Il a fait fonction deChef des Wehrmachtführungsstabes imOberkommando der Wehrmacht enfrançais :« chef de l'état-major de la conduite des opérations militaires au Haut Commandement de la Wehrmacht », l’OKW, pendant la totalité de la durée de laSeconde Guerre mondiale (de à) ; à ce titre, en tant que second duGeneralfeldmarschallKeitel[b], il a pris une part importante dans la planification des opérations militaires allemandes.
Jodl a fait partie des vingt-quatre accusés devant letribunal militaire international de Nuremberg ; jugé coupable des quatre chefs d'accusation le, il est exécuté par pendaison deux semaines plus tard.
Alfred Jodl, né Baumgärtler, est le fils de Johannes Jodl, capitaine d'artilleriebavarois et de Therese Baumgärtler, non mariés au moment de sa naissance. Son père descend d'une famille bavaroise de militaires, d'originetyrolienne, sa mère est fille de paysans. En raison de la différence de classes sociales, les parents d'Alfred Jodl ne se marient qu'en 1899, après que Johannes Jodl a quitté l'armée. Ce n'est qu'à partir de ce moment qu'Alfred Jodl porte le nom de son père. Il grandit avec son frère cadetFerdinand Jodl. Il a également trois sœurs qui meurent en bas âge.
Alfred Jodl est d’abord scolarisé àLandau etMunich. Il poursuit ensuite ses études au Theresien-Gymnasium München jusqu'à l'âge de13 ans, puis s'engage, en 1903, dans le corps des cadets bavarois. Il n'obtient sonAbitur qu'en 1910 à l'âge de20 ans à cause de ses résultats inégaux ; par la suite, il fait partie des meilleurs éléments de sa promotion.
En, Jodl épouse Irma Gräfin von Bullion avec qui il reste marié jusqu'à la mort de celle-ci, le, àKönigsberg. Le couple n'a pas d'enfant. Veuf, Jodl se remarie le avec Luise Katharina von Benda (1905-1998), une amie de sa première femme et ancienne secrétaire au sein de l'OKH. Ce mariage reste également sans enfant.
Le, il participe de nouveau auFührergehilfenlehrgang II à Berlin. Il y fait la connaissance d'Adolf Hitler. La même année, il est promu capitaine. En, Jodl est envoyé au ministère de l'Armée àBerlin et en, il devient officier d'état-major à la7e division de Munich où il commande jusqu'en 1927.
En, à la suite de l'affaire Blomberg-Fritsch, une nouvelle structure de commandement de laWehrmacht est mise en place : l'Oberkommando der Wehrmacht (OKW) est créé. On y retrouve des nationaux-socialistes auxquels le régime peut faire confiance. Le WFA avec Jodl à sa tête intègre alors l'OKW et est directement subordonné à son chef,Wilhelm Keitel. Conformément aux règles de gestion de carrière, Jodl change de poste le pour devenir commandant d'artillerie à la44e division. C'estWalter Warlimont, ancien adjoint de Jodl, qui reprend le poste de Jodl.
Au quartier général de Prusse-Orientale (à laWolfsschanze),Hitler est entouré deKeitel (sur la photo à gauche) et Jodl (à droite).
Ce n'est qu'après le début de lacampagne de Pologne, le, que Jodl rencontre pour la première fois personnellementAdolf Hitler lors d'un trajet sur le front. Alors que la guerre contre la Pologne avait été planifiée par l'Oberkommando des Heeres (OKH, le haut commandement de l'Armée de terre), l'attaque du Danemark et de la Norvège (opération Weserübung) est quant à elle planifiée sur l'ordre de Hitler par ses soins[1]. Plus tard, toutes les opérations à l'Ouest et au Nord de l'Afrique sont guidées par l'OKW, seul lefront de l'Est reste sous le contrôle de l'OKH.
