant de ses vœux larestauration, la princesse suit, par ailleurs, de près la vie politique grecque, notamment lors desélections législatives grecques de 1926, durant lesquelles lesmonarchistes obtiennent des résultats encourageants[185]. En 1927, l'intérêt de la princesse pour la politique l'amène à concevoir d'étranges projets, surnommés par son frèreLouis Mountbatten « les complots royalistes d'Alice »[180].
Après une rencontre avec le diplomate américainNorman Davis, la princesse se met ainsi en tête de faire élire le princeAndré président de laRépublique hellénique pour une période de quatre ans, après quoi un référendum institutionnel serait organisé en Grèce. Dans l'esprit d'Alice, l'élection de son époux serait validée par l'ensemble de la classe politique hellène, grâce à l'obtention d'un important prêt financier concédé au pays par la communauté internationale. Afin de mener à bien son projet, Alice se lance à la recherche de soutiens politiques et financiers, ce qui la conduit à rencontrer différentes personnalités de premier rang, parmi lesquelles le secrétaire général de laSociété des NationsEric Drummond, le roiGeorge V du Royaume-Uni et l'ambassadeur britannique à ParisRobert Crewe-Milnes. Cependant, le projet de la princesse ne rencontre aucun véritable soutien et la république reste en place à Athènes jusqu'en 1935[184],[186].
Avec l'aide de Virginie Simopoulos, sa dame de compagnie, Alice se lance, en 1928-1929, dans la traduction, en anglais, des mémoires de guerre d'André, qui sont publiés en 1930 sous le titreTowards Disaster[187]. Sur un tout autre plan, Alice s'emploie à trouver des époux convenables pour ses deux aînées, qui sont désormais en âge de se marier. Après avoir échoué à unir l'une d'elles àWilliam B. LeedsJr., le richissime fils de sa belle-sœurNancy Stewart, au tout début des années 1920[188], la princesse envoieMarguerite etThéodora enGrande-Bretagne afin de les introduire dans la bonne société. Cependant, la relative pauvreté des deux jeunes filles et leur situation d'exilées ne font pas d'elles des partis très intéressants et elles restent célibataires jusqu'en 1931[189].
Deux semaines après avoir fêté sesnoces d'argent[198], Alice se convertit à lafoi orthodoxe le[199],[200]. À partir de, l'intérêt de la princesse pour la religion devient toutefois préoccupant. Convaincue d'être dotée depouvoirs thaumaturgiques[201], elle se dit aussi en contact avec des esprits, qui lui envoient des messages à propos de fiancés potentiels pour ses filles[202]. Tandis que son état de santé se dégrade[203], elle en vient à penser qu'elle est devenue la fiancée duChrist et qu'elle a été choisie pour délivrer un grand message à l'humanité[204],[197],[205]. Désemparés par la situation, André et ses enfants font appel à lamarquise de Milford Haven, qui se rend à Saint-Cloud en janvier pour veiller sur sa fille[206].
Elle y reste de longs mois et n'en sort qu'en, non sans avoir reçu de nombreuses visites de sa famille[212], mais seulement une d'André[213]. Entre-temps, chacune de ses filles s'est mariée avec un prince allemand et son époux est parti vivre dans lesud de la France avec sa maîtresse, après avoir confiéPhilippe à la garde des Mountbatten[214],[215].
Alice étant malheureuse àKreuzlingen, lamarquise de Milford Haven accepte de la faire transférer dans une autre clinique[216],[217]. Sur les conseils de lareine d'Italie, la princesse grecque est ainsi envoyée au sanatorium Martinnsbrünn deMérano, le[218]. Dans ce nouvel environnement, Alice voit son état de santé s'améliorer rapidement[219]. Convaincue d'avoir été trahie par ses proches, elle prend néanmoins la décision de ne pas revenir vivre auprès de sa famille et rompt tout lien avec les siens, exceptée sa mère[220].
En, la princesse quitte la clinique et s'installe àNervi, près deGênes[221]. C'est le début d'une longue période d'itinérance qui la conduit àTurin,Bâle,Mayence,Bad Kreuznach et dans la région deCologne, où elle reste durant plus de quatre ans[222]. En, la princesse s'installe auprès de la famille de Reinhold Markwitz, un ancien avocat et membre duparti social-démocrate avec lequel elle se lie d'amitié[223]. Pour Alice, cette rencontre se révèle extrêmement positive et elle la conduit à renouer progressivement avec ses proches[224].
