Analyse et collecte du dessin-témoignage de l'enfant dans la guerre (1902-2001).
Œuvres principales
Vivre avec un enfant autistique (1978),J'ai dessiné la guerre (1991),L'accueil des enfants survivants (1994)
Citation
« Un enfant qui ne joue pas n’est plus un enfant »[1]
Distinctions
Médaille Hans Prinzhorn[2] ; 1er Prix, New York International Rehabilitation Film Festival
Membre de
Société française de psychopathologie de l'expression et d'art-thérapie (Président) ;Groupement de Recherches Pratiques pour l'Enfance (Secrétaire général et fondateur)
Né en 1910 àSaint-Mandé de parentsaustro-hongrois passant deux années en France pour des raisons professionnelles, Alfred Brauner est issu d'une prestigieuse famille viennoise[10]. Son oncle maternel,Erwin Wexberg(de), est neuro-psychiatre et l'un des pionniers de lapsychologie individuelle[10]. ÀVienne, sa famille organisait des concerts de musique classique privés auPalais Eszterhazy oùSigmund Freud était convié[11],[10]. Dans son enfance, il a connu les répercussions de la guerre et voit son père partir à laPremière Guerre mondiale pour servir dans l'armée austro-hongroise[6]. Pour le soustraire aux épidémies, ses parents l'envoient pendant laPremière Guerre mondiale dans une famille enMoravie[6]. En 1928, il rencontreFrançoise Brauner (née Fritzi Riesel) dans un camp d'été pour étudiants enAutriche, qu'il épousera en 1936[9]. Il soutient sa thèse de doctorat à l'université de Vienne en 1934, intitulée « L'unanimisme de Jules Romains », une correspondance s'établissant entre le jeune doctorant viennois etJules Romains[1]. Au moment de la mobilisation générale, Alfred sera mobilisé dans l’armée française à partir de 1939. Il est décoré de lacroix de guerre 1939-1945, cité à l'ordre de la division lors de labataille de l'Ailette[12]. En 1946, il soutient à l'université de Paris une thèse d'État sur les « Répercussions psychiques de la guerre moderne sur l'enfance »[1], puis présente la même année une thèse complémentaire intitulée « Plan, organisation et résultats de la maison de rééducation de l'enfance délinquante àKaiserebersdorf près de Vienne (Autriche) ». Son jeune frère émigre aux États-Unis après laNuit de Cristal et meurt le enGeorgie dans l'accident d'avion militaire du Boeing-29 de laUnited States Air Force, ce qui donnera lieu à l'affaire judiciaire américaineUnited States v. Reynolds(en)[13],[14],[15],[16].
Tout en poursuivant ses études à l'université de Vienne, Alfred Brauner commence son activité professionnelle en tant qu’éducateur dans un centre spécialisé dans l'enfance délinquante àKaiserebersdorf à Vienne de 1928 à 1933[17]. Pendant laguerre d’Espagne, il se porte volontaire dans lesBrigades internationales et est placé à la tête d’un comité d’aide aux enfants évacués ou réfugiés (Comitépro-niños), en raison de son expérience antérieure avec des enfants « inadaptés »[6],[18],[4],[19]. Il s'agit d'un foyer pour enfants évacués de Madrid et des Asturies après ladestruction de Guernica, le but étant d'aider les enfants espagnols des territoires républicains dans le pays même et dans la zone des combats[20],[6]. Finalement, Alfred rentra en France après la défaite de la République espagnole[21],[22].