La compétence dans la préparation et l'exécution de la guerre à l'Est
Avec la vague de promotions qui a suivi la victoire sur la France, Jodl est promu leGeneral der Artillerie. Il saute alors le rang deGeneralleutnant. Répondant aux injonctions de Hitler[2], il planifie une campagne contre l'Union soviétique ; la directiveno 21 du18décembre 1940, connue sous le nom d'opérationBarbarossa, qui prévoit l'attaque de l'URSS, est préparée par Jodl et ses collaborateurs au sein de l'état-major de la Wehrmacht sur ordre de Hitler en personne[3]. Dans cette directive, il définit les orientations stratégiques de la campagne à venir. Il préconise une attaque surprise contre les troupes soviétiques, la conquête rapide de la Russie européenne, l'établissement d'un front à proximité d'une ligne reliant laVolga àArkhangelsk, à la fois pour sécuriser le Reich et pour pouvoir mener des campagnes debombardement stratégique au-dessus de l'Oural[4]. Dans ces instructions, Jodl insiste également sur les contraintes économiques de la campagne : il propose de sécuriser la Baltique (la route du fer) au Nord et de contrôler le richebassin industriel du Donetz le plus rapidement possible[4].
En, Jodl indique auxEinsatzgruppen de rendre« inoffensifs » les commissaires soviétiques et les « chefs bolchéviques » sur le théâtre d'opérations, sans manifester aucune hésitation (leKommissarbefehl)[5]. Par la suite, sur lefront de l'Est, les Einsatzgruppen se montreront coupables decrimes de guerre et decrimes contre l'humanité d'une grande ampleur.
Au milieu de l'été 1941, il se montre partisan d'une action rapide devant aboutir à la prise de Moscou, à la fois contre Hitler, qui défend la nécessité de la conquête prioritaire deLéningrad et de l'Ukraine et contreFranz Halder, partisan de grandes opérations de conquête en Ukraine et dans le Caucase[6].
En 1942, Jodl ayant appuyé Halder lorsqu'il s'est opposé à l'opération Fall Blau[7], Hitler prévoit de le remplacer par le généralFriedrich Paulus. Il lui est reproché d'avoir protégé les responsables du groupe d'armées du Caucase contre Hitler, en affirmant qu'ils avaient suivi les ordres du Führer. Durant la crise de, qui a pour objet la gestion desopérations dans le Caucase, Jodl affronte une nouvelle fois Hitler, et y perd le poste de conseiller pour la conduite de l'ensemble des opérations[8]. Après ladébâcle de Stalingrad, le projet de remplacer Jodl est abandonné.
Dans la phase de préparation de la guerre à l'Est, il est également informé par des confidences de Hitler de ses projets en Russie[9], confidences qu'il transforme en directives. Ainsi, au mois de, lors des préparatifs de l’opérationBarbarossa, Alfred Jodl signe le le fameux« ordre des commissaires », qui ordonne l'exécution des commissaires politiques, fonctionnaires duPCUS en poste dans les unités combattantes soviétiques[10].
Jodl porte également une responsabilité dans la déportation des Juifs d'Europe vers les camps de la mort. À l'automne 1943, sur une note du commandant de la Wehrmacht auDanemark,Hermann von Hanneken, qui ne voulait pas que l'état d'urgence soit utilisé comme prétexte à la déportation des Juifs, Jodl écrit« Bavardage. Ce sont des nécessités d'État[d]. »
À la fin de l'année 1943, il annonce lucidement aux responsables du NSDAP que la situation militaire du Reich dépend en grande partie de la capacité de la Wehrmacht à contenir les futures incursions alliées à l'Ouest[12].
Le30janvier 1944, le jour du onzième anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Hitler, Jodl est promuGeneraloberst. Membre de l'état-major chargé de la conduite des opérations militaires à l'OKW, il place ses espoirs de victoire dans lesarmes miracles, définissant dans une allocution à ses proches collaborateurs les objectifs militaires du Reich à court terme[13] : dans l'attente de ces nouvelles armes, il propose une stratégie destinée à permettre au Reich de résister sur place aux incursions alliées[14].
