Dans lesannées 1940, la ville a perdu son principal accès à la mer lorsqu'Antioche etAlexandrette sont rattachées à laTurquie. Ce déclin a contribué à la préservation de l'ancienne ville d'Alep, son architecture médiévale et son patrimoine traditionnel classé aupatrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco en 1986. Au cours des années 1990 et 2000, la ville montre un nouveau dynamisme et une forte croissance, mais elle subit d'importantes destructions au cours de labataille d'Alep de 2012 à 2016.
L'interprétation selon laquelle le nom de la ville viendrait de « halab Ibrahim » (« Abraham a trait ») (arabe : حَلَبḥalab,traire (le lait) ou Alep) est totalement contestée sur le plan historique et linguistique.[réf. nécessaire]
Le nom francophone Alep dérive du nom arabe prononcé Halab. Une hypothèse fait remonter ce mot à l'amorriteHalaba au deuxième millénaire av. J.-C. signifiant« blanc » en référence à la couleur de la terre et du marbre abondant dans la région[2]. Elle a aussi pour surnom en arabe moderneach-Chahbaa' (الشهباء), qui veut aussi dire« la blanche ».
La situation septentrionale d'Alep en Syrie permet à la ville de bénéficier d'unclimat méditerranéen, plutôt sec et avec des influencescontinentales se caractérisant par des étés très chauds et secs et par des hivers frais et pluvieux contrairement au sud de la Syrie, caractérisée par un climat désertique chaud.
Elle est ensuite occupée en 88av. J.-C. parTigrane le Grand et entre dans leroyaume d'Arménie, mais Tigrane est vaincu par lesRomains etPompée fait de la Syrie en 64av. J.-C.une province romaine. Cela donne une certaine stabilité à la région pendant trois siècles dontBeroia profite largement. La province est administrée par unlégat. L'administration et l'élite continuent à parler grec qui sert également delingua franca dans tout le Moyen-Orient.
La mosquée d'Abraham de lacitadelle d'Alep, ancienne église byzantine.
Les noms de plusieurs évêques deBeroia de la province deSyria Prima sont rapportés dans les documents écrits qui nous sont parvenus. L'un des premiers est saintEustathe d'Antioche qui, après avoir été évêque deBeroia, est devenupatriarche d'Antioche, juste avant lepremier concile de Nicée en 325. Son successeur sur le siège deBeroia est l'évêque Cyrus dont on rappelle la fidélité au symbole de Nicée qui lui vaut l'exil de la part de l'empereurConstance II. Après leconcile de Séleucie[5] en 359, convoqué par Constance,Mélèce est transféré deSebastia àBeroia (Béroé), mais l'année suivante, il est promu au siège d'Antioche. Son successeur àBeroia est Anatolius qui assiste au concile d'Antioche en 363. Sous la persécution de l'empereurValens, l'évêque est un certain Theodotus, ami deBasile le Grand.Acace de Béroé lui succède et reste en place pendant cinquante ans. Il participe aupremier concile de Constantinople en 381 et auconcile d'Éphèse de 431. Théoctiste arrive ensuite en 438. Il participe auconcile de Chalcédoine en 451 et signe en 458 une supplique des évêques de la province de Syrie à l'empereurLéon le Thrace à propos du meurtre deProtérius d'Alexandrie. En 518, l'empereurJustinIer exile l'évêque de Béroé (Beroia) Antonin pour avoir rejeté le concile de Chalcédoine. Le dernier évêque connu de ce siège est Megas, qui participe à un synode en 536, convoqué parMennas de Constantinople[6],[7]. Après la conquête arabe, Béroé cesse d'être un siège ecclésiastique. C'est aujourd'hui unsiège titulaire (in partibus) pour l'Église catholique[8].
Quelques rares éléments architectoniques demeurent de cette période, notamment dans lacitadelle d'Alep. Ses deux mosquées sont d'anciennes églises byzantines reconverties enmosquées[9] sous lesMirdassides auXIe siècle.
Sous lesOmeyyades, la ville connaît une certaine stagnation. En 944, elle devient la capitale desHamdanides. C'est l'âge d'or d'Alep. L'émir Sayf al-Dawla en fait un prestigieux centre littéraire et le point chaud de la lutte entre les musulmans et les Byzantins. En 962, Alep estprise et incendiée par le général byzantinNicéphore II Phocas. La ville est reprise par les Hamdanides et reconstruite mais ne recouvre pas sa splendeur. Elle passe ensuite auxFatimides puis auxSeldjoukides. Possession dusultanat de Roum, elle est conquise en 1086 parTutuş, émir de Damas, qui se proclame ensuite sultan seldjoukide de Syrie. À sa mort, ses émirats sont partagés entre ses deux fils, qui se détestent. Il va s'ensuivre une rivalité entre les deux émirats qui va survivre longtemps à l'extinction de la descendance deTutuş.
