Dépressif et alcoolique, il écrit de moins en moins après l'âge de30 ans. On peut cependant relever les poèmesTristesse,Une soirée perdue (1840),Souveniren 1845 et diverses nouvelles (Histoire d'un merle blanc, 1842). Il reçoit laLégion d'honneuren 1845 et est élu à l'Académie françaiseen 1852 au fauteuil 10. Il écrit des pièces de commande pourNapoléon III. Mort à46 ans, il est enterré dans la discrétion aucimetière du Père-Lachaise.
Né sous lePremier Empire, le, dans larue des Noyers (incorporée auboulevard Saint-Germain au milieu duXIXe siècle), Alfred de Musset appartient à une famille aristocratique, affectueuse et cultivée, lui ayant transmis le goût des lettres et des arts. Il prétend avoir pour arrière-grand-tanteJeanne d'Arc (son ancêtre Denis de Musset ayant épouséCatherine du Lys) et être cousin de la branche cousine deJoachim du Bellay[2],[3]. Une de ses arrière-grand-mères est Marguerite Angéliquedu Bellay[4], femme de Charles-Antoine de Musset.
Son père,Victor Donatien de Musset-Pathay, est un haut fonctionnaire, chef de bureau au ministère de la Guerre, et un homme de lettres né le près deVendôme[5],[6]. Aristocrate libéral, il a épousé le Edmée-Claudette-Christine Guyot des Herbiers[7], née le[8], fille deClaude-Antoine Guyot des Herbiers (dit Guyot-Desherbiers). Le couple a eu quatre enfants :Paul-Edme, né le, Louise-Jenny, née et morte en 1805, Alfred, né le et Charlotte-Amélie-Hermine, née le[9].
Son grand-père était poète, et son père était un spécialiste deJean-Jacques Rousseau, dont il édita les œuvres. La figure de Rousseau jouera en l'occurrence un rôle essentiel dans l'œuvre du poète. Il lui a rendu hommage à plusieurs reprises, attaquant au contraire violemmentVoltaire, l'adversaire de Rousseau. Son parrain, chez qui il passe des vacances dans la Sarthe au château deCogners, est l'écrivain Musset de Cogners.L'histoire veut que lors d'un de ses séjours dans le château de son parrain, la vue qu'il avait depuis sa chambre sur le clocher de l’église de Cogners lui ait inspiré laBallade à la Lune. Par ailleurs, il retranscrira toute la fraîcheur du calme et de l'atmosphère de Cogners dans ses deux pièces de théâtreOn ne badine pas avec l'amour etMargot[10].
Après son baccalauréat, il suit des études, vite abandonnées, de médecine, de droit et de peinture jusqu'en 1829, mais il s'intéresse surtout à la littérature. Il fait preuve d'une grande aisance d'écriture, se comportant comme un virtuose de la jeune poésie. Le paraît àDijon, dansLe Provincial, le journal d'Aloysius Bertrand,Un rêve, ballade signée « ADM ». La même année, il publieL'Anglais mangeur d'opium, une traduction française peu fidèle desConfessions d'un mangeur d'opium anglais deThomas de Quincey.
Il publie en 1829 son premier recueil poétique, lesContes d'Espagne et d'Italie[14], salués parPouchkine[15]. Il est d'ailleurs le seul poète français de son temps que le poète russe apprécie vraiment[16]. En 1830, à 20 ans, sa notoriété littéraire naissante s'accompagne déjà d'une réputation sulfureuse alimentée par son côté dandy et ses débauches répétées dans la société des demi-mondaines parisiennes. La même année, la révolution et les journées desTrois Glorieuses donnent le trône auduc d'Orléans et son ancien condisciple, le duc de Chartres, devient prince royal.
Auteur de théâtre
En, il écrit sa première pièce de théâtre (seul cegenre littéraire apporte alors argent et notoriété aux auteurs) : sacomédie en un acte,La Nuit vénitienne, donnée le à l'Odéon, est un échec accablant[17]. L'auteur déclare« adieu à la ménagerie, et pour longtemps », comme il l'écrit àProsper Chalas. S'il refuse la scène, Musset n'en garde pas moins le goût du théâtre. Il choisit dès lors de publier des pièces dans laRevue des Deux Mondes, avant de les regrouper en volume sous le titre expliciteUn Spectacle dans un fauteuil. La première livraison, en se compose de trois poèmes, d'un drame,La Coupe et les Lèvres, d'une comédie,À quoi rêvent les jeunes filles et d'un conte oriental,Namouna[18]. Musset exprime déjà dans ce recueil la douloureuse morbidité qui lie débauche et pureté, dans son œuvre.À 22 ans, le, Musset est anéanti par la mort de son père, dont il était très proche, victime de l'épidémie de choléra.