Lors de l'attentat contre Hitler le, Jodl est légèrement blessé, mais profondément choqué[15] : à ses yeux, les auteurs de l'attentat sont des traîtres, responsables de la« journée la plus noire de l'histoire allemande ». Le jour même, il se prononce pour des représailles impitoyables, garantes d'un retour à l'unité dans le commandement du Reich[15]. Il est conscient de la situation militaire du Reich au début de l'été 1944, mais, farouche opposant à une paix qui ne serait pas une paix de victoire, il se montre joyeux lorsqu'il rappelle les exigences alliées de capitulation sans condition[16]. Plus tardivement dans le conflit, enmars 1945, il multiplie les ordres du jour, les consignes aux commandants d'unités incitant à une résistance fanatique sur lefront de l'Ouest, en vue de créer les conditions d'une scission dans la coalition alliée[17].
Dans la seconde moitié de l'année 1944, il joue un rôle essentiel dans la préparation stratégique de l'offensive des Ardennes, lui conférant la dimension d'une offensive de la dernière chance[18], destinée à chasser les Alliés des territoires du Reich qu'ils occupent depuis l'automne[19] : il ne s'agit pas de vaincre définitivement les alliés occidentaux, mais, en remportant un succès de première importance, de les pousser à se retirer du conflit[20]. Mais ses plans d'attaque sont remaniés par Hitler, qui souhaite non seulement rééditer lapercée de 1940[21], mais aussi reprendreAnvers et son port[22]. Si Jodl a émis des doutes sur les chances réelles de succès de cette offensive, dont les contours ont été redessinés par Hitler, il se garde bien, à l'image des commandants du front, de les exprimer[23], tout en préparant l'offensive en Alsace du mois de janvier[24]. Dans le courant du mois de décembre, en tant que responsable de l'OKW, appuyant Hitler[25], il s'oppose aux demandes de transfert d'hommes et de matériel formulées le et le[26] parGuderian, responsable dufront de l'Est[24], qui présente à ces réunions des estimations faites par les responsables du renseignement militaire[25].
Au mois d'avril 1945, sous l'influence de Hitler, Jodl contribue à donner des ordres totalement irréalistes aux commandants des troupes en action, notamment àGotthard Heinrici, le commandant dugroupe d'armées Vistule, lui ordonnant de tenir le front de l'Oder et de lancer des offensives de dégagement de Berlin,investie par l'Armée rouge, le[27]. Cependant, s'il reste sous l'influence de Hitler, il commence à masquer certains mouvements de troupes à ce dernier à partir du[28].
Réfugié à Flensburg, il participe au gouvernement du même nom comme coresponsable des forces armées du Reich[29], négociant, à partir du, la reddition partielle des unités engagées contre les Britanniques[30], puis dans les jours qui suivent, sous la responsabilité deDönitz, nouveau président du Reich, il est l'un des principaux acteurs des pourparlers en vue de la négociation de la capitulation inconditionnelle du Reich : les échanges se prolongent autour du sort des soldats du Reich positionnés à l'est des lignes américaines[31].
Le, Jodl signe, àReims, en tant que mandataire du nouveau chef de l'ÉtatKarl Dönitz lacapitulation sans condition de la Wehrmacht, négociée par legouvernement de Flensbourg (toute négociation était exclue, même par Jodl, tant que Hitler était vivant[32]). Les termes de la capitulation, signée le à2 h du matin, ne devant entrer en vigueur que le à23 h 1, heure de Berlin, permettent aux responsables du gouvernement du Reich de tenter de transporter le maximum de troupes et de civils vers l'Ouest[33].
Lors duprocès du tribunal international de Nuremberg, Jodl est visé parquatre chefs d'accusation : complot, crime de guerre, crime contre la paix et crime contre l'humanité. Il plaide non coupable et ajoute :« Pour ce que j’ai fait ou eu à faire, j’ai une conscience pure devant Dieu, devant l’Histoire et devant mon peuple »[34]. Il est déclaré coupable au terme de près d'un an de procédure. Ce sont les professeursFranz Exner etHermann Jahrreiß(de) qui défendent Jodl. Ce dernier demande – tout comme Keitel – à être fusillé.