Début 1937, la princesse retrouveCécile etPhilippe pour la première fois à l'occasion d'un déjeuner àBonn[225]. Plusieurs mois plus tard, en juin, Alice accepte une invitation deThéodora auchâteau de Kirchberg[226]. En juillet, Alice se rend auchâteau de Salem, où elle retrouveMarguerite et Cécile. De là, elle gagneBerlin, où elle renoue avecSophie[227]. Le comportement d'Alice est désormais si « classique » que ses filles la jugent totalement guérie. Sa mère, la marquise de Milford Haven, juge malgré tout plus prudent de continuer à la surveiller discrètement afin d'empêcher toute rechute[228]. Après un nouveau séjour chez les Markwitz en, Alice assiste aux funérailles de son oncle, le grand-ducErnest-Louis de Hesse, àDarmstadt, le. C'est l'occasion pour la princesse de retrouver son frèreGeorge et sa sœurLouise[229].
Un mois plus tard, une tragédie vient frapper Alice. Le, la princesseCécile, alors enceinte, son épouxGeorges-Donatus de Hesse-Darmstadt et deux de leurs enfants périssent dans unaccident d'avion près d'Ostende[230]. Durant les funérailles qui s'ensuivent, Alice revoitAndré pour la première fois depuis. En dépit des circonstances, leurs retrouvailles se passent bien, mais n'aboutissent pas à la reprise d'une vie commune[231], malgré le désir d'Alice en ce sens[232]. D'après le témoignage de sa famille, la mort de Cécile termine de guérir Alice, qui n'est plus jamais sujette à des délires mystiques après la perte de sa fille[233].
Portrait d'Alice parPhilip de László, en 1907. Collection privée du duc d'Édimbourg.
Après un séjour de quelques semaines enSuède auprès de sa sœurLouise[234], Alice revient vivre enAllemagne[235]. Elle se rend ensuite auRoyaume-Uni pour assister à l'anniversaire de sa mère et aux funérailles de son frèreGeorge[235]. En 1931, ce dernier avait pris en charge l'éducation dePhilippe et l'adolescent passe alors sous la garde de son autre oncle maternel,Louis Mountbatten[236]. À Londres, Alice s'investit quelque temps auprès des nécessiteux et œuvre notamment en direction de ladiaspora russe blanche[237]. Cependant, un nouveau projet germe alors dans l'esprit de la princesse. Désireuse d'offrir un foyer à son fils après des années d'exil, elle décide de retourner vivre enGrèce, où elle espère en outre pouvoir se rendre utile auprès des déshérités[238].
Rentrée àAthènes en, Alice s'installe dans un petit appartement situé non loin dumusée Benaki, auno 8 de la rue Coumbari[192],[238]. André ne lui versant aucun argent depuis des années, la princesse vit d'une pension que lui octroie sa belle-sœur,Edwina Ashley[236]. Satisfaite de sa nouvelle situation, la princesse peine malgré tout à se réhabituer aux exigences de la vie de cour[247]. Elle espère en outre voir Philippe la rejoindre pour s'engager dans lamarine hellénique[248], sans succès[249]. Quelques mois plus tard, Alice a la douleur de perdre l'une de ses petites-filles, la princesse Jeanne, seule enfant survivante deCécile etGeorges-Donatus[250]. Elle se rend alors enAllemagne, auRoyaume-Uni et enFrance, avant de rentrer en Grèce au moment du déclenchement de laSeconde Guerre mondiale[251].
Comme en1914, laguerre divise la parentèle d'Alice. Alors que laGrèce proclame saneutralité[252],Philippe suit les pas des Mountbatten et s'engage dans laRoyal Navy. De leur côté, les quatre gendres d'Alice s'enrôlent dans l'armée duTroisième Reich[253]. En dépit des événements, la princesse parvient à rester en contact avec ses filles par l'intermédiaire de l'ambassadeur d'Allemagne àAthènes, qui n'est autre que son cousin, le princeVictor d'Erbach-Schönberg[254]. En octobre-,André effectue un dernier séjour en Grèce et Alice le revoit avec plaisir. Quelques mois plus tard, le prince se retrouve coincé enFrance après l'invasion du pays par les forces de l'Axe[254]. Cela n'empêche pas Alice de se rendre enSuisse durant l'été 1940 afin d'y retrouver ses filles[252]. Cette année est également marquée par les décès successifs du princeChristophe et de la princesseMarie de Grèce, avec lesquels Alice était très proche[255],[256],[257].