En 1098 et 1124, Alep est assiégée par lescroisés, qui échouent devant ses murs. En représailles aux exactions commises par lecomte d'Édesse en 1123 dans les environs d'Alep, le cadi de la ville fait détruire le chœur de la plupart deséglises et les transforme en mosquées[10]. Lié à Mossoul qui le protège des attaques des Latins, l'émirat se retrouve dans l'empirezengide, avant de devenir le centre du pouvoir deNur ad-Din.
En 1138 a lieu un destremblements de terre les plus mortifères de l'histoire. En 1183, il revient àSaladin et à la dynastie desAyyoubides. Alep devient alors un grand centre de vie intellectuelle et religieuse ; de nombreuses madrasas y sont élevées ; sa citadelle et ses murailles sont rebâties[11].
En 1260, Alep est prise par lesMongols avant d'être reprise par lesmamelouks en 1317. Après sa prise en main par les mamelouks, ces derniers décident d'entamer une reconstruction de la cité qui retrouve sa magnificence. Dans la deuxième moitié du XIVe siècle, on rapporte que les édifices construits à Alep dépassent en beauté ceux de Damas, plusieurs institutions religieuses et éducatives sont construites ainsi que des Khans remarquables, La ville retrouve à cette période une place commerciale et artisanale majeure et devient un carrefour de circulation des biens et marchandises dans la région[12].
En 1400, le Turco-MongolTamerlan reprend la cité aux mamelouks. Il préside au massacre d'une grande partie de ses habitants et il ordonne qu'une tour de vingt mille crânes soit érigée à l’extérieur de la ville[13]. Après le retrait des Mongols, la population musulmane retourne à Alep, alors que les chrétiens préfèrent s'établir dans le nouveau quartier deJdeïdé-Salibé au cours duXVe siècle[14].
En 1682, dans son ouvrageThéâtre de la Turquie, où sont représentées les choses les plus remarquables qui s'y passent…[15], le missionnaire capucin Michel Febvre décrit une ville cosmopolite où quatorze religions différentes cohabitent formant autant de nations et de langues[16]. Parmi les non-chrétiens, il cite lesTurcs, lesArabes, lesKurdes, lesDruzes, lesTurcomans, lesYazidis et lesJuifs. Parmi les chrétiens, il cite lesmaronites, lesgrecs-orthodoxes, lesArméniens, lessyriaques, lesnestoriens, lescoptes[17] ; les minorités chrétiennes sont spécialisées dans la production textile[18] ; certains font partie d'une véritable aristocratie, comme le laisse découvrir lamaison Ghazaleh, splendide demeure ottomane, ayant appartenu pendant deux siècles à une riche famille chrétienne.
Cependant, jusqu'en 1940, le tissu historique reste presque intact, une majorité des Alépins continuant de vivre dans la vieille ville. En 1944, la population de la ville s'élève à environ 325 000 habitants dont 112 110 (34,5 %) sont chrétiens (parmi lesquels 60 200 sont d'originearménienne). En décembre 1947, lepogrom d'Alep, une émeute antisémite, éclate dans la ville faisant 75 morts et de nombreuses destructions dans la communauté juive locale. Lejardin public d'Alep est inauguré en 1949 ; de grands travaux modernisent la ville à cette époque.
En 1973, après queHafez el-Assad a proposé une constitutionlaïque pour le pays, des émeutes islamistes éclatent à Alep. Celui-ci est contraint de trouver un compromis et fait inscrire dansla Constitution que le Président doit être musulman[20]. La fin des années 1970 est marquée par lemassacre de l'École d'artillerie d'Alep le par lesFrères musulmans qui exécutent 83 cadets de l'armée, principalement desAlaouites.
À partir des années 1990, à la suite de mesures de libéralisation des échanges avec la Turquie[21], la ville connaît une période de croissance, et devient la capitale économique du pays, appréciée pour son dynamisme et son esprit d'entreprise[22]. Elle connaît également une forte croissance démographique provoquée par unexode rural.
Avant le conflit, Alep atteint presque trois millions d'habitants[22], lessunnitesarabes sont majoritaires et représentent 65 % de la population, lesKurdes 20 %, leschrétiens 10 %, lesalaouites 5 %, sans compter une petite minorité deDruzes et d'ismaéliens. La population est jeune, près de 40 % de sa population a moins de 15 ans[22].
C'est une ville industrielle et commerçante, véritable capitale économique de la Syrie. Les quartiers de l'ouest et du centre, avec notamment Chahba et Haleb el-Jedid (le Nouvel Alep), sont les plus riches, habités par la bourgeoisie, les chrétiens et les Alépins d'origine. Les quartiers est, comme Sakhour, Chaar, Salheen et Hanano, sont les plus modestes, peuplés par une population originaire des campagnes. Le quartier d'Hamdaniyé, au sud-est, est celui des fonctionnaires, là où les alaouites sont également les plus présents. Les Kurdes occupent quant à eux principalement le quartier deCheikh Maqsoud, au nord[23],[24],[25],[26],[27].
