Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant lesréférences utiles à savérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références ».
Alexandre est le deuxième fils d'Alexandre II. Très tôt, sa personnalité tranche sur celle de son père, réputé libéral (il a notamment supprimé leservage en Russie).
Tandis que son frère aîné,Nicolas Alexandrovitch, reçoit une éducation soignée, Alexandre« s'ennuie à périr aux leçons de ses gouverneurs ». En vain ses professeurs Grott et Soloviov tentent-ils de l'intéresser à l'histoire de son pays, le civilisteContantin Pobiédonostsev auxthéories du droit et le général Dragomirov à la stratégie[1]. Adolescent, il témoigne d'une force musculaire peu commune :« C'était l'Hercule de la famille[2]. »
Par ailleurs, Alexandre désapprouve la liaison de son père avecCatherine Dolgorouki.
Mais Alexandre aime une autre femme, laprincesse Mechtcherski (1844-1868) et a l'intention de renoncer au trône pour l'épouser. Alexandre II après avoir tancé son fils l'envoie auDanemark au printemps 1866 demander la main de la princesse Dagmar. Le vœu de Nicolas est donc réalisé le, date de la cérémonie de mariage.
De1865 à1881, Alexandre n'a pas de rôle important dans les affaires publiques, bien qu'il soit désormais héritier du trône deRussie. Depuis son mariage, il mène une vie retirée aupalais Anitchkov. Toutefois, il manifeste à de nombreuses reprises son désaccord sur la politique menée par son père, l'empereurAlexandre II. Conscient de son manque de préparation, il se tourne vers son ancien précepteurConstantin Pobiédonostsev, juriste de l'université de Moscou connu pour son extrême conservatisme, et qui devient plus tard procureur général duSaint-Synode[4]. Celui-ci répétait souvent :« Le salut de la Russie ne peut venir que de la Russie elle-même. »
Alexandre désapprouve ce qu'il considère comme une« influence étrangère excessive », tout particulièrement en ce qui concerne l'influence allemande. Il souhaite que des principes exclusivement nationaux soient adoptés dans les sphères de l'État, afin que la mosaïque d'ethnies différentes qui compose son pays devienne un État homogène, tant dans le domainereligieux quelinguistique ou administratif.
Son pèreAlexandre II ne cache pas de fortes sympathies allemandes, et utilise fréquemment l'allemand pour s'entretenir en privé. Il fonde ainsi sa politique étrangère sur une alliance avec laPrusse, première puissance allemande. Il ridiculise parfois les exagérations et les excentricités desSlaves.
La première manifestation publique de cet antagonisme est laguerre franco-prussienne de1870. Letsar soutient à cette occasion laPrusse, quand letsarévitch montre quelques sympathies vis-à-vis de laFrance. En réaction à la défaite de Sedan, il note dans son journal :« Quelle effroyable nouvelle !Mac Mahon détruit ! L'armée en déroute ! »
Inspirés par les révoltes des chrétiens desBalkans, les Bulgares se révoltent contre le pouvoirottoman au printemps 1876. Le sultanAbdülaziz réplique en envoyant 10 000 soldats irréguliers (les fameuxbachi-bouzouks) qui commettent de nombreux massacres. Par solidarité, la Serbie et le Monténégro déclarent la guerre à la Turquie, le, et sont écrasés par l'armée du nouveau sultanAbdul-Hamid, surnommé« le Sultan rouge ».Alexandre II, qui s'était assuré de la neutralité autrichienne, attaque le. Les Russes, aidés par les Roumains, traversent facilement leDanube, mais sont arrêtés à la forteresse dePlevna parOsman Pacha. Cette place forte tombe en décembre, après un longsiège.
Les Russes continuent sur leur lancée, ils prennentBatoum ainsi que la forteresse deKars en Arménie, et atteignentTrébizonde sur lamer Noire. Ils se dirigent aussi versConstantinople et prennentAndrinople à quelques kilomètres. Cette expansion des troupes russes inquiète de nombreux gouvernements. L'Angleterre ne souhaite pas que la Russie s'empare desdétroits. La paix est signée aux conditions du vainqueur par letraité de San Stefano, le.