En dépit des événements, Alice continue à percevoir la pension que lui alloueLady Mountbatten, ce qui ne l'empêche pas de connaître les restrictions économiques et alimentaires[268]. En, Alice quitte son petit appartement et emménagerue de l'Académie, dans la résidence de son beau-frère le princeGeorges[269]. Pendant la journée, elle contribue à l'organisation desoupes populaires pour lesAthéniens affamés[269]. Elle organise également un service d'infirmerie dans plusieurs quartiers de la capitale et prend sous son aile de nombreux orphelins[270]. La princesse s'implique d'ailleurs tellement dans son travail qu'elle perd 26 kilos durant le premier hiver de l'occupation[269],[271].
En, Alice obtient unvisa des autorités allemandes sous le prétexte de rendre visite à sa sœurLouise, enSuède[272]. Le but de son voyage, qui se prolonge jusqu'en septembre, est en réalité de ramener du matériel médical en Grèce[273]. C'est aussi l'occasion, pour la princesse, de retrouver ses filles lors de ses escales àBerlin[274]. Il ne faut toutefois pas voir dans ce séjour une quelconque accointance entre Alice et le Troisième Reich. Au contraire, lorsqu'un général allemand est venu lui rendre visite au début de l'occupation afin de lui demander ce qu'il pouvait faire pour elle, la princesse lui a répondu fermement :« Vous pouvez retirer vos troupes de mon pays ! »[269]. De fait, Alice n'est nullementantisémite et elle se montre choquée par lespersécutions dont sont victimes les Juifs grecs. À partir d', elle cache ainsi dans sa résidence la veuve et les enfants du députéHaimaki Cohen, unJuif de Thessalonique autrefois lié au roiGeorges Ier[275],[276].
En, Alice retourne en Allemagne pour s'occuper deSophie, qui vient de perdre son époux,Christophe de Hesse-Cassel, et qui est alors sur le point d'accoucher d'une petite fille. Très inquiète pour sa benjamine (dont lebeau-frère et labelle-sœur viennent d'être arrêtés sur l'ordre d'Hitler), la princesse grecque reste àFriedrichshof jusqu'en, date à laquelle elle regagne finalement Athènes[277].
Après lalibération d'Athènes en, le futurPremier ministre britanniqueHarold Macmillan rend visite à la princesse Alice, qu'il décrit comme« vivant dans des conditions très humbles, pour ne pas dire sordides ». L'homme politique insiste alors auprès de la princesse pour savoir si elle a besoin de quelque chose et celle-ci finit par reconnaître qu'elle« dispose de suffisamment de pain » mais ne possède absolument aucune réserve,« ni sucre, thé, café, riz ou nourriture en conserve »[271],[278]. Lorsque l'homme politique fait parvenir des vivres à la princesse, ses domestiques éclatent en sanglots, car la maisonnée était affamée et n'avait plus consommé de viande depuis de nombreux mois[279].
Malgré le départ des Allemands, le roiGeorges II et safamille ne sont pas autorisés à rentrer enGrèce. Durant la période d'occupation, leparti communiste s'est considérablement développé dans le pays et nombreux sont ceux qui voudraient proclamer la république[280]. En, deviolents combats opposent larésistance communiste aux forces britanniques dugénéral Scobie[281],[282]. Dans les mêmes moments, la princesse est informée de la mort, àMonaco, du princeAndré, avec lequel elle n'avait plus aucun contact depuis leur dernière rencontre, en[271],[283]. Peu de temps après, les combats qui sévissent dans la capitale obligent la grande-duchesseHélène Vladimirovna à quitterPsychikó et à s'installer auprès d'Alice,rue de l'Académie[284].