Durant laguerre d’Espagne, Alfred et son épouse Fritzi (Françoise) découvrent le traumatisme des enfants victimes des guerres après avoir reçu d’une classe de Barcelone un ensemble de dessins. Il s’agit, en plus d’enfants catalans scolarisés qui ont eu la chance de rester dans leur école, de réfugiés de Madrid qui ont assisté à des événements tragiques. Les époux Brauner font l'analyse pédo-psychiatrique du dessin de l'enfant, mode d'expression graphique privilégié du jeune enfant, en soulignant ce qui leur paraît caractéristique du dessin de l'enfant dans la guerre[8], prenant des notes, créant des fiches médicales et des questionnaires. Un thème triple est à retenir des dessins et rédactions d'enfants de la guerre d'Espagne : « Ma vie avant la guerre - Ce que j’ai vu de la guerre - Comment je vois ma vie après la guerre », fruit d'un concours organisé par Alfred Brauner parmi les enfants de Barcelone en 1938[20]. C'est alors le début de leur œuvre sur les « enfants ayant vécu la guerre ». 4000 dessins d'enfants réfugiés et de nombreuses rédactions ont alors été recueillis en Espagne, qui plus tard, avec d'autres dessins d'enfants en guerre, permettront d'offrir un témoignage unique des conflits duXXe siècle à travers le regard des enfants[23]. Leur projet de publication de dessins-témoignages d'enfants dans la guerre reçoit le soutien d'Ilya Ehrenbourg et deRomain Rolland qui « regardait cette collection comme d’un intérêt pédagogique, historique et humain considérable »[1].
En 1939, aux côtés deFrançoise Brauner, d'Ernest Jouhy et d'Harry Spiegel(de), Alfred Brauner accueille 130 enfants juifs, originaires du Palatinat, de Berlin et d'Autriche[6], rescapés de laNuit de Cristal, auChâteau de la Guette, propriété de lafamille Rothschild et mis à disposition par la baronneGermaine de Rothschild[24],[25]. L'intention d'Alfred Brauner était d’analyser les problèmes posés dans le travail avec les enfants traumatisés par ce qu’ils avaient vécu et la séparation avec leur famille, dans le but de les adapter à une nouvelle vie et de les préparer à une insertion en France[6]. Il s'agissait d'une recherche dans le domaine d'une sociologie de l'enfance comme pour les enfants de la guerre d'Espagne[6]. Certains enfants étaient orphelins ; d'autres avaient été témoins de persécutions et n'étaient pas capables de décrire leurs expériences traumatiques dans leurs dessins[26]. Alfred et Françoise Brauner suggérèrent alors l'écriture d'un "livre" à propos de deux enfants prénommés Peter et Liselotte, auquel tous les enfants pourraient contribuer[26]. Alfred décrit ensuite cette expérience pédagogique dans sa thèse d'État soutenue en 1946, intitulée « Les répercussions psychiques de la guerre moderne sur l’enfance »[20].
Alfred Brauner se lance ensuite dans les publications pour la jeunesse en créant en 1945 la collection « Chiche ! La nouvelle édition » avec les dessinateursErik etEugène Gire[29],[30]. De 1946 à 1953, il s'investit, pour l'associationTourisme et Travail, dans le développement de colonies de vacances dans toute la France[31]. Avec l'architecte François Peatrick, il apporte des idées novatrices au concept de village d'enfants, en présentant un projet d'un centre de vacances pour jeunes qui sera construit par la société Dunlop[32],[33].
En 1950, Alfred Brauner créé le « Groupement de Recherches Pratiques pour l’Enfance » qui regroupe les professionnels de l’enfance afin d’élaborer des méthodes médico-pédagogiques destinées à l’éducation des enfants handicapés mentaux[17]. En 1955, il fonde un hôpital de jour pour enfants handicapés mentaux et physiques à Paris, qui sera transféré à Saint-Mandé en 1960 et travaille à la réadaptation de ces enfants dits « inadaptés » en privilégiant l’aspect éducatif[9],[7]. Alfred Brauner a été le parrain de l'associationEnfants Réfugiés du Monde, ainsi que l'unique président non-médecin de laSociété française de psychopathologie de l'expression et d'art-thérapie (SFPE-AT)[34],[35]. Il a été récompensé de la médailleHans Prinzhorn de laSociété germanophone de la psychopathologie de l'expression (DGPA) en 1976[2],[9]. En 1986,Jacques Chaban-Delmas lui offre la médaille de la ville de Bordeaux[10].