George Sand
En, il part pour Venise, en compagnie deGeorge Sand, dont il a fait la connaissance lors d'un dîner donné aux collaborateurs de laRevue des deux Mondes le. Mais Musset fréquente lesgrisettes pendant que George Sand est malade de ladysenterie et lorsqu'elle est guérie, Musset tombe malade à son tour, George Sand devenant alors la maîtresse de son médecin,Pietro Pagello.Ce voyage lui inspireraLorenzaccio, considéré comme le chef-d'œuvre dudrame romantique[19], qu'il écrit en 1834.
De 1835 à 1837, Musset compose son chef-d'œuvre lyrique,Les Nuits, rivales de celles d'Edward Young,James Hervey ouNovalis. Ces quatre poèmes :la Nuit de maietla Nuit de décembre en 1835, puisLa Nuit d'aoûten 1836 etLa Nuit d'octobre en 1837 – sont construits autour des thèmes imbriqués de la douleur, de l'amour et de l'inspiration. Très sentimentaux, ils sont désormais considérés comme l'une des œuvres les plus représentatives duromantisme français.
Alfred de Musset vu par le sculpteurFrançois Biron (1849-1926)
Vie sentimentale
Après sa séparation définitive d'avec George Sand, en, il tombe amoureux de l'épouse d'un juriste et sœur de son amiEdmond d'Alton-Shée, pair de France,Caroline Jaubert, qu'il appelle "la petite fée blonde". Leur liaison dure trois semaines avant de reprendre à la fin de 1835 ou au début de 1836. Hôte assidu de son salon, il en fera sa « marraine » et sa confidente, notamment tout au long de leur correspondance, qui s'étend sur vingt-deux ans[20]. C'est chez elle qu'il fait la connaissance, en, d'Aimée-Irène d'Alton, sa cousine, avec laquelle il entame une liaison heureuse et durable. Elle lui propose même de l'épouser. Abandonnée par Musset pourPauline Garcia, qui se refuse à lui, elle épousera son frère Paul le. Alfred rencontre, le, à la sortie du Théâtre-Français, la comédienneRachel, qui l'emmène souper chez elle, ils ont une brève liaison en juin.En 1842, la princesseChristine de Belgiojoso, amie de Caroline Jaubert, lui inspire une passion malheureuse.
Grâce à l'amitié du duc d'Orléans, il est nommé bibliothécaire duministère de l'Intérieur le. Le duc d'Orléans meurt accidentellement en 1842.
Après laRévolution française de 1848, ses liens avec lamonarchie de Juillet lui valent d'être révoqué de ses fonctions par le nouveau ministreLedru-Rollin, le. Puis, sous leSecond Empire, il devient bibliothécaire du ministère de l'Instruction publique, avec des appointements de trois mille francs, le.
Nomméchevalier de la Légion d'honneur le, en même temps queBalzac, il est élu à l'Académie française le au siège 10 dubaron Dupaty, après deux échecs en 1848 et 1850. La réception a lieu le suivant. Il fête le même jour sa nomination comme chancelier perpétuel au bordel et ses débordements alcooliques lui valent, de la part d'Eugène de Mirecourt, la formule de « chancelant perpétuel » au « verre qui tremble »[22]. Ces crises convulsives, associées à des troubles neurologiques, font penser à une syphilis au stade tertiaire qu'il aurait contractée dans un bordel à 15 ans[23].
En 1852, il a quelque temps, une liaison avecLouise Colet, la maîtresse deFlaubert.
Décès
De santé fragile[24], mais surtout en proie à l'alcoolisme, à l'oisiveté et à la débauche, il meurt de la tuberculose le à 3h15 du matin à son domicile du6 rue du Mont-Thabor - Paris1er[25], quelque peu oublié. CependantLamartine,Mérimée,Vigny etThéophile Gautier assistent à ses obsèques en l'église Saint-Roch. On n’a révélé la mort de son fils à sa mère, qui était partie vivre chez sa fille Hermine à Angers, qu’après son enterrement[26].
Mes chers amis, quand je mourrai, Plantez un saule au cimetière. J’aime son feuillage éploré ; La pâleur m’en est douce et chère, Et son ombre sera légère À la terre où je dormirai.
et sur la face arrière, le poèmeRappelle-toi :
Rappelle-toi, quand sous la froide terre Mon cœur brisé pour toujours dormira ; Rappelle-toi, quand la fleur solitaire Sur mon tombeau doucement s'ouvrira. Je ne te verrai plus ; mais mon âme immortelle Reviendra près de toi comme une sœur fidèle. Écoute, dans la nuit, Une voix qui gémit : Rappelle-toi.
« Personne n’a fait de plus beaux fragments que Musset, mais rien que des fragments ; pas une œuvre ! Son inspiration est toujours trop personnelle, elle sent le terroir, le Parisien, le gentilhomme ; [...] charmant poète, d’accord ; mais grand, non[30]. »
« Musset est un poète charmant, léger, délicat. [...] Grand ? non pas. [...] Si Musset a atteint la grandeur, c’est exceptionnellement, commeBéranger a atteint la poésie, par un coup d’aile qui ne s’est pas soutenu. Il a beaucoup imitéByron. [...] Il est très inférieur àLamartine[32]. »
Postérité
Statue d'Alfred de Musset et de sa muse auparc Monceau.