Au début du conflit, l'empereur nomme le grand-ducNicolas Nicolaïevitch généralissime, ce qui est une grande déception pour le prince Alexandre qui espérait le poste[5]. Alexandre paraît au départ plusslavophile que le gouvernement russe, mais sa natureflegmatique le préserve de nombre d'exagérations d'autres slavophiles. Ses propres observations à la tête de l'aile gauche de l'armée enBulgarie dissipent rapidement les illusions populaires en vogue enRussie à propos desBulgares. Ces derniers étaient en effet représentés àSaint-Pétersbourg comme des martyrs et des saints[Note 1]. Comme la plupart de ses camarades officiers, Alexandre a des difficultés à concevoir de l'affection pour les« petits frères »Bulgares. Observateur direct du conflit, Alexandre ne partage pas la mauvaise réputation que ses contemporains russes accordent auxOttomans. Il se montre cependant discret sur ses opinions personnelles durant toute sa participation à la guerre[6].
Jamais consulté sur les questions politiques, le tsarévitch Alexandre montre une bonne tenue dans le cadre de ses devoirs militaires, qu'il remplit consciencieusement sans jamais faire obstruction aux ordres donnés. Il se rend compte toutefois de la nécessité de moderniser l'armée.
Après la guerre, le premier ministre britanniqueBenjamin Disraeli exige la révision du traité de San Stefano, et mobilise les réservistes pour intimider la Russie. La Russie espère qu'en échange du soutien russe lors de la création de l'Empire allemand, Bismarck aidera à résoudre laquestion d'Orient dans un sens favorable à la Russie.
Disraeli parvient à convaincre l'Autriche-Hongrie, et la plupart de ce que la Russie a obtenu dans le traité de San Stefano est sacrifié aucongrès de Berlin, le chancelier allemandBismarck ne voulant pas donner satisfaction à la Russie victorieuse.Bismarck se limite aucongrès de Berlin à être un« courtier honnête » sans aider à la résolution de ce problème, à l'indignation générale de la cour russe. Peu de temps après, il conclut une alliance avec l'Autriche-Hongrie, dans le but de contrecarrer les desseins russes en Europe orientale, notamment dans les Balkans. De plus, ni l'Angleterre, ni l'Allemagne et l'Autriche ne veulent d'uneGrande Bulgarie.
Le grand-duc Alexandre en tire la conclusion que la meilleure chose à faire pour laRussie est de réorganiser son armée et sa marine en vue de possibles affrontements futurs. À ces fins, il suggère un certain nombre de réformes.
Durant sa campagne enBulgarie, Alexandre observe la corruption et les graves désordres qui s'ensuivent dans l'administration militaire. De retour àSaint-Pétersbourg, il découvre de semblables abus au sein du ministère de la Marine. Il s'aperçoit que des personnages haut placés (comme deuxgrands-ducs) y sont impliqués. Son père, alerté, ne s'inquiète guère de ce que son fils lui montre. À cette époque, letsar a perdu la plus grande partie de son courage réformateur, à l'œuvre durant la première décennie de son règne. En conséquence, les relations entre le père et le fils se tendent un peu plus.
Le, des terroristes deNarodnaïa Volia assassinent l'empereurAlexandre II. Durant les dernières années de son règne, Alexandre II, agacé par la propagandenihiliste et l'augmentation du nombre de conspirationsanarchistes avait hésité entre renforcer l'autocratie ou faire des concessions aux aspirations de l'intelligentsia. Il s'était finalement décidé en faveur de la seconde solution ;le jour même de sa mort[réf. nécessaire], il signe unoukase créant un certain nombre de « commissions consultatives » qui auraient pu devenir des assemblées de notables.
Des règlements temporaires destinés à assurer la sécurité de l'État et l'ordre public sont promulgués à la fin de l'été 1881 dans plusieurs régions de l'Empire :
les fonctionnaires reçoivent des pouvoirs étendus en matière de police et de presse ;
toutes les libertés peuvent être suspendues par simple décret et les causes civiles portées devant les tribunaux militaires. Valable initialement trois ans, ce règlement provisoire est constamment renouvelé par la suite et reste en vigueur jusqu'à la fin du tsarisme.