Au cours de leur carrière, les docteurs « Fred et Fritzi Brauner »[27] ont analysé des dessins-témoignages d’enfants collectés dans le monde entier auprès d'enfants d'une vingtaine de pays en guerre : la guerre des Boers, la Première Guerre mondiale, la guerre d’Espagne, l'Allemagne hiltérienne, Pologne 1939, les camps de concentration, Hiroshima-Nagasaki, Polisario, le Conflit israélo-palestinien, la guerre du Liban, la guerre d'Algérie, la guerre du Sahara occidental, El Salvador, Afghanistan, guerre du Golfe, Bosnie, Tchétchénie, etc.[8].
Parrain de l'association « Enfants Réfugiés du Monde »
1986 : Médaille de la ville de Bordeaux
1981 :Prix Monza pour l'ouvrage « Vivre avec un enfant autistique »,Biblioteca Italiana Per Ciechi « Regina Margherita », Villa Reale, Monza, Italie
1979 :First Prize,International Rehabilitation Film Festival dans la catégorie « Mental Health Professional » pour le film « Maison sans fenêtres », New York City, États-Unis
1976 : MédailleHans Prinzhorn de la Société germanophone de psychopathologie de l'expression (DGPA), Munich, Allemagne
Plan, organisation et résultats de la maison de rééducation de l'enfance délinquante à Kaiser-Ebersdorf, près de Vienne (Autriche), thèse complémentaire, Paris, université de Paris,.
Les répercussions psychiques de la guerre moderne sur l'enfance, thèse d'État, Paris, université de Paris, 1946, éd. impr. de Coquemard.
Der Unanimismus Jules Romains, (L'unanimisme de Jules Romains), thèse, Vienne (Autriche), université de Vienne, 1934.
Enregistrement sonore :Les Enfants des Confins, Entretiens sur l'autisme, Émission de France Culture, Alfred Brauner et Emmanuel Hirsch (real.), Madeleine Cooper (chant), Paris, éd. Radio France, distrib. Auvidis, 1985.
« Des jeunes pensent que... », Sud/Nord, 2002/1 (no 16),p. 107-111.
(avec F. Brauner),Des guerres et des enfants handicapés mentaux, Revue Européenne du Handicap Mental, 2000,p. 29-37.
Ces enfants ont vécu la guerre,Les enfants de la guette. Souvenirs et documents (1938-1945), Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), 1999,p. 57.
(avec F. Brauner),Pictures from an exhibition,Children in War: Drawings from the Afghan Refugee Camps, (Preface by Sayed B. Majrooh), Central Asian Survey, Incidental Papers Series n°5, London, éd. Society for Central Asian Studies, 1986.
(avec F. Brauner),Les enfants déportés pendant la deuxième guerre mondiale et leurs descendants, Revue de Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, N°6, 1985,p. 251-259.
Duroux Rose, Milkovitch-Rioux Catherine,Enfances en guerre. Témoignages d'enfants sur la guerre, éd. L'Équinoxe, 2013.
Duroux Rose, Milkovitch-Rioux Catherine,J'ai dessiné la guerre. Le Regard de Françoise et Alfred Brauner, éd. Pu Blaise Pascal,.
Traduction anglaise :I have drawn pictures of the war. The eye of Françoise and Alfred Brauner (2012).
Hazan Katy, Ghozlan Éric,À la vie! Les enfants de Buchenwald, du shtetl à l'OSE., Collection Témoignages de la Shoah, Préface d'Elie Wiesel, Éditions Le Manuscrit, Paris, 2005.
↑abc etdYannick Ripa, « Naissance du dessin de guerre. Les époux Brauner et les enfants de la guerre civile espagnole »,Vingtième Siècle. Revue d'Histoire,(lire en ligne, consulté le)
↑ab etcBrauner Françoise et Brauner Alfred,J'ai dessiné la guerre : le dessin de l'enfant dans la guerre, Expansion Scientifique Française,(ISBN2-7046-1378-8), Préface par Didier-Jacques Duché.
↑abcde etfwww.cairn.info, « Biographie du docteur Françoise Brauner »,Sud/Nord,(lire en ligne, consulté le)