Au grand déplaisir des Britanniques et malgré les combats, la princesse continue à sortir dans la rue pour mener ses activités charitables[285],[286]. Lorsque son ami le major Gerald Green la réprimande en disant qu'elle pourrait recevoir une balle perdue, elle répond :« on m'a dit qu'on n'entendait pas le coup qui nous tue et, de toute façon, moi je suis sourde. Alors pourquoi se préoccuper pour cela ? »[286],[287]. Après de nouvelles négociations, l'archevêque-primatDamaskinos d'Athènes est finalement nommérégent de Grèce le. Dans la foulée, un cabinet républicain est mis en place, avecNikólaos Plastíras à sa tête[282],[285]. En dépit de ces événements, lamonarchie est restaurée après unenouvelle consultation populaire, en[288],[289]. C'est le début d'uneguerre civile qui dure jusqu'à l'écrasement des communistes, en[290].
Désireuse d'atténuer l'humiliation que ses filles ont dû affronter au moment des noces de leur frère, Alice les convie successivement à Athènes avec leurs enfants en 1948[303]. Depuis la restauration, Alice perçoit une petite pension de l'armée grecque, en tant que veuve de général. Elle continue par ailleurs à toucher une allocation de sa belle-sœurEdwina Ashley et sa sœurLouise Mountbatten lui octroie elle-aussi un peu d'argent chaque mois[304]. Pourtant, la princesse traverse des difficultés financières à cause de sa tendance à donner tout ce qu'elle possède à l'Église ou aux nécessiteux. C'est la raison pour laquelle son fils Philip finit par acheter pour elle un petit appartement situé auno 61 de la rue du patriarche-Joachim, à Athènes[305].
En, Alice quitte la capitale hellénique pour s'installer sur l'île deTinos, unimportant site depèlerinage marial[306]. Quelques mois plus tard, le, la princesse annonce à sa famille qu'elle se« retire du monde » et qu'elle va créer une communauté monastique, la « fraternité chrétienne de Marthe-et-Marie », sur le modèle de celle fondée autrefois par sa tante, la grande-duchesseÉlisabeth Féodorovna de Russie[307],[308]. Dans l'esprit d'Alice, il s'agirait de former des jeunes femmes qui prendraient le voile dans le but de soigner les nécessiteux. Les religieuses ne seraient donc pas recluses, mais elles devraient s'engager à ne pas quitter leur communauté plus de quatre semaines par an[309].
En dépit de la bonne volonté d'Alice, sa communauté orthodoxe périclite rapidement. De fait, la princesse manque d'argent pour mener à bien son projet. Surtout, son engagement religieux est bien moins profond que celui de sa tante et elle quitte fréquemment Tinos pour s'acquitter de ses obligations personnelles et familiales. Or, en son absence, ses disciples perdent leur motivation et, dès septembre 1949, la communauté est désertée par ses membres. Dans ces conditions, Alice abandonne lesCyclades et revient s'installer àAthènes[311]. Dans sa famille, l'attitude d'Alice soulève l'incompréhension. Sa propre mère se demande ainsi :« Que dire d'une nonne qui fume et joue à lacanasta ? »[312],[313].
En dépit de cet échec, Alice poursuit ses projets religieux et fonde une nouvelle communauté monastique au nord d'Athènes[314]. À la demande du patriarcheAthénagoras Ier de Constantinople, qui voudrait créer un couvent similaire à celui d'Alice àNew York, la princesse se rend par ailleurs auxÉtats-Unis afin d'y rencontrer l'archevêque d'Amérique en[315]. Elle y retourne en dans le but de lever des fonds pour son couvent[316]. Grâce à l'argent collecté, sa communauté connaît un certain essor et elle crée de petits hôpitaux dans plusieurs îles de l'Égée[317]. Cependant, ce développement n'est que transitoire et la communauté est finalement dissoute en 1959[313],[318].
En, la princesse perd sa mère, lamarquise de Milford Haven, avec laquelle elle était restée très proche[319], malgré la peine causée par sa décision de la faire interner àKreuzlingen en 1930[320]. Quelques semaines plus tard, la sœur d'Alice,Louise Mountbatten, devientreine de Suède lorsqueGustave VI Adolphe monte sur letrône[321]. En, c'est au tour de la belle-fille d'Alice de ceindre la couronne deGrande-Bretagne après la mort du roiGeorge VI[316]. En, la princesse assiste donc aucouronnement d'Élisabeth II. Voilée et vêtue de la robe grise de sa communauté, Alice est alors accompagnée de ses filles, de ses gendres et d'une partie de ses petits-enfants allemands, qui n'ont pas été exclus de la cérémonie commeen 1947[322]. En dépit de la splendeur de l'événement, Alice s'inquiète surtout pour son filsPhilip dont la carrière dans laRoyal Navy est brisée par l'intronisation de son épouse[323].