En 1882 est créée la Section de protection de l'ordre et de la sécurité publique, plus connue sous le nom d'Okhrana : elle infiltre les petits groupes révolutionnaires d'agents provocateurs et en accélère la décomposition, qui se conclut en 1887 avec l'arrestation de 200 militants des cercles populistes à Moscou et d'un petit groupe d'étudiants à Saint-Pétersbourg qui préparait un attentat contre le tsar. Des apprentis terroristes, dontAlexandre Ilitch Oulianov (frère du futurLénine), sont condamnés à mort et pendus.
Le gouvernement impérial publie également des contre-réformes destinées à restreindre la portée des changements intervenus sous Alexandre II.
La réforme judiciaire est démantelée. L'indépendance et l'inamovibilité des magistrats sont abolies en 1885 ; la publicité des débats judiciaires limitée en 1887. En 1889, les juges de paix élus sont remplacés par des représentants de la noblesse terrienne nommés par le ministère de l'Intérieur qui cumulent ainsi les fonctions de juges et d'administrateurs locaux.
Les autonomies provinciales et municipales sont affaiblies. Les lois de 1890 sur leszemstvos et de 1892 sur les villes élèvent considérablement lecens électoral et retirent auxzemstvos et auxdoumas (assemblées) urbaines leurs compétences essentielles. Les décisions peuvent être supprimées par l'administration lorsqu'elles sont jugées inopportunes.
La réforme de l'enseignement est abolie. Les écoles primaires sont placées sous le contrôle de l'Église (1884) et le Statut des Universités de 1884 remplace celui de 1863 en mettant fin à leur autonomie ; les frais d'inscription sont triplés pour écarter des études les moins riches. En 1887, le ministre de l'Éducation Délianov ordonne d'« écarter des gymnases les enfants de cochers, laquais, cuisinières » qui ne peuvent devenir à l'école que des révoltés, d'où par dérision son surnom de circulaires des« enfants de cuisiniers ».
La définition de l'État russe élaborée parPobiédonostsev marque un durcissement du pouvoir politique russe à l'égard des peuples allogènes. Larussification devient la politique dynastique officielle, bien après l'émergence desnationalismesukrainien,finlandais,letton et autres[7]. L'usage et la diffusion des langues nationales sont limités : le russe est rendu obligatoire dans l'enseignement et l'administration, notamment dans les régions considérées comme russes par leurs traditions culturelles et religieuses, comme l'Ukraine (ou « Petite Russie ») et laBiélorussie. Le russe devient ainsi la langue d'enseignement officielle dans les provinces baltes en 1887[7], et la célèbreuniversité de Dorpat est contrainte de fermer en 1897 pour avoir continué à utiliser l'allemand, jusqu'alors une langue provinciale officielle[7]. Parallèlement, une politique favorable à l'orthodoxie (problème desuniates, favoritisme à l'égard des fonctionnaires orthodoxes) est mise en place. En Pologne, des sièges épiscopaux catholiques restent vacants et le projet de russifier l'enseignement, abandonné ensuite, soulève les plus vives critiques.
Vis-à-vis desArméniens, l'empereur inaugure une politique de répression en fermant les écoles confessionnelles arméniennes et, peu désireux que se développe un mouvement nationaliste aux frontières de l'Empire, réprime les activités des nationalistes arméniens en faveur des Arméniens de l'Empire ottoman. Il empêche notamment les tentatives d'infiltration à travers la frontière séparant les deux empires. Cette politique lui vaut la reconnaissance du sultanAbdülhamid II.