Son frère aînéPaul de Musset jouera un grand rôle dans la redécouverte de l'œuvre d'Alfred de Musset, par la rédaction de biographies et la réédition d'un grand nombre de ses œuvres, commeLa Mouche oules Caprices de Marianne.
L'un des textes de son recueilPoésies posthumes, intituléNous venions de voir le taureau, a été mis en musique parLéo Delibes en 1874 sous le nomLes Filles de Cadix.Édouard Lalo compose trois mélodies sur des poèmes d'Alfred de Musset,À une fleur,Chanson de Barberine etLa Zuecca, Ballade à la lune.
Son drameLa Coupe et les Lèvres a été à la base de l'opéraEdgar deGiacomo Puccini (1889).
En 1902,Charles Maurras consacreLes Amants de Venise à la relation que Musset entretint avecGeorge Sand. Analysant avec bienveillance les affres de leur passion, il décèle dans son issue tragique la preuve des dérèglements duromantisme qui ne recherche l'amour que pour ses transports. Pour Maurras, les âmes éduquées par la société et élevées par la religion ne doivent s'adonner à l'amour qu'à des fins supérieures.
Maurice Allem,Alfred de Musset, Grenoble, Arthaud, 1948.
Jean Louis Backès, José-Luis Diaz (dir.),Alfred de Musset : poésies, « faire une perle d'une larme » : actes du colloque d'agrégation du, Paris, SEDES, 1995.
Laurent Bourdelas,L'Ivresse des rimes, Paris, Stock, 2011.
Émile Henriot,Alfred de Musset, Paris, Hachette, 1928.
Léon Lafoscade,Le Théâtre d'Alfred de Musset, Paris, Hachette, 1901.
Sylvain Ledda,Alfred de Musset : les Fantaisies d'un enfant du siècle, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Littératures » (no 560), 2010.
Henri Lefebvre,Alfred de Musset dramaturge, Paris, L'Arche, 1955.
Frank Lestringant,Musset, Paris, Flammarion, 1998.
Paul Mariéton,Une histoire d'amour : George Sand et A. de Musset, Paris, Havard, 1897.
Charles Maurras,Les Amants de Venise : George Sand et Musset, Paris, Fontemoing, 1902.
Le filmLes Deux Amis, réalisé parLouis Garrel, sorti en2015, propose une variation sur le thème desCaprices de Marianne.
La Confession d'un enfant du siècle a également été adapté en un télé-film réalisé parClaude Santelli et présenté en 1974.
Iconographie
Musset est l'un des cinq personnages du tableauGeorge Sand dans l'atelier de Delacroix avec Musset, Balzac et Chopin[36] réalisé par le peintre péruvienHerman Braun-Vega à la demande des Musées de Châteauroux, en 2004, à l'occasion du bicentenaire de la naissance de George Sand. Dans son commentaire du tableau, Braun-Vega évoque la relation entre Musset et George Sand[37]. Le tableau est exposé pour la première fois en 2004-2005 auCouvent des Cordeliers de Châteauroux.
↑François-Xavier de Feller,Biographie universelle, ou Dictionnaire historique des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, Paris, J. Leroux, Jouby & Cie, et Gaume frères, 1849, tome VI,p. 155.
↑Paul de Musset,Biographie de Alfred de Musset : sa vie et ses œuvres, G. Charpentier, 1877, 372 pages,p. 18.
↑Nicolas Viton de Saint-Allais,Nobiliaire universel de France ou Recueil général des généalogies historiques des maisons nobles de ce royaume, Paris, 1815, tome VI,p. 105.
↑Mariée le 13 avril 1846 à Timoléon-Désiré Lardin, veuf depuis le 14 mars 1844, elle est décédée le. Ils ont eu un fils,Paul. Voir laRevue d'histoire littéraire de la France, Société d'histoire littéraire de la France, A. Colin., 1957,p. 354.
↑Dont laBallade à la Lune qui décrit un couple de bourgeois au lit sous l’œil goguenard de la lune, ce qui lui vaut d'être qualifié de poète licencieux par la critique littéraire classique.
↑La comédie est arrêtée après deux représentations authéâtre de l'Odéon, notamment à cause des sifflets du public et du ridicule subi par la comédienne principale dont la robe est tachée par la peinture des décors encore fraîche.
↑LoïcChotard,Approches du XIXe siècle, Paris, Presses de l'Université Paris-Sorbonne,, 454 p.(ISBN978-2-84050-168-8), « Confession à la marraine : Les lettres de Musset à Caroline Jaubert »,p. 163-172.
« Imaginons: Une visite à l'atelier de Delacroix... C'est l'année 1847. On surprend le maître en plein travail, il fait un portrait. George Sand garde la pose, entourée de Chopin, Balzac et Musset.[...] Musset, à l'ombre des tournesols, fait un geste étrange avec la main droite. Se souvient-il de Venise ? »