Après lecouronnement de sa belle-fille, Alice assiste encore à quelques cérémonies officielles organisées enGrèce, mais elle se montre particulièrement discrète en Grande-Bretagne, où elle reste largement inconnue du grand public[324]. En 1954, la princesse participe ainsi à une grande réception organisée àTatoï à l'occasion de la « croisière des rois », imaginée par lareine des HellènesFrederika[325]. C'est cependant surtout à l'occasion des funérailles des membres de sa parentèle qu'Alice apparaît en public. Dernière des membres de lafamille royale de Grèce de sa génération, Alice assiste ainsi aux obsèques d'Hélène Vladimirovna de Russie (1957)[326], deGeorges de Grèce (1957) et deMarie Bonaparte (1962)[327]. La disparition de la grande-duchesse Hélène est pourtant l'occasion d'un refroidissement des relations entre Alice et les souverains grecs[328]. Au fil des années, la princesse a développé une certaine antipathie pour Frederika[329] mais sa mise à l'écart par la reine au moment de l'agonie d'Hélène conduit Alice à refuser tout contact avec le couple royal. Dans ces conditions, la souveraine grecque n'a d'autre choix que de présenter des excuses à sa tante en 1958[330].
Les années passant, la famille d'Alice s'agrandit. Grand-mère de vingt petits-enfants nés entre 1932 et 1964 (5 Hohenlohe-Langenbourg, 3 Bade, 5 Hesse-Cassel, 3 Hanovre et 4 Windsor)[331], la princesse a la joie d'apprendre que Philip et Élisabeth ont choisi de prénommer leur deuxième fils, né en 1960,Andrew en l'honneur de son défunt époux[332]. En 1957, Alice devient par ailleurs arrière-grand-mère pour la première fois avec la naissance de Tatiana « Tania » de Yougoslavie, fille deChristine de Hesse-Cassel et d'André de Yougoslavie[327]. Avec ses descendants, Alice apparaît parfois comme une grand-mère distante à cause de sa surdité et de son caractère austère[333]. Elle développe malgré tout une réelle intimité avec certains d'entre eux, et en particulier avec le princeCharles et la princesseAnne du Royaume-Uni[334].
Alice (à gauche) lors des funérailles de sa sœurLouise (1965).
Les années passant, Alice se sent de plus en plus seule àAthènes[335], même si elle y reçoit quelques visites[336], comme celle de sa niècePamela Mountbatten, en 1958[337]. La princesse grecque recherche donc la compagnie de ses enfants et de sa sœurLouise, ce qui l'amène à de fréquents séjours enAllemagne, auRoyaume-Uni et enSuède[338],[339].
En, Alice visite l'Inde sur l'invitation deRajkumari Amrit Kaur, une ancienne disciple duMahatma Gandhi qu'elle a rencontrée lors d'une conférence organisée à Athènes par laCroix-Rouge[340]. Le voyage est cependant écourté après que la princesse est subitement tombée malade[341], obligeant sa belle-sœur, l'ex vice-reineEdwina Ashley, à s'excuser pour son attitude auprès de ses hôtes indiens[341]. Alice raconte plus tard qu'elle a vécu à cette occasion uneexpérience de décorporation[342]. Tout cela n'empêche pas la princesse grecque de se rendre, en 1961, en voyage privé àBahreïn pour y retrouver son ami le major Gerald Green[343]. Elle retourne ensuite dans l'émirat en 1965 et y fête ses 80 ans en toute discrétion[344].
De fait, les années 1960 sont surtout marquées par de nouvelles disparitions dans l'entourage proche de la princesse. Après avoir perdu sa belle-sœur Edwina Ashley (en 1960)[349] et ses gendresGottfried de Hohenlohe-Langenbourg (en 1960)[350] etBerthold de Bade (en 1963)[351], Alice est particulièrement affectée par la mort de sa sœur Louise Mountbatten (en 1965)[352].
