Variation de l'albédo par ciel clair selon la surface.
L'albédo, oualbedo (sans accent), est le pouvoir réfléchissant d'une surface, c'est-à-dire le rapport du flux d'énergie lumineuseréfléchie au flux d'énergie lumineuseincidente. C'est unegrandeur sans dimension, comparable à laréflectance, mais d'application plus spécifique, utilisée notamment enastronomie,climatologie etgéologie.
L'albédo, dans sa définition la plus courante ditealbédo de Bond, est une valeur comprise entre 0 et 1 : uncorps noir parfait, qui absorberait toutes leslongueurs d'onde sans en réfléchir aucune, aurait un albédo nul, tandis qu'un miroir parfait, qui réfléchirait toutes les longueurs d'onde, sans en absorber une seule, aurait un albédo égal à 1. D'autres définitions, dont celle de l'albédo géométrique, peuvent donner des valeurs supérieures à 1.
Le terme albédo (en anglaissingle scattering albedo[5],[6]) est également utilisé entransfert radiatif pour décrire la part de ladiffusion dans l'extinction totale d'un milieu semi-transparent. Il s'agit donc d'une quantité comprise entre 0 (pas de diffusion) et 1 (pas d'absorption).
Lalave a un albédo très faible et réfléchit peu la lumière : elle apparaît noire ; alors que la neige fraîche, d'un albédo très élevé, paraît très blanche.
L'appareil qui mesure l'albédo est unalbédomètre, composé d'un ou deuxpyranomètres. Dans la pratique, un corps est perçu commeblanc dès qu'il réfléchit au moins 80 % de la lumière d'une source lumineuse blanche (par exemple, de la neige fraîche ou certains nuages). À l'inverse, tout corps réfléchissant moins de 3 % de la lumière incidente (dugoudron, l'eau calme d'unlac) paraîtnoir.
L'albedo dépend de lacomposition chimique de la chose étudiée, ce qui aura un impact notamment quand un nom unique est utilisé pour des choses différentes (par exemple, « sable », qui désigne un matériau granulaire dont la composition est très variable selon son origine, ouforêt, selon le type d'arbres qui la compose). Il dépend également de la forme physique de la chose, pour une composition chimique inchangée : par exemple, bien que lesnuages, laglace et laneige ne sont essentiellement que de l'eau, leur albedo est bien plus grand que celui de la mer ou d'un lac, et va beaucoup varier selon qu'ils sont composés deflocons, debilles de glace ou deglace compacte. L'état de surface aura également son importance : de même qu'un marbre poli réfléchi plus que le même brut, une mer calme ou agitée n'ont pas le même albédo. Les couverts végétaux ont un albédo variable selon leur stade de développement et la saison, faible quand photosynthèse est active, plus fort quand ils sont secs.
L'albédo influe grandement sur la quantité d'énergie qui atteint effectivement la planète, ce qui en fait un facteur essentiel duclimat. Mais en retour cette quantité d'énergie influe sur l'albedo notamment en modulant la couverture nuageuse et les surfaces couvertes par la glace. Larétroaction estcomplexe, avec des composantes positives qui l'amplifie, et des composantes négatives qui la contrarie[11]. Parmi les composantes positives, un refroidissement entraîne une extension des glaces continentales (inlandsis etglaciers) et marines (banquise), et donc une augmentation de l'albédo ; la planète réfléchit davantage lerayonnement solaire, en absorbe moins, ce qui amplifie son refroidissement (et réciproquement en cas deréchauffement : moins de glace, albedo réduit, réchauffement accru). À l'inverse, dans certaines conditions un réchauffement augmente l'évaporation, la quantité d'eau dans l'atmosphère et donc la quantité de nuages, qui augmentent l'albédo et réduisent le réchauffement. Les interactions sont d'autant plus complexes que l'importance de l'albedo varie selon quantités de facteurs, dont l'alternance diurne, la latitude et la saison (pendant la nuit en général (et en particulier aux pôles pendant lanuit polaire), l'énergie du soleil n'étant pas reçue il importe peu dans quelle proportion elle serait réfléchie ou absorbée et donc l'albedo a une importance très faible)[11].
Ainsi l'albédo est l'un des paramètres à étudier si l'on s'intéresse à la température de la surface de la Terre, et qu'on envisage de modifier si on veut jouer avec le climat (global ou local), ce qui peut se faire de différentes façons : réduire l'albedo en remplaçant des champs ou des déserts par des forêts, des prairies, voire des champs d'appareilsphotovoltaïques, ou en recouvrant des glaces (ou plus généralement des surfaces) de poussières sombres (suies), ou l'augmenter par la réduction des surfaces sombres au profit de surfaces plus claires (revêtement des routes et des toits plus clairs en ville par exemple) ou par l'ensemencement des nuages[12]. En l'absence de recul et de maîtrise de la technologie, cette piste reste d'usage localisé, au niveau demicroclimat et notammenturbain[13], ou comme sous-produit d'actions dont le but est différent (guerre météorologique, accroissement des pluies...).