Le, Jodl est cependant exécuté parpendaison. Son corps est incinéré sous le faux nom de « Archibold K. Struthers » et ses cendres dispersées vers minuit dans l'Isar.
Luise, sa seconde femme, tente d'obtenir sa pension de veuvage après Nuremberg ; à cette fin, elle saisit laHauptspruchkammer de Bavière, tribunal chargé de ladénazification, en 1953[35]. Celle-ci rend un jugement favorable, estimant que Jodl n'aurait pas dû être condamné à mort lors de son procès à Nuremberg, et permettant le recouvrement de la succession. L'accusation renonce alors à tout recours et le jugement est prononcé le[36].
Cependant, la décision du tribunal qui réhabilite Jodl va à l'encontre des conclusions dujugement de Nuremberg, et lehaut-commissaire des forces d'occupation américaines s'appuie sur cette base pour faire casser le jugement. La veuve de Jodl argumente qu'elle n'a pas lancé la procédure pour en tirer un profit personnel et le représentant américain accepte que la succession soit débloquée et que la pension demandée soit versée, à la condition que le jugement de Nuremberg ne soit pas remis en cause. En application de cet accord, le ministre bavarois en charge révoque, le, le jugement du[36].
Tombe des deux épouses de Jodl (Irma et Luise), de sonfrère Ferdinand et de sa femme, Maria. La tombe servait aussi de mémorial pour Alfred Jodl.
Alors qu'une inscription sur la tombe en forme de grande croix de la famille Jodl, sur l'îleFrauenchiemsee en Bavière rappelle la mémoire d'Alfred Jodl, le conseil municipal deGstadt am Chiemsee a demandé à la famille le retrait des mentions le concernant, compte tenu de l'échéance de laconcession funéraire en. Devant le refus de la famille d'obtempérer, un procès devant le tribunal administratif de Munich a été intenté.
Dans un jugement en date du[37], la municipalité a été contrainte d'autoriser la prolongation de la concession funéraire pour une durée de dix ans avec une option pour dix ans de plus, compte tenu que la tombe n'était« pas un mémorial, mais une tombe familiale avec une pierre tombale ordinaire, comme on en trouve dans de nombreux cimetières »[38].
Afin de préserver la paix du cimetière, le demandeur a cependant accepté de retirer la « pierre d'achoppement » source du litige, à savoir le nom et les données de la vie d'Alfred Jodl, et a ainsi « tout fait pour enlever toute apparence de mémorial ». Une dalle de pierre cache dorénavant le nom complet d'Alfred Jodl et son grade deGeneraloberst[39].
↑Keitel a été leChef des Oberkommandos der Wehrmacht enfrançais :« chef du Haut Commandement de la Wehrmacht » de 1938 — date de l'éviction duGeneralfeldmarschallWerner von Blomberg — jusqu'à la fin du conflit en. Il convient toutefois d’observer que le commandant en chef des forces armées est, depuis 1935,Adolf Hitler ; ainsi Keitel, oua fortiori son adjoint Jodl, n'exercent aucun commandementdirect sur les autres branches armées :
laHeer (l'Armée de terre dont le commandant en chef est d’abordWalther von Brauchitsch puis, à compter de fin 1941, Hitler en personne) ;
laWaffen-SS (cette dernière organisation n'étant toutefois pas partie intégrante de laWehrmacht, même si elle participe activement aux opérations militaires) dont le commandant en chef est leReichsführer-SSHimmler.
Le rôle de Keitel et Jodl est en conséquence celui de la direction d’un état-major, en suivant fidèlement les directives de Hitler. Leur longévité dans ce poste — de 1938 à 1945 — est d’ailleurs une preuve tangible de cette fidélité aux ordres de Hitler.