Les Juifs, considérés comme une « nationalité » à part et soumis à l'obligation d'habiter dans lazone de résidence en Pologne, Petite Russie, Russie blanche et quelques villes de Russie occidentale. Ils n'ont pas officiellement le droit de vivre à Moscou et doivent avoir une permission pour vivre dans la capitale Saint-Pétersbourg. La communauté juive est donc victime tout à la fois de l'antisémitisme d'État, concrétisé par leslois de mai en 1882 (ils servent de boucs émissaires pour détourner les mécontentements), et de l'antisémitisme populaire (sous des prétextes économiques ou religieux). Un numerus clausus est mis en place dans les universités pour limiter le nombre d'étudiants juifs, dans leur majorité hostiles au régime. En conséquence l’émigration juive vers les États-Unis s'accroît fortement à partir de 1880[8].
Ces mesures dressent contre l'Empire des franges importantes des populations allogènes : l'historienHugh Seton-Watson(en) alla jusqu'à dire que larévolution de 1905 fut« autant une révolution des non-Russes contre la russification qu'une révolution des ouvriers, des paysans et des intellectuels extrémistes contre l'autocratie. Les deux révoltes étaient bien entendu liées : la révolution sociale ne fut jamais plus violente que dans les régions non russes, avec pour protagonistes des ouvriers polonais, des paysans lettons, et des paysansgéorgiens. »[9]
La Russie, restée essentiellement agricole, s'efforce de devenir rapidement une puissance industrielle. Le gouvernement favorisa cet essor par une politiqueprotectionniste; pour protéger les droits de douane sur les machines, la houille et le fer importés[10].Serge de Witte, ministre des Communications puis des Finances à partir de 1892 sut par une habile politique financière attirer les capitaux étrangers en Russie, principalement français, et grâce aux emprunts (les fameuxemprunts russes) contractés en France fit accélérer l'industrialisation, l'extraction minière et l'équipement ferroviaire du pays.
Pendant que l'influence autrichienne se développait en Serbie (protectorat autrichien en 1881) et en Roumanie (protectorat autrichien en 1883), celle de la Russie s'affaiblissait en Bulgarie, demeurée principauté vassale de l'Empire ottoman depuis lecongrès de Berlin.
Cette occupation entraîne de nouvelles négociations avec la Grande-Bretagne : les deux pays se mettent d'accord pour fixer la frontière et délimiter les zones d'influence, la Russie au nord et la Grande-Bretagne au sud, dessinant sur les cartes lebec de canard de Wakham entre les possessions russes et les Indes britanniques.
Les deux gouvernements signent en 1891 un accord politique proclamant leur entente et leur décision de se consulter en cas de menace sur la paix. Le est signée avec lamanufacture d'armes de Châtellerault une commande de 500 000 fusils « Mossine-Nagant » (dérivé notamment duLebel). Une convention militaire secrète est signée un an plus tard. L'Alliance franco-russe de 1893, à Paris, avec le président de la République françaiseSadi Carnot et son ministre de la MarineHenri Rieunier se poursuit avec le présidentFélix Faure en 1896 et continue jusqu'en 1917.
Alexandre III de Russie appartient à la maison desRomanov, issue de la première branche de la maison d'Oldenbourg-Russie (Holstein-Gottorp-Romanov), issue de la première branche de la maison d'Holstein-Gottorp, elle-même issue de la première branche de lamaison d'Oldenbourg.
↑Dans le calendrier julien, le 11 mai dans le calendrier grégorien.
↑Déjà en 1866, il écrivait au futur empereur d'Allemagne, le prince-régent de Prusse Frédéric-Guillaume :« L'alliance de la France et de la Russie est chose tellement naturelle qu'il y aurait folie à ne pas s'y attendre, car, de toutes les Puissances, ce sont les seules, qui par leur situation géographique et par leurs visées politiques, renferment le moins d'hostilité, car n'ayant pas d'intérêts qui se combattent nécessairement. »
↑« Nous ne pensions pas que la guerre traînerait si longtemps ; au début, tout allait bien et nous pouvions espérer une fin rapide ; puis, tout à coup, ce malheureux Plevna ! Ce cauchemar de la guerre[…] » — Lettre d'Alexandre à Pobiédonostsev, 8 septembre 1877, dansTroyat 2004,p. 31.