Un diagramme de l'EPA illustre l'albédo de différentes surfaces : de 10 à 15 % pour la tôle à 50 % à 90 % pour un toit peint en blanc.Toiture peinte en blanc à Paris en 2024, dans une démarche de réduction des îlots de chaleur par augmentation de l’albédo.Vue au microscope électronique de pigments thermochromiques, qui s'éclaircissent (augmentation de l'albédo) quand la température dépasse28 °C[14].Micrographies optiques (au stéréomicroscope) d'un pigment thermochromique. Image (a) : en sous de la température de transition de couleur, qui est pour ce matériau de28 °C et (b) au-dessus de cette valeur. En réalité, vu par l'œil humain sur une grande surface, le matériau apparaît noir dans le premier cas, et clair dans le second[14].
Un dispositif proche « (cool roofing ») àNew York a consisté à peindre des toits en blanc, a diminué leur température (jusqu'à15 °C de moins)[21] ; New-York, plus d'un million de mètres carrés auraient ainsi été peints en blanc entre 2009 et 2023[18].
AParis également, ces solutions de toitures claires ou réfléchissantes, « cool roofing », sont mises en œuvre lors de rénovations énergétiques afin d’augmenter l’albédo urbain et de limiter les effets d’îlots de chaleur[22].
Un rapport estime que pour lesblocs d'immeubles, peindre en blanc murs et trottoirs permettrait une économie d'énergie liée à la climatisation de 10 à 30 %[23] voire 40 % si le toit est peint en blanc[18] (peindre une toiture sombre en blanc peut entraîner une réduction de la température de 6 à7 °C en été sous ce toit)[18]. Le PTFE a la meilleure performance avec uneréflectivité supérieure à 0,9 sur le spectre des longueurs d'onde reçues du soleil (avec 80 % des UV réfléchis vers le ciel, soit bien plus que pour la plupart des autres matériaux blancs)[19].
Cette modification importante des propriétés radiatives des surfaces construites[24],[19], peut « passivement »[25] significativement diminuer les effets des bulles de chaleur urbaines sur le confort intérieur, mais n'est cependant pas dénuée d'inconvénients[18] :
durant la journée, toutes les fois où l'indice UV est élevé, la peinture blanche réflégissante contribue (par temps ensoleillé ou non) à renvoyer lesUV solaires vers l'atmosphère, ce qui exacerbe alors lapollution photochimique et en particulier la production d'ozone troposphérique (des basses couches de l'atmosphère). Or l'ozone est l'un despolluants de l'air problématique, qui est déjà en forte croissance ;
A un instant T, dans un logement sous une toiture ou terrasse de couleur blanche, la consommation énergétique d'une climatisation est diminuée. Mais en réfléchissant lesinfrarouges reçus du soleil vers la basse atmosphère, le blanchiment du bâti contribue aussi à réchauffer les basses couches de l'air par temps ensoleillé, en générant peut-être des effets convectifs encore mal compris[26]. Si la masse d'air environnante contient despoussières, de lavapeur d'eau ou desparticules (ex. :noir de carbone fréquent dans les villes et contextes industriels), et qu'il y a peu de vent, elle absorbera une partie des infrarouges réverbérés par la peinture, et se réchauffera. Ainsi, en été, à la Rochelle, on a montré que les bâtiments thermiquement isolés participent davantage à l'îlot de chaleur urbain, même si le toit est blanchi[26] (ce qui permet néanmoins au logement de moins surchauffer la journée si ses fenêtres restent fermées).
dans les pays froids en hiver, ou dans les régions tempérés (pour des toitures peu ou malisolés thermiquement), la peinture blanche, en hiver, réfléchira aussi les rayons du soleil qui auraient pu réchauffer le bâtiment ce qui peut entraîner une surconsommation d’énergie pour le chauffage, au détriment des effets espérés d'économies d'énergie et de moindre émission de GES. Une étude (2016)[27] néo-zélandaise a comparé la température des toitures, et des pièces sous-jacentes (au plafond isolé) de deux bâtiments voisins et de structure presque identiques àAuckland, l'un avec un toit métallique rouge et l'autre avec un toit métallique blanc. L'étude a conclu qu'en automne et en hiver, sous le climat tempéré d’Auckland,« la couleur du toit d’une structure isolée au plafond a très peu d’impact sur la température de l'espace occupé et isolé thermiquement, mais que pendant les périodes les plus chaudes de la journée, il peut y avoir jusqu'à10 °C de différence de température dans le toit lui même ».