Sous le règne deConstantin II, le climat politique se dégrade fortement enGrèce[353] et Alice, qui s'est toujours intéressée aux questions institutionnelles[354], s'en émeut, même si elle est convaincue de l'étroitesse des liens qui unissent la couronne et l'armée[355]. Pourtant, le, ungroupe de colonels renverse le gouvernement et impose sadictature au pays[356],[357]. Réfugiée aupalais royal au moment du coup d'État, Alice retourne vivre dans son appartement de la rue du patriarche-Joachim peu de temps après[358]. Préoccupées par la situation de leur mère, les princessesThéodora etSophie se rendent alors successivement àAthènes pour la persuader de quitter la Grèce[359]. C'est finalement l'invitation personnelle de la reineÉlisabeth II qui convainc Alice de partir vivre auRoyaume-Uni, en mai[360].
ÀLondres, la princesse emménage dans un petit appartement de deux pièces situé au deuxième étage dupalais de Buckingham[361]. Fumeuse invétérée[362], elle y mène une vie discrète, profitant de la compagnie deson fils et de ses petits-enfants[363],[339]. Cependant, sa santé déjà chancelante depuis plusieurs années[364] ne tarde pas à décliner rapidement. Souffrant de problèmes decœur et defoie[365], elle passe tout le mois de à l'hôpital[366]. Rapatriée à Buckingham, Alice se retrouve fortement diminuée et dépendante, même si elle conserve son entière lucidité[367]. Dans le même temps, la situation politique se dégrade encore davantage en Grèce, où le roi Constantin II est contraint à l'exil après avoir tenté uncontre-coup d'État le[367].
Durant ses derniers mois, Alice reçoit de fréquentes visites de ses filles et de son frère,Louis Mountbatten[367]. En, cependant, la princesse a la douleur d'apprendre le décès de Théodora, qui s'éteint dans une clinique deConstance[368]. Après cet événement, Alice décide qu'il est temps pour elle de mourir et elle se montre réfractaire aux traitements que lui impose son médecin. La princesse survit malgré tout deux mois à sa fille et s'éteint paisiblement durant son sommeil le[369].
Ayant appris l'arrivée de la dépouille de leur protectrice en Israël, les membres survivants de la famille Cohen décident alors de rendre publique son action durant laSeconde Guerre mondiale. Ils se mettent en contact avec lemémorial de la Shoah de Yad Vashem, qui décerne finalement à Alice le titre posthume de « Juste parmi les nations » le[374],[375],[376]. Un an plus tard, le, les deux derniers enfants de la princesse,Philip etSophie, sont conviés à Jérusalem pour assister à une cérémonie organisée en l'honneur de leur mère. Le duc d'Édimbourg déclare alors :« D'aussi loin que je me souvienne, elle n'a jamais parlé à personne de l'aide qu'elle avait apportée à la famille Cohen au moment où les Juifs grecs étaient menacés d'arrestation et de déportation vers les camps de la mort. Je pense qu'elle n'a jamais pensé que son attitude avait été spéciale. C'était une personne profondément religieuse, et elle devait considérer comme une réaction humaine totalement naturelle de porter secours à des êtres en état de détresse »[377].
↑Atteinte d'un cancer, Nancy Stewart prolonge son séjour aux États-Unis afin d'y subir de nouveaux examens (Vickers 2000,p. 178).
↑Le, le militaire fait ainsi un violent discours anti-monarchique devant le parlement, durant lequel il déplore qu'André ait échappé à son exécution (Vickers 2000,p. 179 etEade 2012,p. 47).
↑Sa famille s'étant plainte qu'à Jérusalem, sa tombe serait trop loin pour aller lui rendre visite, Alice rétorque :« Quelle absurdité, il y a là-bas un très bon service de bus ! » (Vickers 2000,p. 396).
↑ChloéFriedmann, « Schizophrène, mystique, exilée : la mère énigmatique du prince Philip, longtemps oubliée des Windsor »,Madame Figaro,(lire en ligne).
↑ClémentGarin, « The Crown : ce détail de l'intrigue de la saison 3 qui a été complètement inventé »,Télé Star,(lire en ligne).
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