À partir de 2011, la ville est le théâtre de manifestations contre le régime deBachar el-Assad, sans être toutefois les plus massives observées dans le pays[28]. La population est divisée et conserve le souvenir de la répression dusiège de 1980 et 1981[25],[28],[29],[30].
Labataille d'Alep commence le par une offensive des rebelles[31],[32],[33]. Rapidement, ces derniers s'emparent de plusieurs quartiers mais échouent à emporter la totalité de la ville[34]. Alep se retrouve alors divisée entre les quartiers ouest, tenus par le régime, et les quartiers est, tenus par l'opposition.
Pendant plusieurs années, loyalistes et rebelles s'affrontent dans la ville d'Alep. Des dizaines des factions armées combattent dans les deux camps. De 2012 à 2014, le groupe rebelle dominant à Alep est leLiwa al-Tawhid, affilié à l'Armée syrienne libre, mais ce dernier se désagrège après la mort de son chefAbd al-Qader Salah[31],[35],[36],[37]. En 2015, plusieurs dizaines de groupes insurgés se rassemblent au sein de la coalitionFatah Halab[38],[39]. De son côté, l'armée arabe syrienne est progressivement supplantée par des groupes paramilitaires locaux et des milices chiites irakiennes, libanaises et afghanes soutenus par l'Iran[40],[41]. L'État islamique en Irak et au Levant s'implante également à Alep en 2013, mais il en est chassé en par les rebelles[42],[43],[44],[45]. De leur côté, les Kurdes desYPG tiennent un quartier au nord de la ville, et nouent ponctuellement des alliances opportunistes, tantôt avec le régime et tantôt avec les rebelles[26].
Une rue de la vieille ville d'Alep, en ruines après les combats, le.
L'intervention militaire de laRussie à la fin de l'année 2015 finit par faire pencher la balance en faveur du régime. En, Alep-Est est totalement encerclée[46],[47]. Depuis l'extérieur, l'Armée de la conquête parvient en août à faire une percée et à briser le siège[48], mais ce dernier est rétabli en septembre[49],[50]. Deux cent cinquante à trois cent vingt-six mille personnes se retrouvent alors encerclées dans les quartiers est[51],[52].
Au cours de la bataille, les bombardements commis aussi bien par les forces aériennes du régime que par les tirs d'artillerie rebelles font des milliers de victimes civiles, essentiellement dans les quartiers est. Proportionnellement, les frappes loyalistes et russes sont cependant d'une ampleur bien supérieure[53],[54],[55]. Le camp loyaliste largue desbarils explosifs par hélicoptère (y compris certaines contenant du chlore, on parle alors d'attaques chimiques attribuées aux deux camps, mais seules desattaques commises par le régime ont pu être mises en évidence), et bombarde intentionnellement les casernes desCasques blancs de la Défense civile syrienne et les hôpitaux[56]. Après le début du siège, la population commence également à souffrir de la faim[56].
Lesouk d'Alep est gravement incendié les 28 et, la mosquée Khousrouwiyah datant duXVIe siècle est détruite par des bombardements rebelles à l'été 2014, ainsi que l'entrée de lacitadelle d'Alep. Lamosquée al-Atrouche est gravement endommagée, la bibliothèque des Waqifiyya incendiée, et le minaret de lamosquée omeyyade d'Alep tombe sous les bombardements. En tout, cent vingt-et-un bâtiments historiques sont détruits ou endommagés dans la vieille ville d'Alep[57]. En, l'ONU annonce qu'Alep-Est pourrait être « totalement détruite » d'ici à la fin 2016[58]. La bataille d'Alep prend fin le et se conclut par une victoire du régime syrien et de ses alliés après plus de quatre ans de violents combats, et le déplacement de la population assiégée. Les réflexions sur la reconstruction de la ville ont commencé[59].
Lavieille ville d'Alep est constituée d'un tissu urbain singulier qui témoigne de sa longue histoire marquée par différentes civilisations. Certaines constructions historiques se démarquent, notamment lacitadelle d'Alep qui domine l'ensemble, mais aussi lagrande mosquée,le souk, les madrasas et hammams[68].
À partir duXVIIe siècle, les missionnaires catholiques venus d'Europe se déploient auprès des chrétiens orientaux de la ville qui existent ici depuis les origines du christianisme[69] et formant une élite chrétienne encore présente aujourd'hui dans la ville. Cependant sur les 250000 chrétiens présents avant la guerre civile, les observateurs estiment qu'il n'en restait plus que 40000 à Alep-Ouest en 2017[70].