les terrasses blanches, et même les toits blancs, surtout s'ils sont peu inclinés, et notamment en ville ou en contexte industriel s'encrassent rapidement, devenant gris ou plus ou moins recouverts de lichens et de biofilms de cyanobactéries, mousses, champignons, etc. faisant que les architectes et urbanistes, pour des raisons esthétiques et de coût et difficultés de rénovation/entretien, se refusent souvent à les utiliser[28]. À la différence des peinture à la chaux traditionnelles, les peintures modernes conçues pour l'extérieur des bâtiments contiennent pour cette raison desbiocides parfois ditsagents antisalissants, toujours toxiques et écotoxiques. Ils sont retrouvés dans leseaux pluviales qui ont ruisselé sur la peinture (une étude sur leur lessivage par les pluies a en outre constaté que l'on trouve dans ces peintures des biocides non déclarés par le fabricant, et que« les concentrations de certains biocides [dans l'eau de ruissellement] peuvent atteindre des niveaux importants, en particulier après des pluies de faible intensité. »[29], ce qui est un problème alors que dans le contexte du dérèglement climatique, la récupération et utilisation des eaux de toiture est l'un des moyens de faire face aux pénurie d’eau dans le monde[30], parfois directement sur des toitures support d'une production maraîchère sur toiture dans le cadre d'uneAgriculture urbaine[31].
le pigment le plus couvrant et le plus réfléchissant, et maintenant largement le plus utilisé dans les peintures industrielles blanches commercialisées pour un usage extérieur est ledioxyde de titane (classé cancérogène possible quand il est inhalé ou ingéré sous forme de particules fines).
enfin, lors decanicules extrêmes, un matériau réfléchissant (qui renvoie la chaleur reçue du soleil dans l'air) ne suffit pas à protéger les personnes. Ainsi, à la Mecque, le sol qui entoure laKaaba et la toiture de la galerie périphérique ainsi que les arches qui la supportent sont faits de marbre blanc poli qui réfléchit la lumière vers le ciel. En juin 2024, lors duHadj, près de 1000 personnes sont mortes de chaud, et certains pèlerins on décrit le sol du déambulatoire qui entoure sur une terrasse la cour centrale commebrûlant[32].
Selon Maxime Doya (2010),« les performances des toitures cool sont exemplaires pour les structures dont l’emprise au sol est supérieure à la surface des façades, mais le piégeage radiatif entre les façades des rues canyons (de son étude) rend le résultat moins évident » ; les gains seront ainsi en France« très faibles envaleur absolue pour de petites toitures sur des bâtiments résidentiels (thermiquement isolés) », mais la pose de revêtements réfléchissants est« économiquement rentable sur des bâtiments de type supermarchés »[26].
En Italie, Massimo Calovi et al. (2023) ont expérimentalement réussi à utiliser lethermochromisme de certains matériaux (sphérules thermochromiques). Ces matériaux permettent théoriquement de créer des peintures ou matériaux organiques pouvant naturellement s'éclaircir sous l'effet de la chaleur et foncer sous l'effet du froid, sous un vernis transparent les protégeant contre une dégradation trop rapide ; des questions de coût et d'écotoxicité sont encore à étudier[14].
En modélisation de réacteurs nucléaires, l'albédo d'un réflecteur de neutrons décrit sa capacité à restituer au réacteur les neutrons qui tentent de s'échapper.
L'albédo est utilisé enastronomie pour avoir une idée de la composition d'un corps trop froid pour émettre sa propre lumière, en mesurant la réflexion d'une source lumineuse externe, comme leSoleil. On peut différencier ainsi facilement lesplanètes gazeuses, qui ont un fort albédo, desplanètes telluriques qui ont, elles, un albédo faible.
Les astronomes ont affiné cette définition en distinguant d'une part l'albédo de Bond, correspondant à laréflectivité globale d'unobjet céleste pour toutes leslongueurs d'onde et tousangles de phase confondus, et d'autre part l'albédo géométrique, correspondant au rapport entre l'intensité électromagnétique réfléchie par un astre à angle de phase nul et l'intensité électromagnétique réfléchie à angle de phase nul par une surface équivalente àréflectance idéalement lambertienne (c'est-à-direisotrope quel que soit l'angle de phase) : conséquences de ces définitions, l'albédo de Bond est toujours compris entre 0 et 1, tandis que l'albédo géométrique peut être supérieur à 1.
Avant d'installer un équipement utilisant l'énergie solaire, il est important de connaître l'éclairement énergétique au niveau du sol, c'est-à-dire la quantité de lumière solaire reçue au sol. Pour cela, une des techniques les plus efficaces est l'utilisation desatellites d'observation terrestre. Le satellite deMétéosat de seconde génération est ainsi capable de fournir des mesures précises toutes les 15 minutes sur l'éclairement énergétique au niveau du sol du continent européen.
Le calcul de la luminance au sol intéresse également de nombreux autres domaines, comme :