Sa famille d'agriculteurs n'était pas d'une piété fervente mais l'enfant était porté sur les études et trop peu robuste pour labourer la terre. Après ses études primaires, il poursuit ses études au collège public deVitry-le-François. Puis sa famille l'envoie au collège épiscopal deSaint-Dizier où l'idée lui vient d'entrer auséminaire. Sa décision étant peu mûrie et surprenante, le directeur du collège, prêtre et peu suspect d'anticléricalisme, tenta de l'en détourner, lui disant de passer le baccalauréat avant, ce que Loisy accepta sans problèmes.
En 1874, Loisy entre au grand séminaire deChalons-sur-Marne sans avoir passé son baccalauréat. Le séminaire le déçoit et il songe à se faire moine, mais cette fois, un de ses professeurs « fut assez habile pour [l]'y faire renoncer de [lui]-même[1]. »
Après avoir été ordonné sous-diacre, il est envoyé à l’École de théologie de l'Institut catholique de Paris. Tombé malade, il revient en Champagne où il est ordonné diacre () puis prêtre (). Il est alors brièvement curé deBroussy-le-Grand puis deLandricourt avant d'être nommé à Paris sur la recommandation de Duchesne[2].
Il a tracé de ses maîtres des portraits caustiques[3]. Il suit les cours d'assyriologie d'Arthur Amiaud à l'École pratique des hautes études. À l'Institut catholique de Paris, où il entra par la suite, il avança si vite dans l'étude de l'hébreu que le recteur,Maurice d'Hulst, lui confia rapidement un cours. Dès 1886 il est chargé de l'enseignement de l’Écriture sainte à l'Institut Catholique de Paris tout récemment ouvert. La publication de sa leçon de clôture de l'année 1891-1892, intituléeLa composition et l'interprétation historique des Livres Saints l'expose à l'hostilité de sa hiérarchie. Il y affirme que les Écritures Sacrées posent des problèmes d'histoire et doivent être examinées d'abord selon la méthode historico-critique pour n'être examinées qu'ensuite selon les principes de l'exégèse religieuse et de l'orthodoxie théologique. Il affirme aussi que la composition duPentateuque ne peut être attribuée à Moïse ou que lacréation du monde en six jours selon laGenèse ne peut reposer sur la moindre vraisemblance historique. Maurice d'Hulst, qui l'avait soutenu jusque-là, le suspend d'abord d'enseignement, puis le révoque définitivement en 1893. Il est nommé aumônier, chargé de l'éducation des jeunes filles dans un couvent de dominicaines à Neuilly. Il n'en continue pas moins ses recherches, publiant sous des pseudonymes[4], mais se trouve en porte-à-faux de plus en plus prononcé avec lesdogmes de l'Église catholique. Tombé gravement malade en 1899, il quitte son aumônerie et croit devoir l'année suivante renoncer par honnêteté à la petite pension que l'archevêché sert aux prêtres infirmes.
C'est alors que des amis le font nommer à l'École pratique des hautes études[5], ce qui prenait de court sa hiérarchie : « censurer un enseignement donné en Sorbonne paraissait un coup trop hardi, et l'on n'y pensa pas, au moins sousLéon XIII[6]. » En 1902, entendant réfuterL'Essence du christianisme (Das Wesen des Christentums) du théologien protestantAdolf von Harnack, Loisy fait paraîtreL'Évangile et l'Église. Ce livre, qu'on appellera le petit livre rouge, pour son format et la couleur de la couverture, fait un énorme scandale ; il est condamné dans plusieurs diocèses, Rome s'abstenant toujours de s'engager. En 1903, Loisy publieAutour d'un petit livre qui fait l'histoire des remous suscités par son précédent ouvrage.
L'année suivante, il est nommé à la chaire d'histoire des religions duCollège de France. Pendant laGrande Guerre, Loisy écrit deux ouvrages en rapport avec le conflit en cours :Guerre et religion (deux éditions, 1915), etMors et Vita (1916, 1917). Un an après sa retraite, il fait paraîtreLa Naissance du christianisme, en 1933 et réfute en 1934 lathèse mythique dePaul Louis Couchoud qui lui avait pourtant organisé son Jubilé en 1927. Cela brouille les deux hommes.
Alfred Loisy meurt en 1940. Il est inhumé àAmbrières.
