Né en 1901 d'une famille juive de la bourgeoise de Varsovie, Alfred Tajtelbaum reçoit une excellente éducation générale. Sa mère, Rachela (Róża) née Prussak (1879-1942) est issue d'une famille juive riche et influente qui possède l'une des premières usines produisant des tissus de laine à Łódź. Le père du futur logicien, Izaak (Ignacy) Tajtelbaum (1869-1942) est un marchand originaire de Varsovie. La famille Tajtelbaum entretient les traditions juives et célèbrent les fêtes traditionnelles. Le jeune Alfred apprend l'hébreu et étudie la Torah.
En 1918, il entreprend des études de biologie à l'université de Varsovie. CependantStanisław Leśniewski, qui dirige le département de mathématiques, le persuade d'abandonner la biologie et d'étudier la philosophie. En 1923, Tajtelbaum change son nom en Tarski et se convertit aucatholicisme. En 1924, il soutient sa thèse de doctorat sous la direction de Leśniewski, consacrée à lathéorie des ensembles. Un an plus tard, Tarski obtient son habilitation.
Pendant les 14 années suivantes, Tarski est professeur associé à l'université de Varsovie où il enseigne les bases des mathématiques et de la logique et devient assistant deJan Łukasiewicz. N’ayant cependant pas réussi à obtenir un poste à plein temps, il enseigne parallèlement les mathématiques dans des lycées.
En 1924, avec le mathématicienStefan Banach, Tarski publie un article intituléSur la décomposition des ensembles de points en parties respectivement congruentes. Le théorème que les scientifiques y développent est connu sous le nom deparadoxe de Banach-Tarski.
En juin1929, Tarski épouse Maria Witkowska avec laquelle il a deux enfants : Jan (Janusz), né en 1934 et Ina (Krystyna), né en 1938.
Il tente sans succès d’obtenir le poste de professeur de la chaire nouvellement créée à l’université de Léopol. Le concours, cependant, est emporté par le professeurLeon Chwistek. Déçu, Tarski se rend à Vienne, où il s'intéresse aux travaux duCercle de Vienne et en discute avecRudolf Carnap etKurt Gödel.
En1933 son article probablement le plus important[En quoi ?],Pojęcie prawdy w językach nauk dedukcyjnych (Le concept de vérité dans les langages des sciences déductives).
En août 1939, Tarski part auxÉtats-Unis pour participer au Congrès Science Unity àCambridge, Massachusetts. Ce voyage probablement lui sauve la vie. Il arrive à New York une semaine avant le déclenchement de laSeconde Guerre mondiale. Après l'invasion de la Pologne, Tarski décide de rester aux Etats-Unis. Sa femme et ses enfants l’y rejoindront après la guerre en 1946[2]. Les parents de Tarski seront morts àAuschwitz. Son frère cadet Wacław - un avocat, satiriste, poète, utilisant le pseudonyme artistique "Avocat Wacuś" - mourra en 1944 pendant l'insurrection de Varsovie.
En 1958, Tarski fonde le Groupe de Logique et Méthodologie des Sciences à l'université de Californie à Berkeley, dans lequel mathématiciens, logiciens et philosophes travaillent ensemble. Grâce à la passion et au dévouement de Tarski, l'école californienne de logique (autrement connu sous le nom d'école occidentale de théorie des modèles) est née[3].
Tarski est le directeur de pas moins de 22 doctorats à Berkeley. Plus tôt, à Varsovie, il a deux étudiants éminents :Mojżesz Presburger etAndrzej Mostowski.
Tarski est notamment connu pour sathéorie de la vérité[4] qui jeta les bases de lasémantique et de lathéorie des modèles[5]. Il eut, par ailleurs, une influence déterminante sur l'épistémologie deKarl Popper (de l'aveu même de ce dernier), laquelle a une dette considérable à la théorie de la vérité de Tarski comme correspondance avec les faits. (Voir le livre de Popper intituléLes deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance, édition Hermann, Paris, 1999).
En1933, Tarski publiePojęcie prawdy w językach nauk dedukcyjnych (Le concept de vérité dans les langages des sciences déductives). La traduction française, dansLogique, sémantique, méta-mathématique, A. Colin, 1976, a pour titreLe concept de vérité dans les langages formalisés.
Il donne le schéma d'interprétation de la vérité d'un énoncé, mais le prédicat « vrai » ne peut pas appartenir au langage sur lequel il porte, pour éviter leparadoxe du menteur :
"P" est vrai si et seulement si p.
(où p est la proposition exprimée par l'énoncé 'P')
Autrement dit :
"Ce chien est noir." est vrai si et seulement si le chien est noir.
Un des débats philosophiques sur la théorie tarskienne est de savoir si elle présupposeune vérité comme correspondance à la réalité (correspondantisme) ou si elle demeure neutre et serait plutôt une théorie dite « déflationniste » (dire "'p' est vrai" n'ajoute rien à "p") ou simplement « décitationnelle » (c'est-à-dire que le prédicat de vérité permet de retirer les guillemets de la citation).
Lethéorème de Tarski, montre que la notion de vérité des énoncés d'un langage formalisé, suffisamment riche, ne peut être définie dans ce langage, mais dans ce qu'il appelle unmétalangage (metajęzyk). La démonstration introduit des techniques assez proches de celles deKurt Gödel.
Tarski est l'auteur de nombreux résultats féconds dont il est difficile de faire l'inventaire. Il a notamment formulé plusieurs énoncés équivalents à l'axiome du choix et montré ladécidabilité de théories comme celle desalgèbres de Boole ou descorps algébriquement clos et l'indécidabilité de théories comme celle destreillis.
Pojęcie prawdy w językach nauk dedukcyjnych(Le concept de vérité dans le langage des sciences déductives), Varsovie, 1933.
Der Wahrheitsbegriff in den Sprachen der deduktiven Disziplinen,Akademischer Anzeiger der Akademie der Wissenschaften in Wien, Mathematisch-naturwissenschaftliche Klasse 69, 1932,p. 23–25.
Introduction à la logique, traduit de l'anglais par Jacques Tremblay S. J.,Gauthier-Villars et E. Nauwelaerts, collection de logique mathématique, série A, 1960.
Logic, Semantics, Metamathematics, Corcoran, J., ed. Hackett. 1st edition edited and translated byJ. H. Woodger, Oxford Uni. Press.
On the Concept of Following Logically trans. Magda Stroińska and David Hitchcock.History and Philosophy of Logic 23 : 155-196.