L'hôtel Carlton, ancien hôpital national, avant qu'il ne soit détruit par les rebelles en mai 2014.
La cuisine d'Alep est une cuisine urbaine, très élaborée. Elle mélange des influences persanes, européennes, asiatiques et ottomanes. Deux techniques lui sont caractéristiques, il s'agit de celle dufeuilleté, technique persane qui consiste à enrober de pâtes. Cela est très répandu pour lesHaluwyat ainsi que pour les petits chaussons garnis comme lessamboussek ou encore lesravioles. De même, la technique du farci pour les boyaux et les légumes évidés (courgettes etaubergines que l'on nommemahchis), héritage ottoman. La cuisson type friture, d’origine méditerranéenne fut très développée par les Arabes. Les salades sont aussi passées à partir duXVIIIe siècle dans laMéditerranée arabe et sont aujourd'hui des mélanges variés de saveurs et de couleurs. Alep est enfin célèbre pour seskebbeh aux différentes formes, qui sont constituées d'une couche externe mélangeantboulghour et pâte de viande fraîche et une garniture de viande hachée grillée avec desoignons et des fruits secs. Enfin, de nombreux condiments, aromates et épices, relèvent les plats, notamment lecumin, lesumac et le mélange des sept épices. D'un groupe religieux à l'autre les plats circulent, mais parfois la frontière devient non poreuse.
L'évolution la plus visible en termes de pratiques alimentaires concerne le développement des repas pris à l'extérieur. L'offre est croissante et contribue à ce déplacement progressif du lieu de consommation des repas. De nombreuses rues de la ville se transforment rapidement avec les nouveaux commerces et nouveaux espaces de consommation. L'émergence de nouvelles modes et pratiques alimentaires se fait au travers de ces nouveaux espaces de consommations. À l'origine, les restaurants sont destinés aux voyageurs de passage. Ils accueillent actuellement les familles, les hommes d'affaires et les groupes d'amis. La ville offre un éventail d'espaces de restauration à ambiances, décors, tablées et clientèles très variées. Certains restaurants délimitent un espace pour les femmes et les familles, et un espace pour les hommes.[réf. souhaitée]
Alep était, avant la guerre, la capitale économique du pays, avec plus de 97 000 entreprises privées, et 35 % des emplois manufacturiers du pays[22].
Alep, carrefour routier et ferroviaire historique affaibli auXXe siècle, a retrouvé son ancienne activité commerciale dans les années 1990[22]. Son artisanat traditionnel est alors toujours florissant, et son activité industrielle se développe (industries agroalimentaires, textiles[71], cimenterie, verrerie, chimie, constructions mécaniques, etc.). La zone industrielle deCheikh Najjar est aussi grande que la ville d'Alep elle-même. Elle comptait près de 3 000 usines, et représentait à elle seule le tiers de la production industrielle du pays, et le quart de ses exportations au déclenchement de la guerre civile en Syrie en 2012. La zone a été l'une des premières régions à être prise par la rébellion. Celle-ci a démantelé nombres d'usines et vendu les machines et autres équipements hors du pays.
Malgré son classement au patrimoine mondial de l'humanité, le tourisme n'était pas très développé avant la guerre[22]. Pourtant la croissance de la ville s'accompagna dans les années 2000 d'un développement croissant de services pour les touristes : hôtels, restaurants et commerces reprennent ainsi possession des maisons nobles de la ville, des khans. Cette croissance s'est brutalement stoppée avec le début de la guerre…
La ville accueille sur son territoire lestade international d'Alep qui a déjà accueilli une compétition internationale. La ville est aussi connue pour son club de football,Al Ittihad Alep, l'un des meilleurs de Syrie aux côtés du Club Al Jalaa Sport. Club Al Jalaa a été fondé en 1949 sous le nomالشبيبة الرياضية « la jeunesse sportive ». Dans ce club sont pratiqués plusieurs sports (tels que le tennis, le football, le volleyball, la natation) mais la renommée du club est surtout due au basket, un des sports les plus populaires à Alep.
↑Pauline BosredonHabiter et aménager les centres anciens. Les reconfigurations du rapport des acteurs à la vieille ville par le classement au patrimoine mondial : une comparaison entre Harar en Éthiopie et Alep en Syrie, faculté de géographie de l'université de Rennes 2, 2009,p. 123.
↑Jean-Claude David et Thierry Boissière,Alep et ses territoires. Fabrique et politique d’une ville (1868–2011), Presses de l'Ifpo,(ISBN978-2-35159-389-9,lire en ligne).
↑abcdef etgAnne-Aël Durand et Gary Dagorn, « Syrie : à quoi ressemblait la ville d'Alep avant la guerre ? »,lemonde.fr,(ISSN1950-6244,lire en ligne, consulté le).