Dans son ouvrage en réplique à la « philippique foncièrement anticatholique » du protestant Harnack, Loisy aura ces mots devenus célèbres[7] mais souvent cités à contre-sens[8] : « Jésus annonçait le Royaume, et c'est l'Église qui est venue »[9]. Cette formule à succès, qui entend désavouer la définition platonicienne de la religion défendue par Harnack, attise paradoxalement lacrise moderniste couvant déjà au sein de l'Église romaine, alors que remise dans son contexte, il apparaît pourtant que Loisy défend la continuité entre l'Évangile et l'Église[7] :
« Jésus annonçait le Royaume, et c'est l'Église qui est venue. Elle est venue en élargissant la forme de l'Évangile, qui était impossible à garder telle quelle, dès que le ministère de Jésus eut été clos par la Passion. Il n'est aucune institution sur la terre ni dans l'histoire des hommes dont on ne puisse contester la légitimité et la valeur, si l'on pose en principe que rien n'a droit d'être que dans son état originel. Ce principe est contraire à la loi de la vie, laquelle est un mouvement et un effort continuel d'adaptation à des conditions perpétuellement variables et nouvelles. Le christianisme n'a pas échappé à cette loi, et il ne faut pas le blâmer de s'y être soumis. Il ne pouvait pas faire autrement. »[10]
1903,Le Quatrième Évangile, Paris : Picard, 960 p.
1906,Morceaux d'exégèse, Paris : Picard, 215 p.
1907-1908,Les Évangiles synoptiques, Ceffonds : chez l'auteur (2 vol.), 1014 et 818 p.
1908,Simples réflexions sur le décret du Saint-Office "Lamentabile sane exitu" et sur l'encyclique "Pascendi dominici gregis", Ceffonds : chez l'auteur, 277 p. ; 2e éd., 307 p.
1908,Quelques lettres sur des questions actuelles et sur des événements récents, Ceffonds, chez l'auteur, 291 p.
1908,La religion d'Israël, Ceffonds : chez l'auteur, 297 p.
1909,Leçon d'ouverture du cours d'histoire des religions au Collège de France, Paris : Nourry, 43 p.
1910,Jésus et la tradition évangélique, Paris : Nourry, 287 p.
1911,À propos d'histoire des religions, Paris : Nourry, 326 p.
1912,Choses passées, autobiographie, publiée par l'Union pour la Vérité ; Paris : Nourry, 1913.
1920,Les Actes des Apôtres, Paris : Nourry., 963 p.
1920,Essai historique sur le sacrifice, Paris : Nourry, 550 p.
1922,La passion de Marduk, sacrifices cananéens et sacrifice israélite, la légende de Jésus, in : Revue d'histoire et de littérature religieuse, n° 3, Paris : Nourry.
1922,Les livres du Nouveau Testament, Paris : Nourry, 714 p.
1934,Le mandéisme et les origines chrétiennes, Paris : Nourry, 180 p.
1934,Y a-t-il deux sources de la religion et de la morale ?, Paris : Nourry, 224 p.
1935,Remarques sur la littérature épistolaire du Nouveau Testament, Paris : Nourry, 203 p.
1936Les Origines du Nouveau Testament, Paris : Nourry, 375 p.
1937,La crise morale du temps présent et l'éducation humaine, Paris : Nourry., 372 p.
1938,Autres mythes à propos de la religion, Paris : Nourry, 142 p.
1939,Un mythe apologétique, Paris : Nourry, 192 p.
1966,De la mort à l'espérance, Paris : Beauchesne (préface de Gabriel Marcel, commentaire par le P. Carré), 158 p.
2001L'Evangile et l'Église, Autour d'un petit livre, Jésus et la tradition évangélique, trois livres présentés par Jérôme Prieur et Gérard Mordillat, Paris, Noésis,
2003Écrits évangélique, textes choisis et présentés par Charles Chauvin, éditions du Cerf, 2003
AnneliesLannoy, CorinneBonnet et DannyPraet (Introduction et dossier épistolaire),"Mon cher Mithra ..." : la correspondance entre Franz Cumont et Alfred Loisy, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,(ISBN978-2-87754-374-3,présentation en ligne)
ElisabethScheele,Guerre et religion d'humanité chez Alfred Loisy, Éditions universitaires européennes,(ISBN9783639873276)
Gérard Mordillat -Jérôme Prieur, "Le crime de l'abbé Loisy", préface à la réédition de Alfred Loisy,L'Évangile et l'Église, Autour d'un petit livre, Jésus et la tradition évangélique, éditions Noésis, Paris, 2001, 482 p. (ISBN2-911606-98-1)